Image

HABITAT ET ENVIRONNEMENT URBAIN
AU VIÊT-NAM

L’Agence de la Francophonie (ACCT) et le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) ont contribué à la publication de cet ouvrage.

Les noms de lieux ou de personnes et leur orthographe, les limites territoriales, les idées et opinions exprimés dans cet ouvrage, n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient être considérés comme reflétant un point de vue ou une position officielle de l’Agence de la Francophonie ou du Centre de recherches pour le développement international.

Couverture : La rue Hang Dao, une rue commerçante du Quartier des 36 rues à Hanoi.

© Éditions KARTHALA et CRDI, 1997
ISBN (KARTHALA): 2-86537-780-6
ISBN (CRDI) : 0-88936-825-2

Habitat
et environnement urbain
au Viêt-nam

Hanoi et Hô Chi Minh-Ville

SOUS LA DIRECTION DE

René Parenteau

Image

Image

International Development Research Centre
Centre de recherches pour le développement international

Le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) est une société d’État créée par le Parlement du Canada en 1970 afin d’aider les pays du Tiers monde à trouver des solutions viables à leurs problèmes sociaux, économiques et environnementaux par la recherche.

Le CRDI finance les chercheurs des pays en développement et maintient des réseaux d’information et d’échange qui permettent aux Canadiens et à leurs partenaires du monde entier de partager leurs connaissances, et d’améliorer ainsi leur destin.

Le CRDI possède un secteur d’édition avec un catalogue disponible.

Siège social : B.P. 8500, Ottawa, Canada K1G 3H9
Tél. : (I-613) 236–6163, Télécopieur : (I -613) 238–7230, Internet: www.idrc.ca

La recherche et les travaux de construction de cet ouvrage ont été financés par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI, Canada) - Bureau régional de l’Asie à Singapour.

Nos remerciements vont à Stephen Tyler qui a soutenu et orienté les travaux de ces recherches et qui a influé sur la composition et la rédaction de cet ouvrage.

AVERTISSEMENT

Les travaux qui ont produit les informations contenues dans cet ouvrage ont été réalisés par:

– l’Université d’Architecture de Hanoi, sous la direction de Dang To Tuan et avec la participation de Nguyen Huu Dung, coordonnateur; Nguyen To Lang, Nguyen Ba Dang, Nguyen Thi Phuong, Nguyen Van Lien, Nguyen Van Do, Nguyen Huu Nhan, Nguyen Chi Thanh, Nguyen Viet Huong, Nguyen Viet Chau, Vu An Khanh, Le Hoai Thao, Nguyen Khanh Hoi, Vuong Ngoc Luu, Pham Dinh Nhiem, Hoang Bich Lan;

– l’Institut de Sociologie du Centre national des sciences sociales et humaines du Viêt-nam, sous la direction de Tuong Lai et avec la collaboration de Trinh Duy Luan, Nguyen Quang Vinh, Nguyen Nga My, Quynh Huong, Dang Thanh Truc, Nguyen Thi Lan, Nguyen Thu Sa, Le Thanh Sang, Do Minh Khue, Phung To Hanh, Nguyen Linh Chi, Nguyen Quoi, Nguyen Thi Phuong Thao, Nguyen Vi Nhuan;

– l’Université d’Architecture de Hô Chi Minh-Ville, sous la direction de Mai Ha San et avec la participation de Nguyen Hong Dao, Le Trong Hai, Tran Khang, Nguyen Thi Ngoc Lan, Nguyen The Cuong, Nguyen Van Lien, Tran Van Khai;

– l’Institut de planification rurale et urbaine du ministère de la Construction du Viêt-nam, sous la direction de To Thi Minh Thong et avec la participation de Le Dao Luan, Nguyen Huy Duc, Ngo Xuan Hong, Dao Danh Dung, Tran Anh Minh, Bui Trung, Cao Sy Que, Ho Lan Huong, Nguyen Van Thi, Tran Nga Phung, Vo Van Tuan, Duong Manh Thao, Lam Son Hoang

avec le financement du CRDI (Canada) entre 1993 et 1996.

Ont collaboré à la rédaction et à la composition:

Frédéric Durand, pour l’Annexe bibliographique; Fergus Maclaren, Luc Champagne et France Cloutier.

Page laissée vide intentionnellement

Avant-propos

Les conditions de la transition entre une économie planifiée et une économie de marché ont entraîné des modifications importantes au Viêt-nam. Les appareils du gouvernement ont été restructurés et les programmes revus et corrigés. Dans le domaine du logement, par exemple, le programme de logement subventionné a été pratiquement arrêté et remplacé par des programmes plus petits et plus ciblés; ces programmes exigent une participation des ménages.

Généralement, dans le domaine du logement et du développement urbain, ces changements de programmes ont été perçus comme un retrait subit et important de l’État. Dans le même temps, les besoins des populations vont croissant et prennent des dimensions nouvelles. La croissance économique dans les villes crée des besoins nouveaux, mais elle suscite aussi des attentes. Les bénéfices de cette croissance sont très inégalement répartis; des écarts importants se creusent entre les couches des populations urbaines. Ces phénomènes sont encore aggravés par les mouvements migratoires des populations rurales vers les villes.

Les autorités nationales, régionales et locales sont de plus en plus préoccupées par une augmentation de la pauvreté urbaine. Cette pauvreté est de plus en plus visible dans les conditions de logement et d’accès aux infrastructures urbaines de base. La préoccupation des autorités locales a engagé une réflexion pour améliorer la qualité du logement et des services urbains pour les populations les plus pauvres. Cependant, les conditions de la pauvreté urbaine et la dynamique d’appauvrissement de couches importantes de la population sont mal connues et mal documentées. La formulation de programmes orientés vers l’amélioration du logement et des services a été jusqu’à maintenant peu éclairée par les expériences engagées ailleurs dans d’autres pays en développement. Les experts et les chercheurs vietnamiens sont peu familiers avec les exigences d’analyses complexes orientées vers l’élaboration de stratégies diversifiées.

En 1990, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI-Canada) a invité des chercheurs vietnamiens à se définir un programme de recherches sur la pauvreté urbaine. Ce programme a été accepté et financé en 1992. Les chercheurs vietnamiens l’ont réalisé entre 1993 et 1996. Le présent ouvrage en présente les résultats.

Le programme de recherches visait à développer les capacités de recherche et à renforcer la collaboration de plusieurs institutions vietnamiennes dans le domaine des politiques du logement et du développement urbain. Il comptait plusieurs objectifs communs aux quatre institutions vietnamiennes participantes : produire des données nouvelles sur la pauvreté urbaine et dégager des lignes d’analyse; documenter les conditions de vie des pauvres en milieu urbain; développer des capacités d’analyses théorique et empirique dans le domaine du développement urbain; développer et expérimenter des méthodes d’analyse appliquées au logement économique et aux services urbains dans une économie de marché; évaluer, par rapport au contexte vietnamien, l’expérience de grandes villes du Sud-Est asiatique dans le même domaine.

Les travaux ont été organisés par les quatre institutions vietnamiennes partenaires, qui se sont donné une structure de coordination et qui se sont partagé les tâches. L’Université d’Architecture de Hanoi (UAH) a coordonné l’ensemble des travaux. L’Institut de Sociologie, du Centre national des sciences sociales et humaines (CNSSH), a produit des données originales sur la pauvreté urbaine à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville, et sur les conditions de vie des pauvres dans ces deux villes. L’Université d’Architecture de Hanoi a détaillé l’analyse des conditions de vie des pauvres à Hanoi (logement, équipements et environnement); les chercheurs de cette université ont évalué des interventions ciblées sur des types de logements à Hanoi et ils ont proposé des instruments d’intervention. L’Université d’Architecture de Hô Chi Minh-Ville a étudié les conditions de vie dans les bidonvilles situés sur les canaux; et les chercheurs ont évalué des interventions ciblées de la Municipalité pour améliorer sur place les conditions de logement des populations ou pour les relocaliser ailleurs. L’Institut de planification rurale et urbaine (INPRU, ministère de la Construction) a évalué les programmes et politiques du gouvernement vietnamien; il a analysé les expériences étrangères (grandes villes du Sud-Est asiatique) et il a élaboré une série de concepts et de principes devant servir à l’élaboration de nouvelles politiques et de nouveaux programmes.

Chaque institution participante a organisé ses propres travaux avec le support scientifique de professeurs de l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Montréal. Chacune a créé des équipes de chercheurs où des étudiants gradués ont pu participer aux recherches. Les stratégies de chacune et les résultats préliminaires ont été régulièrement discutés à l’occasion de séminaires qui regroupaient l’ensemble des chercheurs, des représentants des gouvernements central et locaux, des experts de grandes agences internationales. A l’occasion, les équipes de recherche ont pu utiliser des données produites dans le cadre d’autres recherches qu’elles réalisaient en même temps avec d’autres agences d’aide internationale. Le rapport final de chacune des équipes a été présenté et discuté lors d’un séminaire final tenu à Hanoi en août 1996. Le présent ouvrage a été composé à partir de ces rapports.

Les premiers chapitres de cet ouvrage présentent des informations d’ordre général sur la situation socio-économique des pauvres en milieu urbain au Viêt-nam, pour obtenir un portrait de la pauvreté urbaine. Ils rappellent aussi les grandes orientations politiques du gouvernement vietnamien, en matière de logement et de développement urbain, depuis 1954. La politique du «partenariat entre l’État et le peuple» pour améliorer la situation du logement au Viêt-nam est présentée plus en détail. Cette politique, élaborée en 1986 et mise en œuvre en 1989, constitue toujours le cadre politique général d’intervention.

Les chapitres trois et quatre présenteront les données originales, produites par les chercheurs du CNSSH. Ces données ont été obtenues par enquête, sur des échantillons représentatifs des ménages pauvres à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville. Nous verrons se dessiner des situations très différentes dans les deux villes, mais surtout des dynamiques très différentes d’insertion des pauvres dans la ville.

Le chapitre cinq présentera principalement des études de cas où « l’État et le peuple » interviennent sur le logement existant à Hanoi. Les chercheurs vietnamiens ont retenu des interventions sur des maisons traditionnelles de type « maison-tube » dans les quartiers anciens, des interventions sur des immeubles collectifs d’habitation construits selon le modèle moderniste et socialiste, et des interventions inspirées d’une approche de support aux capacités des communautés dans des quartiers précaires de la périphérie immédiate du centre-ville.

Le chapitre six évalue, à l’aide de données originales recueillies par enquête, les principales interventions de la Municipalité de Hô Chi Minh-Ville sur des bidonvilles situés sur les canaux, dans les arrondissements centraux. Les chercheurs ont tenté d’évaluer les impacts différents des interventions selon qu’elles impliquaient une relocalisation des habitants ou une amélioration sur place de leurs conditions d’habitat.

Le dernier chapitre rappelle les principales orientations stratégiques du gouvernement vietnamien en matière de logement et de développement urbain. Il présente et discute des concepts fondamentaux qui pourraient réorienter ses choix stratégiques. Il présente également une série de scénarios et de moyens qui permettraient au gouvernement de cibler ses politiques, programmes et actions en fonction des capacités des ménages, dont celles des ménages les plus démunis.

Nous avons ajouté une longue annexe bibliographique qui permet d’avoir une idée assez complète des recherches qui se sont faites récemment sur le développement urbain et sur le logement urbain au Viêt-nam.

Page laissée vide intentionnellement

Introduction

Une situation sociale et économique en transition

La République socialiste du Viêt-nam est l’un des pays en développement les plus pauvres (revenu annuel moyen per capita d’environ 200 dollars américains). Le pays a connu les impacts lourds de plus d’un demi-siècle de conflits armés et il subit régulièrement d’importants désastres naturels. La population du Viêt-nam est estimé à environ 70 millions d’habitants dont près de 80 % habitent en milieu rural. Cependant, les deux plus grandes villes du pays, Hanoi et Hô Chi Minh-Ville, regroupent ensemble près de 7 millions d’habitants. Ces deux villes connaissent des densités de peuplement, dans leurs quartiers centraux, qui dépassent 20000 habitants au kilomètre carré. Les conditions sanitaires et les conditions de logement sont généralement mauvaises : l’espace habitable moyen par habitant est d’environ 3,9 mètres carrés à Hanoi; il est de 7,5 à Hô Chi Minh-Ville. Seulement 50 % de la population urbaine a accès direct à de l’eau de consommation, et 80 % des ménages qui ont accès à cette eau doivent partager des robinets communs. On estime que jusqu’à 30 personnes peuvent partager une toilette à Hanoi. A Hô Chi Minh-Ville, des milliers de ménages habitent sur les canaux et n’ont aucun équipement sanitaire. Les eaux domestiques et les déchets solides se retrouvent dans les canaux et les étangs, ils ralentissent et arrêtent la circulation des eaux, et ils sont à l’origine des importantes inondations qui contaminent régulièrement des espaces résidentiels.

Jusqu’en 1989, une grande partie du logement et des services urbains étaient financée directement par le Gouvernement, ou indirectement par le biais des entreprises publiques. Cependant, même à ce moment, l’offre de logements et de services était limitée par de sérieuses restrictions budgétaires. Depuis, suite à l’introduction d’un train de réformes économiques, le financement public du logement a été presque totalement arrêté et le financement des services publics a été sérieusement contrôlé et réduit. Mais, dans le même temps, les réformes sociales et économiques ont libéré des forces qui soutiennent une croissance économique urbaine vigoureuse. Les petites et grandes entreprises se sont multipliées, la dynamique du marché s’enracine, les investissements étrangers sont en forte croissance et se localisent surtout dans les grandes villes. Ces faits alimentent la dynamique urbaine et génèrent une émigration croissante vers les villes les plus grandes. Les nouvelles lois et règlements, qui permettent maintenant la cession des droits d’usage sur les sols et la transformation même des usages, ont créé presque spontanément un marché foncier urbain extrêmement actif, même si le sol demeure propriété de l’État. L’arrêt presque total des programmes de logement subventionné pour les employés de l’État fait que les bénéficiaires de logements presque gratuits devront maintenant payer un loyer, acheter leur logement ou se relocaliser à leurs frais.

Historiquement, la pauvreté urbaine comme enjeu n’existait pas officiellement au Viêt-nam : tous les travailleurs étaient en principe traités équitablement et ils étaient protégés par la Constitution (qui reconnaît, entre autres, un droit au logement). La planification centrale de l’économie assurait des ressources spécifiques consacrées aux avantages sociaux. La situation des travailleurs vietnamiens, même en situation de pauvreté relative par rapport au reste du monde, était modérée par des politiques de développement social dont les impacts ont ralenti pour un temps les effets négatifs de la transition à une économie de marché; les services d’éducation et les services de santé étaient particulièrement développés et généralement accessibles, et l’accès à l’emploi et au travail était pratiquement garanti. La société vietnamienne avait développé un système d’aide aux plus démunis, dont les handicapés, les invalides de guerre, les veuves de guerre, les vétérans. Tout ce système a été fortement perturbé depuis l’introduction des réformes économiques et sociales, et des disparités importantes apparaissent entre les groupes de revenus et entre les niveaux de vie. Il apparaît que les gains les plus importants sont faits par la nouvelle classe d’affaires et les petits entrepreneurs, alors que les pertes les plus importantes sont subies par les retraités, les vétérans, les ménages dirigés par un seul parent, les employés du secteur public et tous les travailleurs à salaires fixes.

Ces disparités sont particulièrement visibles dans les conditions de logement et celles des environnements urbains résidentiels. Avec l’apparition d’un marché privé du logement, avec la promotion immobilière et foncière et avec aussi la spéculation, les nouveaux riches peuvent construire et acheter des logements de meilleure qualité dans les environnements bien équipés en infrastructures. Les pauvres, par contre, connaissent une détérioration rapide de leur logement et de leurs environnements résidentiels, qui ne sont plus entretenus par les services des gouvernements et qui subissent une surcharge de la demande apportée par la hausse des densités d’occupation. Les pauvres connaissent aussi toutes les conséquences négatives des forces du marché, comme l’éviction, les coupures de service, la relocalisation sur des sites périphériques et mal desservis. Les coûts du logement et de la vie dans les villes génèrent une insécurité grandissante des populations les plus pauvres et un appauvrissement augmenté par les coûts nouveaux de la santé et de l’éducation. L’ensemble de ces conditions limite finalement le potentiel productif de ces populations et agit comme un frein au développement social et économique dans les villes.

Les problèmes du développement urbain, que connaît le Viêt-nam actuellement, ne sont pas nouveaux. Ils sont très semblables à ceux qu’ont connus et que connaissent encore d’autres pays en voie de développement. Ce qui est unique au Viêt-nam, ce sont les impacts à long terme de son isolement relatif par rapport aux autres pays en développement et par rapport aux pays occidentaux. Les autorités vietnamiennes n’ont aucune expérience pour faire face à ces problèmes et n’ont jamais eu l’occasion de partager les connaissances et expériences des autres pays en développement. Les experts vietnamiens sont très peu familiers avec les systèmes de gestion sociale et économique qui sont pratiqués dans des économies de marché. Ils ont un accès réduit à la littérature étrangère dans ces domaines. Ils ont eu peu d’occasions d’apprendre même les rudiments des sciences sociales et économiques répandus en occident. Le pays a peu développé les institutions, les mécanismes, les instruments et les expériences nécessaires pour analyser ces problèmes et pour construire les politiques urbaines nécessaires pour y faire face. L’existence même de données fiables pour documenter ces problèmes est très limitée. La connaissance des phénomènes émergents de prise en charge par le secteur privé ou par le secteur associatif et communautaire est plus que fragmentaire. Mais les principes fondamentaux d’équité et de bien-être pour tous demeurent bien vivants et le Viêt-nam cherche un modèle où le socialisme et l’économie de marché pourraient se développer ensemble.

Qui sont les pauvres en milieu urbain?

La pauvreté urbaine au Viêt-nam n’a jamais été étudiée pour elle-même. Cela n’a jamais été non plus un enjeu majeur. Quand on soulevait la question de la pauvreté, on utilisait généralement deux grands indicateurs de pauvreté extrême : la ration de riz, principalement pour la pauvreté en milieu rural, et le logement, pour la pauvreté en milieu urbain. Ces grands indicateurs permettaient aux autorités de cibler les populations le plus dans le besoin et d’organiser une aide humanitaire. Mais, avec le retrait de l’État, principalement dans les domaines du logement et des services essentiels dans les villes, et avec le développement du sec teur privé et de l’économie de marché, les chercheurs vietnamiens veulent identifier la pauvreté produite par ces nouvelles conditions et questionner les processus d’appauvrissement relatif. Ils ont soulevé les questions suivantes : qui sont les pauvres, comment se répartissent-ils dans la ville, pourquoi sont-ils pauvres, quel est leur degré relatif de pauvreté, comment font-ils pour survivre, quelles sont leurs conditions de vie (logement et environnement urbain), et quelles sont leurs principales difficultés? Les données recueillies pour répondre à ces questions devaient être analysées de façon à identifier, d’abord, les populations nécessitant le plus une aide, puis, à dégager des voies de solutions pour les aider.

Pour aborder le traitement de ces questions, les stratégies des chercheurs ont été différentes à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville, même si une liste d’indicateurs communs a été retenue. A Hanoi, comme on le verra, la pauvreté urbaine est diffuse dans la ville; il n’y a pas à proprement parler de bidonvilles et de quartiers insalubres. La perception même de la pauvreté y est différente: la pauvreté est une pauvreté «officielle» que l’on reconnaît dans le cadre des structures officielles d’aide. A Hô Chi Minh-Ville, la pauvreté est bien visible et concentrée dans les bidonvilles construits sur les canaux. La pauvreté y est reconnue comme participant à la dynamique urbaine (important secteur informel, mobilité entre les bidonvilles). A Hanoi, la stratégie de recherche a visé à identifier la pauvreté dans des quartiers représentatifs. Les ménages pauvres qui ont participé à l’enquête sont des ménages identifiés par les autorités des quartiers et des représentants des associations de travailleurs. A Hô Chi Minh-Ville, la stratégie a plutôt été de distinguer des types de quartiers pauvres, et des types de pauvreté propres à chacun. Ces deux stratégies ont d’ailleurs engagé des perspectives différentes pour l’analyse des conditions de logement et pour l’évaluation de solutions ciblées aux problèmes du logement et de l’environnement urbain.

Dans quelles conditions (logement et environnement) vivent
les pauvres?

Les premières enquêtes réalisées dans les deux villes ont produit des indicateurs généraux sur les conditions de vie des populations pauvres. Sur la base de ces premiers résultats, des enquêtes plus approfondies ont été menées pour évaluer les conditions de vie, pour évaluer les moyens d’insertion et de survie dans la trame urbaine, et pour évaluer les capacités des ménages à participer à l’amélioration de leurs conditions.

A Hanoi, les recherches ont porté, dans les quartiers retenus pour l’analyse des conditions socio-économiques de la pauvreté, sur des études de cas. Ces cas sont d’abord des projets de rénovation entrepris dans le cadre du programme de partenariat entre le peuple et l’État pour améliorer les conditions de logement. Le premier cas illustre des actions de rénovation dans le quartier central (quartier des « 36 rues ») sur des maisons traditionnelles, dites «maisons-tubes». Le second cas, lui, illustre des interventions sur des logements publics dans des grands ensembles résidentiels. Pour ces deux types de cas, l’objectif était d’analyser le succès relatif des moyens et solutions pour le maintien sur place des populations. Les autres cas à l’étude sont ensuite des illustrations de situations où les ménages réalisent seuls la rénovation de leurs logements. Ce sont les ménages les plus pauvres vivant dans des quartiers précaires et insalubres en émergence. L’objectif de ces études de cas était d’évaluer et d’améliorer les capacités des ménages par des moyens financiers, communautaires et techniques de support.

A Hô Chi Minh-Ville, compte tenu des programmes municipaux pour améliorer les conditions de vie dans les bidonvilles, les études ont porté sur des cas où la Municipalité était intervenue. Les études ont été principalement des études d’évaluation de deux stratégies adoptées par la Municipalité : l’amélioration des conditions en maintenant sur place les ménages, et l’amélioration des conditions par relocalisation des ménages. L’objectif des études de cas étaient d’isoler les conditions qui limitent l’efficacité de l’une et l’autre de ces stratégies.

Quelles politiques et quels programmes pour supporter les capacités des pauvres?

Avant 1985, la construction et la gestion du logement au Viêt-nam étaient en pratique essentiellement financées ou subventionnées par l’État. Les fonds pour la construction de logements étaient fournis principalement par l’État, secondairement par des agences publiques et par des entreprises publiques. Le sol était rendu disponible par l’État gratuitement, sans frais, excepté pour dédommager les pertes de production agricole et les pertes de propriétaires privés, héritiers ancestraux de droits fonciers. Les logements étaient distribués gratuitement au personnel de l’État et aux membres de leurs familles, selon un système de séniorité et selon des politiques gouvernementales particulières. Il n’y avait aucun principe de recouvrement des coûts; le coût des loyers, quand il y en avait un, était insuffisant pour couvrir les frais d’entretien. Toute activité commerciale sur le logement et sur le sol était strictement interdite par l’État. Un grand nombre de ménages vivaient dans des logements suroccupés et devaient attendre patiemment pendant des années pour obtenir un logement de meilleure qualité.

Au début des années 80, les fonds publics disponibles pour la construction de logements étaient devenus très limités. Aux demandes de logements insatisfaites vinrent s’ajouter les besoins de populations repatriées, et les besoins engendrés par un début de croissance économique. Les ménages commencèrent à construire leur propre logement et les autorités locales commencèrent à fournir le sol sans permission ou sans autorisation des autorités supérieures. Ceci entraîna un mouvement illégal et assez désordonné de constructions nouvelles, d’agrandissements des logements existants et de rénovations. Toutes ces actions hors de contrôle révélèrent cependant les capacités de bon nombre de ménages à répondre eux-mêmes à leurs besoins de logement, surtout en milieu urbain.

A partir de 1989, le gouvernement central s’est donné une nouvelle politique sur le logement qui exprimait un changement profond d’attitudes. En effet, le gouvernement abandonnait pratiquement son rôle d’unique fournisseur de logements et proposait de n’intervenir que pour supporter les capacités des ménages à répondre eux-mêmes à leurs besoins. Cette politique transférait le droit d’initiative aux populations en abolissant le système de financement public exclusif. Elle ouvrait la porte aux activités commerciales sur le logement en permettant aux compagnies de construction d’emprunter auprès des banques pour construire, de vendre les logements et de rembourser leurs prêts avec les bénéfices de la vente. La politique permettait encore aux individus de construire eux-mêmes, d’accumuler des fonds propres dans les banques pour construire. Ils obtenaient le droit de propriété de leur logement, le droit de vendre, de louer ou de céder en héritage leur logement. Le sol commençait à avoir un prix : le gouvernement fixait d’abord un prix correspondant aux coûts des infrastructures et des services. Des acteurs privés commencèrent aussi à gérer commercialement le sol urbain.

Ce contexte nouveau a permis à des ménages de s’enrichir rapidement. Plusieurs construisirent pour louer, d’autres rénovèrent pour augmenter et louer des superficies habitables. Plusieurs de ces ménages se sont engagés dans des opérations immobilières en série et sont responsables maintenant de la plus grande partie de la construction résidentielle neuve à ce moment-ci. Mais, pour la majorité des ménages urbains, le contexte nouveau a augmenté la précarité de leurs conditions de logement. Pour les employés à salaires fixes du secteur public et pour les retraités à rentes fixes, le coût du loyer et les coûts de relocalisation ont augmenté la part de leurs dépenses consacrées au logement. Les conséquences ont été rapidement visibles : augmentation des densités, détérioration du logement et des équipements, apparition de zones insalubres de relocalisation. Les problèmes de ces populations appellent des interventions à trois niveaux : amélioration des conditions de logement, amélioration des conditions environnementales et amélioration de leurs revenus par l’emploi dans les secteurs profitables.

Il n’y a pas de politiques claires relatives à la construction du logement pour les populations pauvres, ni en termes de ressources financières, ni en termes techniques. Les conditions créées par les nouvelles politiques du début des années 90 créent au contraire une série de conditions défavorables; les compagnies de construction doivent rembourser leurs prêts et pour cela elles doivent construire et vendre aux ménages solvables. Les besoins mais aussi la relative décentralisation, vers les autorités locales, de la gestion foncière et de la gestion du parc immobilier public, avec les charges que cela implique, encouragent les autorités locales à travailler dans le secteur profitable. Elles consacrent par exemple des efforts importants pour fournir du logement de qualité aux travailleurs expatriés des agences et compagnies internationales.

L’ouverture du gouvernement en 1989 vers une politique de partenariat avec le peuple pour la construction et l’amélioration du logement était une ouverture sur une politique de support aux capacités. Les chercheurs ont travaillé dans cette direction pour proposer des stratégies variées de support aux populations pauvres selon leurs degrés et conditions de pauvreté. Ils ont aussi été amenés à isoler les ménages les plus pauvres et les plus dépendants pour lesquels une politique de logement social est nécessaire. Ils ont construit ces stratégies en considérant aussi bien les instruments réglementaires, les instruments financiers et les instruments administratifs et techniques. Ils ont inclu dans leurs stratégies des actions sur le foncier, sur les infrastructures, sur l’emploi et sur la vie communautaire. Leurs propositions sont adressées aux autorités nationales, régionales et locales pour la composition de nouvelles politiques et de nouvelles pratiques réglementaires et administratives.

Page laissée vide intentionnellement

1

Population et pauvreté urbaine au
Viêt-nam1

Malgré des efforts importants au cours des dernières années, il existe encore peu de données sur la population au Viêt-nam. Les données les plus fiables ont été composées avec les indications du dernier recensement de 1989. Ce sont des données générales difficilement désagrégeables au niveau urbain. Nous avons donc une connaissance limitée des populations urbaines. Les administrations municipales produisent aussi parfois des données sur la population, principalement par le biais de la procédure d’enregistrement du droit de résidence. Ces données, naturellement, ignorent toutes les populations qui n’ont pas de droits de résidence. Entre les données de ces administrations, celles tirées du recensement et celles composées par différentes agences gouvernementales, des différences importantes apparaissent. Malgré tout, il faut prendre le risque de tenter de brosser un portrait de la population urbaine du Viêt-nam.

Il existe une autre source importante de données fiables sur les niveaux de vie de la population vietnamienne. Ce sont celles recueillies par l’Enquête nationale sur les niveaux de vie. Cette enquête a été réalisée par le Bureau national de la statistique (Comité d’État au Plan) avec le support du Programme des Nations Unies pour le développement, l’Agence suédoise pour le développement et la Banque mondiale.

Selon le Bureau national de la statistique (Comité d’État au Plan), la population totale du Viêt-nam était estimée à plus de 64 millions d’habitants

1. La plupart des données statistiques utilisées dans ce chapitre viennent des documents suivants:

–General Statistical Office, 1994; Viêt-nam living standards survey (1992–1993); State Planning Committee; Hanoi.

– National Institute for Urban and Rural Planning, 1992; National databook (urban); UNFPA Project Vie/88/P02; Ministry of Construction, Hanoi. Ce dernier document utilise lui-même les données des recensements de 1979 et de 1989.

en 1989; les projections annonçaient une population de plus de 73 millions en 1995. Cette population était essentiellement rurale; en effet, 20% de la population seulement était urbaine en 1989 et on prévoyait une faible croissance de celle-ci jusqu’en 1995, à raison d’un peu plus de 1% en moyenne par année. La croissance de la population urbaine avait été assez importante cependant entre 1985 et 1989 avec une moyenne annuelle de 2,75%. Les chercheurs vietnamiens ont expliqué cette croissance par les réformes économiques et sociales, par l’assouplissement des mesures de contrôle des mouvements de population, mais aussi par le ralentissement du programme de déplacement des populations urbaines vers les nouvelles régions économiques et même par le retour des populations qui avaient été déplacées vers ces régions avant 1989.

Si on annonce une croissance plutôt lente de la population urbaine jusqu’en 1995, c’est en faisant référence à des éléments de la politique nationale de la population, et en supposant que cette politique sera réalisée. La politique soutient la planification familiale et le contrôle des naissances; elle favorise des taux faibles de natalité en milieu urbain, une réduction de la croissance démographique dans le delta du fleuve Rouge (région de Hanoi) et dans le delta central (région de Hô Chi Minh-Ville). En outre, elle favorise le maintien des populations dans chacune des provinces et la poursuite du déplacement de populations urbaines vers de nouvelles zones économiques frontalières.

Mais en fait, depuis 1985, la population urbaine croît de façon régulière et plus vite que la population totale du pays. Cette croissance peut être attribuable en partie à l’émigration rurale-urbaine puisque les taux de natalité sont plus bas dans les villes. Mais les données sur les migrations rurales-urbaines sont plus que fragmentaires; les données disponibles portent sur les migrations interprovinciales. En fait, une bonne partie de la croissance de la population urbaine est expliquée par les migrations, surtout dans le cas des très grandes villes dont tous reconnaissent l’énorme pouvoir d’attraction. Mais la réalité est cachée, entre autres, par le mode d’enregistrement des données et par le volontarisme de la politique nationale de la population. Par exemple, les migrants saisonniers vers les villes ne sont pas calculés dans la population urbaine; on sait pourtant que nombre d’entre eux s’établissent définitivement dans les villes. Encore pour exemple, on peut obtenir des données extrêmement précises sur le nombre de personnes déplacées vers les nouvelles régions économiques, mais on trouvera difficilement le nombre de personnes revenant au lieu d’origine.

La population urbaine se concentre dans les deux plus grandes villes du pays. Hanoi et Hô Chi Minh-Ville représentent près de 40% de la population urbaine du Viêt-nam. Hô Chi Minh-Ville est en croissance rapide et sa force d’attraction sur les mouvements migratoires est solidement appuyée sur une économie en croissance rapide. Les mouvements migratoires vers cette métropole vietnamienne proviennent non seulement de sa région immédiate, mais aussi de tout le sud et même du nord du Viêt-nam.

La Province de Hanoi couvre une superficie de 2141 kilomètres carrés. Elle comptait 3057000 habitants en 1989. La densité moyenne d’occupation de son territoire est de 1428 habitants au kilomètre carré. La ville compte 4 arrondissements urbains, constituant le centre de Hanoi, et 11 arrondissements ruraux dont la majorité, organisés autour d’anciens noyaux villageois, constituent les quartiers périphériques de la ville. La population de la ville de Hanoi représente près de 3% de l’ensemble de la population du pays et près de 16% de la population urbaine du Viêt-nam. L’interprétation de son taux de croissance relativement faible entre 1985 et 1989, tel qu’exprimé par les statistiques officielles, doit être modérée par les effets de la réorganisation de son territoire qui a entraîné la perte de territoires, et de populations, au profit de provinces voisines.

La Province de Hô Chi Minh-Ville couvre une superficie de 2080 kilomètres carrés. Elle comptait 3934000 habitants en 1989. La densité moyenne d’occupation du territoire était de 1883 habitants au kilomètre carré. La population de la ville de Hô Chi Minh-Ville représentait plus de 6% de la population totale du pays et plus de 23% de la population urbaine totale. Hô Chi Minh-Ville est divisée en 12 arrondissements urbains et 16 arrondissements ruraux. L’estimation relativement basse du taux de croissance de la ville, entre 1985 et 1989, est biaisée par le poids énorme donné aux populations relocalisées vers les nouvelles zones économiques, par l’ignorance des mouvements de retour, par l’ignorance aussi des populations ne possédant pas de droits de résidence permanente, dont l’important contingent de réfugiés du Cambodge.

Population, ménages, activité

A cause du plus faible taux de natalité dans les villes, mais à cause aussi de la migration de jeunes adultes ruraux vers les villes, le groupe des populations adultes (25–54 ans) est de loin le plus important dans les villes et nettement surreprésenté par rapport au même groupe en milieu rural.

Le taux de croissance du nombre de ménages a été supérieur ces dernières années au taux de croissance de la population (2,95% pour les ménages, 2,15% pour l’ensemble de la population) et la taille moyenne des ménages à diminué de 5,22 à 4,83 personnes en moyenne. La taille moyenne des ménages est légèrement inférieure en milieu urbain (4,79 personnes comparée à 4,84 en milieu rural).

Population par groupes d’âges (milieu rural et milieu urbain) (%)

Groupes d’âges

Milieu rural

Milieu urbain

0–14

39,2

33,5

15–24

20,0

20,9

25–54

30,6

36,0

55–64

5,5

5,3

65 et +

4,7

4,3

Total

100

100

Source: NIURP, 1992.

Taille des ménages (%)

Nombre de personnes

Milieu urbain

Milieu rural

1

0,45

6,15

2–3

27,24

24,04

4–5

36,64

35,65

6 +

35,67

34,16

Total

100

100

Source: NIURP, 1992.

Le nombre relativement élevé de personnes par ménage en milieu urbain est généralement expliqué par la rareté des sols à construire et la rareté des logements. Les densités d’occupation ont augmenté rapidement. Le nombre de logements occupés par plus d’un ménage a augmenté et le nombre de ménages comptant plus de deux générations a augmenté aussi.

Si la population urbaine continue à augmenter et si la tendance à une baisse du nombre de personnes par ménage se maintient, il faut s’attendre à une hausse appréciable du nombre de ménages dans les villes et donc à une hausse encore plus grande de la demande de logements.

Ces attentes sont encore renforcées par le fait que les populations urbaines sont mariées dans une plus grande proportion que les populations rurales, même si l’âge moyen du mariage est plus élevé en milieu urbain; et elles le sont encore par le fait que le groupe des adultes en âge de se marier ou de se remarier est plus important en milieu urbain.

Les données sur les taux d’activité (main-d’œuvre active exerçant une activité économique) sont présentées de façon contradictoire dans les documents auxquels nous référons. Mais nous pouvons avancer sans grand risque d’erreurs que les jeunes (moins de 29 ans) représentent plus de 50% de la population active dans les villes. Le taux d’activité de la main-d’œuvre est plus bas dans les villes à cause d’un fort pourcentage de jeunes poursuivant leurs études et d’un taux de chômage plus élevé (il tournerait autour de 10%). Les jeunes commencent à travailler plus tard dans les villes, et les personnes âgées y arrêtent plus tôt de travailler à cause de l’âge obligatoire de la retraite dans les services publics et les entreprises publiques (60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes).

Au cours des dernières années, la population active a augmenté rapidement dans les villes (à un taux annuel moyen de 4,63%) et le taux d’activité a crû également mais moins rapidement. Le taux de chômage a donc crû de plus de 5% en moyenne par année entre 1979 et 1989. Le chômage est une réalité nouvelle qui prend des dimensions importantes en milieu urbain.

Secteurs d’activités de la population urbaine active, selon le domaine (%)

Secteurs

%

Agriculture et ressources

16,5

Production

39,4

Commerce

20,3

Services

23,8

Total

100,0

Secteurs d’activités de la population urbaine active, selon le type de propriété de l’entreprise (%)

Secteurs

Privé

Collectif

Public

Total

Agriculture et ressources

45,2

39,8

15,5

100

Production

36,6

12,2

51,2

100

Service

39,6

4,1

56,3

100

Source: NIURP, 1992.

La présence du secteur public est importante dans les activités de production et des services. L’État est en fait le principal employeur, sauf dans le commerce (secteur des services) où le secteur privé représente plus de 64% de l’activité. Il est assez évident que le retrait de l’État impliquera une hausse importante du chômage, ou des mouvements de transferts importants de main-d’œuvre vers le secteur privé. Compte tenu de cette situation, il est plus que probable que l’emploi se déplace encore davantage vers le secteur privé pour le commerce et pour la petite production.

Devant le problème appréhendé d’une hausse du chômage chez la population urbaine, le Gouvernement gage sur le développement de la petite industrie et sur le développement des services, avec une nette augmentation dans le secteur du tourisme. Le retrait de l’État risque d’être complet dans le secteur du commerce et de la petite entreprise. Dans le secteur de la grande industrie, les partenariats public-privés, avec des investissements étrangers principalement, ne réussiront pas à remplacer à court terme les pertes d’emplois du secteur étatique de la grande industrie, et celle du secteur coopératif de la production artisanale.

Pauvreté et pauvreté urbaine

Les statistiques officielles nous donnent peu d’informations sur la pauvreté et, plus particulièrement, sur la pauvreté urbaine. L’estimé général est que plus de 14 millions de personnes vivraient dans la pauvreté au Viêt-nam, soit près de 20% de l’ensemble de la population. De ces 20%, entre 4 et 6% connaîtraient des conditions d’extrême pauvreté avec des revenus moyens par mois et par personne variant entre 7000 et 9000 dongs (11000 dongs environ valent un dollar américain).

Les recherches sur la pauvreté tant rurale qu’urbaine n’ont été vraiment entreprises que depuis 1986. Avec la transition économique, la nécessité de telles recherches est apparue afin d’établir des politiques sociales appropriées aux nouvelles conditions socio-économiques. Le gouvernement national a voulu appuyer son objectif stratégique de construire « un pays prospère, un peuple riche, une société juste et civilisée » sur une connaissance plus ciblée des besoins de la population. Sa campagne pour « la lutte contre la pauvreté et la malnutrition » nécessitait de connaître la situation actuelle des pauvres et d’identifier les causes de cette pauvreté tant en zones urbaines que rurales.

L’enquête sur les niveaux de vie (1992–1993) (GSO, 1994), à laquelle nous allons référer, a produit des informations détaillées qui constituent une référence principale pour les chercheurs et les agences gouvernementales. Même si la majorité des données distinguent les populations urbaines et les populations rurales, il est souvent difficile d’obtenir un portrait spécifique sur certaines pour définir et décrire la pauvreté urbaine.

L’analyse des niveaux de vie de la population vietnamienne a été systématiquement faite, dans le rapport de cette enquête, par rapport à cinq groupes définis par les dépenses de consommation par personne par ménage. Ces dépenses sont exprimées en milliers de dongs par année. Comme les Vietnamiens expriment leurs revenus et leurs dépenses par mois, il est plus facile d’interpréter ces groupes par des données établies sur une base mensuelle. Cependant, comme le revenu brut annuel (exprimé en dollars américains) est utilisé, par les grandes agences internationales, pour indiquer les taux de richesse et de pauvreté, les données annuelles sont plus facilement interprétables si elles sont exprimées en dollars américains. En 1989, selon les différentes sources, le revenu annuel moyen par habitant au Viêt-nam était établi entre 200 et 240 dollars américains. Ce revenu moyen est l’un des plus bas sur l’ensemble de la planète, et sert à désigner la population du Viêt-nam comme l’une des plus pauvres de la terre.

Nous garderons à l’esprit ces informations en présentant les groupes de niveaux de vie au Viêt-nam:

• Le premier groupe est fait des ménages qui ont une consommation par personne variant de 100 mille à 650 mille dongs par année, c’est-à-dire entre 9 et 59 dollars américains. Compte tenu du revenu annuel moyen par habitant exprimé en dollars américains, ce groupe est composé des ménages extrêmement pauvres au Viêt-nam.

• Dans le deuxième groupe, les ménages ont une consommation moyenne par personne variant entre 651 et 867 mille dongs, soit entre 60 et 78 dollars américains. Ce groupe est aussi composé de ménages extrêmement pauvres.

• Le troisième groupe a une consommation moyenne par personne allant de 867 à 1125 mille dongs, soit de 78 à 102 dollars américains. On peut certainement considérer les ménages de ce groupe comme des ménages pauvres.

• Le quatrième groupe exprime des dépenses de consommation par personne variant entre 102 et 146 dollars américains et le cinquième groupe des dépenses allant de 147 à 1272 dollars américains.

Naturellement, compte tenu du revenu annuel moyen par habitant au Viêt-nam, seuls les ménages du dernier groupe peuvent ne pas être considérés comme pauvres. Il y aurait dans ce groupe à la fois des ménages à revenus moyens et des ménages extrêmement riches, relativement au degré de pauvreté de la moyenne de la population.

En faisant l’exercice que nous venons de faire, nous introduisons des erreurs graves d’interprétation, contre lesquelles nous mettent d’ailleurs en garde les auteurs de l’étude sur les niveaux de vie. En effet, la consommation moyenne par habitant par année ne peut donner une image exacte de la richesse ou de la pauvreté des ménages, sans tenir compte du nombre de personnes par ménages, des types de revenus et des types de dépenses; mais aussi des conditions de vie et du milieu de vie. Ainsi, dans les villes, les revenus sont plus élevés, il y a plus de personnes par ménage (selon GSO, 1994) et plus de personnes qui travaillent dans chaque ménage. Les dépenses sont aussi plus élevées et réparties différemment sur la liste des biens et services de consommation.

Enfin, comme ces groupes de consommation ont été construits pour refléter les niveaux de vie de l’ensemble de la population, ils expriment une situation dominée par les populations rurales (qui représentent 80% de la population totale). Ils expriment donc une réalité dominée par des revenus bas, une consommation organisée autour des besoins essentiels, dans un contexte de société traditionnelle. Cependant, nous pouvons être à peu près certains que les ménages des groupes un et deux sont des ménages extrêmement pauvres et que les ménages du groupe cinq sont des ménages plutôt riches. Entre les deux, soit les groupes trois et quatre, et compte tenu de la très grande variation de situations dans le groupe cinq, on peut parler de pauvreté relative. Il est par contre très certain que les groupes un et deux, en milieu urbain, expriment une situation d’extrême détresse. Arrêtons-nous aux principales conclusions de l’analyse des données de l’enquête sur la consommation des ménages. Pour ne pas aller dans le détail de l’analyse (GSO, 1994) des résultats de cette enquête, les portraits que nous allons brosser vont mettre en évidence l’extrême pauvreté. Pour fins d’illustrations, nous allons le plus souvent mettre en évidence la situation des ménages du groupe un par rapport à la moyenne.

La structure des ménages

La taille des ménages les plus pauvres est la plus grande (5,36 personnes) chez les ménages du groupe un et elle diminue systématiquement chez les ménages qui ont des dépenses de consommation plus importantes. Ceci est vrai en milieu rural et en milieu urbain. Les ménages de 5 personnes et plus sont concentrés dans les groupes les plus pauvres et les ménages d’une seule personne sont concentrés dans les groupes les plus riches. Ce sont les ménages pauvres vivant en milieu urbain qui comptent le plus grand nombre de personnes par ménage (5,79 personnes). Les ménages les plus pauvres ont aussi plus d’enfants en bas âge (0–9 ans) et comptent moins de personnes âgées de plus de 60 ans.

La présence d’au moins une personne de plus de 60 ans dans le ménage assure une entrée régulière d’argent, par les revenus de retraite, quand cette personne est retraitée d’un service ou d’une entreprise publique. Il semble assez évident que la pauvreté est associée à la taille des ménages et aux jeunes familles puisque la consommation per capita semble vraiment inférieure dans ce type de ménages malgré les besoins exprimés par la taille du ménage et l’âge des enfants. Un autre indicateur de la pauvreté urbaine est rattaché au sexe du chef de ménage. Même si les données de cette enquête sont présentées de façon telle qu’il est impossible de les désagréger, il est évident cependant que les ménages dirigés par une femme, dans la catégorie des ménages les plus pauvres en milieu urbain, sont proportionnellement plus nombreux que ceux dirigés par un homme.

Population pauvre, par groupe d’âges (%)

Groupe d’âges

Population pauvre

Population totale

0–9 ans

34,35

25,14

10–24 ans

27,53

31,78

25–54 ans

30,34

31,86

55 en-

 7,78

11,22

 

100

100

Source: GSO, 1994

La scolarisation

La scolarité des personnes est assez élevée au Viêt-nam (plus de 90% de la population de plus de 10 ans est scolarisée), comparée à celle de pays voisins en Asie du sud-est. Les taux d’alphabétisation sont les plus bas chez les ménages les plus pauvres (77,05%) et les plus élevés chez les ménages les plus riches (93,03%), cela de façon systématique. Le taux relativement élevé d’analphabètes chez les ménages les plus pauvres (23%) est largement expliqué par le fait que plus de 26% des personnes de ces ménages n’ont jamais terminé l’école de niveau primaire. Près de 50% des personnes de ces ménages pauvres ne possèdent aucun diplôme. Le nombre moyen d’années d’études à l’école est de 5,4 années pour l’ensemble de la population. Ce nombre est beaucoup plus élevé (7,1 années) chez les populations urbaines. Le nombre de personnes qui ont terminé des études secondaires ou des études techniques avancées est plus élevé chez les ménages les plus riches. Les ménages vietnamiens valorisent la scolarisation de leurs enfants. Les frais reliés à la scolarisation sont souvent les dépenses les plus élevées des ménages; nous verrons dans les autres chapitres que c’est une des sources d’endettement les plus importantes pour les ménages pauvres. En moyenne, les ménages les plus pauvres consacrent jusqu’à 37000 dongs par année pour les frais reliés à la scolarisation de leurs enfants. Cependant, les ménages les plus riches consacrent jusqu’à 314 mille dongs par enfant par année pour ces frais. Généralement, pour les étudiants fréquentant des écoles post-secondaires et des écoles techniques ces dépenses sont multipliées par trois en milieu urbain.

La santé et les soins

Les ménages les plus pauvres sont ceux qui déclareront le moins de cas de personnes malades au cours des quatre dernières semaines (précédant l’enquête sur les niveaux de vie). Cependant, ce sont les personnes malades des ménages les plus pauvres qui consultent le moins un médecin ou un assistant médical; près de 60% des personnes malades, dans les ménages les plus pauvres, se soignent elles-mêmes. Ce sont elles aussi qui recourent le plus aux pratiques de la médecine traditionnelle, au cabinet d’un praticien de la médecine traditionnelle, souvent chez le pharmacien. Ce sont elles qui font le moins appel aux cabinets privés des médecins qui pratiquent une médecine occidentale. Les dépenses relatives à la santé représentent en moyenne plus de 6% de l’ensemble des dépenses de consommation. Elles sont les plus basses chez les ménages urbains les plus pauvres (34 mille dongs en moyenne par personne par année). Ces dépenses sont presque cinq fois plus élevées chez les ménages urbains les plus riches (166 mille dongs).

Le nombre d’enfants par femme en âge de procréer diminue régulièrement à mesure de la richesse des ménages. Les femmes des ménages les plus pauvres ont en moyenne 3,3 enfants; celles des ménages les plus riches 2,5. Les enfants nouveau-nés dans les ménages les plus pauvres ont les poids moyens les plus bas à la naissance (2,88 kilos comparés à une moyenne de 2,97). Près de 12% des bébés pèsent moins de 2500 grammes à la naissance chez les ménages les plus pauvres. Le poids et la taille moyennes des personnes de 25 à 60 ans augmentent systématiquement avec la richesse des ménages.

Le travail

Plus de 81% de la population âgée de plus de 13 ans est considérée active. Il y a en moyenne 2,8 personnes actives par ménage; et ce nombre diminue graduellement avec le degré de richesse des ménages. Le nombre de personnes actives de moins de 14 ans dans les ménages semble aussi diminuer avec le degré de richesse. Par contre, les ménages les plus riches ont davantage de personnes de 60 ans et plus, encore actives. En somme, les ménages pauvres ont plus de personnes actives et leurs enfants travaillent plus tôt. Par contre, les travailleurs des ménages les plus pauvres sont plus exposés que les autres au chômage. En effet, ils ont eu moins que les autres un emploi permanent au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête. Plusieurs travailleurs ont plus d’une activité. Près de 33% des travailleurs ont une deuxième et même une troisième occupation. Les salaires moyens varient du simple au triple entre les salariés des ménages les plus pauvres et ceux des ménages les plus riches. Il est entendu que les ménages les plus pauvres doivent compter sur un plus grand nombre de travailleurs salariés pour réunir un revenu à partager en un plus grand nombre de personnes.

Les dépenses de consommation

Les dépenses de consommation annuelles représentent en moyenne 1978 mille dongs par personne; elles sont presque cinq fois plus élevées chez les ménages du groupe cinq comparés aux ménages du groupe un. Le principal poste des dépenses de consommation est l’alimentation. Les ménages dépensent en moyenne 1110 mille dongs par personne pour la nourriture en milieu urbain, ce qui est plus élevé qu’en milieu rural. Cela représente cependant un pourcentage moins élevé (48,3%) de l’ensemble des dépenses de consommation des ménages urbains. Pourtant, les ménages urbains dépensent beaucoup plus que les ménages ruraux pour la nourriture de façon absolue. Par contre, les ménages urbains doivent consacrer plus de 13% de leur budget de consommation au logement, et deux fois plus que les ménages ruraux pour les transports.

Composition relative des dépenses de consommation (%)

Biens et services de consommation

Ménages pauvres

Moyenne des ménages

Éducation

1,57

2,66

Santé

5,38

6,13

Habillement

7,05

6,40

Energie et eau

2,78

4,16

Transport et communication

0,64

2,52

Nourriture

69,58

56,16

Logement

4,79

10,93

Autres

8,21

14,19

Total

100

100

Source: GSO, 1994.

Comme dans beaucoup d’autres pays, les revenus déclarés par les ménages, dans ce type d’enquête, sont inférieurs au total des dépenses de consommation déclarées. Pour ces dépenses, les ménages auront donc recours à leurs épargnes ou à l’emprunt.

Les revenus, l’épargne et l’endettement

Les ménages urbains déclarent des revenus par personne de 1815 mille dongs. Le revenu des ménages du groupe le plus riche représente plus de 4 fois celui des ménages les plus pauvres. Les sources de ces revenus, en milieu urbain, sont majoritairement le travail autonome non agricole (dans 54,8% des cas) et puis le travail salarié (32,4%). Les ménages urbains tirent plus de revenus d’autres sources, comme les pensions, différentes formes de subsides, les bourses d’études et les revenus de location.

Revenu annuel moyen par personne (en dongs) (%)

Revenu annuel

Population urbaine

Population totale

Moins de 500 mille

11,59

28,42

500 mille à 1 million

21,77

34,96

1 à 2 millions

38,36

24,84

2 à 5 millions

23,16

10,20

5 millions et +

5,12

1,58

Total

100

100

Source: GSO, 1994.

Les revenus annuels moyens par personne sont plus importants en milieu urbain. Mais on peut considérer que plus de 30% de la population urbaine est pauvre, avec des revenus moyens par personne qui ne dépassent pas 90 dollars américains par année. Près de 40% de la population seulement aurait des revenus moyens approchant la moyenne nationale estimée des revenus (200 dollars américains). Et seulement 28% de la population aurait des revenus dépassant la moyenne nationale estimée. L’écart entre les revenus des plus pauvres et des plus riches est important.

Plus de 50% des ménages n’ont aucune épargne. Ceux qui en ont sont essentiellement les ménages les plus riches. Seulement 35% des ménages urbains les plus pauvres en possèdent sous une forme ou sous une autre. Les ménages urbains qui épargnent déclarent en moyenne une réserve de 7942000 dongs; mais les écarts sont importants entre les plus pauvres (346000 dongs) et les plus riches (11298000 dongs). Ces réserves sont très faibles pour les pauvres, si on les distribue par personne. Les données telles que présentées ne nous permettent pas une analyse fine; mais, pour l’ensemble du pays et pour l’ensemble des ménages, l’épargne ne représenterait qu’une réserve de 21000 dongs par personne pour les ménages pauvres, c’est-à-dire moins de 2 dollars américains. Ces épargnes prennent principalement la forme de réserves d’or (44% de l’épargne), d’investissements immobiliers (20%), d’argents liquides (10%) et de dépôts dans les banques publiques (7,4%).

Les ménages ne comptent pas seulement sur leurs épargnes pour combler l’écart entre leurs revenus et leurs dépenses de consommation; ils empruntent aussi. Cependant, la majorité des ménages qui empruntent le font pour accroître leur production ou pour développer leur entreprise. Presque la majorité (47,4%) des prêts sont faits par des prêteurs privés, des individus qui prêtent sans intérêt. Puis, les prêts sont faits avec intérêts par des prêteurs privés et par les banques publiques. Il semble, en considérant les données générales, que les ménages les plus pauvres ont plus recours que les autres aux prêteurs individuels qui prêtent sans intérêt (54,7%).

Raisons d’emprunter (%)

Pour:

Ménages pauvres

Ensemble desménages

La production agricole

32,8

33,86

La production industrielle

4,84

18,34

Des activités commerciales

4,65

13,20

Des activités professionnelles

0,10

1,73

Prêter

0,06

0,50

Sonlogement

31,42

13,86

Les mariages et funérailles

3,20

2,04

L’éducation

0,08

0,12

D’autres raisons

22,85

16,35

Total

100

100

Source: GSO, 1994.

Il est assez évident que les ménages les plus pauvres, si on excepte les emprunts pour la production agricole qui sont propres aux ménages ruraux, empruntent d’abord pour se loger. Ils empruntent aussi pour les soins de santé, parfois même pour les vêtements et souvent même pour rembourser un premier prêt. Toutes ces dépenses apparaissent dans la catégorie « autres raisons d’emprunter» qui, pour eux, est la troisième plus importante des catégories des raisons d’emprunter. Finalement, plus de 50% des ménages pauvres urbains sont endettés; le taux d’endettement est inversement proportionnel à la richesse. Leurs dettes sont importantes, soit 1306000 dongs en moyenne pour les deux catégories de ménages les plus pauvres. Cela représente plus de cent pour cent des revenus d’une personne classée dans les deux catégories de personnes à plus bas revenus.

Le logement

L’espace habitable moyen est de 11,4 mètres carrés par personne pour les ménages urbains. Cet espace habitable moyen est plus limité (9,72 mètres carrés) pour les ménages les plus pauvres. Il augmente systématiquement avec le degré de richesse. Dans certains quartiers centraux des grandes villes, à Hanoi en particulier dans l’arrondissement Hoan Kiem, on rencontre des taux de densité extrêmement élevés, et des espaces habitables moyen par personne qui peuvent être aussi limités que 2,2 mètres carrés. En moyenne, pour l’ensemble du pays, près de 7% des ménages partagent leur logement avec un autre ménage. Comme on le verra, ce taux est beaucoup plus élevé dans les villes.

Types de logements par ménage (%)

Types de logements

Ménages pauvres

Total des ménages

Villas

0,22

0,21

Appartement dans un immeuble en hauteur, avec cuisine et toilettes privées

0,11

2,90

Appartement dans un immeuble en hauteur, avec cuisine et toilettes partagées

0,11

1,33

Maison individuelle ou appartement (immeuble d’un étage) avec cuisine et toilettes privées

0,11

1,77

Maison individuelle ou appartement (immeuble d’un étage) avec cuisine et toilettes partagées

6,52

10,27

Habitation semi-permanente

41,51

47,00

Habitation temporaire

51,41

36,52

Total

100

100

Source: GSO, 1994.

Près de 37% des ménages vietnamiens habitent dans des logements temporaires; ce sont des logements construits en matériaux non-durables, dont les structures sont légères, qui ne comportent souvent qu’une seule pièce. Souvent, sont comptés dans les logements temporaires les logements occupés voués à la démolition, les logements construits illégalement ou occupés par des ménages qui ne possèdent pas de droit de résidence. Dans les villes, le pourcentage des ménages qui habitent des logements temporaires est plus bas (près de 20%) que dans les campagnes (40%). Mais les habitations temporaires sont le fait de plus de 50% des ménages les plus pauvres. Le caractère précaire du logement diminue systématiquement avec les degrés de richesse.

Les données de ce tableau illustrent bien l’état médiocre du logement au Viêt-nam et l’état général des besoins. Elles illustrent aussi des phénomènes importants mais peu visibles à la lecture de ces données. Par exemple, elles nous disent que les pauvres habitent dans des villas dans des proportions similaires à la moyenne. Cela explique la concentration de ménages pauvres dans les quartiers centraux des villes, de Hanoi par exemple. En effet, nombre de ces villas « abandonnées » par leur propriétaires après 1954 ont été attribuées à des familles de militaires ayant rendu des services à la patrie. Ces familles ont vieilli, n’étaient pas qualifiées, et sont demeurées pauvres. Par contre, la très grande majorité des logements « modernes » construits selon le modèle socialiste et avec l’aide des pays socialistes frères ont été attribués au personnel de l’État. Ce personnel est qualifié, a des revenus réguliers et appartient encore maintenant aux catégories les moins pauvres.

Mais retenons que plus de 90% des ménages les plus pauvres vivent dans des conditions précaires de logement. Près de 9% doivent partager leur logement avec un autre ménage.

Quand ils sont locataires, les ménages les plus pauvres louent leur logement d’une personne de leur famille ou de leur connaissance; c’est le fait de plus de 90%. Ce sont eux évidemment qui ont profité le moins du programme de logements publics loués et attribués par le gouvernement. Les ménages les plus riches, qui sont locataires, louent du gouvernement dans près de 65% des cas.

Les sources d’eau potable sont un indicateur de la qualité des environnements et des infrastructures. En milieu urbain, les ménages consomment des eaux qui sont pompées et distribuées dans un réseau public. Nombre d’entre eux consomment encore des eaux de puits privés de surface, et les eaux des lacs, étangs et canaux.

Les ménages urbains, qui ont l’eau au robinet, vivent des conditions extrêmement différentes. La majorité d’entre eux doivent partager ce robinet avec d’autres ménages. Dans les quartiers centraux, la pression est insuffisante pour monter l’eau aux étages. Les ménages doivent donc puiser l’eau directement dans la canalisation sous la rue, ou y installer une pompe pour remplir des réservoirs localisés sur le toit ou sur les étages. Mais il est de pratique courante de conserver des réserves d’eau en cas de coupure de services, ce qui est du domaine des affaires courantes.

Sources d’eau potable (%)

Sources

Ménages pauvres

Total des ménages

Robinet privé intérieur

0,45

6,42

Robinet privé extérieur

0,11

1,50

Borne-fontaine publique

0,11

2,79

Puits profonds

1,80

4,38

Puits de surface

64,12

52,75

Lacs, étangs, rivières

22,61

19,29

Eau de pluie

8,89

11,13

Autres

1,91

1,75

Total

100

100

Source: GOS, 1994.

En milieu urbain, les déchets sont en principe collectés régulièrement par des camions. Environ 46 % des ménages urbains profiteraient de ce service. Les déchets restants sont versés dans les lacs et étangs, parfois brûlés sur place ou réutilisés, principalement pour des fins agricoles. Près de 40% des ménages les plus pauvres n’auraient pas de toilettes; ceci est vrai aussi en milieu urbain où près de 20% de l’ensemble des ménages n’ont pas de toilettes. La toilette simple, sans fosse septique, est la plus répandue. Ceci implique une vidange journalière.

Les données de l’enquête sur les niveaux de vie des ménages ne nous permettent pas d’avoir une image détaillée des conditions de vie en milieu urbain. Dans les chapitres suivants, nous aurons des données détaillées sur les conditions des ménages pauvres dans certains quartiers de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville. Pour donner maintenant une image de la réalité, nous allons utiliser des informations recueillies dans le cadre d’autres activités de recherche que nous avons réalisées au Viêt-nam, entre 1992 et 1994. Nous allons tenter d’abord d’identifier les principaux impacts de la politique de privatisation du logement public entreprise en 1989, puis d’illustrer la situation du logement dans les quartiers anciens de Hanoi et, enfin, d’identifier les impacts de la transformation de ces quartiers sur les populations les plus sensibles. Nous allons aussi tenter de décrire la situation de l’environnement urbain en utilisant des informations sur les services urbains à Hanoi.

Impacts de la politique de privatisation du logement

La stratégie générale du gouvernement

Depuis 1954, le Viêt-nam a construit un important parc de logements publics. Ce parc de logements publics a régulièrement été augmenté à Hanoi, depuis 1954 jusqu’en 1986, même durant la période de la guerre « américaine ». En 1991, la propriété publique du parc de logements locatifs pouvait représenter plus de 55% de l’ensemble des logements à Hanoi. Il a été produit en grands ensembles selon le modèle moderniste soviétique. Les logements ont été produits soit directement par l’État (Service du Foncier et du Logement), soit par le biais des sociétés publiques (industrielles et autres). Les logements ont été attribués d’office au personnel de l’État, aux travailleurs des entreprises publiques, aux militaires et à certaines catégories de personnes réfugiées.

La politique d’attribution des logements publics correspondait exactement à une stratégie de maintien à un niveau artificiellement bas des salaires. Le logement par contre était également considéré comme un privilège, en reconnaissance de services rendus à l’État et à la Nation par les attributaires.

Le prix des loyers était donc exceptionnellement bas et n’avait pas été modifié au cours des années. Pour un grand nombre de ménages occupants, le logement était gratuit. Avec le temps, le logement public subventionné a été vu comme générateur de profondes injustices. La production de ce logement public, sa gestion et son entretien représentaient des charges lourdes pour l’État, et l’empêchaient d’accélérer la production de logements neufs.

L’État avait également besoin de bons logements pour loger le personnel des agences internationales faisant affaires au Viêt-nam. La privatisation, entreprise dès 1989, a donc visé à récupérer les bénéfices de ce capital-logement, en vendant d’abord les meilleurs logements, pour en retirer le maximum. Les fonds ainsi récupérés devaient être utilisés dans un premier temps pour construire du logement neuf de grande qualité pour les personnels étrangers de façon à enregistrer des bénéfices encore plus grands. En fin de parcours, l’État, avec ces ressources nouvelles, pourrait participer avec le peuple à la production de logements neufs et à la rénovation du parc existant afin de le privatiser.

La privatisation

Les choix d’orientation, vers une économie de marché, d’une économie centralement planifiée comme l’était celle du Viêt-nam, passaient par la privatisation d’activités économiques traditionnellement contrôlées par l’administration centrale, dont les activités publiques dans le secteur du logement. Cela concernait en particulier le changement de propriété du parc de logements publics au profit du secteur privé.

Au Viêt-nam, l’État a construit et géré une grande partie du parc de logements urbains (voir Pham Van Trinh et Parenteau R.; 1991). Ce parc a été attribué (droits d’occupation) et loué aux ménages, selon des règles complexes et à des prix très bas. En 1989, privatiser une partie du parc de logements publics voulait dire vendre les logements aux occupants ou à des acteurs privés.

Plusieurs questions concernent les modalités de vente aux occupants et aux acteurs privés, d’une part, et le mécanisme de fixation des prix, d’autre part. Ces questions sont inscrites elles-mêmes dans des problèmes stratégiques de développement : le parc de logements publics représentait un actif extrêmement important et sa vente pouvait amener à l’État des ressources financières importantes pour aider la transition vers une économie de marché. La liquidation de ce parc posait la difficile question de la distribution des bénéficies entre les occupants-acheteurs et l’État, si les logements étaient vendus en dessous du prix de leur valeur marchande.

La privatisation du parc de logements publics voulait encore dire la privatisation du parc de logements locatifs. En effet, l’État avait été pratiquement le seul fournisseur du marché locatif. La privatisation allait entraîner la disparition d’une partie du parc de logements locatifs avec tous les problèmes reliés : difficultés d’accès au logement pour les jeunes ménages, mobilités résidentielle et géographique restreintes…

Le premier effet de la privatisation a été la réduction du budget national qui était consacré au fonctionnement, à la gestion et à l’entretien du parc de logements publics. Les bénéficies attendus de la vente devaient être recyclés dans la production de logements pour les populations les plus défavorisées, ou dans le budget général de l’État pour réduire le déficit ou pour engager des actions dans d’autres secteurs. La privatisation pouvait aussi participer à la réduction de l’inflation en absorbant la demande de pointe et en forçant les ménages à épargner pour acheter un logement.

Mais la vente a pu aussi entraîner des pertes nettes pour l’État quand les logements ont été vendus à trop bas prix et quand l’achat a été encouragé par des taux d’intérêts subventionnés. L’État a pu encore enregistrer des pertes quand les travaux d’infrastructures ou de remise en état, exigés par les nouveaux propriétaires, ont été trop importants et quand leurs coûts n’ont pas été partagés.

Les effets sociaux

La vente des logements publics ont pu avoir des impacts majeurs sur la situation des ménages et sur la structure des communautés. Les ménages qui occupaient ces logements n’avaient pratiquement jamais payé de loyers. Ce type de dépense ne faisait donc pas partie de leur budget. Le logement gratuit constituait un immense avantage économique et social; mais, en revanche, la structure salariale des bénéficiaires était maintenue particulièrement basse.

Considérant la situation économique générale du pays, considérant aussi le fait que les bénéficiaires étaient en majorité des employés de l’État – directement ou indirectement -, il y avait fort à parier que les salaires n’allaient pas être ajustés immédiatement pour tenir compte de la perte de cet avantage et des nouveaux coûts de logement. La situation aura été encore plus grave pour les retraités des différents corps de l’État dont les revenus n’ont pas été augmentés de façon proportionnelle à l’augmentation des salaires, faute de leur non-intégration dans les nouvelles échelles salariales.

Compte tenu du fait que l’État ne voulait pas seulement se débarrasser de l’entretien du parc de logements publics, mais qu’il espérait aussi récupérer des ressources nouvelles pour supporter sa nouvelle politique du logement, il devait vendre ces logements à des prix significatifs. Les chances sont que les personnes capables de payer ces prix n’ont pas été le plus souvent les occupants. Outre le fait que la nouvelle politique semblait favoriser d’abord les fonctionnaires, les membres du parti et le personnel en uniforme, les conditions pour participer au programme définissaient essentiellement les bénéficiaires en fonction de leurs capacités financières. Ont été favorisés ceux qui pouvaient faire valoir des revenus réguliers ou ceux qui possédaient déjà des ressources suffisantes. En pratique, cela veut dire que les Vietnamiens expatriés, les petits commerçants et les artisans ont été favorisés compte tenu que la nouvelle ouverture du marché les favorisait en premier. Nous pouvons donc avancer l’hypothèse que les impacts de cette nouvelle politique ont porté non seulement sur les finances de l’État, mais aussi sur la situation économique des ménages, sur la structure sociale et sur la structure des communautés dans les quartiers qui ont fait l’objet d’interventions programmées.

Contexte particulier : les vieux quartiers de Hanoi

Les vieux quartiers historiques de Hanoi (« 36 rues » et « colonial français ») sont reconnus pour leurs exceptionnelles qualités. Le construit est relativement en bon état, son caractère rappelle des étapes importantes de l’histoire de la ville; l’ambiance y est particulièrement animée et agréable; le paysage urbain est riche et composé des principaux symboles religieux et administratifs de la ville. Ces deux quartiers constituent l’espace premier de l’activité touristique à Hanoi, mais ils ont aussi une image forte chez les habitants de la ville, en termes historiques bien sûr, mais surtout parce qu’ils sont le centre des activités commerciales et artisanales de la ville.

Il n’y a pas d’études récentes sur ces deux quartiers, sauf quelques exceptions : d’abord l’excellente étude de Hoang Huu Phe et Yukio Nishimura (1990) à laquelle nous ferons référence, quelques études d’inventaire entreprises à l’Université d’Architecture de Hanoi et quelques rapports spécialisés d’experts étrangers.

Nous allons nous référer principalement à l’étude de Phe et Nishimura (1990), parce qu’elle est la plus complète. Nous pouvons sans grand risque d’erreurs étendre ses conclusions au quartier colonial français (elle ne porte que sur le quartier des 36 rues), en ce qui concerne les impacts et dimensions sociales, puisque les populations qui occupent ces deux quartiers se ressemblent fondamentalement.

L’activité économique principale dans ces quartiers se résume essentiellement au petit commerce de détail et au petit artisanat. Le lien entre ces deux activités n’est pas encore analysé, mais on peut supposer que le produit de l’activité artisanale est écoulé sur le marché local des deux quartiers. Ces activités sont exercées par de petites entreprises familiales et pratiquées comme activité principale par les commerçants, mais comme activité secondaire par des fonctionnaires et des retraités.

La population des vieux quartiers est plus âgée que celle des autres quartiers; le taux de natalité est bas, la densité d’occupation est élevée et expliquée, d’une part, par la cohabitation des activités résidentielles, commerciales et artisanales, et par la cohabitation de plusieurs générations dans le même logement, d’autre part.

Les résidents seraient principalement des employés de l’État et des retraités de l’État. Cependant le nombre de commerçants privés croît rapidement. Tenant compte du fait que plusieurs employés de l’État et plusieurs retraités exercent aussi une activité commerciale, l’occupation principale de l’ensemble de la population serait le commerce.

La majorité des résidents occupent des logements de l’État dont ils sont locataires. Les plus riches seraient les commerçants; les plus pauvres les employés et pensionnés de l’État.

La propriété des logements est partagée entre l’État (plus de la moitié) et, par ordre d’importance, par le secteur privé, par des formules mixtes et par des unités de travail. La part du secteur privé serait en nette progression, aux dépens de celle de l’État. Les résidents seraient fortement en faveur de la propriété privée, même si les droits d’occupation des locataires peuvent à la limite être vendus et légués.

Le logement est mal entretenu et le parc historique est menacé. Les logements, propriétés de l’État, sont dans un état encore plus lamentable, à cause de l’absence de plainte des occupants, de l’insuffisance de fonds et de matériaux, et des délais administratifs et techniques pour donner suite aux plaintes. Les propriétaires privés hésitent à entreprendre des réparations dans un contexte incertain relativement aux droits de propriété.

Pour assurer la rénovation du parc de logements dans ces vieux quartiers, l’État ne voit actuellement que la seule solution de la privatisation. Même s’il a développé des instruments pour intervenir avec le peuple pour améliorer ces logements, il ne semble pas encore avoir mis en œuvre des actions programmées importantes.

Phe et Nishimura (1990) ne nous ont laissé aucune information sur les impacts sociaux de cette situation générale et sur ceux de la privatisation en particulier. Leur étude n’avait pas porté sur ce sujet. Dans une étude sur la privatisation du logement public dans le quartier « colonial français » de Hanoi (Parenteau et Champagne, 1996), nous avions choisi de nous arrêter expressément à l’analyse de ces impacts, en supposant que la protection et la remise en valeur du parc de logements devait tenir compte des occupants-locataires, et de la protection et du développement des structures sociales des quartiers en question.

L’impact le plus général et le plus lourd des travaux de rénovation sur les populations est la hausse très sensible des densités d’occupation résidentielle. Ces hausses ne sont pas expliquées par le nombre de personnes, mais par le nombre de ménages. Les transformations ajoutent en effet un nombre important de nouveaux logements, par subdivisions et par ajouts, aux logements existants. La densité d’occupation résidentielle est déjà extrêmement élevée dans les villes vietnamiennes et particulièrement élevée dans le quartier Hoan Kiem de Hanoi. L’objectif premier de la politique vietnamienne du logement est de réduire les densités. Par rapport à cet objectif, il faut reconnaître que la transformation du quartier entraîne des résultats qui vont dans l’autre direction.

La hausse des densités d’occupation résidentielle est expliquée principalement par la croissance et l’expansion des activités économiques reliées d’abord au commerce, puis à l’administration. Ces activités, par le biais des transformations, occupent des surfaces habitables en réduisant (parfois à 0) les espaces réservés à l’habitation. Les compensations, sous forme de logements ajoutés, se font par augmentation des densités. Ces compensations sont faites à fins lucratives (location de logements) ou, parfois, à des fins sociales (stratégies familiales ou communautaires).

Les déplacements de population, à l’occasion de la rénovation des immeubles, ne sont pas encore aussi importants qu’attendus. Ces déplacements sont en proportion plus importants si les travaux de rénovation sont initiés par des acteurs privés et s’ils visent la production d’unités de logements pour le marché locatif. Dans ce cas, ils se font de façon radicale, sans compensation. Ils profitent à de nouvelles catégories de travailleurs salariés, supportés par les transformations de l’économie urbaine vietnamienne. Ils engendrent, dans ce cas, des transformations radicales des communautés locales.

Le déploiement des activités commerciales, qui est à l’origine des actions de transformation dans le quartier, crée des emplois dans les quartiers centraux, mais concurrence des activités économiques traditionnelles exercées par des acteurs résidant dans le même espace. Les activités de service semblent particulièrement menacées. Compte tenu des très grandes densités d’occupation résidentielle, mais compte tenu aussi de l’importance du nombre des personnes dépendantes (enfants et vieillards retraités), la qualité de l’« habiter » dans le quartier est sérieusement compromise.

Pour le moment, nous n’avons pas encore étudié les impacts environnementaux de ces transformations dans le quartier (réduction du nombre et des superficies des espaces libres, sur-utilisation des équipements, etc.). Mais, il semble évident que l’augmentation des densités et de la mixité des usages va engendrer des problèmes majeurs au niveau des équipements d’infrastructure.

Puisqu’il faudra agir sur les densités, donc sur le déploiement des activités commerciales, il faudra recourir à des mécanismes nouveaux. En effet, nombre de travaux de transformation sont entrepris par des acteurs qui ne résident plus dans le quartier et qui ne sont donc pas soumis aux règles de la solidarité communautaire exercée, jusqu’ici, par les comités populaires d’arrondissement.

Un contrôle sur l’expansion des activités économiques reliées au commerce ne sera pas suffisant. En effet, nombre aussi de travaux sont entrepris par la communauté pour augmenter le nombre d’unités de logements en favorisant d’autres activités économiques. Tout contrôle de l’augmentation des densités – directement relié à la qualité de vie des environnements urbains – passerait non seulement par un contrôle des transformations – changements de fonctions et changements de modes de gestion-mais aussi par des contrôles sur les bâtiments annexes et sur les subdivisions à l’intérieur des immeubles. Par un autre biais, le maintien sur place des populations – ménages de petite taille et ménages aussi de grandes tailles – participerait au ralentissement des hausses de densité d’occupation en évitant les subdivisions des logements existants.

Ce quartier, ces îlots sont des lieux d’emploi et de résidence. Toute transformation entraînant disparition d’activités ou modification de la structure des activités, de même que toute transformation entraînant déplacement du lieu de résidence des travailleurs porteront atteinte directement à la vitalité du quartier et à la structure de la vie communautaire.

Le nombre important de ménages qui se considèrent pauvres représente l’enjeux immédiat le plus important. Ils seront sensibles à toute entreprise de transformation et seront fort probablement relocalisés. Leur résidence dans le quartier dépend des conditions de transformation et du contrôle des expulsions, mais aussi du contrôle des prix des logements locatifs. Il y a, parmi ces ménages pauvres, bon nombre de sans travail et de retraités, bon nombre aussi de fonctionnaires dont les salaires ne sont plus ajustés. Leur résidence dans le quartier pose des questions d’éthique et de justice sociale.

Illustration des problèmes environnementaux : situation à Hanoi

Les risques d’inondation

Hanoi est située dans une plaine – le delta du fleuve Rouge -, à environ 100 kilomètres de la mer. L’élévation de la ville varie entre 4 et 11 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le fleuve, en face de Hanoi, a une largeur de 1 à 1,5 kilomètres. Son niveau le plus haut a déjà atteint plus de 14 mètres au-dessus du niveau de la mer; et son niveau le plus bas a déjà été enregistré à 1,7 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les variations normales vont de 2 mètres en saison sèche à 10 mètres en saison des pluies, saison qui peut durer six mois. Les risques d’inondation, pour la ville, sont normaux et réguliers. La ville est partiellement protégée par une digue principale qui longe le fleuve. Cependant, en saison des pluies, l’écoulement est lent et difficile en raison de la faible élévation de la ville et de la faible dénivellation dans le ville (3% du nord au sud); plusieurs quartiers sont inondés à plusieurs reprises pendant plusieurs jours. Les quartiers situés au sud-ouest sont plus particulièrement touchés puisque l’ensemble des eaux pluviales et usées de la ville s’y dirigent. Jusqu’ici, ces quartiers étaient moins développés pour cette raison. D’autre part, la ville s’est étendue au-delà de la digue protectrice et plusieurs nouveaux quartiers subissent directement les inondations.

Le D Terry Lustig (UNDP, 1992) évalue les impacts suivants des inondations des habitations construites en dehors de la digue à Hanoi : manque de nourriture et d’eau, infections des yeux et de la peau, problèmes intestinaux, maladies parasitaires. Les plus grandes pertes estimées par les personnes sont le logement, la désorganisation de la vie quotidienne et les coûts de nettoyage. Les commerces pourraient perdre environ l’équivalent de 50% de la valeur de leur immeuble et l’industrie pourrait perdre environ 25% de la valeur annuelle de la production. Dans la ville, à l’intérieur de la digue, les inondations entraînent les mêmes impacts; mais, à ceux-ci, il faut ajouter le lessivage des eaux usées, domestiques et industrielles, qui entraîne une pollution stagnante dans les rues, les places publiques, les étangs. Les inondations, à l’intérieur de la digue, sont perçues comme plus fréquentes et plus graves depuis quelques années. Les causes sont attribuées à la réduction de la superficie des lacs (remplissage pour la construction) et au rétrécissement des canaux d’évacuation encombrés par les déchets solides.

La ville compte plusieurs lacs et canaux naturels produits par les déplacements du cours du fleuve. Elle compte aussi plusieurs lacs et étangs artificiels produits suite à l’extraction de la glaise pour la fabrication de briques ou suite à l’excavation du sol pour la fondation des constructions. Les lacs et étangs constituent un potentiel important pour le captage et la rétention des eaux de pluie; ils régularisent le système hydraulique et réduisent la fréquence et la sévérité des inondations. Ils sont souvent reliés entre eux par des canaux qui amènent les eaux dans quatre rivières de drainage (To Lich 13 km, Lu 6 km, Set 6 km, Kim Nguu 10 km) qui se jettent dan la rivière Nhue après s’être rejointes au barrage Thanh Liet.

Il y aurait plus de 20 lacs et étangs «nommés», et plus de 10 autres non reconnus, qui jouent les fonctions suivantes : régulation des eaux, aquaculture, pisciculture, lagunage, récréation et contemplation. La superficie totale de ces lacs pourrait représenter plus de 600 hectares et serait en constante diminution à cause du remplissage pour augmenter les surfaces constructibles.

Les lacs Ho Tay et Hoan Kiem sont les plus importants par leur étendue mais aussi par leur caractère. Le lac Ho Tay a vu sa vocation récréative et touristique confirmée par le schéma d’aménagement de la ville. Le lac Hoan Kiem, cœur de la ville, a un fort caractère historique et symbolique; il compte des algues rares et des colonies très anciennes de tortues (symbole historique de la création de la ville).

Les problèmes des eaux

L’ensemble des études, rapports d’experts et documents de volontés politiques expriment une priorité pour maîtriser les problèmes reliés aux eaux urbaines à Hanoi. Ces problèmes font système et concernent la qualité de l’eau potable, la gestion des eaux usées, l’assainissement et la gestion des déchets solides. Ils sont manifestés par la pollution des eaux et par le mauvais fonctionnement du réseau. La pollution peut être identifiée à trois sources : les rejets industriels, les rejets des hôpitaux et les rejets domestiques. Les eaux usées voyagent en surface, à travers toute la ville, ou dans des infrastructures désuètes et très endommagées.

Les systèmes d’infrastructures urbaines, au Viêt-nam, ont été construits au début du siècle pour desservir principalement les établissements coloniaux et les quartiers centraux des plus grandes villes. Jusqu’à ce jour, ces systèmes n’ont pas été significativement étendus pour suivre la croissance des établissements urbains. Ils ont été sérieusement endommagés; ils ont vieilli; ils sont surexploités par des peuplements de grande densité; et ils n’ont pas été entretenus. La situation, particulièrement à Hanoi, approche de l’état de crise grave. Les systèmes traditionnels d’assainissement ne suffisent plus et ils sont menacés par la croissance urbaine. Les problèmes sont graves dans les quartiers centraux, densément peuplés, où la surcharge des systèmes d’évacuation est aggravée par les eaux de pluie. Les débordements, les eaux stagnantes et les inondations entretiennent un dangereux mélange d’eaux usées.

L’eau potable

La consommation annuelle moyenne d’eau par habitant au Viêt-nam serait de 2,750 m3 (Nguyen Ngoc Sinh; 1994). Le rapport WASECO (1993) estime la demande domestique, pour les populations urbaines du Viêt-nam, entre 90 et 120 litres d’eau par personne par jour. La demande des populations suburbaines s’établirait entre 50 et 60 litres par personne par jour. La demande domestique représenterait 53% de la demande totale; l’industrie (11 %), les usages publics (9 %), les pertes (22 %), le traitement lui-même de l’eau (5%) se partageraient le restant de la demande.

En 1977, le ministre de la Santé a formulé des normes de qualité et d’offre des eaux potables et domestiques. Le Comité d’État pour la Planification a aussi énoncé des normes d’offre de l’eau qui établissent à 200 litres par jour et par habitant l’offre souhaitable dans les villes.

En moyenne, l’offre d’eau par jour et par habitant est de 100 litres à Hanoi et il y aurait en moyenne 59% de la population desservie (Nguyen Viet Pho et all.; 1992). Selon Cu Huy Giai (1992), 92% des ménages à Hanoi auraient l’eau au robinet. De ceux-ci, près de 47% auraient un robinet à l’intérieur de l’immeuble d’habitation; les autres tireraient l’eau d’un robinet à l’extérieur. 6% des ménages tireraient l’eau d’un puits et près de 2% devraient recourir à d’autres sources (étangs, pluies, etc.). Les informations de Cu Huy Giai sont tirées du Recensement national sur le logement de 1989. Bui Tam Trung (1993), du Comité de l’Environnement de Hanoi, estime quant à lui que 70% de la population urbaine a de l’eau potable. Mais seulement 50% de la population a accès à des sources fiables. De ces 50%, 20% ont un accès direct par un robinet à l’intérieur de l’immeuble d’habitation et 80% ont un accès via un robinet public. 900 personnes en moyenne peuvent partager un même robinet public situé à une distance moyenne de 100 mètres. Les autres utilisent des puits de surface, non protégés et pollués, des réservoirs d’eau de pluie et l’eau des canaux et des étangs. Certains ménages tirent directement l’eau des principaux distributeurs au moyen d’installations ingénieuses.

Toujours selon Bui Tam Trung (1993), l’offre d’eau quotidienne ne serait que de 85 litres par personne. Le système actuel ne pourrait assurer une offre stable et fiable qu’à 40% de la population. Le manque serait en partie attribuable à des pertes de 50% dans le réseau.

L’eau tirée des puits, profonds et de surface, n’est plus fiable non plus. Les eaux souterraines ont été polluées par les eaux usées de la ville, par des matériaux organiques, par des engrais et des produits chimiques. La priorité à Hanoi n’est pas dans la quantité d’eau, mais dans sa qualité et dans la gestion des sols pour assurer la protection des nappes souterraines.

Depuis 1985, le gouvernement de la Finlande assiste le Viêt-nam pour améliorer le système d’offre d’eau potable à Hanoi. Ce programme vise à améliorer la production d’eau potable et les conditions de sa distribution.

L’eau potable à Hanoi vient en totalité des eaux souterraines C’est le Service des Eaux de Hanoi qui assure la production et la distribution à partir de 130 puits en exploitation, protégés de la pollution par des structures en béton. Quelques usines et quelques bâtiments publics ont leurs propres puits. L’eau produite ne rencontre pas bien souvent les standards minimum de qualité à cause du mal fonctionnement des équipements. Les puits sont aussi maintenant rattrapés par le développement urbain qui menace la qualité des eaux souterraines.

L’eau est distribuée par un système mis en place principalement sous le régime colonial français. Ce système est en très mauvaise condition; la pression est insuffisante et les pertes d’eau dans le système pourraient atteindre 50%. Le programme finlandais d’assistance concerne seulement les arrondissements urbains centraux et vise à remplacer les tuyaux souterrains et à améliorer le rendement des stations de pompage.

Dans plusieurs quartiers de Hanoi, les gens prennent l’eau directement sur les tuyaux principaux à partir d’ouvertures dans le trottoir ou dans la rue. On imagine facilement les hauts risques que ces pratiques entraînent. Par contre, l’évaluation de la qualité des eaux est faite régulièrement et des améliorations sensibles de la qualité et de la fiabilité du système sont attendus du programme finlandais. Le rapport de SWECO (1993) ne recommande aucune nouvelle action dans ce domaine. Par contre, en ce qui concerne les eaux usées, la situation est catastrophique. Les étangs et canaux sont les principaux collecteurs et récepteurs de l’ensemble des eaux usées de Hanoi. A cause de la densité de peuplement, du comblement des étangs, de la décharge de déchets solides, la majorité des étangs et canaux sont bloqués et atteignent la limite maximale de leurs capacités biologiques. Ces eaux usées s’infiltrent dans les sols et détruisent les ressources souterraines.

Les eaux usées

Les informations manquent pour se faire une idée juste du système de collecte et d’évacuation des eaux usées. Les premiers rapports d’experts sont contradictoires. Le système d’assainissement compterait 150 kilomètres d’égouts souterrains pour un réseau de rues qui fait plus de 350 kilomètres. Le diamètre des égouts est de 400 à 500 mm et doit évacuer à la fois les eaux domestiques et les eaux de pluie. Le système de canaux d’évacuation de surface, qui ne fait que 38 kilomètres, est lourdement pollué et systématiquement bloqué. Environ 300000 m3 d’eaux usées sont déchargés tous les jours sans traitement dans les égouts, canaux et étangs; et environ 900 m3 de déchets solides sont déchargés quotidiennement dans les lacs, étangs et canaux.

Seuls les quartiers centraux ont accès à un système de collecte des eaux usées. Environ 40% de la population urbaine de Hanoi vit dans les quatre districts centraux qui possèdent un système d’égouts. Un autre 20% est servi par des canaux de surface. Mais compte tenu que beaucoup d’eaux usées sont déversées dans des fossés, caniveaux de surface et canaux, la situation est pire qu’elle n’apparaît. SWECO (1993) estime que seulement 20% de la population serait réellement servie par un système d’égouts.

Il est évident que le système existant ne couvre qu’une faible partie de l’agglomération et que ce système est en mauvais état. Des données comparant la situation actuelle à celle de 1954 donnent une idée de la dégradation de la situation: En 1992, il y avait 150 km d’égouts pour 350 km de rues. Comparée à celle de 1954 (20000 m3), la production quotidienne d’eaux usées est estimée en 1992 à 300000 m3. Il y avait, en 1992, 242 hectares de lacs et d’étangs; il y en avait 1600 en 1954; les canaux de drainage sont passés de 40 km en 1954 à 28 km en 1992.

Une première observation, dans les quartiers centraux, montre que le système existant n’est plus fonctionnel. La majorité des immeubles, suite à des travaux intérieurs, mais suite aussi à des travaux sur et sous la chaussée, évacuent leurs eaux usées directement sur la rue par un tuyau de faible dimension installé sous le trottoir. Les collecteurs souterrains en bouts de rues et aux carrefours collectent les eaux usées et les dirigent vers l’étang le plus proche.

En fait, ce sont les lacs, les étangs, les canaux et les rivières qui sont le système de drainage et d’assainissement de Hanoi. Les canaux et les rivières ont une longueur totale de 38 km avec une capacité de réception de 317000 m3 Tous sont pollués par les eaux usées, plusieurs sont bloqués par des déchets solides, et par des travaux de constructions. Ces eaux aboutissent toutes finalement dans les zones périurbaines où elles sont pompées pour irriguer les rizières, pour l’aquaculture et la pisciculture. Les eaux restantes sont pompées dans le fleuve.

Cu Huy Giai (1992) décrivait la situation suivante à partir d’une observation dans deux nouveaux lotissements dans des arrondissements centraux : les eaux usées coulent en surface vers un jardin, un terrain vague ou un étang. Les toilettes sont en général des latrines à deux fosses et 33% des logements en auraient. Plusieurs ménages utilisent des toilettes publiques.

Dans les quartiers périphériques nouveaux, la majorité des ménages ont des latrines à deux fosses qui sont vidangées par des petites entreprises locales et des groupes villageois. Le produit de la vidange est transporté à la campagne. En fait, même si un règlement oblige la vidange régulière, la plupart des fosses ne sont pas vidangées régulièrement. Elles débordent et leur contenu s’écoule vers les étangs. La production de déchets humains dans ces latrines est estimé à 120 tonnes par jour. Le Service de l’environnement urbain en collecte et transporte environ 80 tonnes par jour. Le reste est collecté et transporté par les habitants ou par de petites entreprises locales; mais une bonne partie de ce reste s’écoule directement dans les espaces vacants et dans les étangs et canaux.

Il y a aussi environ 9000 réservoirs septiques à Hanoi. La Société de l’environnement urbain (URENCO) collecte les contenus d’environ 40% de ces réservoirs. Jusqu’à il y a environ deux ans, le service de collecte était rudimentaire et s’effectuait principalement la nuit. Le contenu des réservoirs était vidé dans des bacs en métal qui étaient transportés par camion. En plein centre de Hanoi, dès le milieu de l’après-midi, ces travaux étaient entrepris. L’ouverture des réservoirs, leur vidange, le remplissage des bacs sur la rue entraînaient des débordements et déversements qui s’écoulaient en surface.

Le problème du transport des déchets humains entraîne de graves risques pour la santé de la population de Hanoi (70% de tous les enfants souffrent d’infections parasitaires). L’absence de collecte et d’entretien régulier des latrines et réservoirs entraîne des débordements dont les effluents se retrouvent dans les étangs et canaux.

Il semble que la collecte privée des contenus des latrines soit maintenant interdite. C’était l’affaire de groupes villageois qui se servaient de cette ressource pour la fertilisation des sols.

L’écosystème aquatique étouffe: les charges d’eaux usées sont plus importantes, la superficie des étangs diminue, les canaux et étangs sont déjà saturés, la qualité de leurs eaux étant comparable à celle des effluents d’un égout normal. A ces charges liquides, il faut en plus ajouter la charge de déchets solides qui comble les étangs, bloque les canaux.

Le volume total des déchets solides est estimé à 1980 m3 par jour. 46% de ce volume est collecté par Urban Environment Company (URENCO) et transporté sur des sites d’enfouissement, à Tarn Hiep puis à Me Tri. Le reste est soit brûlé, utilisé pour nourrir le bétail, recueilli par les recycleurs ou déchargé directement dans les lacs, canaux et étangs. URENCO estime que la croissance du volume des déchets a été de 16% au cours des trois dernières années. Les déchets domestiques représentent environ 75% du volume total. Il n’y pas de collecte sélective des déchets dangereux. Avant 1992, les déchets étaient accumulés le long des rues sur 72 sites de dépôt. Depuis 1992, les déchets sont déposés dans des conteneurs disposés en majorité aux endroits des sites de dépôt d’avant 1992. Les conteneurs laissent couler un liquide douteux vers les caniveaux de surface et ensuite vers les lacs et étangs. Les pratiques de recyclage sont importantes. DiGregorio (1994) estime le nombre des recycleurs à 6000, pendant la haute saison. Ils peuvent récolter jusqu’à 286 tonnes métriques de déchets par jour, alors qu’URENCO en collecte 380. Les recycleurs sont surtout intéressés par le papier, le plastique, le verre et le métal. Un recycleur peut gagner jusqu’à 1 dollar américain par jour, ce qui correspond au salaire quotidien d’un travailleur de la construction. Les recycleurs s’installent souvent sur des parties d’étangs comblés par des déchets. A certains endroits, ils constituent de petites collectivités, résidant illégalement dans des habitations précaires.

URENCO expérimente un site de compostage qui pourrait traiter 30000 mètres cubes de déchets par année pour produire environ 7500 mètres cubes de compost.

Il n’y a pas de suivi ni de contrôle sur les eaux usées industrielles et sur la gestion des déchets industriels. Près de 250 usines sont pourtant recensées et on sait que leurs équipements vétustés sont une réelle menace à la qualité de l’environnement, surtout avec le rapprochement des activités résidentielles suite à la croissance.

Facteurs aggravants

Le développement urbain s’est fait sans considération pour les impacts environnementaux futurs; plusieurs usines, construites à l’origine dans les faubourgs, sont maintenant dans des ensembles résidentiels denses qu’elles polluent sérieusement. Ces usines ont maintenant 30 ou 40 ans, ont une technologie désuète, des équipements vieillis, déversent des eaux usées non traitées et sont des sources de pollution importantes.

L’écoulement naturel des eaux est difficile à cause du bas niveau de la ville et de la faible dénivellation (3% du nord au sud). Les eaux stagnent et se mêlent aux ordures, dont 50% seulement sont ramassées et enterrées.

L’efficacité des travaux d’infrastructure entrepris depuis quelques années est complètement minée par l’augmentation et par la densité de la population, et par le développement rapide d’activités économiques nouvelles.

La croissance de l’agglomération urbaine augmente les problèmes de l’eau: impacts accrus sur les régimes des eaux, augmentation des fréquences et des intensités des inondations, pollution, augmentation du volume des eaux usées non traitées.

Les drains sont souvent bloqués et débordent, en distribuant en surface les déchets humains et les déchets domestiques, particulièrement pendant les orages. Les lacs et les étangs, les parcs urbains reçoivent ces déchets et eaux non traitées.

L’administration municipale n’a pas de stratégie d’ensemble et répond uniquement à des situations ponctuelles. Elle installe par exemple certains drains souterrains, dans des quartiers périphériques, pour éviter les trop grands risques de contamination et pour créer de l’espace constructible. Sur le lac Ho Tay, elle oblige les promoteurs étrangers (du Japon, de Singapour et de Malaisie) soit à faire un premier traitement de leurs eaux usées avant de les déverser dans le lac, soit à les détourner vers le sud.

Le problème de l’eau à Hanoi soulève un immense problème de santé urbaine. Les actions qui favoriseraient une amélioration des conditions de santé urbaine et d’assainissement devraient compter sur la réhabilitation des étangs et canaux de Hanoi pour améliorer leurs capacités hydrauliques, favoriser l’absorption des eaux de drainage et rétablir leur capacité de traitement des eaux usées. Tout programme d’action devrait proposer aussi la restauration de certains lacs pour leurs qualités esthétiques et hydrauliques, par un dragage des sédiments qui les ont remplis ou bloqués. Un plan global d’aquaculture pour maintenir l’utilisation des capacités de biotraitement des eaux de surface et pour prévenir un effondrement général du système aquatique de la ville devrait être associé à toute action d’assainissement.

Mais en fait, toute action devrait commencer par un contrôle sévère des actions de remplissage des lacs existants. Les développeurs locaux et étrangers remplissent actuellement les lacs en entier ou en partie. Les matériaux peuvent être de la terre, du sable ou du gravier. Bien souvent, on commence avec des matériaux moins coûteux comme les déchets domestiques et les déchets de construction. La réduction des plans d’eau diminue naturellement les capacités d’absorption et de rétention. Mais le remplissage de lacs et étangs, choisis au hasard des intérêts des développeurs, entraîne aussi la rupture du réseau et du système d’évacuation vers le sud.

Portrait de la situation du logement et de l’environnement
à Hô Chi Minh-Ville

Hô Chi Minh-Ville compte, selon les statistiques officielles de la ville, environ 550 mille logements. De ceux-ci, un peu moins de 12% sont des logements publics (propriétés de l’État); le reste, soit près de 88%, est considéré comme de propriété privée. Ces logements sont occupés en moyenne par plus de 2 ménages (de 2 à 3). Un ménage moyen compte 5 personnes. Dans les quartiers ouvriers de Hô Chi Minh-Ville, les ménages de 10 personnes sont nombreux.

En 1994, les statistiques officielles de la ville enregistraient 67 mille logements comme des taudis. Ce nombre de logements de mauvaises conditions était en nette augmentation (près de 20 mille de plus) par rapport à 1977. Près de 40% de ces taudis étaient localisés sur les canaux, très pollués, des arrondissements centraux.

La préoccupation principale de l’administration municipale porte sur les canaux, et par ce biais, sur les taudis qui y sont construits. Il s’agit d’abord de libérer les canaux, de façon à engager leur dépollution par la suite, pour donner un caractère hospitalier aux arrondissements centraux.

Les canaux considérés comme pollués s’étendent sur une longueur de 72 mille mètres à travers la ville. Les logements qui y sont construits sont de type précaire. Ils sont construits illégalement, avec des matériaux non solides. Ces logements n’ont aucun équipement sanitaires et l’ensemble des eaux usées et des déchets liquides sont déversés directement dans les canaux. Ces logements sont étroits et n’offrent en moyenne qu’une superficie habitable de 2 mètres carrés par personne. A partir des canaux, les taudis s’étendent sur les berges et créent des ensembles organisés le long de sentiers qui ne permettent pas la fourniture de services publics élémentaires (approvisionnement en eaux, collecte des déchets, etc.).

Depuis 1986, ces bidonvilles sont alimentés par des mouvements migratoires de populations rurales vers la ville. Ces mouvements ont naturellement été encouragés par l’ouverture à l’économie de marché qui rend attractive l’économie urbaine. Mais ils sont aussi le résultat des catastrophes naturelles dans le centre du Viêt-nam et de la baisse de fertilité des sols dans les montagnes du nord; les deux ont poussé les paysans vers les villes. Ces populations n’ont pas de statut de résidence dans la ville; elles n’ont pas de droit de résidence permanente. Le pourcentage de loge ments illégaux est donc très important à Hô Chi Minh-Ville, et particulièrement dans les bidonvilles. Des enquêtes sur des échantillons indiquent des taux d’occupation illégale pouvant atteindre plus de 24% dans certains quartiers.

Cette situation crée des conditions particulièrement difficiles pour améliorer la situation du logement des populations les plus pauvres, vivant sur les canaux. Leur situation est d’abord illégale et leurs logements sont donc plus que pour la moyenne de la ville des logements privés. Ensuite ces logements ont été achetés ou construits après 1986, c’est-à-dire au cours d’une période où les pouvoirs publics avaient peu de moyens de contrôler le développement, à cause de la transition et de l’amorce des pratiques de l’économie de marché. Par exemple, au cours de cette période, des titres légaux d’occupation du sol ont été vendus illégalement et non enregistrés. Dans ces conditions, les habitants n’ont pas intérêt à dépenser pour améliorer un logement dont le statut est précaire et, de toute façon, la majorité d’entre eux n’auraient pas les moyens d’engager de telles dépenses.

L’administration municipale est donc forcée, en quelque sorte, à adopter deux stratégies différentes. Pour les ménages qui occupent illégalement le sol, la stratégie principale sera de les expulser avec compensation, selon le cas. Pour les occupants qui possèdent des droits, la stratégie sera de les compenser au moment d’une relocalisation, ou de supporter leurs capacités pour améliorer leurs conditions de logement sur place.

Le principal programme municipal d’intervention sur les bidonvilles a commencé en 1994. Il concerne une série d’interventions sur le canal Nhieu Loc-Thi Nghe qui serpente sur une longueur de 10 kilomètres à travers les arrondissements 1, 2 et 3. Les impacts de ce programme sur les populations qui y ont participé seront évalués dans le détail dans le chapitre six.

Conclusion

Nous avons maintenant une image globale de la pauvreté urbaine au Viêt-nam, et un portrait global aussi des conditions dans lesquelles vivent les populations en milieu urbain. Sur plusieurs points, la réalité de la pauvreté urbaine au Viêt-nam ressemble à la pauvreté urbaine dans les autres pays en développement et à la pauvreté tout court. Bon nombre d’entre eux sont des paysans immigrés de récente date en milieu urbain. Les plus pauvres ont des revenus bas parce qu’ils occupent des emplois précaires et peu rémunérés. Ils sont peu scolarisés et peu qualifiés et doivent donc se satisfaire d’occupations non qualifiées et manuelles. La précarité de leurs emplois en fait des chômeurs chroniques. Ils consomment relativement peu, la plus grande partie de leur budget de dépenses étant consacrée à l’alimentation. Leurs conditions de logement sont également précaires, ce qui les amènent à vivre dans des conditions environnementales caractérisées par l’extrême des conditions négatives du milieu urbain où ils vivent. Leurs dépenses relatives à la santé et à l’éducation, même minimes, occupent une partie importante de leurs dépenses de consommation. Ils sont endettés, possèdent peu d’épargne et sont obligés d’emprunter. Comme ils sont non solvables, ils ne peuvent emprunter que dans les réseaux traditionnels d’entraide. Leur endettement est donc endémique. C’est à peu près à cela que s’arrête la ressemblance avec la pauvreté urbaine dans les autres pays en développement.

Par contre, la pauvreté urbaine au Viêt-nam est marquée de caractères propres qui ne sautent pas aux yeux à première vue. La moyenne de ces pauvres sont d’abord de jeunes ménages et de jeunes familles ayant plusieurs enfants. On pourrait dire ici que la pauvreté urbaine affecte principalement la cellule familiale dans la couche productive de la structure sociale. Ces ménages urbains pauvres comptent peu de dépendants âgés, mais ils comptent plusieurs personnes actives dont les enfants de 13 ans et plus. L’ensemble de la famille participe à la composition du revenu familial et l’ensemble des participants le font dans la précarité. Ces familles sont donc privées de sources régulières de revenus tirés soit des pensions, soit des retraites (elles comptent relativement peu de personnes âgées), soit des bourses d’études (les enfants arrêtent plus tôt leurs études). Au Viêt-nam, compte tenu d’une politique sociale relativement généreuse héritée du régime socialiste, ces sources de revenus réguliers font souvent toute la différence entre la précarité et la pauvreté relative.

Le travail précaire dans les villes du Viêt-nam est encore plus précaire et plus déqualifié. Excepté peut-être à Hô Chi Minh-Ville, dans certains secteurs d’activités, on ne peut pas vraiment encore parler d’un secteur informel organisé et structuré. Dans d’autres pays en développement, on sait que ce secteur est doté d’une dynamique propre qui peut même rendre ses activités concurrentielles avec celles du secteur formel. Ici, il faut retenir que l’ensemble de l’activité productive, que ce soit dans les domaines de la transformation ou dans ceux des services, a été jusqu’à tout récemment solidement contrôlée et encadrée par le gouvernement et par un ensemble structuré d’institutions (services publics, entreprises publiques, confédérations de travailleurs, coopératives et associations). Toute activité en dehors de cet ensemble structuré était par définition une activité illégale. Cet ensemble, bien que moribond sur le plan économique, est encore doté d’une très grande efficacité sociale et administrative, à travers l’appareil du Parti. Le caractère d’extrême précarité est ici toujours plus ou moins attaché à l’illégalité. La relative efficacité, même à ce moment, des institutions héritées du régime socialiste ralentit l’auto-organisation de forces actives.

Ainsi, pour un observateur étranger, il est surprenant d’entendre les chercheurs et administrateurs vietnamiens déplorer le manque d’organisations communautaires capables de prendre le relais des institutions publiques dans l’organisation des communautés et dans la fourniture de services. En effet, la présence systématique de comités populaires aux niveaux les plus petits de l’organisation sociale, les coopératives, les associations de travailleurs constituent autant de composantes qui ressemblent à de l’organisation communautaire. Ce que les experts vietnamiens nous disent indirectement, c’est que toutes ces composantes n’ont pas d’existence propre en dehors de la logique d’organisation sociale du Parti et de l’État. En pratique donc, les populations pauvres au Viêt-nam sont peu organisées sur le plan communautaire, en dehors du système mis en place par le gouvernement et le parti. Il y a peu d’ONG autonomes. La structure d’entraide est individualisée, comme on l’a vu pour l’emprunt par exemple. Comme l’ensemble de l’appareil mis en place par le gouvernement impose une idée de la légalité, en fait, tout ce qui pourrait apparaître à la marge serait taxé d’illégalité. Cette perception est tellement forte que, lorsque les experts vietnamiens voient dans l’organisation communautaire une voie pour engager des solutions pratiques à la situation des plus pauvres, ils s’attendent à ce que l’initiative soit prise par l’État directement et totalement.

Le poids de l’appareil du gouvernement et du parti influence encore la définition même de la pauvreté. En fait, nous ne sommes pas arrivés à sortir d’une cible légale de la pauvreté. Par exemple, pour avoir accès aux ménages pauvres pour les fins de nos enquêtes, il a fallu passer par les Comités populaires, les associations de travailleurs et les coopératives pour identifier les ménages pauvres. Naturellement, les pauvres identifiés ont été des pauvres légalement reconnus. La pauvreté légale cache donc le reste; ce sont les réfugiés, les migrants saisonniers, les ménages revenant des zones économiques spéciales où ils avaient été déplacés, les résidents sans statut permanent de résidence, les enfants errants; mais aussi les travailleurs de l’informel, comme les recycleurs de déchets à Hanoi, par exemple. Pour tous ces illégaux, le système est le plus souvent intraitable. S’ils occupent illégalement le sol urbain, ils seront expulsés et le plus souvent sans compensation. Dans le meilleur des cas, ils seront recyclés dans le système par le déplacement vers les nouvelles zones économiques frontalières.

Ceci nous amène directement à la situation du logement des populations les plus pauvres. On sait que les ménages les plus pauvres sont majoritairement propriétaires de leur logement, parce qu’ils l’ont construit eux-mêmes, légalement ou illégalement. On sait aussi que s’ils sont majoritairement propriétaires, c’est parce qu’il n’ont pu se qualifier pour obtenir un logement de l’État, avec ou sans paiement d’un loyer. Dans la situation actuelle où les ménages qui occupent un logement public doivent maintenant payer un loyer ou faire face à une augmentation de loyer, on considère «privilégiés» ceux qui n’ont pas à faire face à une telle situation. Ce sont naturellement les propriétaires. Comme le logement représente l’un des principaux postes de dépenses pour les ménages urbains, et comme il y a extrême rareté de logements et de sols à construire dans les villes, il est facile de conclure que les ménages pauvres propriétaires de leur logement ne sont pas si pauvres. S’ils vendaient ou s’ils étaient compensés pour leur expulsion, ils seraient pour un temps relativement riches au Viêt-nam. Comme on le devine, ce raisonnement développé par des experts vietnamiens, est un peu pernicieux. N’empêche que, en plus d’être marquée par l’illégalité, la pauvreté peut être encore taxée d’opportunisme. Tout ceci entretient une sorte d’exclusion de la pauvreté en milieu urbain. Les pauvres ne sont pas reconnus comme participant à la dynamique urbaine et, par conséquent, leur droit de cité est questionné. En pratique, par exemple, quand seront proposés des programmes d’expulsion et de relocalisation, les impacts de ces déplacements sur les activités économiques des ménages concernés et sur l’activité économique tout court dans les quartiers où ils habitent seront en fait ignorés.

Enfin, les situations de la pauvreté urbaine au Viêt-nam sont marquées par des conditions environnementales extrêmement négatives. Vivre sur des déchets et sur des égouts à ciel ouvert est le sort commun aux plus pauvres. A court et moyen termes, ces conditions ne seront pas améliorées car l’effort collectif sera totalement mobilisé par la remise en état des infrastructures essentielles dans les quartiers centraux légalement organisés. Les premières interventions sur l’assainissement et l’environnement urbain vont taxer directement les ménages les plus pauvres qui ne seront toujours pas servis par les premières améliorations. Par exemple, la pression augmente pour modifier les comportements (ne plus jeter les déchets dans les lacs, étangs, rivières et canaux) des ménages pauvres, considérés comme répréhensibles. Par contre, la collecte des déchets qui est déjà largement déficiente ne pourra pas être réalisée dans les bidonvilles (absence de voies) sans des services de précollecte à charge des ménages. Ce type d’exemple pourrait aussi concerner l’eau de consommation et les eaux usées. Dans tous les cas, ce seront des dépenses nouvelles et significatives pour les ménages les plus pauvres. A celles-ci devront être ajoutées d’autres dépenses nouvelles concernant par exemple des coûts nouveaux reliés à l’éducation et à la santé. Par exemple, même si l’éducation est considérée gratuite, les coûts du matériel scolaire et des uniformes sont de plus en plus à charge des parents. Dans plusieurs cliniques et hôpitaux, les médicaments, les pansements et les repas sont à charge de la famille.

Ces réflexions et ces hypothèses nous ont amenés graduellement à reformuler le questionnement sur la pauvreté urbaine au Viêt-nam. Étant admis que la pauvreté urbaine au Viêt-nam touche relativement près de la moitié de la population, et étant donné les changements importants qui affectent la vie urbaine dans cette période de transition, les chercheurs vietnamiens ont été amenés à définir leur objet d’étude, la pauvreté, non pas comme un objet, mais comme un processus. Ce sera, dans une première direction, un processus d’insertion dans la ville et dans la nouvelle réalité économique pour les moins démunis. La question devient alors de savoir qui, par quels moyens et avec quel support de l’État, peut sortir de la pauvreté chronique. Une bonne partie des propositions que les chercheurs vont faire au gouvernement, relativement à une nouvelle politique du logement par exemple, vont aller dans cette direction. Dans l’autre direction, la question devient celle de savoir qui s’appauvrit et qui s’appauvrit le plus rapidement. C’est ainsi, par exemple, que les chercheurs seront amenés à évaluer l’impact des programmes de relocalisation des bidonvilles sur l’activité économique des ménages déplacés. Dans cette direction, on ne pourra pas éviter de distinguer la situation des pauvres encore plus menacées de précarité par le changement et les interventions du gouvernement, de celle des pauvres qui nécessiteront de toute façon une intervention directe de l’État pour alléger leur situation (jeunes errants, retraités, personnes seules et âgées…).

Plusieurs des hypothèses formulées dans cette conclusion restent à démontrer. Dans les chapitres qui vont suivre, des données originales vont permettre au moins de les éclairer, soit en décrivant avec plus de détails la situation des pauvres, soit en évaluant des interventions gouvernementales sur le logement et sur le développement urbain. De toute façon, ce qui est le plus important c’est de suivre l’évolution du questionnement des chercheurs jusqu’à leurs propositions finales.

2

Politiques du logement
et du développement urbain au Viêt-nam1

Le Viêt-nam s’est engagé depuis les années 80 dans une période de transition entre une économie planifiée centralement et une économie de marché. Cette période de transition a été initiée d’abord de l’intérieur pour accélérer le développement, pour réduire les inégalités engendrées par la planification centrale et pour faire face à la crise provoquée par le manque de ressources de l’État. Elle a été ensuite accélérée par l’arrêt subit de l’aide soviétique et par la nécessité de remplacer cette aide par celle des pays développés de l’Ouest.

La période de transition entre les deux types d’économies a été particulièrement visible dans l’évolution rapide des questions urbaines et de la question du logement en particulier. Sur le plan des questions urbaines, le Viêt-nam a adopté craintivement une stratégie du développement national à partir d’une urbanisation accélérée. Plus particulièrement, on attend maintenant du système des grandes villes qu’il serve de facteur d’attrait pour les investissements étrangers, qu’il favorise le développement des entreprises locales et qu’il participe à la modernisation de l’ensemble de la société. Sur le plan de la question du logement, le gouvernement vietnamien reconnaissait les effets inéquitables d’une politique du logement subventionné par l’État et les grandes entreprises publiques, l’insuffisance des moyens de l’État pour répondre aux besoins d’une urbanisation rapide et l’opportunité de faire participer l’industrie de la construction résidentielle au développement endogène de l’économie.

1. Une partie de ce chapitre reprend des informations publiées dans l’article suivant: Parenteau R. Et Pham Van Trinh; 1991, « Housing and urban development policies in Vietnam», Habitat International; vol. 15, n°4; pp. 153–169. Des informations complémentaires ont été tirées de la thèse de doctorat de Nguyen The Cuong, professeur à l’Université d’Architecture de Hô Chi Minh-Ville.

L’intervention de l’État, avant 1985

Après la libération du Sud-Viêt-nam et la réunification du pays, le IVe Congrès du Parti communiste vietnamien avait indiqué clairement que:

« Le logement est le problème le plus grand dans la vie des travailleurs, et dans celle du peuple vivant dans les villes et les zones ravagées par la guerre. Construire des logements, c’est réaliser un objectif important pour l’amélioration de la vie matérielle et spirituelle du peuple, c’est la tâche primordiale du Parti et de l’État, et l’objectif premier du plan de développement économique » (Rapport politique du IVe Congrès du Parti, citation par Pham Van Trinh et Parenteau, 1991).

Le problème du logement du peuple avait été reconnu dans la Constitution de la République socialiste du Viêt-nam, promulguée le 18 décembre 1980, avec l’article 62: «Le citoyen a droit au logement. L’État encadre la construction du logement; en même temps, il stimule et aide les collectivités et citoyens à construire des habitations conformes aux plans directeurs d’urbanisme, dans le but de réaliser graduellement ce droit. La distribution des surfaces habitables dans la gestion du logement par l’État doit être juste et rationnelle» (citation par Pham Van Trinh et Parenteau, 1991).

Entre 1954 et 1986, la seule politique du logement au Viêt-nam était une politique de logement subventionné pour le personnel de l’État. Les fonds requis par cette politique étaient puisés directement dans le budget central du gouvernement. Les logements étaient offerts presque gratuitement aux bénéficiaires sur la base que, en aucun cas, les charges de logement ne devaient dépasser un pour cent du salaire. Le logement n’était pas considéré comme un bien économique, mais comme un bien social. Il était conçu comme un avantage social relié au travail.

La distribution du logement était faite selon un système relativement simple de priorités, construit sur le salaire et sur le rang occupé par les bénéficiaires; et le logement attribué n’était estimé qu’en mètres carrés et en nombre de pièces. Ainsi, un Ministre, ou l’équivalent, avait droit à un logement de 100 mètres carrés de 3 à 4 pièces; un sous-ministre, ou l’équivalent, avait droit à 75 mètres carrés et à 2 ou 3 pièces; un directeur de service avait droit à 30 mètres carrés et le personnel de niveau inférieur avait droit à une surface moyenne habitable par personne de 3,5 mètres carrés. Au meilleur moment de cette politique, on estime que pas plus de 30% du personnel de l’État a pu bénéficier d’un logement subventionné.

La nouvelle construction

De 1960 jusqu’à 1984, le budget de l’État avait consacré au logement une part importante des fonds d’investissement spéciaux pour la construction. Même durant la période 1960–1975, bien que le pays ait été plongé dans la guerre et divisé en deux parties, dans le nord, on avait continué à investir dans la construction de logements plus de 5% des fonds d’investissement consacrés au domaine de la construction. Dans le plan 198–185, l’État avait réservé pour la construction de logements 4416 milliards de dongs (11000 dongs égalent environ 1 dollar américain) pour la construction de 2097 millions de mètres carrés de surface habitable.

Ces surfaces bâties par l’État et les administrations municipales l’avaient été pour la plupart dans les grandes villes et dans les zones industrielles comme Hanoi, Haiphong, Nam Dinh, Viet Tri, Vinh…; mais, dans les centres urbains et villageois, la plupart des habitations nouvelles avaient été construites par le peuple lui-même.

La rénovation

Dans le plan quinquennal 1976–80, dans toutes les villes du pays, on avait pu rénover 2,3 millions de mètres carrés, concentrés spécialement dans les régions des grandes villes; pour les quatre années suivantes (1981–84), environ 6 millions de mètres carrés avaient été rénovés dont 4 millions pour les trois villes de Hanoi, Hô Chi Minh-Ville, Haiphong.

Mais que ce soit pour la construction neuve ou pour la rénovation des logements existants, l’intervention de l’État était nettement insuffisante. Les ménages avaient entrepris de construire ou de rénover eux-mêmes leurs logements. En l’absence de tout cadre pour orienter leurs actions, et avec les autorisations des autorités locales débordées par la demande, ces actions se faisaient sans respecter les orientations gouvernementales en matière d’aménagement urbain. Elles se faisaient aussi sans respecter des normes élémentaires d’équipement et de salubrité.

A partir de 1985

En 1985 l’État reconnaissait l’insuffisance de ses moyens pour poursuivre une politique de logements publics subventionnés, les iniquités engendrées par le logement subventionné et les incapacités d’une telle politique à participer à tous les aspects de la croissance de la structure urbaine – protection du logement ancien, insertion des noyaux villageois dans la structure urbaine, adaptation des logements à des fonctions mixtes (résidence, artisanat, commerce) –. Malgré la reconnaissance de ces handicaps, l’État répugnait à céder tout le champ de la rénovation, de la construction et de la gestion du logement à l’initiative privée. Il allait mettre en place un protocole lourd de coopération entre « le peuple et l’État» (il s’agit d’une expression consacrée dans les textes officiels), par lequel il allait tenter de garder l’initiative et de faire produire des ressources pour poursuivre une politique étroitement ciblée de logements subventionnés.

Le protocole de coopération entre « l’État et le peuple », à la base de la nouvelle politique du logement, allait créer malgré lui des conditions nouvelles pour la question du logement urbain. La décentralisation d’une partie des initiatives – particulièrement par le moyen de la planification et de la gestion du développement urbain – vers les collectivités locales allait pouvoir donner une certaine autonomie à ce nouvel acteur dans la question du logement. La reconnaissance et la valorisation de la propriété privée du logement allait pouvoir laisser le champ libre à des stratégies diversifiées des différents types d’acteurs – petits propriétaires occupants et locateurs, petits constructeurs, commerçants et artisans –; elle allait ouvrir la porte assez grande aux investisseurs étrangers, même en semblant privilégier dans un premier temps les ressortissants vietnamiens vivant à l’étranger. Enfin, le protocole allait donner de très grandes responsabilités, mais aussi de très grandes libertés, à une classe de promoteurs – appelés « maîtres investisseurs » dans les textes en vietnamien (nous les désignerons sous le titre de « maîtres d’œuvre »). Il a été difficile de définir qui composait cette classe; mais il était facile de supposer que ces « maîtres investisseurs » allaient acquérir de très grandes compétences sur toutes les phases du processus de production et de gestion du parc de logements urbains. En fait, ce rôle de maîtres investisseurs a été surtout exercé par les compagnies publiques et semi-publiques de construction.

Malgré l’absence de données précises sur les résultats de ce nouveau protocole pour rénover et construire le logement urbain, il était facile d’anticiper les effets de cette nouvelle politique du logement sur la structure sociale des grandes villes vietnamiennes. Cette politique allait permettre le développement d’une classe moyenne inféodée à l’État et à ses appareils, en favorisant d’abord les bénéficiaires des politiques antérieures de logements subventionnés (Katsura H.M. et Struyk R.J., 1991). En effet, la politique valorisait la participation d’une strate supérieure des bénéficiaires des logements subventionnés dans la mise en œuvre de la nouvelle politique du logement; elle valorisait ensuite la participation des ménages solvables que l’on retrouvait dans la strate supérieure de la catégorie des artisans et commerçants. L’État préservait ainsi les privilèges de ses partenaires traditionnels, en déclassant une partie de ceux-ci sous les deux critères de la richesse et de l’initiative.

L’effet global de cette nouvelle politique sur la structure urbaine a été assez visible dans le remplacement rapide des ménages des classes moyennes associés à l’appareil de l’État par des ménages identifiés à la partie affairiste des classes moyennes, dans le noyau central (Huong Huu Phe et Nishimura, 1990).

Les problèmes du logement et du développement urbain

L’analyse que faisait le Viêt-nam de ses difficultés en matière de logement portait principalement sur la croissance de sa population, sur son urbanisation et sur la concentration de la population urbaine dans les plus grandes villes.

La croissance trop rapide de la population

Le Viêt-nam identifiait clairement sa pénurie de logements dans l’accroissement trop rapide de sa population. Cette croissance pouvait être de l’ordre de 2,3% par année. Des prévisions avaient été établies, en 1985, pour estimer la croissance de la population jusqu’à l’an 2010 : à cette date, selon ces prévisions, le Viêt-nam pourrait compter entre 81 et 110 millions d’habitants (Pham Van Trinh et Parenteau, 1991).

Croissance démographique et économie nationale

Le Viêt-nam établissait une relation directe entre la croissance démographique et la richesse nationale, la croissance démographique étant essentiellement attribuée à la natalité. La relation qui était faite entre la natalité et la richesse nationale entraînait une comparaison entre les modes de vie des populations rurales et ceux des populations urbaines. L’interprétation était vite faite que le confort que procure la ville, particulièrement par le logement, était un facteur de ralentissement de la croissance démographique.

Une population jeune

La croissance rapide de la population au cours des dernières années avait été expliquée par les hauts taux de natalité. Les résultats de ce type de croissance avaient eu un effet direct sur la structure des âges de la population vietnamienne. En 1985, les jeunes de moins de 16 ans représentaient environ 42% de l’ensemble de la population. La présence de ce fort contingent de jeunes expliquait une partie des problèmes relatifs au logement, entre autres la surpopulation des logements existants. Elle impliquait, dans l’avenir immédiat, des problèmes encore plus grands reliés à la cohabitation de plusieurs générations dans un même logement, si les jeunes ménages ne pouvaient obtenir un logement.

La structure des ménages

Une rapide observation de la composition des ménages permettait d’envisager l’ampleur des problèmes à venir. A ce moment, les ménages composés de deux générations (parents et enfants) représentaient 86% de l’ensemble des ménages; et ceux composés de plus de deux générations, seulement 14%. Des enquêtes particulières réalisées à Hanoi avaient permis de montrer que la cohabitation de plusieurs générations pouvait être un phénomène plus important dans les villes. Selon ces mêmes enquêtes, le nombre moyen de personnes habitant dans un logement était de 4,9 personnes dans les quartiers résidentiels nouveaux; les écarts allaient de 4,5 personnes à 6,9 personnes (Pham Van Trinh et Parenteau, 1991).

La surpopulation des logements et le phénomène de cohabitation de plusieurs générations étaient perçus en augmentation sur la base de l’estimé que près de 33% des ménages étaient composés de parents et d’enfants adultes en âge de créer leur propre ménage.

L’urbanisation rapide et la concentration dans les grandes villes

Jusque dans les années 30, la population urbaine du Viêt-nam n’avait représenté que 7,5% de l’ensemble mais, en 1979, la population urbaine représentait 19,2% de la population nationale. La tendance annonçait une urbanisation rapide expliquée par l’arrêt des interventions étatiques pour répartir la population nationale sur l’ensemble du territoire, par le rôle premier donné à l’industrie, et non plus à l’agriculture, dans le développement de l’économie nationale et par la libéralisation des marchés et des capitaux. Comme la croissance des très grandes villes était alors favorisée pour qu’elles deviennent des pôles économiques majeurs et des lieux privilégiés d’accueil des capitaux étrangers, l’urbanisation allait entraîner une concentration dans ces grandes villes.

Le parc de logement urbain

Pour répondre à la croissance anticipée, le logement urbain était considéré insuffisant en surface habitable et en confort; la moyenne nationale de surface habitable par personne était en dessous de 4,2 mètres carrés. Cette croissance, associée à une pénurie de logement, allait créer une condition générale de surpopulation qui entraînerait une baisse de la qualité de la vie et une dégradation du parc de logements existants.

Les caractéristiques du parc de logement

La propriété

En dehors de la propriété de l’État, le logement urbain appartenant à la propriété privée et religieuse occupait une proportion assez élevée (jusqu’à 58% du total). Dans les villes du sud, cette proportion était plus élevée, comme à Hô Chi Minh-Ville (67%) et à Da Nang (81%). Dans les petites villes, comme la plupart des habitations avaient été construites par les ménages, cette proportion était plus élevée.

L’architecture et la structure

Depuis le début des années 80, de nouveaux immeubles d’habitation de plusieurs étages avaient fait leur apparition, particulièrement à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville. Mais le style traditionnel de la maison à deux étages était encore plus couramment répandu dans la construction. Jusqu’à ce jour, le nombre d’immeubles résidentiels à plusieurs étages était limité; les immeubles d’un plancher représentaient 75% du total des surfaces résidentielles bâties.

La qualité

Les immeubles semi-solides et temporaires représentaient 85% du parc national de logements (Hanoi 70%, Hô Chi Minh-Ville 75%). Considérant la qualité de ces immeubles, on estimait que moins de la moitié du parc (environ 40%) était en bon état. Les immeubles nécessitant des réparations et des rénovations occupaient plus de la moitié (56%), et, si on ajoutait à ceux-ci les constructions temporaires, ce pourcentage pouvait atteindre 70%.

Le degré de confort était en général au-dessous du minimum. Il y avait seulement 50% des logements qui avaient l’eau courante; de ceux-ci, 20% avaient un branchement individuel et direct sur le système d’adduction d’eau; le reste (80%) partageait des robinets publics dans les immeubles.

Les toilettes étaient presque inexistantes dans les villes : à Hanoi, on en avait en moyenne une pour 30 personnes et, dans les quartiers populaires, une pour plus de 150 personnes. A Hô Chi Minh-Ville, 16000 maisons étaient construites sur des canaux et n’avaient ni égouts ni fosses septiques (96000 habitants).

L’iniquité dans la pénurie

Les meilleurs logements et les logements les plus grands avaient été construits par l’État et attribués par lui à des ménages dont un des membres pouvait revendiquer des privilèges compte tenu de services rendus. Ce système d’attribution avait créé des conditions d’iniquité qui étaient alors dénoncées. Ainsi, à Hanoi, la surface moyenne habitable était de 3,9 mètres carrés par personne. Mais 28% des ménages avaient une surface moyenne habitable inférieure à cette moyenne générale et 3,9% des ménages avaient une surface habitable moyenne de moins de 2 mètres carrés personne.

Les objectifs retenus par la politique générale
Ralentir la croissance démographique

L’accroissement trop rapide de la population avait été associée à un certain nombre de difficultés dans le pays, particulièrement dans les domaines de l’alimentation, de l’habitation, et des transports. C’est pourquoi le problème de la réduction du taux de croissance de la population était devenu un enjeu de la politique nationale.

Dans toutes les provinces, les villes, les zones économiques spéciales, l’implantation de la politique nationale de la population s’était faite avec succès. Dans plusieurs localités, le taux de croissance avait été ramené en dessous de 2%; le nombre de femmes qui mettaient au monde leur troisième enfant avait diminué de 50% à 30%.

L’urbanisation et la croissance des villes étaient alors considérées bénéfiques pour le développement national. Le Viêt-nam voulait cependant orienter la croissance urbaine et la diffuser sur un système de villes secondaires et particulièrement sur les « agro-villes » dont la fonction économique devait associer la production agricole et la petite industrie. Cette stratégie visait à conserver les terres agricoles, à protéger la nature et l’environnement, et à répartir la population et la main-d’œuvre sur l’ensemble du territoire.

Cette règle de la répartition de la population entrait directement en contradiction avec l’objectif de soutenir le développement des très grandes villes. Dans le meilleur des cas, elle ne pouvait être appliquée qu’à des régions périphériques ou à des zones particulières de développement (région du Delta du Mékong).

Gageant sur les efforts du gouvernement national, sur le concours de l’aide des ressortissants vietnamiens vivant à l’étranger et sur les organismes d’aide internationale, l’objectif pour l’an 2000 était d’atteindre 6 mètres carrés de surface habitable moyenne par personne vivant en milieu urbain, et pour chaque famille un logement en propre.

Le plan de réalisation de ces objectifs, pour la première période, prévoyait en outre un contrôle serré du rythme de production qui visait un équilibre parfait entre le nombre de logements à démolir et le nombre de logements à construire ou à rénover.

Des critères de production du logement retenant les besoins des ménages, particulièrement ceux relatifs aux activités économiques complémentaires.

Le développement des activités complémentaires dans la famille était considéré comme utile pour la famille et le pays. Les activités complémentaires des familles urbaines étaient essentiellement du domaine de l’artisanat, de la production de produits pour la consommation et pour l’exportation. Ce développement avait fait l’objet d’un programme spécial proposé au VIe Congrès du Parti communiste vietnamien en 1986.

Le programme de construction et de coopération
entre l’État et le peuple

A partir de 1985, le gouvernement vietnamien a élaboré un plan de reconstruction du parc de logements. Ce plan s’inscrit dans une nouvelle politique du logement dont tous les éléments ne sont pas encore formulés. Cette politique établit le retrait de la précédente politique de logement qui faisait de l’État le seul intervenant principal en matière de logement. La nouvelle politique reconnaît le rôle des villes et des régions, le rôle de l’industrie, le rôle du peuple et des capitaux privés. Elle implique que l’État va se départir du parc de logements publics (vente aux occupants et transfert au secteur privé); elle implique aussi que l’État n’interviendra plus dans la production et dans la rénovation du logement que dans la mesure où le peuple y participera. Le programme, découlé de cette politique, comprend des objectifs substantiels et une stratégie de mise en œuvre.

Sur le plan substantiel, l’État se réserve un rôle cadre qui l’amènera à redéfinir les règles de construction et d’implantation sur les trames urbaines construites. Il lui revient maintenant d’édicter un véritable code de la construction applicable aux constructions neuves et aux travaux de rénovation. Ce code sera modulé en fonction des milieux dans lesquels les travaux seront entrepris. Le plan prévoit encore que tous les travaux de construction seront réalisés en respectant des plans d’urbanisme et des plans de développement de secteur, à charge pour les villes et les arrondissements de les composer. Par ce biais, l’urbanisme est défini comme un champ réservé à l’État, qui délègue ses pouvoirs aux villes, aux provinces et aux arrondissements urbains et ruraux.

Outre le code de la construction et l’urbanisme, l’État s’attribue encore un rôle d’influence culturelle dans le domaine de la construction. Il entend par là protéger le patrimoine résidentiel existant, mais surtout préserver et promouvoir une identité nationale, tenant compte des particularités régionales, à travers les styles de construction.

Tactiquement, pour une période considérée comme transitoire, l’État reconnaît le rôle que joue l’habitation temporaire dans la résolution de la crise du logement. On distingue ainsi les constructions temporaires et les constructions durables, les deux allant de pair pour résoudre rapidement la crise du logement. L’État se concentre sur les constructions durables qui comprennent entre autres les infrastructures et les équipements collectifs.

Jusqu’ici, la production du logement par l’État s’était inspirée de la pensée moderniste : production de grands immeubles résidentiels sur des trames particulières (îlots), indépendamment des axes de la trame urbaine. Ce type de construction était peut-être bien adapté à la production de masse et à la fonction résidentielle exclusive. Construire avec le peuple veut maintenant dire respecter ses moyens, mais introduire dans la fonction résidentielle des fonctions accessoires, comme le commerce et le petit artisanat. L’introduction de ces fonctions, particulièrement de la fonction commerciale, oblige une ouverture et un accès direct sur la rue. Le gouvernement adopte donc le principe de la construction sur rues. Les terrains sur rues principales seront réservés à la production de constructions durables. Sur les rues secondaires, on acceptera, pour une période transitoire, la construction de bâtiments temporaires, construits rapidement et répondant aux besoins de logement les plus immédiats.

Le gouvernement reconnaît encore que la production neuve ne peut répondre rapidement aux besoins importants en matière de logement. Concentrer tout l’effort sur la production de logements neufs entraîne abandon et détérioration du logement ancien. Il propose maintenant d’arrimer solidement construction neuve et rénovation du logement ancien.

Au plan stratégique, l’État adopte le principe de la décentralisation vers les provinces, villes et arrondissements des responsabilités de mise en œuvre de cette politique. L’État se garde essentiellement un rôle de coordination des efforts associant les autorités locales et le peuple. La réalisation concrète de cette politique est confiée aux comités populaires et aux agences existantes dans les villes, provinces et arrondissements.

Dans la mise en œuvre de cette politique, l’État reconnaît l’inégalité des moyens de la population. Il reconnaît surtout l’existence de classes ou de catégories sociales plus aptes économiquement à s’associer à lui pour résoudre la crise du logement.

Il reconnaît encore de fait la propriété privée de l’habitation (elle est de l’ordre de 58% du parc). Il accepte que cette proportion soit très sensiblement augmentée sous l’effet de la nouvelle politique. Anticipant les problèmes liés à l’entretien de la construction neuve et à la rénovation du parc ancien, il opte carrément pour la propriété privée comme facteur stratégique pouvant assurer le maintien de la qualité du parc.

Pour réaliser ce système de coopération entre l’État et le peuple, il faudra des politiques et des règles concrètes orientées en priorité pour assurer les droits de propriété privée de l’habitation et pour stimuler la population à économiser pour contribuer à la construction. Pour la valorisation de la propriété, il faudra donner un cadre légal aux formalités d’acquisition et de transfert, promulguer des droits d’achat et de vente, y compris les droits de transmettre le droit de propriété par héritage. Ces lois et règlements seront formulés plus tard au cours des années 90.

Enfin, l’État identifie les besoins de formation de personnels techniques et professionnels qui agiront maintenant en dehors des cadres rigides et sécuritaires d’un système de production par l’État.

Les modalités de coopération entre l’État et le peuple

Les modalités particulières de coopération entre l’État et le peuple pour la construction et la rénovation sont établies sur le cadre général de cette politique mais définies par les autorités locales (provinces, villes et districts). Nous ferons référence ici uniquement aux modalités définies par le Comité populaire de la Ville de Hanoi pour des interventions dans les districts intérieurs de la ville.

Principes généraux

Il est établi d’abord que la construction et la rénovation des logements, suivant le principe de coopération entre l’État et le peuple à Hanoi, doivent respecter strictement les plans et règlements d’urbanisme. Elles doivent respecter en outre les règlements généraux relatifs à l’attribution des terrains à construire et les règlements particuliers relatifs à la construction.

Le rôle de la Ville et de ses services administratifs

La Ville s’engage à procéder annuellement à des inventaires de fonds, de matériaux et de ressources pour aider le peuple à construire des logements, et à en faire la répartition par arrondissement. Ces fonds, matériaux et ressources seront essentiellement réservés au montage des opérations, à la préparation des terrains pour la construction et à la construction des ouvrages techniques communs prévus pour les ensembles résidentiels construits ou rénovés, là où la population participe aux programmes de construction.

En se basant sur le plan général, sur les plans à long terme et sur les plans annuels établis par le Comité populaire, le Service de Construction de la ville identifie les sites qui feront l’objet d’autorisations de construire. Il établit des plans d’urbanisme de secteur qui doivent comporter entre autres des règlements précis relatifs à l’élévation des bâtiments et au nombre d’étages permis, en tenant compte de la trame urbaine et en distinguant les axes primaires et secondaires.

Les comités populaires des arrondissements urbains intérieurs et ceux des arrondissements ruraux, comprenant les anciens villages inclus dans les arrondissements intérieurs, sont identifiés comme des paliers administratifs intermédiaires dans l’organisation et l’application des plans de construction établis par le Comité populaire et le Service de Construction. Les départements et services attachés à l’administration de la Ville ont la responsabilité de préparer les textes pour encadrer l’application des prescriptions, suivant leur domaine de compétence, et de les remettre aux autorités de la Ville pour promulgation.

La population cible

Le programme s’adresse d’abord aux cadres du Parti et aux employés de l’État, aux cadres et soldats de l’Armée populaire (y compris les per sonnes retraitées de ce corps et leurs familles), aux membres des coopératives et aux travailleurs. Ont aussi le droit de participer à ce programme, les Vietnamiens résidant à l’étranger, et les cadres et étudiants séjournant temporairement à l’étranger; leur participation se fait alors en devises étrangères.

Pour participer au programme, les personnes des catégories désignées doivent encore rencontrer certaines conditions:

– elles doivent être inscrites sur les listes permanentes d’état civil des arrondissements et secteurs faisant l’objet d’interventions dans le cadre de ce programme;

– elles ne doivent pas être déjà attributaires d’un logement appartenant à l’État, ni propriétaires d’un logement;

– malgré la précédente condition, les personnes des catégories désignées peuvent quand même participer au programme si les logements qu’elles habitent ont une superficie moyenne par personne inférieure aux superficies moyennes établies pour chaque catégorie de logements admise dans le cadre de ce programme. Elles peuvent aussi faire valoir pour se qualifier des besoins particuliers en matière de confort, si ces personnes appartiennent à la catégorie des cadres de l’administration et de l’armée;

– enfin, elles doivent démontrer qu’elles ont des capacités financières pour contribuer volontairement et de façon suffisante au financement de chacun des types d’intervention.

Les personnes participant au programme sont classées par catégories correspondant à des positions dans l’appareil du Parti ou de l’État, et par rapport à des services rendus à l’État.

Les personnes qualifiées, pour participer au programme de coopération entre l’État et le peuple pour la construction et la rénovation des logements, s’engagent à respecter les obligations suivantes:

– verser au complet, et aux termes fixés par contrats, les montants correspondant à leur participation financière pour construire ou rénover leur logement;

– respecter strictement les lois et règlements en vigueur sur les droits de la propriété, sur l’héritage et sur le transfert de parties de leur logement; sur l’utilisation des sols à construire et sur l’urbanisme;

– réaliser pleinement les engagements qu’elles ont pris relatifs aux travaux de libération des sols, à l’établissement des plans, à l’exécution des travaux, à la préparation des matériaux. Ces engagements sont détaillés dans les contrats signés par les comités populaires des arrondissements et les maîtres d’œuvre.

Il est admis que les personnes participant au programme pourront apporter une contribution autre que financière aux travaux. Cette contribution pourrait être en matériaux, en équipements ou en temps. Dans ce cas, tous les moyens, matériaux et ressources apportés par les participants doivent être inscrits clairement dans les contrats et convertis en valeur monétaire suivant les prix en vigueur à ce moment.

Si les personnes participant au programme ne respectent pas ces obligations, elles pourront perdre leur droit de participer, moyennant dédommagement pour les engagements financiers et travaux déjà effectués.

Les personnes participant au programme, qui auront réalisé pleinement les responsabilités et les engagements mentionnés dans les contrats, pourront bénéficier d’un ou de plusieurs avantages selon les modes de leur participation. Ces avantages sont les suivants:

– elles pourront louer ou acheter leur logement de l’État;

– elles auront des droits de propriété et des droits d’usage reconnus par l’État et elles pourront transmettre ces droits par héritage;

– elles pourront bénéficier du transfert de ces droits sur d’autres logements dans d’autres secteurs si elles sont obligées de changer de lieu de résidence;

– elles auront le droit de transformer leur logement pour améliorer son confort et ses qualités, à la condition de respecter les règles de construction et d’urbanisme et d’avoir obtenu les autorisations nécessaires;

– elles pourront participer aux processus de définition des plans, à la sélection des sites de construction et aux choix des types de construction parmi ceux déjà acceptés par les autorités compétentes;

– elles pourront demander au maître d’œuvre d’assurer la supervision des travaux et de contrôler la qualité du produit final;

– elles pourront exiger du maître d’œuvre qu’il expose et justifie publiquement les coûts et elles pourront, si nécessaire, réclamer un arbitrage sur les coûts;

– elles pourront obliger le maître d’œuvre à fournir les matériaux de construction essentiels dans une quantité et à un prix fixé par les engagements pris dans les contrats.

Le rôle des banques populaires d’investissement pour la construction

Les banques populaires de construction existaient déjà dans plusieurs villes et provinces (Langumier, 1989). D’autres banques pourront être créées dans les arrondissements et secteurs faisant l’objet d’interventions dans le cadre de cette nouvelle politique du logement. Pour les fins du programme de coopération entre l’État et le peuple pour la construction et la rénovation des logements, les comités populaires des arrondissements ouvrent dans ces banques un compte particulier pour chaque intervention au nom du maître d’œuvre.

Suivant les listes de participants, élaborées par les maîtres d’œuvre, ces banques collectent les fonds des participants, informent régulièrement les maîtres d’œuvre sur l’état du compte et lui versent les sommes prévues dans les contrats pour la réalisation des travaux.

Les banques peuvent accepter que les participants versent en une seule fois le montant total de leur contribution, ou qu’ils fassent des versements d’appoint pour réduire la durée de leur contribution établie dans les contrats.

Pendant l’exécution des travaux de construction et de rénovation, les banques peuvent prêter des fonds ou avancer temporairement des sommes aux entrepreneurs (collectifs ou privés) en respectant les coûts de base déjà établis.

Le rôle des maîtres d’œuvre

L’existence juridique des maîtres d’œuvre est fondée sur les contrats que signent avec eux les comités populaires des arrondissements. Ce sont des personnes physiques ou morales, privées ou publiques. Les maîtres d’œuvre ont les responsabilités suivantes:

– ils doivent susciter et encadrer la participation du peuple;

– ils établissent les listes des personnes participant au programme et les présentent au comité populaire de l’arrondissement pour vérification et pour approbation;

– ils s’assurent que les personnes participant au programme réalisent entièrement leurs responsabilités et les engagements mentionnés dans le contrat;

– ils assurent, aux personnes participantes, les conditions d’exercice des avantages qui leur sont accordés;

– ils doivent en outre plus généralement mettre en œuvre l’ensemble du processus de réalisation des travaux, en contrôler l’exécution et vérifier la qualité du produit final.

Leurs responsabilités particulières concernant les travaux sont détaillées dans les différents types d’intervention que prévoit le programme de la Ville de Hanoi.

Les différents types d’interventions

La Ville de Hanoi a distingué plusieurs types différents de travaux et d’interventions qui vont de la construction de logements neufs, à la rénovation de logements existants, à la préparation de terrains à construire pour les particuliers.

Premier type: Le peuple contribue au financement, l’État contribue à une partie du financement des infrastructures et met en œuvre la construction de nouveaux logements.

Deuxième type d’intervention: L’État prépare des terrains à construire, les participants construisent eux-mêmes leur logement.

Troisième type d’intervention: Le peuple contribue avec l’État aux financement pour la rénovation et l’agrandissement des surfaces habitables.

Quatrième type d’intervention: Le peuple contribue au financement, l’État procède à des rénovations pour agrandir les surfaces habitables par de petites opérations sur le construit existant, dans des secteurs désignés.

Cinquième type d’intervention: Le peuple contribue au financement, l’État rénove et répare les logements dont il est propriétaire.

Ces différents types d’interventions ne sont réalisés que là où les maîtres d’œuvre ont réussi à mobiliser la participation du peuple. Généralement, la participation financière de l’État ne s’applique qu’aux coûts relatifs à la conception des opérations et à leur mise en œuvre, et à ceux relatifs aux infrastructures. Les participants doivent payer une partie de ces coûts, selon la catégorie à laquelle ils appartiennent; cela constitue leur engagement formel à la réalisation des interventions. Les coûts de construction ou de réparations sont à leur charge et payés soit directement, soit par mensualités, soit incorporés au coût de leur loyer, s’ils sont locataires d’un logement de l’État.

Les impacts de la politique et des modalités d’intervention

Considérant la politique de coopération entre l’État et le peuple, y compris l’ouverture aux capitaux privés et étrangers, il convient d’abord de considérer les principaux impacts de l’arrêt de la politique générale du logement subventionné qui avait cours jusqu’en 1985. L’arrêt de cette politique signifiait que l’État n’intervenait plus sur le logement urbain s’il devait le faire seul; il signifiait aussi que l’État allait se départir de la propriété des logements publics en les vendant aux occupants. L’arrêt de la production de logements subventionnés aurait pu ne pas avoir de grands impacts puisque, d’une part, le logement subventionné était destiné essentiellement aux membres du personnel de l’État et des corps militaires et policiers, et que, d’autre part, les personnes qualifiées pour participer au programme de coopération entre l’État et le peuple étaient essentiellement membres de ce personnel et de ces corps. L’impact dépendait donc de la capacité de payer des personnes qualifiées pour participer au programme et renvoyait à la situation de l’économie nationale.

Par contre, le programme de vente des logements publics aux occupants pouvait, lui, avoir des impacts particuliers. Les personnes qui occupaient ces logements n’avaient pratiquement jamais payé de loyer à l’État. Ce type de dépense n’était donc pas incorporé au budget de leurs ménages. Comme le loyer gratuit constituait un immense avantage social et économique, la structure des salaires de ces personnes avait été maintenue basse. Il y avait fort à parier, compte tenu de la situation économique nationale, que les salaires ne seraient pas redressés pour tenir compte de la perte de cet avantage et des charges nouvelles qu’elle entraînait sur le budget des ménages. Il faudrait aussi tenir compte du fait qu’un bon pourcentage de ces logements, construits à partir des années 50, étaient occupés par des personnes retraitées et sans travail qui avaient des revenus extrêmement bas et qui n’avaient pas la possibilité de se reclasser sur de nouvelles structures salariales.

Comme l’État tenait non seulement à se départir des charges qu’entraînaient ces logements subventionnés, mais qu’il voulait surtout récupérer des capitaux qui devaient servir à appuyer sa nouvelle politique, il devait vendre ces logements à des prix significatifs. Les acheteurs les plus solvables n’étaient sans doute pas les occupants. Qui donc allait s’approprier partie de ce parc de logements publics? Comment allaient être déplacées et relocalisées les populations qui l’occupaient à ce moment?

La nouvelle politique favorisait expressément le personnel de l’État, les cadres du Parti et le personnel des corps militaires et policiers. De ceux-ci, elle favorisait les personnes qui avaient les moyens de participer au programme. Elle favorisait encore les Vietnamiens expatriés qui pouvaient faire entrer au pays des devises étrangères. En fait, c’était la capacité financière des participants qui allait déterminer les vrais bénéficiaires. Le montage des programmes d’intervention, les conditions que devaient respecter les participants – sous peine d’exclusion du programme -, la masse critique nécessaire pour engager des opérations favorisaient expressément ceux qui détenaient déjà des capitaux ou qui avaient des ressources régulières pour assurer leur participation. Il semble évident que les premiers bénéficiaires, si on exclut les expatriés, ont été les petits commerçants et artisans dont les revenus croissaient rapidement suite à la reconnaissance et à la valorisation de l’entreprise privée au Viêt-nam. Compte tenu que les moyens de l’État étaient extrêmement limités, il est entendu que les opérations qui allaient être réalisées en premier seraient celles qui obligeraient le moins l’État, donc celles où les participants pourraient participer à une plus grande proportion des coûts.

La participation de l’État étant ainsi engagée pour assister les participants les plus riches, il y avait fort à parier que les ressources de l’État qui auraient pu être destinées à la relocalisation des populations incapables de participer allaient être faibles.

Quels ont donc été les effets de cette politique sur les populations les plus pauvres incapables de participer à la reconstruction dans les quartiers centraux et dans les arrondissements internes? Comment ont été compensées les pertes encourues par les personnes participant au programme, mais incapables de respecter toutes les conditions?

Nous connaissons certains de ces effets : relocalisation vers la périphérie, augmentation du nombre de logements précaires et des occupations illégales (squatterisation) dans les arrondissements centraux où l’État n’avait plus les moyens de compléter les programmes prévus et garantis par les retombées des investissements privés.

En termes sociologiques, l’effet global a entraîné un remplacement graduel mais total des populations favorisées antérieurement selon le statut dans l’appareil de l’État, par des populations favorisées maintenant par la richesse nouvelle concentrée chez les populations de petits entrepreneurs (commerçants et artisans). Les impacts secondaires de cet effet global pourraient être encore plus importants puisque l’État reconnaît les nouvelles classes affairistes qui étaient déjà actives sur le marché privé du logement. En plus de les reconnaître, il leur accordait le privilège de diriger, selon leurs intérêts et par leurs initiatives, la production et la rénovation du logement. Il est bien certain que les intérêts de ces classes affairistes se sont traduits dans l’espace par des stratégies d’appropriation des localisations les plus favorables au développement de leurs activités.

En terme spatial, il y a eu un brassage important de population, favorisant les plus riches pour les localisations centrales. Dans la période de transition, engagée par cette nouvelle politique, il y a eu une détérioration accélérée de bon nombre d’îlots dans les arrondissements intérieurs des villes et des occupations illégales qui ont fixé peut-être définitivement la nouvelle structure socio-spatiale des quartiers centraux.

Ces effets et impacts ont été peu documentés. Ils sont cependant perçus : dans le moindre des cas (Hanoi), l’État se préoccupe maintenant du problème du logement pour les populations urbaines pauvres dans les arrondissements centraux; dans le pire (Hô Chi Minh-Ville), des opérations de coopération entre l’État et le peuple ont carrément été arrêtées devant l’ampleur des impacts socio-spatiaux appréhendés.

L’État pouvait tenter, avec cette politique, de définir une alternative « socialiste » à la planification centrale de la question du logement urbain (Mingione, 1981) par la décentralisation et la valorisation des initiatives populaires. Il pourrait en fait avoir simplement libéré les forces assoupies d’une dynamique de production et de gestion privée du logement; d’où les inquiétudes qui entraînent un ralentissement dans l’implantation de la nouvelle politique et le réalisme d’une hypothèse relative à la transition d’une planification centrale vers la loi et les mécanismes du marché.

Les programmes d’éradication des bidonvilles à Hô Chi Minh-Ville

Les autorités de Hô Chi Minh-Ville se sont préoccupées depuis plus de vingt ans des bidonvilles. Elles se sont préoccupées à la fois d’améliorer les conditions de vie des populations défavorisées et d’assainir l’environnement urbain. Elles ont pris des mesures et engagé des actions forts différentes qui ont évolué le plus souvent avec les capacités financières de la Ville.

De 1975 à 1978

Dès la fin de la guerre, l’administration municipale a pris des mesures pour ramener les réfugiés du conflit armé vers leurs villages et régions d’origine. Les populations pauvres originaires de Hô Chi Minh-Ville ont été en partie relocalisées dans de nouvelles zones économiques périurbaines. On estime que plus de 800000 personnes ont été relocalisées dans le cadre de ces mesures.

L’objectif principal de ces mesures était d’abord de réduire la pression de la population sur les ressources de la ville. En effet, le nouveau gouvernement révolutionnaire manquait de capacités pour réorganiser la structure urbaine, mais il devait faire face en outre à de sérieuses difficultés d’approvisionnement en nourriture, en énergie et en équipements, engendrées par le retrait subit d’une aide américaine extrêmement importante jusqu’en 1975. Pour les représentants du nouveau gouvernement, la relocalisation d’une partie de la population était une solution rapide et efficace. Pour la population, et particulièrement pour les plus pauvres, cette solution était inacceptable.

Bien sûr, chez les ménages défavorisés de réfugiés de guerre, être subventionné pour retourner dans sa région d’origine pouvait sembler d’abord intéressant. Mais les problèmes de réinsertion dans les villages étaient complètement minimisés. Ceux qui réussirent le mieux furent des ménages relativement riches qui ont repris dans leurs villages des avantages qu’ils possédaient déjà avant la guerre. Ce furent aussi le cas de personnes et de ménages qui ont pu profiter de structures familiales d’accueil à leur retour dans leurs villages d’origine. D’autres aussi réussirent leur insertion : bien que n’étant pas des réfugiés de guerre, ils étaient prêts et avaient les qualifications pour entreprendre une nouvelle vie avec le petit capital que représentaient les allocations gouvernementales pour la relocalisation. Ils sont devenus fermiers ou artisans.

Pour la majorité des populations relocalisées, les conditions de réinsertion furent difficiles et le résultat fut négatif. Ces ménages ne possé daient pas de droits ancestraux dans les régions de «retour»; les maisons de plusieurs avaient été détruites pendant la guerre; ils n’avaient plus de famille pour les aider. En plus, plusieurs avaient trouvé dans la ville des conditions bien meilleures que celles qu’ils avaient connues dans leur région d’origine. Ils avaient connu les services et les équipements urbains; ils avaient trouvé du travail. Plusieurs n’avaient jamais été fermiers et n’étaient pas familiers avec le travail sur la terre. Enfin, bon nombre de ménages relocalisés faisaient partie de programmes de relocalisation-rééducation. Ils n’avaient aucune habilité manuelle et n’étaient pas habitués à la vie villageoise. Tous ces ménages réussirent mal leur insertion en régions et commencèrent à revenir illégalement, dans le secret, vers Hô Chi Minh-Ville.

La mise en œuvre de ce programme a rencontré de grandes difficultés et a connu des résultats plus que limités. D’abord, le programme n’a pas été réalisé sur une base volontaire. La majorité des ménages déplacés se sont sentis obligés. Les autorités responsables manquaient de moyens et de personnels pour expliquer aux populations les objectifs de ce programme. Pourtant, la majorité de ces populations avaient participé à la libération du pays et étaient sympathiques au nouveau régime révolutionnaire. Les populations auraient pu comprendre les objectifs et se mobiliser pour participer volontairement au programme. Il y a eu ensuite un manque réel de coordination entre la région de départ et les régions de «retour». Les sites de relocalisation étaient en région rurale et montagneuse. Les autorités locales de ces régions avaient leurs propres problèmes de reconstruction et manquaient aussi de moyens. Elles n’ont pas pu appuyer les efforts de réinsertion des populations et elles n’ont pas eu de nouveaux moyens pour le faire. Cette situation a entraîné des frictions entre les arrivants et les populations locales. Les deux groupes faisaient face aux mêmes difficultés : manque d’outils, manque de capital pour relancer la production, maisons et équipements détruits pendant la guerre. Mais en plus les arrivants devaient s’habituer à des conditions de vie hostiles dans des environnements qu’ils ne connaissaient plus, qui n’avaient jamais été exploités, qui manquaient de routes et de services de base (écoles, dispensaires, adduction d’eau, etc.).

Ceux qui revinrent vers la ville connurent des difficultés encore plus grandes que celles qu’ils avaient connues avant leur départ. Ils avaient perdu leurs maisons et leurs droits d’occupation, ce qui les obligeait à s’installer dans les bidonvilles existants et dans les cimetières, sous les ponts et le long des canaux. Leur situation était vouée à la précarité, car ils ne pouvaient plus obtenir de titres de résidence permanente.

De 1979 à 1992

Au cours de cette période, les autorités municipales ont reconnu que le problème des bidonvilles était sérieux, qu’il allait durer et qu’il allait entraîner des impacts négatifs sévères sur la société, sur l’économie et sur l’environnement. Elles décidèrent de mettre en œuvre des programmes de réhabilitation des bidonvilles pour améliorer la situation des ménages en les maintenant sur place. Comme la Ville manquait sérieusement de ressources, ces programmes gagèrent essentiellement sur la politique nationale de coopération entre l’État et le peuple et tentèrent de mobiliser les capacités et les ressources des ménages pauvres.

Plusieurs programmes spécifiques furent mis en œuvre. Ce fut d’abord le programme de construction de 12000 logements pour les ménages ayant rendu des services à la patrie. La construction de ces logements fut financée par des fonds fournis par les organisations, les associations, les entreprises, les collectivités et les autorités locales. Ce fut ensuite le programme de construction de 5000 logements, construits en 1984–1985, pour relocaliser dans des logements publics des ménages qui vivaient dans des conditions extrêmes, dans les cimetières, sous les ponts et sur les canaux. Ce fut aussi la construction et, sur une base expérimentale, la vente à tempérament de 4000 logements à des ménages pauvres; la construction de ces logements a été financée par un prêt du Fonds national pour l’habitat. Au cours de cette période, on a aussi expérimenté des programmes d’auto-développement qui visaient l’amélioration des infrastructures dans certains bidonvilles. Ces expériences furent menées dans les arrondissements 3, 4 et 8 avec l’aide d’organisations humanitaires. Les habitants devaient participer au financement des travaux et pouvaient être assistés par des prêts du gouvernement. L’exemple le plus intéressant est celui du quartier Hiep Thanh, où les travaux ont été entrepris en 1990. C’est dans le cadre de ces expériences que fut lancé le programme national de lutte contre la pauvreté et la malnutrition; le programme mettait en place un fonds spécial pour aider financièrement les ménages qui voulaient sur une base collective entreprendre des travaux d’amélioration de leurs environnements résidentiels.

Ces différents programmes ont eu aussi des résultats limités et sont trop récents pour être évalués sur le critère de la durabilité. Par contre, ils ont été bien reçus par la population et ont engagé des formes de mobilisation des capacités. Les grandes qualités de ces programmes sont les suivantes : les objectifs propres à chacun étaient clairs et correspondaient aux aspirations et aux capacités des ménages; les programmes ne désorganisaient pas les collectivités, l’environnement social et économique des ménages; enfin, leur mise en œuvre impliquait une participation des premiers intéressés dans le processus de décision et encourageait leur mobilisation.

De 1993 à 1996

Dès 1990, les premiers impacts de la politique économique d’ouverture à l’économie de marché se sont faits sentir. La croissance économique à Hô Chi Minh-Ville était rapide et continue. Les ressources financières de la Ville se sont accrues sensiblement. Dans le même temps, les besoins de la croissance se sont imposés comme urgent: il fallait plus d’espace pour construire, il fallait de meilleures infrastructures et il fallait améliorer l’environnement des arrondissements centraux. Le problème de l’éradication des bidonvilles est devenu encore plus urgent.

Les autorités municipales ont d’abord commencé avec les bidonvilles localisés sur les canaux et dans les zones humides. Elles ont procédé carrément à la démolition des taudis en accordant des compensations aux ménages affectés et en leur offrant des parcelles pour qu’ils reconstruisent eux-mêmes leur logement. Sur les sites libérés, des parcelles furent réservées aux compagnies de construction municipales pour qu’elles puissent construire des logements à offrir en priorité à des ménages affectés par les démolitions, en accession directe à la propriété par vente à tempérament.

En principe, ce programme rencontre les aspirations et les besoins des populations. Il améliore les conditions de vie sans désorganiser la vie sociale et économique. Les ménages ne sont pas relocalisés de force à l’extérieur des arrondissements centraux; ils ont accès à plusieurs formules de réinstallation (autoconstruction sur des parcelles réservées, location dans des immeubles de logements publics, accession à la propriété, etc.). Ils gardent accès aux services municipaux, aux écoles et dispensaires dans des environnements qui leur sont familiers.

Cependant, ces programmes en cours ne sont pas assurés de rencontrer leurs objectifs. Plusieurs types de difficultés peuvent entraîner soit une réalisation partielle des objectifs, soit des impacts négatifs sur les populations concernées. Il y a d’abord le manque de ressources financières de l’administration municipale, qui a pourtant décidé de mettre en œuvre ce programme dans toute la ville. Les effets se font donc sentir partout, sans que les ressources ne soient suffisantes pour compenser les impacts négatifs, spécialement pendant la réalisation des travaux. Les principes ont été définis de façon généreuse mais générale; et les actions sont mises en œuvre sans une connaissance suffisante des capacités réelles des ménages, de leurs besoins et de leurs aspirations. La mise en œuvre du programme principal a entraîné la création d’un appareil lourd de gestion et un processus assez complexe et très centralisé. La participation des populations à la mise en œuvre du programme est plus que limitée et ceci ne favorise pas la mobilisation des capacités. Enfin, le programme ne s’appliquant qu’aux ménages qui ont des titres de résidence permanente ou des titres de propriété, il marginalise complètement et encore plus tous les résidents illégaux. On sait que ceux-ci constituent presque une majorité des ménages pauvres résidant dans les bidonvilles sur les canaux. Ces ménages sont évacués, presque sans compensation, et leurs mouvements viennent grossir les bidonvilles existants ou participent à la création de nouveaux bidonvilles.

La nouvelle loi foncière du Viêt-nam2

Un des facteurs principaux qui encouragent le développement et les investissements est la stabilité, plus particulièrement la stabilité politique du gouvernement, la stabilité des politiques fiscales et la stabilité des lois. La confiance qu’engendre un environnement politique stable va déterminer le montant et la qualité des investissements. De la même façon, en termes domestiques, si les politiques économiques démontrent qu’elles sont équitables et fondées sur la règle de droit, les citoyens seront théoriquement plus prêts à supporter le gouvernement et ses actions.

Le gouvernement vietnamien a mis du temps à développer cette confiance et cette stabilité dans ses institutions politiques. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine des lois concernant la propriété foncière et immobilière. Les investisseurs étrangers se plaignent du caractère minimal des lois sur les investissements et sur le foncier; ils sont inquiets pour la sécurité de leurs investissements. Pour les Vietnamiens, le sol a été et est encore un capital important, sinon le principal dans le cas des populations urbaines. La majorité des tentatives de l’État pour définir les statuts de propriété et leurs usages ont le plus souvent été perçues comme inéquitables; les appareils mis en place pour les gérer sont perçus comme corrompus, favorables à une minorité et terriblement bureaucratisés.

Pour corriger cette situation, le Comité populaire national a promulgué, en 1993, une nouvelle loi foncière, qui vise à encadrer légalement les droits de propriété et les transactions sur ces droits. Cette loi devait apporter des changements radicaux au niveau politique, au niveau des investissements étrangers, et au niveau social.

En 1987, l’État avait déjà modifié le régime foncier, au moins dans ses principes. Il l’avait fait par une législation et non seulement par un décret qui aurait pu être changé facilement. Cette loi, qui ouvrait la voie à une véritable législation foncière, redéfinissait les relations entre l’État et le peuple, et faisait obligation aux deux de respecter la loi dans leurs relations

2. Cette étude de la nouvelle loi foncière du Viêt-nam a été faite et rédigée par Fergus Maclaren, de I’Université de Calgary.

(Beaulieu 1994). Cette loi de 1987 fut suivie du Décret 139-HDBT (septembre 1988) qui détaillait les conditions de mise en application de la loi sur les investissements étrangers. Puis, il y a eu des changements apportées à la Constitution (mai 1992), au Règlement sur le logement (mars 1993) et aux règles relatives à la construction. Plusieurs circulaires administratives ont complété la loi sur les usages fonciers et ont démontré que l’Assemblée Nationale se préparait à faire face aux enjeux soulevés par les questions relatives à la propriété.

Aux termes de la loi foncière révisée en 1993, la structure générale de la propriété foncière est dirigée par les principes suivants:

• La propriété du sol est exclusivement réservée à l’État, à perpétuité. Personne ne peut acheter le sol.

• La gestion du sol est décentralisée réellement au niveau des comités populaires locaux (provinciaux et municipaux).

• Le droit d’usage du sol peut être attribué par les comités populaires à des Vietnamiens, à des compagnies, à des organisations et à des services du gouvernement.

• Les droits d’usage sont attribués pour des objectifs précis. Tout changement dans les usages projetés doit faire l’objet d’une demande d’autorisation. Par exemple, pour construire sur du sol agricole, il faut faire une demande d’autorisation; de même si on veut convertir un immeuble d’habitation en hôtel ou en immeuble commercial.

• L’État s’engage à accorder des droits d’usage aux organisations économiques, aux institutions gouvernementales, aux unités des forces armées populaires et aux ménages, de façon stable et pour une longue période.

• L’État va louer le sol à des personnes ou organisation étrangères.

Les principes de cette loi confirment que l’État conserve l’exclusivité de la propriété foncière. Les Vietnamiens peuvent obtenir des droits d’usage du sol ou peuvent même louer le sol en certaines circonstances; mais l’État peut les exproprier quand il veut, à la condition de relocaliser les organisations et les personnes affectées. Les étrangers n’ont pas le droit de détenir des droits d’usage du sol, mais ils peuvent louer de tels droits pour une durée équivalente à la durée de leurs investissements au Viêt-nam.

Pour les sites de premier choix, le coût du loyer du droit d’usage du sol peut être très cher. Actuellement, le coût des loyers pour les étrangers est établi selon une très longue liste de critères : la ville ou l’arrondissement où est situé le terrain, les facilités d’accès à ce terrain, l’accès aux infrastructures, la taille du terrain et, pour les immeubles à plusieurs étages, le nombre d’étages. Dans la majorité des cas, les coûts du loyer du droit d’usage est révisé tous les cinq ans. Il n’est pas non plus possible de payer en un seul versement l’ensemble des coûts de loyer.

Les conditions de location des droits d’usage du sol urbain ont favorisé une très forte spéculation chez les propriétaires de ces droits et une augmentation vertigineuse des coûts de loyer. Pour plusieurs ménages vietnamiens, les transactions sur ces droits ont été la principale source d’enrichissement. Naturellement, la situation provoquée par ces activités spéculatives et par l’inertie qui s’en suit ont rendu extrêmement rare le sol urbain à construire et cette rareté a affecté particulièrement les plus pauvres.

La loi foncière n’a pas éclairci le statut des partenariats («joint ventures ») qui sont techniquement des entités vietnamiennes; cependant, dépendant de la part apportée par les investisseurs étrangers et de celle apportée par les investisseurs vietnamiens, ces partenariats peuvent parfois être des entités étrangères et sont donc privés de la propriété du droit d’usage du sol.

Comme le sol reste la propriété de l’État, il ne peut servir de garantie pour des prêts en général et des prêts hypothécaire en particulier. Les structures construites sur le sol peuvent cependant servir de garantie. Ainsi, l’occupation légale de sols urbains par des ménages pauvres ne peut être utilisée pour garantir des prêts. Pour obtenir des ressources financières, à partir de ces droits, les ménages doivent céder (vendre ou louer) leurs droits.

Officiellement, la vente ou la location d’un droit d’usage du sol doit être autorisée par les autorités à qui on a délégué les pouvoirs administratifs (le Comité populaire municipal, et son Service du Logement et du Foncier). En pratique, un très grand nombre de transactions sont faites sommairement sur un bout de papier que l’on fait «timbrer» au comité populaire du quartier ou de l’arrondissement.

Deux ans après la mise en œuvre de cette loi, le gouvernement a reconnu qu’elle avait engagé de façon implicite des règles propres à un marché privé des droits de propriété et que ces règles évoluaient trop rapidement. 11 a donc promulgué un décret (Décret CP-18) en janvier 1996 qui réaffirme la propriété de l’État sur le sol, son autorité exclusive et entière sur la gestion du sol. Tous les droits d’usage ont été transformés en titres de location et tous les locataires doivent désormais payer un loyer à l’État. Les ménages pauvres, détenteurs de droits d’usage, ont donc perdu la possibilité de vendre ces droits et en plus ils devront payer un loyer.

Ce décret a été surtout critiqué parce qu’il pouvait avoir des impacts négatifs sur les investissements étrangers. Un groupe, à l’Assemblée Nationale, a soutenu que ce décret ralentirait le développement économique; un autre a supporté le décret en accusant plusieurs de s’être servis de la loi pour faire des profits dans leur seul intérêt. Des représentants régionaux ont vu dans ce décret la possibilité de générer de nouveaux revenus pour les administrations locales à travers les coûts de loyer du sol (Schawrz, 1995).

Les fonctionnaires du gouvernement continuent de travailler dans le cadre de la loi foncière pour préciser le format des contrats de location et la méthode d’établissement du coût du loyer, pour déterminer si les contrats de location peuvent servir de garantie pour des prêts bancaires, et pour savoir quoi faire avec les acteurs qui ont déjà payé la propriété des droits d’usage.

Le Premier ministre Vo Van Kiet a réaffirmé, en avril 96, que les objectifs du décret étaient de mieux contrôler les usages des sols, la spéculation sur le sol urbain, les transactions illégales, et les procédures administratives (Yates, 1996). Il a interpellé les présidents des comités populaires pour les inviter à étudier dans le détail l’état de la gestion des sols dans leurs communautés. Ceci est indispensable sachant que tous les détenteurs de droits d’usage doivent entreprendre une nouvelle procédure de location du sol et qu’ils devront commencer à payer des loyers.

L’Assemblée Nationale et les gouvernements municipaux ont entrepris la construction d’instruments de planification et de gestion pour faire face aux enjeux soulevés par la nouvelle loi foncière et le dernier décret. Il y a actuellement plus de 30 projets, financés par des agences d’aide internationale, qui auraient des incidences importantes en matière de planification urbaine. Le Programme des Nations Unies pour le développement, en collaboration avec la Banque asiatique de développement, a proposé un projet pour aider le gouvernement à composer un programme national de développement urbain et pour développer le cadre d’une politique de gestion urbaine (Viêt-nam Courier, 1995). Les plus grands des autres projets de planification incluent le schéma de développement du delta du fleuve Rouge, le schéma de développement de Hanoi et celui de Hô Chi Minh-Ville.

Le problème avec ces plans, lois et décrets, c’est qu’ils nécessitent une très grande volonté politique pour être mis en œuvre, et, surtout, que tous impliquent d’une façon ou d’une autre d’importants déboursés pour compenser les personnes et organisations affectées. Ce problème est encore plus grand quand on sait les difficultés historiques qu’ont les différents niveaux du gouvernement à travailler ensemble. Il est difficile d’imaginer qu’on trouvera un moyen ou un modèle unique pour mettre en œuvre les actions suivant ces plans, lois et règlements. Mais, la réalité s’impose : la construction de voies et axes de transport, la construction d’immeubles et d’ensembles industriels et commerciaux impliquent toutes des déplacements importants de populations, qui sont automatiques expulsées, quand les personnes affectées ne détiennent pas de droits d’usage du sol. La réalisation des projets contenus dans ces plans va entraîner une hausse vertigineuse des coûts de compensation et une politique vigoureuse pour construire du logement pour relocaliser les personnes déplacées.

Ces très grands problèmes, soit dit en passant, laissent dans l’ombre une multitude de petits problèmes qui vont miner les efforts de gestion rationnelle du sol et la mise en œuvre du décret. Il est assez évident qu’il sera difficile d’étudier les titres de propriété et de les transférer dans le nouveau système. Dans le plus grand nombre de cas, les papiers manquent; des transactions n’ont pas été enregistrées au bon moment, au bon endroit et selon la bonne forme. Sur des parcelles, les transactions ont été en série depuis quelques années; elles ont mené souvent à de la subdivision, parfois à de la consolidation. Les cadastres sont à refaire en totalité.

Ajoutons à cela le problème d’intégrer dans la gestion des sols urbains les systèmes de gestion des grands services de l’État, qui ont été de grands « propriétaires fonciers » et de grands gestionnaires fonciers, chacun à leur façon. Prenons le cas de l’Armée populaire par exemple: dans le cadre de la loi foncière, l’Armée a vu son droit confirmé de loger le personnel militaire. Elle occupe et contrôle de grandes quantités de terrains partout dans le pays et un pourcentage parfois important du sol urbain. Ces terrains n’ont pas été utilisés uniquement pour loger le personnel militaire ou pour des fins de défense. Depuis quelques années, l’Armée s’est même engagée dans des partenariats avec des investisseurs étrangers pour développer des sites privilégiés, comme le port de Qui Nhon et la base militaire de Bien Hoa. En 1992, le Premier ministre a tenté de forcer l’Armée pour qu’elle cède aux autorités civiles les terrains dont elle n’avait plus besoin en temps de paix. Cela n’a pas marché et a envenimé les rapports entre l’Armée et les administrations locales. Le Premier ministre a alors demandé au ministre de la Défense d’ajuster son plan de gestion de son patrimoine foncier aux priorités économiques nationales. L’Armée a habilement détourné le débat qui s’amorçait en édictant une ordonnance qui oblige le pays à protéger et à respecter les projets militaires et de défense puisqu’ils doivent être considérés comme propriétés de la nation (Kanweryotin, 1994).

Le problème de l’enregistrement des titres est important et généralisé. Les lois antérieures avaient autorisé les Vietnamiens à être propriétaires de leur maison et avaient reconnu des droits d’usage pour le terrain sur lequel était construite cette maison. Après la guerre, à partir de 1975, ces deux types de titres ont parfois été échangés plusieurs fois et parfois aussi séparément, ce qui fait qu’ils peuvent être entre les mains d’individus différents. En conséquence, il peut y avoir un propriétaire d’un droit d’usage du terrain et un ou plusieurs propriétaires d’une construction, qui doivent tous et chacun être compensés si le terrain doit être repris pour reconstruction ou pour restructuration (Korsmoe, 1994).

Un décret promulgué en juillet 1994 pour compléter la loi foncière, permet aux étrangers résidant au Viêt-nam d’obtenir des droits de propriété résidentielle. Le décret stipule que le terrain sur lequel est construite la propriété doit être loué de l’État. Le décret donne aussi une série de conditions, qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent entraîner la révocation du titre de propriété. Cependant, le droit de vendre ou de donner en héritage cette propriété s’applique même à ces résidents étrangers. Le titre de propriété doit être enregistré auprès du comité populaire local qui protège le propriétaire contre une expropriation si celui-ci doit quitter le pays pour une période de plus de 90 jours.

Récemment, le ministère des Finances a fixé des prix de location minimum devant servir à établir le montant de la taxe que doit payer le propriétaire sur la location. Ceci a été fait de façon à éviter la fraude consistant à charger le montant de la taxe au résident étranger et à déclarer un montant moindre au percepteur. Les prix de location minimum ont été fixés à des niveaux si élevés qu’ils ont entraîné une hausse appréciable du prix de location pour des immeubles dans les centre-villes de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville. Au nouveau taux fixé à 20 dollars américains le mètre carré, il n’est pas rare de voir le prix de certaines locations passer de 1900 dollars américains à 4450 dollars américains (AFP, 1996). En pratique, il y a un tel manque de logements pour les étrangers résidents à Hanoi ou à Hô Chi Minh-Ville que des prix de location de 600 dollars américains le mètre carré sont souvent pratiqués, rejoignant ainsi les prix de Paris, Londres ou Singapour (Logan, 1995).

Pour les investisseurs étrangers, le système d’enregistrement des titres et d’autorisations, à cause du nombre de niveaux qu’il comporte, reste un obstacle important. Les projets de développements immobiliers doivent être approuvés par le Comité d’État à la Coopération, le Comité populaire local, et au moins huit services gouvernementaux qui doivent donner leurs avis sur des sujets aussi divers que la conservation, l’énergie, les procédés industriels, les finances, les besoins en eaux, les déchets, le transport, les sciences, la technologie et l’environnement (Richard Ellis, 1993). Pour les investisseurs vietnamiens, la procédure pour obtenir un permis de construction peut être plus courte mais peut quand même demander plus de six mois, ce qui les invite à entreprendre les travaux sans autorisation.

Les prix élevés des droits d’usage du sol, les complexités bureaucratiques et les changements fréquents dans les lois et règlements ont des effets négatifs certains sur les investissements étrangers. Les compagnies qui ont acheté des droits d’usage en 1993 croyaient vraiment être propriétaires du terrain sur lequel elles n’avaient obtenu que des droits d’usage. Avec le décret CP-18, l’insécurité se généralise sur ces titres de droits d’usage et décourage la mise en œuvre des projets. Dans certains cas, les sommes investies pour acheter les droits ont été tellement importantes qu’elles ne laissent rien pour entreprendre la construction ellemême (Schwarz 95).

Un des points faibles de la loi foncière est le caractère précaire de la durée du droit d’usage accordé. Les documents officiels disent que ces droits sont accordés pour une longue durée. Mais la loi n’a pas défini ce qu’était une longue durée. Est-ce trois, cinq ou dix ans, ou pour toujours (Beaulieu, 1994)? Et rien ne dit dans la loi ce qui se passe, ni comment cela se passe quand la période de temps est écoulée. Ces imprécisions soulèvent des questions importantes concernant les sols à usage agricole.

L’économie du Viêt-nam est encore principalement une économie agricole. L’agriculture est pratiquée à l’intérieur des villes mêmes, autour des anciens noyaux villageois et dans les périphéries en voie d’urbanisation rapide. Les populations rurales et les paysans sont les plus pauvres du Viêt-nam. La terre est leur seule richesse. Pendant les sept années que cela a pris pour rédiger la loi foncière, les débats ont été vigoureux. Le vice-président de l’Union des agriculteurs du Viêt-nam a déclaré au cours de ces débats que la terre était la chose la plus importante juste après la guerre et que la bataille des Vietnamiens pour l’indépendance avait été une bataille pour la terre (Beaulieu, 1994).

La loi foncière, en précisant les conditions d’expropriation, de relocalisation et de transfert des droits d’usage, a en fait chassé de leurs terres plusieurs paysans. Partout, à travers le pays, et principalement dans les villes, la construction d’hôtels, d’édifices à bureaux et de logements réduit les parcelles cultivables. Les impacts de cette réduction sont encore mal connus, mais on anticipe une baisse de la production de riz dans les régions urbaines du nord du pays et une hausse des prix du riz. Au cours de l’été 1995, le Premier ministre Vo Van Kiet a demandé qu’on arrête les projets qui impliquent des changements d’usage sur des sols consacrés à la culture du riz (Cummings, 1995). Cet appel pourrait avoir des impacts à la hausse sur le prix du sol urbain, et ralentir les projets d’urbanisation et de modernisation des infrastructures.

Le développement économique, accéléré par les réformes, a suscité de fortes réactions chez les paysans et les pauvres. Ils sont délogés pour laisser place aux routes, aux usines, aux aéroports, aux complexes touristiques, aux terrains de golf. Les paysans du village de Kim Ngo, près de Hanoi, ont fait une grande démonstration en mai 1996 pour protester contre leur relocalisation forcée par le projet de la multinationale sudcoréenne Daewoo qui se proposait de construire un golf. Une femme fut tuée et quatre villageois arrêtés au cours de cette manifestation (Wilhelm, 1996). La relocalisation en elle-même n’est pas le seul problème; font problèmes aussi les courts délais précédant le délogement, les faibles compensations et l’absence de débat public

La spéculation sur la propriété et sur les droits d’usage est considérée comme le premier instrument de l’enrichissement dans les centres urbains. A Hanoi, la majorité du capital qui finance les activités spéculatives a été accumulée durant les plus beaux jours du régime communiste, dans les activités reliées à la contrebande sur la frontière chinoise, au commerce et au tourisme dans le secteur informel (Logan, 1995).

La distribution équitable du sol urbain est principalement affectée par les investissements étrangers et par l’écart grandissant entre les riches et les pauvres. Les investissements étrangers amènent un nombre croissant d’entreprises étrangères à se localiser à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville et font augmenter le prix du sol. Les besoins débordent largement les capacités de l’offre, compte tenu des difficultés et des délais dont nous avons parlé. Ils débordent alors sur le domaine construit, principalement les villas de la période coloniale française à Hanoi. Les autorités de Hanoi, pour libérer du sol et du construit pour les entreprises étrangères et leurs personnels, se sont servies des pouvoirs d’expropriation que leur accorde la loi foncière de 1993. Ils ont pu ainsi expulser environ mille familles de 150 villas coloniales dans le quartier colonial central. Plusieurs des membres de ces mille familles avaient pourtant été des officiers, des militaires et des héros de guerre à qui on avait attribué ces logements en reconnaissance pour services rendus à la patrie. Deux mille autres familles devaient être relocalisées, de façon à ce qu’on puisse démolir leur logement et libérer le sol pour la construction d’immeubles modernes destinés aux investisseurs étrangers. Les autorités ont utilisé soit la coercition, soit la négociation pour établir une juste compensation pour ces relocalisations. Seuls deux occupants ont accepté d’être relocalisés après compensation. Les autres ont voulu rester sur place en pensant qu’ils obtiendraient plus en négociant directement avec les investisseurs étrangers.

La hausse des loyers et la crise du logement à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville affectent directement les ménages les plus pauvres. Ils ne sont plus capables de payer des loyers qui avaient été jusqu’ici de moins de 20000 dongs le mètre carré; le prix moyen du mètre carré dans les arrondissements centraux a pu atteindre 150000 dongs le mètre carré au cours des dernières années. Ils sont donc forcés de se relocaliser dans des arrondissements périphériques, en perdant parfois leur travail et le plus souvent leurs activités commerciales (Soloman, 1994). Quand il s’agit de relocalisations forcées ou d’expropriation, ce sont généralement les ménages les plus pauvres qui partent, les plus riches ou les plus protégés pouvant réussir à conserver leur logement ou à être relocalisés dans le centre. Tout ceci mène directement à une destruction de la structure sociale dans les quartiers centraux et à une polarisation sociale extrême entre les quartiers centraux et les quartiers périphériques.

Un des effets inattendus de ces expulsions et relocalisations forcées, c’est l’occupation illégale des sols et les constructions illégales. Ceci est particulièrement évident dans le delta du fleuve Rouge où la densité d’occupation est déjà très forte. Les premiers bidonvilles sont apparus à Hanoi, depuis 1993, dans les quartiers centraux et dans les quartiers périphériques. Mais la construction illégale n’est pas le seul fait des populations les plus démunies. Tous à Hanoi se rappellent le fameux « scandale de la digue » : la digue est une structure essentielle à la survie de Hanoi et protège la ville des inondations quand le fleuve Rouge sort de son lit pendant la mousson. Le code de la construction de Hanoi vise à protéger la digue en interdisant toute construction à moins de 20 mètres de celle-ci. Dans un premier temps, les autorités ont fait démolir tout ce qui se trouvait à mois de 5 mètres de la digue, c’est-à-dire plus de 200 structures. Au cours de ces événements de démolition, sept officiels du gouvernement furent arrêtés ou suspendus, y compris l’Architecte en chef de Hanoi qui fut accusé d’avoir accordé des permis de construction dans l’espace de protection de la digue (Schwarz, 1995).

Cette action a mis en évidence bien sûr des scandales et des fraudes perpétrés par des gens bien placés, riches et influents. Mais elle a également entraîné l’expulsion violente de « squatters » et de familles à faibles revenus, sans aucune compensation. Pourtant, plusieurs ont soutenu que les occupations illégales des familles pauvres étaient en fait « protégées » par des officiels haut gradés, qui tiraient ainsi des revenus illicites de location.

Cependant, la loi foncière de 1993 constituait un excellent départ pour organiser une gestion du sol selon des plans de développement. Pour la mettre en œuvre, il fallait des conditions et des stratégies explicites de la part des gouvernements national et municipal. Celles-ci sont souvent absentes à cause d’abord d’un manque de volonté politique. Si les autorités n’arrivent pas à faire respecter la loi, elles ne pourront pas convaincre les différents acteurs que le respect de la loi entraîne des conditions favorables à une planification rationnelle du développement. Les changements continuels dans l’interprétation de la loi et dans la définition de ses conditions de mise en œuvre minent les objectifs fondamentaux qui justifiaient le corps principal de la loi. L’indétermination de la durée du droit d’usage et de la valeur de ce droit sape la confiance des investisseurs et retarde le démarrage d’un véritable marché du sol, des droits d’usage du sol. Enfin, la mise en œuvre de la loi a eu peu d’effet sur la restructuration de l’appareil bureaucratique de gestion des sols et des droits d’usage. Le processus est resté lourd, il comporte plusieurs niveaux qui soit s’ignorent, soit se font concurrence sur le terrain. En fait, derrière ce lourd et complexe appareil, la corruption et la fraude font bon ménage. Tant qu’on ne trouvera pas moyen de mettre fin à la corruption, par des jugements et des châtiments exemplaires, la mise en œuvre des véritables objectifs de la loi sera retardée.

Leçons d’expériences étrangères

Jusqu’en 1989, les politiques du logement du gouvernement vietnamien avaient été principalement inspirées du modèle moderniste socialiste. Il s’agissait d’un modèle d’intervention totalement centralisé, profondement égalitariste et gageant sur des techniques et des modèles de construction standardisés. Ce modèle, par principe, ne relevait d’aucune problématique propre à la pauvreté. Jusqu’à cette date, les chercheurs et experts vietnamiens avaient eu peu de contact avec des modèles et des stratégies développées spécifiquement pour des populations pauvres dans des systèmes économiques de marché.

Dans le cadre du projet de recherche financé par le CRDI, les chercheurs vietnamiens ont visité Manille, Jakarta, Singapour et Bangkok. Ils ont pris contact avec les agences nationales locales pour le logement. Ils ont été informés des principales caractéristiques de programmes exemplaires, comme ceux réalisés par Freedom to Build Inc., ceux réalisés dans le cadre du Kampong Improving Program en Indonésie, et les projets de Building Together en Thaïlande. Ces programmes et projets sont bien présentés dans l’ouvrage de Charles Goldblum, Métropoles de l’Asie du Sud-Est (Goldblum, 1987). Il ne s’agit pas ici de décrire et d’évaluer ces projets et programmes. Il s’agit plutôt de voir comment les chercheurs vietnamiens ont réagi à ces expériences nouvelles et ce qu’ils en ont retenu.

Ils ont d’abord constaté que grands nombres de ménages pauvres habitant les bidonvilles sont des paysans immigrés récemment en milieu urbain. Ces paysans ne sont ni spécialisés, ni qualifiés pour les activités économiques urbaines. Ils s’enlisent donc dans la pauvreté en occupant des emplois manuels, temporaires et faiblement rémunérés. Selon leur compréhension de choses, toute solution passe par l’emploi et par le travail. Dans ce sens, pour réduire les migrations des paysans vers les villes, il faut créer du travail qualifié dans les campagnes. Et, quand les paysans ont migré de toute façon dans les villes, le travail qualifié et l’emploi sont les meilleures voies pour sortir de la pauvreté. Ils ont été ainsi amenés à être très sensibles aux interventions complexes sur les bidonvilles impliquant au moins une intervention sur le logement et une intervention sur l’emploi et le travail. Ils ont pu ainsi commenter de façon critique l’intervention de la Ville de Manille sur les quartiers de Intramuros et de Tondo, où la population a été expulsée et relocalisée à Sapang Palay, à 40 kilomètres du centre. Les ménages déplacés ont été privés de leur environnement de travail et des services dont ils bénéficiaient dans les quartiers centraux. Plusieurs de ceux-ci sont revenus à Manille pour le travail et les services.

A partir du problème du travail et de l’emploi, ils ont compris que toute intervention sur les bidonvilles est une intervention complexe impliquant des dimensions sociales, économiques, culturelles et politiques. Ils affirment qu’aucun appareil d’État n’est capable d’intervenir de façon cohérente sur une réalité aussi complexe. La solution pour eux est dans la mobilisation de la communauté. En fait, ils concluront que la communauté est le premier et le principal acteur concerné, que toute intervention organisée ne peut être planifiée que par la communauté et que toute construction d’appareils d’intervention ne doit être faite que pour supporter les capacités de la communauté.

Ils ont découvert le rôle important joué par les ONG (organisations non gouvernementales) dans la majorité de ces villes et de ces pays. Pour eux, les ONG doivent faciliter et supporter la coordination des activités entre les communautés de base, les ménages et le gouvernement. En affirmant que de telles organisations n’existent pas encore dans les villes vietnamiennes, ils interrogent le rôle de l’État, du Parti et des comités populaires. En effet, la structure relativement décentralisée de l’appareil vietnamien était et reste une structure politique qui transmet jusqu’à la base les orientations du Gouvernement. Ce faisant elle maintient une marginalisation des populations les plus pauvres, n’ayant pas accès aux subsides et aux aides des programmes officiels compte tenu du statut de résidence ou du secteur d’activité de ces populations. Contrairement aux composantes décentralisées de l’appareil vietnamien, les ONG se donnent des missions sectorielles et seraient plus efficaces pour intervenir sur le logement, l’habitat et l’environnement des populations pauvres urbaines. Les chercheurs vietnamiens pensent que le développement des ONG au Viêt-nam ne pourra se faire que par un support venant de l’extérieur et particulièrement par une aide des grandes ONG multinationales.

Des pays visités, et particulièrement de la Thaïlande, ils ont retenu également le rôle joué par les grandes agences nationales pour le logement (National Housing Authorities). Ils considèrent qu’un programme national vietnamien pour améliorer les conditions de logement des populations pauvres ne peut tout simplement pas être mis en œuvre dans le cadre normal des activités d’un ministère. Ils pensent proposer (voir chapitre 7) non seulement une politique nationale de l’habitat, mais la création d’une agence spéciale pour le logement des pauvres. Ils n’ont pas relevé la mobilisation du secteur privé pour participer à la production et à la gestion du logement pour les pauvres, comme le fait l’Agence nationale pour le logement en Thaïlande. Ce n’est pas un oubli. Dans leur esprit, pour le moment, la participation du secteur privé dans ce domaine est inconcevable et ne pourrait être que marginale.

En retenant comme exemplaires les expériences de Freedom to Build Inc. à Manille, ils retiennent surtout que tout programme d’intervention sur le logement pour les populations pauvres doit être adapté et spécialisé, en fonction de groupes cibles spécifiques, et de niveaux et types de pauvreté. Ainsi, chaque programme adapté à une clientèle particulière doit tenir compte de la capacité du groupe cible et de sa culture. Ainsi, les objectifs généraux et communs doivent être modulés quand on choisit des modèles d’habitat et des techniques de construction, quand on fait appel à des experts conseils, quand on choisit le mode d’allocation et le type de tenure, quand on fait le montage financier avec ou sans l’appui des banques, et même quand on choisit le maître d’œuvre et les fournisseurs de matériaux.

Ils ont été aussi très attentifs aux rapports d’expériences étrangères dans leur partie relative à la gestion foncière et à la régularisation des titres fonciers. Ils ont retenu surtout les problèmes relatifs à la relocalisation. Des programmes KIP en Indonésie, ils ont rapidement conclu que la relocalisation des populations pauvres n’est pas une solution, car la relocalisation, à cause du problème foncier, déplace les populations en dehors des centres d’activités de la ville. Ils jugent donc préférable un maintien sur place des populations. Mais ils soulèvent cependant le problème de la relocalisation temporaire pendant les travaux d’amélioration et de reconstruction. Ils n’ont pas relevé l’épineux problème de la rareté des sols, qui est pourtant extrême dans les grande villes vietnamiennes, semblant se fier au fait que, puisque tout le sol est propriété de l’État, le problème d’accessibilité n’existe pas. Ils recommandent cependant que les terrains occupés par les pauvres doivent être restructurés et réorganisés; que ces terrains doivent être mis en réserve pour la construction de logements pour les pauvres, et que ces réserves doivent être assez importantes pour assurer le développement de communautés viables (travail, emploi, loisir, environnement…), et pour permettre de façon assurée une mise en œuvre graduelle des programmes d’amélioration de l’habitat.

Enfin, ils se sont beaucoup interrogés sur les différents moyens financiers pour réaliser ces programmes de logement pour les pauvres. Ils ont retenu que le mode d’occupation (location, location-achat, accession à la propriété) est un facteur important, qu’il ne peut être traité d’une seule façon et dans un seul temps. Ils ont préféré des expériences qui favorisent l’accession graduelle à la propriété: titres fonciers sur des terrains desservis, construction graduelle, paiements graduels, canalisation de l’épargne, prêts sans intérêt ou à intérêts réduits gagés sur l’épargne accumulée… Ils admettent les limites de toutes ces expériences sachant la situation d’extrême pauvreté des ménages pauvres vivant dans les grandes villes du Viêt-nam. Ils se sont interrogés sur la façon de canaliser l’aide internationale vers le logement des pauvres.

Quand ils ont entrepris les recherches, dont nous allons maintenant présenter les résultats, les chercheurs vietnamiens avaient bien à l’esprit ces questions et lignes directrices de réflexion. Ils étaient aussi bien informés de l’évolution de la situation chez eux. Le lecteur pourra, à partir de maintenant, et grâce aux informations que nous venons de lui donner dans ces deux premiers chapitres, suivre les préoccupations particulières des chercheurs et interpréter les choix qu’ils ont faits, parfois spontanément et sans besoin de justification.

3

La population pauvre à Hanoi1

Les objectifs et méthodes de l’étude

Cette étude a été réalisée par l’Institut de Sociologie (Centre national des sciences sociales et humaines) sur un échantillon représentatif de ménages résidant dans cinq quartiers différents de Hanoi. Cette enquête, la première de la sorte, avait pour objectif de dresser un portrait de la pauvreté urbaine à Hanoi. Pour la première fois, une équipe de chercheurs décidait de considérer les ménages pauvres comme un groupe social en soi. Leur recherche a été orientée par les questions suivantes:

1) Qui sont les pauvres à Hanoi (caractéristiques socioprofessionnelles, socio-économiques, démographiques et culturelles)?

2) Comment leur pauvreté se traduit-elle dans leur vie quotidienne et comment se distinguent-ils dans leur pauvreté (dépenses et niveaux de vie)?

3) Quel est leur cadre de vie (état des conditions de logement et des conditions environnementales)?

En plus de l’analyse de la situation actuelle, les réponses à ces questions ont permis de donner des pistes pour l’élaboration de politiques d’allégement des conditions de la pauvreté et d’ouvrir de nouvelles perspectives de recherches.

Les données ont été recueillies par enquête avec questionnaire et par entretiens semi-directifs avec les ménages de l’échantillon. Le choix des ménages de l’échantillon s’est effectué en collaboration entre les chercheurs et les intervenants locaux (policiers, comités populaires, travailleurs sociaux, associations de travailleurs), dans chacun des quatre arrondissements centraux de Hanoi. Des sessions de travail ont été organisées;

1. Ce chapitre reproduit presque intégralement un rapport de recherches (CRDI) de l’Institut de sociologie (Centre national des sciences sociales et humaines du Viêt-nam).

elles avaient un double but : permettre aux chercheurs de mieux connaître chacun des arrondissements (en matière de développement économique et de situation des ménages pauvres) et élaborer une liste de ménages à interviewer. Ces ménages ont été retenus à cause de leur situation reconnue de pauvreté; ceux-ci pouvaient être simplement pauvres ou extrêmement pauvres (bénéficiaires d’aides sociales). 669 ménages ont été ainsi retenus dans cinq quartiers, où ils représentent 4% du nombre total de ménages.

La localisation des zones d’enquête

Les cinq quartiers retenus pour représenter les conditions de vie dans les quatre arrondissements centraux de Hanoi sont les suivants:

• Le quartier de Buoi (dans l’arrondissement de Ba Dinh) jouxte la limite administrative séparant la ville centrale d’un quartier périurbain (Tu Liem). C’est un vieux village d’artisans intégré à la ville au cours du processus d’urbanisation; l’organisation de l’espace résidentiel dans cette zone conserve les caractéristiques d’un village périphérique. La fabrication du papier, anciennement principale activité artisanale, disparaît lentement et les artisans doivent faire face à de changements professionnels.

• Le quartier de Thanh Nhan (dans l’arrondissement de Hai Ba Trung) est une zone de pauvreté où se trouve un quartier d’habitat précaire qui s’est illégalement développé depuis 1975.

• Le quartier de Hang Bot (dans l’arrondissement de Dong Da) est considéré comme une des zones pauvres de cet arrondissement. On y trouve une église qui servait jadis d’orphelinat et accueillait de nombreux pauvres et infirmes. Ce centre s’est depuis installé de façon permanente dans le quartier et on trouve dans cette zone un grand nombre d’aveugles qui en dépendent.

• Les quartiers de Dong Xuan et Hang Ma (arrondissement de Hoan Kiem), au centre du Vieux Hanoi, sont les zones commerciales les plus actives de la ville; cependant de nombreux pauvres, personnes seules et personnes âgées y vivent dans des abris de fortune et des conditions environnementales précaires.

Présentation et évaluation des zones d’enquête

Au moment de l’enquête, la situation socio-économique de Hanoi a joué un rôle important dans le choix des aires d’étude. Sous le modèle socialiste, la propriété des moyens de production – bien que répartie selon divers statuts : d’État, collective et privée – restait principalement publique et par principe le modèle socialiste niait le concept de division sociale. Il n’y avait donc officiellement pas de différences entre zones rurales et urbaines, ni entre les couches sociales. Cependant, ces différences existaient bel et bien et se sont accrues jusqu’à devenir un phénomène social plus étendu et plus marqué durant la phase de transition. Le choix des quartiers et le choix des ménages, réalisés en collaboration avec les autorités et associations locales, permet de rendre au mieux une image de la réalité actuelle que les autorités commencent à accepter comme témoignant d’« une polarisation entre les pauvres et les riches » ou encore d’une « division des classes et couches sociales ».

L’un des effets principaux du processus de transition a été l’apparition et la mise en place d’un mécanisme de marché pour l’ensemble de la vie économique, ce qui a eu une importance notable sur le mode de vie urbain. En effet, ceux qui avaient les plus bas niveaux d’études et de faibles qualifications professionnelles avaient souvent travaillé dans des coopératives artisanales ou des petites entreprises qui ont été démantelées au cours du passage à l’économie de marché. Le nombre des pauvres dans les zones urbaines s’est donc accru et ceux-ci sont devenus les plus sensibles et les plus vulnérables aux changements importants survenus tant au niveau local que national. La politique de lutte contre la pauvreté, initiée par le Gouvernement, a tenté de remédier à cette situation en donnant la priorité aux groupes les plus sensibles aux plus lourds impacts apportés par ces changements.

Un autre effet important du processus de transition concerne le problème relatif au logement et aux questions foncières à Hanoi, lequel a contribué à l’accroissement de la fracture sociale dans les zones urbaines. Les populations pauvres doivent en effet vivre dans des quartiers de plus en plus surpeuplés où les maisons sont vieilles, inadéquatement aménagées et les infrastructures absentes, ou bien près des lacs, étangs et berges, où les conditions de vie sont insalubres et les interactions sociales difficiles et instables.

D’un autre côté, suite à l’augmentation des coûts fonciers, certains pauvres vivant soit dans des quartiers centraux, soit dans des quartiers périphériques ont pu améliorer subitement leur niveau de vie après la vente de leurs parcelles puisque les droits d’usage foncier ont été vendus et revendus, y compris pour des zones illégalement occupées.

L’impact d’une véritable «fièvre des prix fonciers» sur la population en général et sur les pauvres en particulier est évident dans les différentes zones urbaines de Hanoi : depuis 1992, les prix des terrains, tant dans les zones centrales que périphériques, ont grimpé en flèche comme jamais auparavant. Chaque année depuis lors, le coût des terrains gagnés sur les étangs et les lacs a doublé ou triplé, suivant leur localisation, par rapport à une valeur initiale d’environ 500000 dongs le mètre carré.

Le quartier de Dong Xuan (arrondissement Hoan Kiem)

Situé au cœur du centre des affaires du Vieux Hanoi, autour du marché du même nom – un des plus grands marché du pays – le quartier de Dong Xuan est réputé pour être un lieu d’échanges commerciaux autant en gros qu’au détail. Composé de 13 rues et 7 ruelles et rappelant le modèle architectural utilisé par les centres urbains d’affaires et de services, ce quartier est également réputé pour l’artisanat traditionnel étroitement lié au petit commerce. De nombreuses entreprises et coopératives artisanales datent d’avant le processus de transition.

Le quartier compte 12125 habitants dont le tiers âgés de moins de 18 ans; il compte 2850 ménages répartis sur un superficie d’un kilomètre carré seulement. La mobilité de cette population est supérieure à celle des autres quartiers en raison des activités économiques. Selon un rapport du Comité populaire du quartier (mars 1994), on y retrouvait 89 ménages possédant un permis de résidence dans le quartier mais résidant ailleurs. 67 ménages (390 personnes) résidant dans le quartier ne possédaient pas de droit de résidence; de ceux-ci certains possédaient un droit de résidence dans un autre quartier (48 ménages, 234 personnes) ou à l’extérieur de la villes (19 ménages, 156 personnes).

Dans ce quartier, parmi les 920 ménages commerçants – qui comptent pour la moitié du total des ménages (exception faite des ménages œuvrant dans le marché Dong Xuan sous l’autorité de l’arrondissement) – on trouve 633 gros commerçants. Le reste est réparti entre des petits commerçants et des vendeurs de rues. La plupart de ces derniers n’ont pas de licence puisqu’ils n’ont pas d’établissement stable pour commercer, mais ils doivent cependant payer des taxes d’affaire. Ceci constitue d’ailleurs un élément typique de « l’économie du trottoir» que l’on retrouve dans le secteur informel.

On trouve également dans ce quartier 9 unités de production ainsi que 25 producteurs-artisans privés (représentant moins de 10% du total des ménages). De plus, le nombre de ménages bénéficiant d’aides sociales inclut 62 invalides de guerre et 114 familles de combattants décédés.

Bien qu’étant une zone marchande au cœur de la ville, le quartier possède une organisation sociale caractéristique de l’économie planifiée, avec 36 entreprises d’État et un tiers de la population qui est soit employé de l’État soit membre des coopératives.

Les personnes qui n’ont pas de droit de résidence permanente dans ce quartier ont soit déclaré avoir un droit de résider ailleurs dans la ville, soit déclaré venir de l’extérieur de Hanoi et ne pas avoir encore de droit de résidence dans la ville. Selon les autorités, cette population est source de nombreux problèmes concernant les relations socio-économiques au sein du quartier. En effet, ces gens participent à l’activité économique sans aucune contrainte sociale ni contrôle administratif ou politique de la part des autorités locales et représentent donc une concurrence déloyale pour les commerçants légaux. Les populations illégales se sont installées principalement sous le tablier du pont Long Bien, ou de l’autre côté de la digue du fleuve Rouge; lors des crues et des inondations, ils s’installent temporairement sur les trottoirs et aux coins des rues.

Dans le quartier, les petits commerçants et les ménages les plus pauvres sont souvent des personnes âgées ayant peu de revenus. Nombre d’entre eux sont des vendeurs de rues constamment chassés par la police en raison de leur occupation illégale des trottoirs.

Un des traits distinctifs de la population locale – y compris les plus riches – tient dans la volonté de ne pas déménager vers des zones plus saines, même s’il n’y a pas d’espoir sur place pour l’amélioration de la qualité de vie à court terme, puisque les parcelles sont en très mauvais état, qu’elles sont surpeuplées, que l’ensemble du quartier est dégradé et que s’ajoutent à ces conditions les problèmes reliés aux occupations illégales sous le pont et en dehors de la digue, sur les rues et trottoirs.

Les habitants s’entassent dans les vieilles maisons aux étroits couloirs; l’air est vicié et les environnements résidentiels sont pollués. La quantité quotidienne d’ordures est d’environ 5 tonnes sur les rues qui jouxtent le marché Dong Xuan et ce problème est loin d’être résolu. Le système de toilettes est antique et principalement composé de latrines simples et de latrines à deux fosses. Peu de ménages ont installé, il y quelques années, des fosses septiques.

Bien que la question de la pauvreté dans le quartier ait déjà été étudiée auparavant, il n’y a pas de statistiques pertinentes concernant les pauvres et leurs trajectoires socio-économiques. C’est pourquoi la politique gouvernementale de lutte contre la pauvreté et la malnutrition n’a pas été au-delà du maintien et du respect de la sécurité publique et de l’ordre social à rencontre des pauvres qui travaillent comme porteurs aux stations de bus et au marché. Les autorités locales ont mis en place un groupe de 400 porteurs, principalement des jeunes et des ex-condamnés, pour travailler autour ou dans le marché Dong Xuan. L’aménagement de places de stationnement a aussi aidé à fournir de l’emploi pour d’autres personnes, mais pas pour les pauvres.

Selon les autorités locales, les pauvres sont souvent des personnes âgées et infirmes, celles qui ne reçoivent aucun secours de la part de leurs familles et enfants, ou bien des personnes non commerçantes, vivant de leurs faibles revenus mensuels. D’autres encore sont pauvres suite à leurs pertes de jeu ou d’affaires, ou encore à cause de leur consommation de drogue.

Les autorités locales dans le quartier de Dong Xuan n’ont qu’une compréhension limitée de la pauvreté et des structures historiques et sociales ayant conditionné les circonstances qui l’ont façonnée; c’est pourquoi leur évaluation de la population pauvre du quartier repose essentiellement sur les critères suivantes : l’âge avancé, les problèmes de santé, le manque d’attention pour leurs parents de la part des jeunes adultes, le manque de ressources financières et l’absence d’opportunités d’emploi.

Il y a cependant une différence entre cette population pauvre et les nouveaux pauvres qui possèdent un haut niveau d’éducation et sont pensionnés ou retraités.

Le quartier de Hang Ma (arrondissement de Hoan Kiem)

Proche du précédent et plus étendu (1,5 kilomètres carrés), le quartier de Hang Ma est cependant moins peuplé avec ses 9327 habitants répartis en 2364 ménages.

La structure socioprofessionnelle du quartier se divise clairement en deux sous-ensembles géographiques : dans la rue Ly Nam De résident les fonctionnaires et les militaires, alors que les gens d’affaires et les petits commerçants vivent dans la zone qui s’étend des pieds du pont Long Bien au marché Dong Xuan.

Dans cette zone, l’activité commerciale a toujours dominé; cependant on y retrouve aussi une forte proportion d’activités de production. Le quartier compte 730 ménages travaillant dans les affaires dont 453 sont des gros commerçants. La majorité sont dans le secteur des fournitures électriques et mécaniques, dans la restauration ou encore dans la vente de boissons douces ou d’articles de papier et, tout comme dans le quartier de Dong Xuan, un tiers des ménages commerçants proviennent d’autres quartiers de la ville.

On y trouve également 53 ménages de producteurs privés et 7 établissements de production, contre 14 deux années auparavant. Ceci semble être causé d’une part par le fait que, depuis quelques années, les importations de machineries et équipements technologiquement avancés pour accroître la qualité des produits ont forcé plusieurs ateliers d’ingénierie à se transformer en ateliers de réparation et d’autre part par le fait que les ménages qui tissaient la laine ou confectionnaient des bougies ou des cadres en plastique ne pouvaient plus écouler leur production.

Dans le secteur des services on trouve principalement les cyclopousses, avec environ 100 conducteurs issus des ménages pauvres habitant les ruelles des rues Hang Chao, Hang Thung et Phung Hung. 50 personnes travaillent comme porteurs.

Les retraités et les bénéficiaires de pensions ne sont pas comptés parmi les pauvres du quartier, car pour les autorités locales les pauvres n’ont souvent été définis que comme les ménages percevant régulièrement des aides sociales. Les problèmes auxquels sont confrontés ces ménages pauvres incluent:

• maladies ou affections graves ou état de santé qui empêchent de travailler,

• manque de capital pour faire des affaires,

• divorces ou autres problèmes familiaux,

• toxicomanie.

Selon les mêmes autorités, la pauvreté dans le quartier est principalement due au manque de main-d’œuvre qualifiée puisqu’il y a de nombreuses unités de production et de services. Les infrastructures sont en mauvais état, mais, grâce à un programme de reconstruction et de rénovation, beaucoup de changements sont en cours.

La plupart des maisons dans le quartier sont propriété de l’État. Aussi les pauvres se sont installés dans des abris sous les piliers de la voie ferrée ou au coin des rues, et nombre d’entre eux ont des logements surpeuplés et pollués parce qu’ils jouxtent les toilettes publiques. Le manque chronique d’eau potable est également un problème certain face à l’amélioration des conditions de vie de la population locale.

Le cadre de vie des pauvres doit désormais attirer l’attention des autorités locales qui pensent que pauvreté signifie faim et manque de l’essentiel et qu’elle se combat simplement en apportant un peu d’aide et de support aux plus pauvres. Il est temps que les relations entre pauvreté et conditions de vie et entre pauvreté et état de l’environnement soient considérées.

Le quartier de Hang Bot (arrondissement de Dong Da)

Situé dans la partie sud-ouest de la ville et s’étirant le long de la rue Ton Duc Thang depuis Quoc Tu Giam jusqu’ à O Cho Dua, le quartier de Hang Bot s’étend sur 1,15 kilomètres carrés avec 16 ruelles en tout, qui vont de Ton Duc Thang vers les anciens villages de Thinh Hao, Quan Tho et Van Chuong, jadis pourvoyeurs de produits maraîchers de la vieille capitale. Au cours des trente dernières années, ces villages ont été transformés – avec leurs étangs, lacs et terrains agricoles – en différentes zones résidentielles qui accueillent environ 4% de la population du quartier. La plupart de ces zones sont cependant illégalement occupées; ainsi, seuls six ménages dans le village de Thinh Hao ont des titres de propriété foncière accordés par les autorités municipales.

On trouve également dans le quartier une église et 350 ménages catholiques (915 membres) parmi lesquels 30 ménages d’aveugles demeurant dans une grande bâtisse qui servait jadis d’orphelinat. Ces aveugles vivent essentiellement de mendicité hormis quelques-uns qui travaillent.

En matière d’équipements, l’adduction d’eau et l’électricité sont plutôt en bon état sauf dans la zone de Van Chuong située en contrebas du niveau du fleuve; mais la collecte des ordures n’est pas régulière à cause du non-paiement de la taxe de ramassage par les ménages.

La population s’élève à 15625 personnes dont 2015 perçoivent des pensions. 965 personnes résident dans le quartier sans y avoir un statut légal de résidence.

Malgré la présence de plusieurs établissements publics (29 services administratifs ou entreprises publiques) faisant travailler une population pas vraiment pauvre, l’activité économique est à la baisse et il y a eu beaucoup de fermetures d’unités de production. A cause de la contrebande en particulier, le nombre de celles-ci a chuté de soixante à huit au cours des dernières années, alors que le quartier accueillait auparavant la plus grande unité de production artisanale de l’arrondissement. Cela contribue à expliquer pourquoi la majorité des répondants lors de l’enquête travaillaient dans la petite production artisanale (environ 165 ménages de petits commerçants-artisans).

D’autre part, les deux tiers des coopératives ont déclaré faillite et cédé leur actif pour régler leurs dettes, laissant 132 de leurs membres au chômage; une coopérative de confection de vêtements est en train de suivre la même voie.

Seul un tiers des emplacements commerciaux le long de la rue principale est occupé par des petits commerçants locaux, alors qu’un autre tiers est réservé aux salles de montre des nouveaux produits; le dernier tiers est loué à des gens d’autres circonscriptions.

Au début 1993, un rapport statistique a montré que 625 personnes entre 18 et 25 ans étaient sans emploi et que 312 autres entre 26 et 45 ans n’avaient pas d’emploi stable. L’absence de centre d’affaire et de grand centre de production cause de nombreux problèmes pour la création d’emplois dans un quartier qui est devenu le plus pauvre de l’arrondissement sous l’influence du passage à l’économie de marché.

Le quartier de Thanh Nhan (arrondissement de Hai Ba Trung)

Apparu spontanément au milieu d’anciens étangs et de champs dans l’arrondissement Hai Ba Trung, ce quartier n’a ni rue principale ni trame viaire. Seule une route traverse le village de Ho Quynh qui reste cependant inaccessible aux véhicules, et il n’existe pas encore de plan détaillé de développement pour cette zone.

Autrefois, les trois-quarts de cette zone étaient des étangs et des champs et il n’y avait pas de quartier résidentiel, mais trois groupes d’habitation près de la rue Bach Mai, dans les zones de Tran Khat Chan et Thanh Nhan.

La population s’élève à 16473 habitants, dont un quart de fonctionnaires, répartis en 4083 ménages. Un quart de la population est nouvellement établi (1000 ménages parmi lesquels 600 seulement résident officiellement dans le quartier). Environ 400 ménages, regroupant 2300 personnes, ne possèdent pas un droit légal de résidence dans le quartier.

Le nombre de bénéficiaires des politiques sociales est de 1519 ménages (soit un tiers de la population). Parmi ceux-ci, 72 perçoivent des rentes régulières (soit 2% de la population). La majorité de ces individus sont des gens sans aide, infirmes et qui vivent seuls.

Ce quartier, bien que très peuplé, reste sous-équipé en termes d’infrastructures car la Ville n’a pas investi dans la construction de routes, l’installation de systèmes d’adduction d’eau et de distribution d’électricité ou dans le système d’égouts, alors que dans le même temps elle procédait à une importante relocalisation, dans ce quartier, de populations provenant de la région de Van Ho. Toutefois, les autorités locales, malgré cette arrivée massive de nouveaux résidents, se sont uniquement occupées du contrôle administratif et n’ont pas été en mesure d’inciter le développement économique ou d’améliorer les conditions de vie.

En 1982, des établissements publics et des entreprises d’État ont combiné leurs efforts pour assécher le lac Quynh afin d’y construire des ensembles résidentiels, des sièges sociaux d’entreprises publiques comme l’Union vietnamienne des entreprises de thé ou la Banque de Hanoi, ou bien encore pour aménager des équipements comme le parc Tuoi Tre ou l’hôpital de Hai Ba Trung. Cependant aucun de ces projets ne visait la création d’emplois spécifiquement pour la population locale. Les chaumières et les huttes ont aujourd’hui succédé aux quelques constructions en briques et tuiles ou béton que l’on pouvait observer il y a encore cinq ans et, à cause du manque d’équipements, les populations aisées n’ont jamais habité dans cette zone.

Il n’y a pas non plus de crèches ni de garderies, et le dispensaire médical est en piteux état. La seule école générale primaire ne suffit pas pour tous les enfants du quartier malgré ses 1100 inscrits. D’autre part, depuis quelques années, des plans de développement de la route de Tran Khat Chan sèment l’inquiétude chez plus de 1600 personnes à cause de l’éventualité d’un déplacement forcé.

Il y a 11 unités de production dotées d’équipements peu performants (verre, rouleaux d’aluminium, briques, soudure, etc.), et 11 coopératives (de tailleurs, de potiers, d’artistes, de fabricants de papier et de vêtements). Le niveau d’éducation de la population est inférieur à celui des autres circonscriptions.

La population se répartit en 25% d’habitants « de souche » et 75% de nouveaux arrivants. D’après les autorités locales, 90% de la population doit être considérée comme pauvre.

Quelque 180 ménages vivent illégalement dans un périmètre reconnu de statut précaire. Les gens y disposent de 15 à 20 mètres carrés par personne et les maisons sont faites simplement de murs de terre et de feuilles de palme. A l’origine vendues entre 50000 et 60000 dongs, ces maisons valent aujourd’hui dix fois plus cher.

Cette zone est reconnue pour ce que les chercheurs vietnamiens qualifient de « maux sociaux » : jeu et prostitution, bandes de jeunes délinquants. A ce titre, Thanh Nhan est un (malheureux) exemple des conditions de vie des pauvres dans la ville, lesquels souffrent de mille maux sans recevoir la moindre aide.

Le quartier de Buoi (arrondissement de Ba Dinh)

Ce quartier, d’une superficie inférieure à un kilomètre carré, est formé de cinq anciens villages périphériques : Trich Sai, Vong Thi, Yen Thai, Dong Xa et Ho Khau.

Sa population s’élève à 14500 personnes – parmi lesquelles 4000 fonctionnaires – dont les deux tiers vivent de la petite production industrielle ou artisanale : le tissage du satin et la fabrication de papier selon la méthode traditionnelle. Cependant, ni l’un ni l’autre de ces artisanats ne peuvent survivre dans une économie de marché. Malgré le fait qu’ils aient beaucoup prospéré dans les années 60 et 70, à cause maintenant de l’augmentation des coûts du matériel et du manque de débouchés, ces entreprises sont vouées à la disparition. La fabrication du satin se transforme en confection de serviettes alors que les manufactures de papier s’orientent vers la fabrication de chapeaux.

Par le passé, c’était un quartier pauvre car les habitants y vivaient principalement de l’agriculture et de l’artisanat. 70% des maisons étaient de très petits pavillons dont environ 5 à 7% étaient bâtis en «semi-dur». Quelques maisons de béton furent construites par des nouveaux arrivants ou des personnes revenant des anciens «pays socialistes frères». Ainsi, après 1990, le quartier a tenu un rôle de leader dans l’arrondissement dans plusieurs domaines comme la reconstruction des routes et la fourniture d’électricité et d’eau. La sécurité publique, l’ordre social et le contrôle de l’accroissement de la population ont été mieux traités que dans d’autres quartiers. De plus, dès 1992, beaucoup de gens sont venus acheter des terrains ici car l’offre est moins rare que dans les autres quartiers. Se sont ainsi installés un centre d’architecture, un service de l’Assemblée Nationale, des services du ministère de la Culture et le Commandement d’un régiment de l’Armée. De plus, certains immeubles sont la propriété de la Commission des finances et du Comité central du Parti.

Les coûts fonciers dans le secteur ont grimpé jusqu’à 0,3-0,4 tael le mètre carré, contre 0,1 auparavant (le tael est une ancienne monnaie chinoise; un tael vaut actuellement environ 500 dollars américains au Viêtnam). Ainsi, les ménages pauvres qui possèdent des terrains pourraient avoir une chance d’améliorer subitement leur niveau de vie en vendant des parcelles de ceux-ci.

930 ménages sont enregistrés pour des opérations de production ou de services. Les transactions commerciales s’effectuent avant tout au marché de Buoi. Les commerces prospères dans le secteur sont les coopératives agricoles de production de fleurs et légumes, et la production de chapeaux qui emploie beaucoup de jeunes qui utilisent les vieux papiers pour faire des chapeaux. La confection ainsi que d’autres artisanats ont également été développés. Pourtant, 6 coopératives artisanales sur 7 ont été dissoutes et la dernière n’allait pas tarder à suivre du fait du passage au secteur privé.

Selon un rapport des autorités locales, 162 personnes du quartier ont reçu des aides sociales régulières ou spéciales en 1990. De plus, on retrouve 200 familles de soldats morts au combat et 54 d’invalides de guerre. Ces familles ont été aidées indirectement par des mesures économiques (exonération de taxes pendant trois mois sur les activités économiques) ou des subventions. Dans le quartier, les autorités ont favorisé des mesures de contrôle de la croissance de la population, de promotion du commerce et de la production.

Toutefois, selon le même rapport, au moment de l’enquête, 329 personnes entre 16 et 45 ans étaient sans emploi dont 50 individus de retour de l’étranger après la fin d’un contrat de travail et 31 soldats démobilisés. Il y avait aussi des diplômés (25) des niveaux collégial et universitaire. Parmi la population du quartier, on comptait aussi 60 retraités en vertu de la Décision 176/CP (décision administrative relative à la réduction de la taille de l’appareil de l’État et des entreprises publiques favorisant les départs volontaires et le départ à la retraite) et 8 ex-condamnés.

Image

Hanoi : les arrondissements centraux et les zones d’études

D’après les autorités locales, les pauvres sont principalement les personnes sans aide vivant seules, âgées ou encore en mauvaise santé. D’après les autorités, la principale source de la pauvreté est le manque d’emplois et, malgré les programmes de développement de l’artisanat traditionnel et les ressources foncières, le développement ne s’enclenche pas sans une aide continue des autorités locales.

Évaluation de la situation socio-économique dans les zones étudiées

Bien qu’ayant connu un développement économique différent, tous ces quartiers partagent des problèmes communs reliés à la pauvreté urbaine. Celle-ci n’est pas un phénomène associé uniquement à un individu ou à une famille, ni seulement causée par des accidents, comme une maladie ou une infection; c’est aussi un phénomène qui contribue à créer des problèmes sociaux comme le divorce et la toxicomanie entre autres. La pauvreté est en outre la conséquence de phénomènes sociaux tels que l’analphabétisme ou de faibles niveaux d’éducation ou de qualification professionnelle qui se surajoutent à des problèmes économiques pour maintenir ces populations dans la pauvreté.

Dans le même temps, il faut tenir compte des raisons historiques et du contexte spatial qui influencent la durabilité de l’état de pauvreté. Il est évident qu’il est plus aisé de combattre le phénomène de pauvreté dans les quartiers du centre-ville que dans Thanh Nhan, par exemple. En effet, la concentration d’indigents dans les quartiers périphériques, mais surtout la disparition de l’activité artisanale, qui ne peut être compensée par le développement de l’activité commerciale, créent des conditions défavorables au développement.

Comme les chances d’amélioration des conditions de vie pour les plus pauvres sont étroitement liées à l’expansion de l’activité économique dans les quartiers, les autorités locales ont à jouer un rôle important dans l’éradication de la pauvreté. Ainsi, alors que dans les quartiers de Buoi, Hang Ma et Dong Xuan les autorités locales ont su intervenir plus adéquatement pour lutter contre la pauvreté, dans Thanh Nhan tout l’effort a porté sur le seul contrôle administratif.

Bien entendu, il convient de tenir compte des différences dans la structure sociale des quartiers pour relativiser ces disparités. Il faut aussi s’attendre à des mesures très différentes de lutte contre la pauvreté entre les anciens et les nouveaux quartiers résidentiels puisque les traditions sociales et les relations de voisinage y diffèrent, de même que les intérêts envers les questions économiques, sociales ou environnementales. La pauvreté se traduit non seulement au plan économique, mais également en termes de qualité de vie puisque les populations les plus pauvres ne peuvent souvent pas satisfaire des besoins essentiels comme l’accès à l’électricité ou à un air de qualité. Leur santé peut en être affectée; mais, même conscients de ces problèmes, les pauvres ne peuvent pas y remédier seuls du fait de leur statut économique précaire.

Ceux qui vivent loin de la ville centrale ou dans les arrondissements périphériques doivent faire face à des difficultés supplémentaires. Ils n’ont pas accès aux principales infrastructures de la ville, comme l’adduction d’eau, aux services médicaux, au système de transport ou au système éducatif; ils sont confrontés à des problèmes comme l’évacuation des eaux usées, le maintien de l’ordre et de la sécurité publics, les mauvaises conditions d’hygiène et un environnement insécure.

Seuls ceux qui disposent d’un surplus de terrain seront capables d’améliorer leur sort en vendant une portion de celui-là; toutefois il s’agit d’une solution temporaire et impopulaire chez les plus pauvres, en raison des risques de déplacement ou de relocalisation que cela implique.

En étudiant la pauvreté urbaine, l’attention doit bien sûr être clairement portée sur le niveau de revenu, mais aussi sur les conditions de vie et sur l’environnement ainsi que sur les capacités de la population pauvre à agir sur ceux-ci. Et il ne faut pas perdre de vue que le phénomène de pauvreté urbaine est intrinsèque à la vie urbaine et qu’agir sur la pauvreté pour la résorber c’est agir pour l’amélioration de la vie urbaine en général. C’est pourquoi les efforts devraient porter en premier lieu sur l’amélioration des conditions de vie et de l’environnement urbain : au-delà des populations les plus pauvres, c’est l’ensemble des habitants qui en profiterait.

L’arrière-plan socioprofessionnel

Dans le contexte socio-économique actuel de Hanoi, un premier découpage en fonction de l’emploi permet de commencer à construire une distinction entre les pauvres eux-mêmes. La première étape de cette distinction consiste à identifier l’employeur; ceci est particulièrement important en situation de transition pour évaluer les conditions qui annoncent appauvrissement ou conditions favorables pour sortir de la pauvreté. Les chercheurs ont distingué quatre groupes:

• les ménages dont tous les membres travaillent pour le secteur privé, y compris ceux qui ont pris leur retraite en vertu des décrets n° 176 et 217 (favorisant la réduction du personnel dans le secteur étatique par des départs volontaires et des départs à la retraite) et qui exercent une acti vité économique à plein temps; 39,7% des ménages de l’enquête appartiennent à ce premier groupe;

• les ménages dont les membres actifs se partagent entre le secteur public et le secteur privé; ils représentent 36,4% des ménages de l’échantillon;

• les ménages dont tous les membres travaillent dans le secteur public, y compris les retraités qui ne travaillent pas ou qui ont un travail temporaire à temps partiel; ce groupe représente 18,2% des ménages;

• enfin les ménages dont les membres n’ont pas d’emploi stable et vivent essentiellement de l’assistance de leurs enfants ou de leurs parents; ce sont 5,7% des ménages.

Pour des raisons historiques et malgré une diminution considérable ces dernières années, le taux des personnes travaillant pour le secteur public reste plutôt élevé à Hanoi. Et si l’on retrouve seulement un peu moins de 20% de ménages pauvres, dont tous les membres actifs travaillent dans le secteur public, c’est essentiellement en raison d’un niveau de vie un peu plus aisé qui place ces ménages dans une sorte de classe « moyenne ».

Parmi les groupes ci-dessus, il apparaît logique de rencontrer la population la plus pauvre dans le dernier groupe; mais ce qui l’est moins a priori, c’est de constater que les ménages dont tous les membres actifs travaillent dans le secteur privé constituent le groupe le plus important de ménages pauvres. Ces résultats concordent avec une recherche conduite en 1992 sur la stratification sociale à Hanoi, laquelle concluait entre autre qu’à cause de l’impact des nouveaux mécanismes de marché dans le secteur privé, la distinction sociale y est plus forte que dans le secteur public. En d’autres termes, c’est dans le secteur privé que l’on observe les plus forts écarts entre riches et pauvres, et les résultats de la présente enquête fournissent des informations détaillées sur ce phénomène.

Pour la suite de l’analyse, c’est toutefois en fonction de leur niveau de vie que l’on distinguera les ménages : une distinction en fonction de leur niveau de vie permet d’étudier les caractéristiques de chaque groupe professionnel d’un point de vue économique et social.

Si l’on utilise comme variable le revenu moyen par personne, par ménage et par mois (déterminé en fonction des réponses des chefs de ménages), les groupes se ventilent de la façon suivante:

- plus de 120000 dongs par personne par mois

13,8%

- entre 90000 et 120000 dongs par personne par mois

36,3%

- entre 60000 et 90000 dongs par personne par mois

25,2%

- moins de 60000 dongs par personne par mois

24,7%

On peut penser qu’un revenu moyen mensuel de 120000 dongs par personne est proche du revenu moyen par personne vivant en milieu urbain, selon les résultats de l’enquête sur la consommation et les niveaux de vie (General Statistical Office, 1994). Ce niveau de revenu est équivalent à environ 11 dollars américains par mois, soit 132 dollars américains par année. Il place donc nécessairement les personnes qui ont de tels revenus dans une catégorie relativement pauvre (le revenu moyen annuel par personne au Viêt-nam est toujours estimé à environ 200 dollars américains par année par les grandes agences internationales) et légèrement sous la moyenne des revenus mensuels par personne vivant en milieu urbain (environ 150000 dongs). A l’autre extrême, un revenu mensuel moyen inférieur à 60000 dongs par personne est considéré comme un revenu très insuffisant et les ménages qui constituent cette catégorie sont très défavorisés.

Avec les informations précédentes, les chercheurs ont construit et proposé les groupes suivants de ménages selon le degré de pauvreté établi selon les revenus. Les analyses suivantes sur les conditions de la pauvreté urbaine à Hanoi vont être faites en fonction de ces groupes:

ménages à revenu médian

15,0%

ménages à revenu faible

28,6%

ménages défavorisés

28,7%

ménages très défavorisés

27,7%

Bien que légèrement différents des chiffres précédents, ces résultats reflètent une structure relativement semblable des groupes de pauvres à Hanoi. Sur les bases de cette ventilation, on obtient les données suivantes pour les différents groupes professionnels évoqués au début de cette partie:

Niveaux de vie, par secteur d’emploi (%)

Niveau de vie

Secteur public

Secteur privé

Mixte

Sans emploi

médian

15,9

9,7

18,3

6,5

faible

31,7

23,5

32,0

12,9

défavorisé

31,7

29,6

28,3

22,6

très défavorisé

20,7

37,2

21,4

58,0

Total

100

100

100

100

Bien entendu, parmi les plus pauvres se retrouvent en majorité des gens sans emploi qui vont se concentrer surtout autour des centres de commerces et de services afin de gagner de quoi subsister par des menus travaux sans qualification. L’analyse du tableau suivant le montre assez bien. On y compare les taux des ménages sans emploi appartenant aux groupes défavorisés et très défavorisés en fonction de leur lieu de résidence:

Arrondissement

Ménages défavorisés sans-emploi

Ménages très défavorisés sans-emploi

Ba Dinh

21,9

33,5

Hai Ba Trung

9,4

18,9

Dong Da

22,7

28,1

Hoan Kiem

34,4

19,5

Moyenne des 4 arr.

22,1

25,0

L’arrondissement Hoan Kiem possède le plus fort taux de ménages défavorisés sans-emploi alors que le taux de ménages très défavorisés, dans le même arrondissement, est relativement bas comparé à la moyenne. Cela peut s’expliquer par le manque de qualifications et d’éducation des sans-emplois, ce qui les rend plus dépendants de l’économie informelle comme on peut le constater sur les trottoirs de l’arrondissement Hoan Kiem.

Dans le même ordre d’idée, on peut comprendre pourquoi à Ba Dinh on trouve un faible taux de ménages défavorisés sans emploi mais un fort taux de ménages très défavorisés puisque cet arrondissement n’est pas un centre d’affaires comme Hoan Kiem et ne génère donc pas autant d’opportunités d’activités informelles.

Les types d’activités économiques dans le secteur privé

Dans 39,7% des ménages répondants, tous les membres travaillent pour le secteur privé et, dans 36,4% des ménages, au moins une personne travaille dans le secteur privé : ainsi plus des trois-quarts des ménages de l’enquête (76,1%) ont au moins un membre travaillant pour le secteur privé. Répartis par types d’activités, ces ménages se ventilent ainsi (possibilité de réponses multiples):

Type d’activité économique dans le secteur privé)

Nombre de ménages (dont l’un au moins des membres a une activité dans le secteur privé

%

Production

137

19,2

Petit commerce

279

39,1

Services

166

23,2

Manœuvres, journaliers

132

18,5

La majorité de l’activité des ménages dans le secteur privé se réalise dans les activités commerciales de petite taille, puis dans les activités de service. Ce sont les ménages dont au moins un des membres travaille dans e l secteur privé des services qui ont le moins de chance de se retrouver dans les catégories de ménages les plus pauvres. Nous avions observé en effet (Parenteau et Champagne, 1997) qu’un seul travailleur dans le domaine de la restauration ou de l’administration amenait dans le ménage une hausse appréciable des revenus. A l’inverse, les ménages les plus défavorisés tirent leurs revenus du travail précaire de leurs membres actifs, employés à titre de manœuvres et de journaliers. Il se dessine ici un mécanisme de production de la pauvreté : les plus pauvres sont employés à titre de manœuvres et de journaliers, et ils travaillent à ce titre parce qu’ils n’ont ni capital, ni instruments de production, ni qualification.

Groupes faisant l’objet d’aides spéciales

Les ménages dont un ou la majorité des membres ne travaillent pas sont naturellement handicapés au niveau des revenus. Les trois groupes suivants de ménages demandent une observation particulière : au moins 49% des ménages pauvres comptent au moins une personne retraitée, ou une personne qui a arrêté de travailler ou une personne qui est soit infirme, soit gravement malade.

Groupes de ménages comptant

Nombre

% de l’ensemble des ménages

Des retraités

160

23,9

Des personnes ayant arrêté de travailler

109

16,3

Des infirmes et personnes gravement malades

59

8,8

D’après les données ci-dessus, un quart environ des ménages de l’échantillon comptent un ou des retraités. Ce taux est plus élevé dans les zones centrales (Dong Da : 25,7 %; Hoan Kiem : 30,2%) que dans les autres secteurs étudiés (Ba Dinh : 18,5%; Hai Ba Trung 21 %). En fonction des niveaux de pauvreté, les ménages qui ne comptent pas de retraités sont les ménages les plus pauvres. Cela s’explique par le fait que les retraités disposent d’un revenu stable chaque mois. Les ménages qui ont au moins un retraité sont des ménages dont tous les membres, ou au moins un, travaillent dans le secteur public. Une des conclusions qui soutiendra que la plus grande pauvreté est associée à l’activité dans le secteur privé devra être modérée à la lumière de cette observation. La pauvreté est associée à la précarité; mais une entrée régulière d’argent, sous forme de pensions, favorise systématiquement les ménages qui ont travaillé et continue de travailler dans le secteur public, même si ce revenu peut être relativement modeste.

Les ménages faisant l’objet de politiques spéciales

De la même manière que pour les ménages comptant des personnes retraitées, infirmes ou malades, les ménages de ce groupe-ci font l’objet d’une attention toute spéciale de la part de l’État et du Parti. On trouve quatre types de ménages dans ce groupe : les familles de soldats morts à la guerre, les familles d’invalides de guerre, les infirmes et les orphelins, et les personnes âgées.

Types de ménages

Nombre

% de l’ensemble des ménages

Familles de soldats morts au combat

40

6,0

Familles d’invalides de guerre

22

3,8

Familles comptant des infirmes et handicapés

35

5,2

Familles comptant des personnes âgées et des orphelins

37

5,5

Relativement aux niveaux de pauvreté, les familles de soldats morts au combat font plutôt partie des ménages défavorisés que des ménages très défavorisés. Les politiques sociales de l’État et du Parti ont et continuent de favoriser ces familles. Elles reçoivent en effet des pensions mensuelles qui assurent une entrée régulière et stable d’argent dans le ménage. Par contre, les ménages qui comptent des infirmes, des personnes gravement malades ou des personnes âgées non retraitées d’un service ou d’une entreprise publics sont nettement défavorisés et se retrouvent le plus souvent dans les catégories des ménages les plus pauvres. Quand ils bénéficient d’une aide, il s’agit en fait d’une aide humanitaire exceptionnelle qui les maintient dans une situation précaire.

En règle générale, les caractéristiques socioprofessionnelles des pauvres à Hanoi sont assez diverses; cependant, dans cette période de transition vers une économie de marché, les pauvres associés au secteur privé de l’activité économique sont facilement «plus pauvres» que ceux qui sont associés au secteur public. En effet, ces derniers possèdent toujours un revenu stable à défaut d’être élevé. Et, bien que considérés comme pauvres, les ménages de retraités et de personnes bénéficiant des politiques sociales sont relativement plus privilégiés que les autres ménages, notamment que ceux composés de personnes âgées, malades ou handicapées.

Comme on le sait bien, sous le système subventionné de I’ ex-économie planifiée, le niveau de vie d’un ménage dépendait grandement du nombre de ses membres qui travaillaient dans des services ou des entreprises d’État, avec des salaires déterminés par ce dernier. Les plus bas niveaux de salaires étaient pour les simples manœuvres sans qualifications professionnelles ou pour les personnes travaillant dans des petites industries, des coopératives ou des entreprises artisanales.

En outre, les travailleurs du secteur d’État bénéficiaient également d’un système de coupons de consommation qui leur assurait un niveau de vie relativement aisé; ce que n’avaient pas les travailleurs du secteur privé qui, outre des revenus souvent instables, devaient en plus faire face aux variations des prix du marché, lesquels étaient toujours plus élevés que les prix subventionnés.

Avec l’abolition du système de subventions, les simples manœuvres qui ne sont pas capables de se recycler vers des activités de commerce tombent facilement parmi les plus pauvres, formant ainsi, avec les petits employés de l’État, dont les revenus ne sont plus ajustés et ne peuvent plus suivre l’inflation sur le marché des biens et services, les deux principaux groupes de pauvres urbains. Cette situation, aggravée par des problèmes de famille ou de santé, les place souvent parmi des groupes spéciaux de pauvres nécessitant des aides sociales et humanitaires.

Les caractéristiques démographiques

Outre les traditionnels indicateurs (taille de la famille, nombre d’enfants, nombre de personnes ayant un revenu, âge du chef de ménage), les chercheurs ont aussi utilisé des indicateurs démographiques moins courants (nombre de générations et nombre de couples vivant sous le même toit, sexe du chef de ménage, etc.) pour caractériser le phénomène de pauvreté.

La taille du ménage

Avec 3,7 personnes par ménage, la moyenne de personnes par ménages chez les ménages pauvres est inférieure à la moyenne de Hanoi (3,9). Ceci contredit les résultats de l’enquête sur la consommation et sur les niveaux de vie des ménages (GSO, 1994) citée dans le premier chapitre. Les résultats de cette enquête indiquaient que les ménages pauvres comptaient un plus grand nombre de personnes par ménage que la moyenne des ménages. Les informations que nous traitons ici concernent les populations les plus pauvres et les résultats sont différents notamment en raison du taux élevé de personnes âgées vivant seules, dans le groupe des ménages les plus pauvres. Les personnes pauvres vivant seules sont concentrées dans deux arrondissements (Hoan Kiem : 41,3% et Dong Da : 34,7%). En outre, selon les estimations des chercheurs, plus de la moitié de ces personnes seules font partie du groupe de ménages très défavorisés.

Taille du ménage

Nombre de ménages

%

1 personne

75

11,21

2 personnes

111

16,59

3 personnes

131

19,59

4 personnes

142

21,23

5 personnes

108

16,14

6 personnes

47

7,02

7 personnes

27

4,04

8 personnes

15

2,24

9 personnes

13

1,94

TOTAL

669

100

Les types de ménages

Durant l’enquête, les chercheurs ont apporté beaucoup d’attention à la composition des ménages, c’est-à-dire au fait que les ménages étaient ou non composés de deux conjoints. Dans les cas où l’un des deux venait à manquer, les chercheurs ont distingué les ménages sans époux et les ménages sans épouse. Cela répondait au souci de rechercher parmi la structure démographique des ménages des explications ou des causes au niveau de pauvreté mais aussi de pouvoir mieux mettre en évidence la situation des femmes chefs de ménages pauvres. Le tableau suivant montre les résultats d’une telle distinction:

Types de ménages

Nombre

%

Avec deux conjoints

384

57,4

Sans épouse

43

6,4

Sans époux

164

24,5

Autres

78

11,7

Parmi les ménages appartenant au groupe de ménages très défavorisés, le taux de ménages sans époux est beaucoup plus élevé que celui des autres types de ménages : 37% contre 22,2% (ménages avec deux conjoints) et 25,6% (ménages sans épouse). Il semble y avoir de manière certaine une relation entre le type de ménage et le degré de pauvreté. Comme cela a été dit auparavant, les pauvres à Hanoi ont surtout des emplois très peu qualifiés et doivent vivre dans le système subventionné ou vendre leur force de travail sur le marché libre; et, dans un ménage, le mari est souvent, par son travail, la principale source de revenus. C’est pourquoi les ménages pauvres sans époux, au sein desquels un plus lourd fardeau économique repose sur les épaules de la femme, sont parmi les plus pauvres de l’ensemble.

Le nombre de générations et de couples vivant sous le même toit

Ces deux indicateurs sont souvent utilisés pour étudier la pression psychologique qui peut régner au sein des ménages et particulièrement des ménages pauvres soumis à des conditions de logement précaires et/ou temporaires. En outre, ils reflètent le degré de pauvreté car on peut observer que dans une famille étendue (trois générations ou plus et plusieurs couples vivant ensemble), un couple avec quelques opportunités financières tendra à se séparer lui-même de cette famille étendue afin de former un ménage indépendant. Cependant, lorsque l’on se trouve dans un cas de pauvreté extrême, cette opportunité n’existe plus et chaque ménage doit se résigner à subir les impacts d’une trop grande promiscuité.

Types de ménages

Nombre

%

Une seule génération

122

18,20

2générations

389

58,15

3 générations

153

22,90

4 générations

  5

0,75

Pas de couple

240

35,9

1 couple

386

57,7

2 couples

35

5,2

3 couples

 8

1,2

On trouve le plus fort taux de ménages d’une seule génération (43,8%) parmi les ménages du groupe des ménage très défavorisés, alors que ceux-ci représentent seulement 27,7% de l’échantillon. En ce qui concerne les ménages de deux ou trois générations appartenant au groupe des ménages très défavorisés, ce taux est plus conforme à la répartition de l’échantillon (respectivement 26,2% et 19%). Une situation semblable peut être observée avec la classification des ménages par nombre de couples vivant ensemble. Ceci est essentiellement expliqué par le fait que bon nombre de ménages très défavorisés sont composés de personnes vivant seules et étant le plus souvent âgées.

Afin de mieux saisir les relations entre taille et type du ménage, et degré de pauvreté, le tableau suivant distingue les éléments qui viennent d’être traités en fonction du degré de pauvreté tel qu’établi dans la première partie de l’analyse des résultats de l’enquête.

Degré de pauvreté Caractéristiques

Moyen

Faible

Défavorisé

Très défavorisé

A) Taille du ménage

 

 

 

 

1 personne

5,4

20,3

21,6

52,7

2 personnes

15,4

22,5

29,7

32,4

3 personnes

13,0

27,5

28,2

31,3

4 personnes

12,0

27,5

38,7

21,8

5 personnes

23,1

35,2

26,9

14,8

6 personnes

19,6

37,2

21,6

21,6

B) « Composition » du ménage

 

 

 

 

avec deux conjoints

17,2

31,9

28,7

22,2

sans épouse

11,6

32,6

30,2

25,6

sans époux

12,7

18,8

31,5

37,0

« Autres » ménages

10,4

31,2

22,1

36,3

C) Type du ménage

 

 

 

 

pas de couple

10,0

22,6

28,0

39,4

1coupl e

16,8

30,3

30,6

22,3

2 couples

22,9

48,5

20,0

8,6

3 couples ou plus

37,5

37,5

0

25,0

TOTAL DES MÉNAGES

15,0

28,6

28,7

27,7

Les parties A et C du tableau précédant vont dans le même sens; elles permettent une explication du degré de pauvreté des ménages en fonction du nombre de membres les composant : plus il y a de membres, meilleures sont les chances d’appartenir aux groupes de revenu moyen ou faible. Cette observation est conforme à celle que nous faisions sur la pauvreté urbaine en général au Viêt-nam : dans la pauvreté, les ménages qui s’en sortent le mieux sont ceux qui comptent sur plus de travailleurs; même les enfants sont mis à contribution vers l’âge de 13 ans et abandonnent leurs études.

La partie B permet de préciser ce qui a été dit précédemment quant à l’importance du rôle de support économique joué par les hommes, puisque les ménages où la femme est seule responsable du ménage sont beaucoup plus nombreux parmi les ménages défavorisés et très défavorisés. Cependant cette variable reste moins explicative du degré de pauvreté que la variable nombre d’individus composant le ménage. Tout au plus permet-elle d’affiner l’analyse du phénomène de pauvreté urbaine en mettant en lumière le rôle structurant de l’homme dans la composition du revenu du ménage.

Le sexe et l’âge des chefs de ménages

 

Nombre

%

Sexe

 

 

Femmes

368

55,0

Hommes

301

45,0

Âge

 

 

Moins de 31 ans

29

4,3

31–40 ans

99

14,8

41–50 ans

123

18,4

51–60 ans

121

18,1

61–70 ans

139

20,8

Plus de 70 ans

158

23,6

Près de la moitié des chefs de ménage répondants ont atteint l’âge de la retraite (44,4%); ce qui explique que l’âge moyen des répondants soit de 57 ans. La pauvreté urbaine est donc pour une grande part un phénomène touchant des ménages dirigés par des personnes relativement âgées.

L’étude des caractéristiques démographiques des ménages a donc permis d’observer que les ménages très défavorisés et défavorisés se retrouvent plus fréquemment parmi les groupes de ménages de femmes seules, d’une seule génération et monoparentaux, et qu’ils sont principalement concentrés dans les quartiers centraux ou proches du centre (arrondissements Hoan Kiem ou Dong Da). A l’inverse les ménages à revenus faibles ou moyens sont plutôt ceux composés de trois ou quatre membres au moins ou de familles d’au moins deux générations ou encore de couples traditionnels (époux et épouse), et il résident plutôt dans les nouvelles zones résidentielles (Thanh Nhan) ou les villages périphériques traditionnels (Buoi). Il est trop tôt pour mener cette distinction plus loin. Mais on peut retenir tout de suite que la pauvreté dans le centre est associée plus souvent à la dépendance de personnes plus âgées vis-à-vis des services publics. On sait, par exemple, que plusieurs pensionnés de l’État ont été logés dans des immeubles des quartiers centraux « abandonnés » par leurs propriétaires en 1954 et en 1989.

Le niveau d’éducation des ménages pauvres

Les données sur le niveau d’éducation ont été recueillies pour chacun des membres des ménages âgés de quinze ans et plus. Pour les fins de l’analyse, on a retenu, pour chaque ménage, le niveau le plus bas et le niveau le plus haut atteint par un des membres du ménage.

Niveau d’éducation

Nombre

%

Niveau le plus élevé

 

 

Aucune scolarisation

50

7,5

Primaire

402

60,4

Secondaire

180

27,0

Universitaire

34

5,1

Total

666

100

Niveau le plus bas

 

 

Aucune scolarisation

156

27,1

Primaire

388

67,5

Secondaire

30

5,2

Universitaire

 1

0,2

Total

575*

100

(* : excluant 9l cas ayant seulement un niveau d’éducation atteint comme niveau le plus haut)

Pour de nombreux chercheurs, l’éducation et l’amélioration du niveau d’éducation constituent un des défis pour les populations pauvres. Les résultats de l’enquête, qui établissent une relation entre niveau d’éducation et de pauvreté, semblent corroborer cela. A Hanoi, la tendance est claire et les ménages pauvres ayant le plus haut niveau d’éducation (secondaire ou universitaire) se retrouvent majoritairement parmi les groupes les moins défavorisés comme le tableau ci-dessous l’illustre.

Degré de pauvreté

Moyen

Faible

Défavorisé

Très défavorisé

Niveau d’éducation le plus haut Secondaire et Universitaire

48,0

37,3

27,2

23,3

Aucune scolarisationet Primaire

52,0

62,7

72,8

76,7

TOTAL

15,0

28,6

28,7

27,7

On observe une tendance similaire lorsque l’on compare niveau d’éducation et revenu moyen par personne. C’est pourquoi le degré d’éducation peut aussi être considéré comme un facteur pertinent dans l’enquête présente. 11 contribue, de plus, à la reproduction du «cercle vicieux» de la pauvreté qui peut s’exprimer sous la forme suivante : pauvreté Image manque d’éducation Image chômage Image pauvreté. Selon cette chaîne, un haut degré d’éducation est supposé être un élément essentiel pour sortir de la pauvreté. C’est pourquoi le fait qu’un tiers de la population enquêtée ait un bon niveau d’éducation devrait être un facteur positif pour ces ménages et constituer en quelque sorte un capital social négociable pour accéder à un niveau de vie supérieur. Par contre, les ménages les plus pauvres ont le niveau d’éducation le plus bas; pour survivre ils doivent mettre à contribution l’ensemble de la force de travail du ménage et réduire le temps de scolarisation des enfants, dès l’âge de 13 ans. Ceux-ci restent coincés dans le cycle de l’appauvrissement.

L’origine résidentielle des ménages

Par sa structure, la population de Hanoi ne diffère pas de celle de la plupart des villes dans le monde: la force d’attraction de la Capitale est grande et les candidats à un meilleur niveau de vie y convergent en provenance de tout le pays. Le tableau suivant montre la répartition des origines de la population pauvre des quartiers étudiés, selon le lieu d’origine du chef de ménage. Malheureusement, au moment de cette enquête, il n’y avait pas de données permettant de comparer cette structure avec celle de l’ensemble de la population de Hanoi. Cependant, d’après les données générales que nous avons présentées dans le chapitre un, il semble que le pourcentage de ménages pauvres immigrés à Hanoi soit plus élevé que celui de l’ensemble des ménages.

Origine résidentielle

Nombre

%

Né(e) à Hanoi

418

63,0

Provinces du nord du Delta

191

28,7

Provinces montagneuses du nord

26

3,9

Centre du Viêt-nam

24

3,6

Sud du Viêt-nam

 5

0,8

Les migrants se sont installés principalement dans les quartiers centraux, de façon légale pour les assistés de l’État, de façon illégale pour les autres. La présence de ces derniers est d’ailleurs source de conflits, comme nous l’avons vu précédemment, car ils vivent dans la précarité et pratiquent des activités illégales. Dans les arrondissements de Hoan Kiem et Dong Da, les quartiers étudiés présentent un taux de natifs de Hanoi inférieur à la moyenne (52,6% et 54,2%); rappelons qu’un grand nombre de vétérans des deux guerres ont été logés ici par l’État. Par contre, le quartier de Buoi (arrondissement de Ba Dinh) est un ancien village agricole intégré à la ville centrale au cours du processus d’urbanisation, ce qui explique son taux relativement élevé de « natifs de Hanoi » (75,7%), au moment de l’enquête.

La période d’établissement à Hanoi

Sur les bases du tableau précédant, les quelque 36% de personnes arrivées un jour à Hanoi sont venues en trois vagues: avant 1955 (18,9%), entre 1955 et 1965 (7,7%) et entre 1966 et 1975 (5,1%). Ceci donne un total de plus de 90% des ménages de l’enquête résidant à Hanoi depuis au moins trente ans. Le taux de personnes arrivées à Hanoi après 1986 est par contre de 1,8% seulement.

Cependant, lorsque l’on observe l’arrière-plan socio-économique des pauvres de Hanoi, on note que la plupart sont des habitants de villages périphériques (quartier de Buoi), d’îlots éparpillés derrière les grandes artères de la ville (comme Ton Duc Thang, Hue, Bach Mai ou Thanh Nhan) ou encore d’îlots marchands des quartiers de Dong Xuan et Hang Ma. Toutes ces zones résidentielles semblent s’être développées en marge des processus d’urbanisation et d’industrialisation de ces dernières décennies. Cette population ne peut s’installer dans les quartiers centraux plus animés car le seul moyen de maintenir un niveau de vie acceptable consiste à demeurer sur place afin de ne pas perdre ce qui a été créé parfois au fil d’une vie. En se déplaçant, leur niveau de vie a de fortes chances de décroître et, en outre, avec une moyenne d’âge de 57 ans, la plupart de leur vie a été régulée et organisée autour d’un système planifié qu’il est difficile d’oublier. Faibles sont leurs chances et leurs capacités de s’adapter aux mécanismes de marché instaurés depuis le milieu des années 80.

La réglementation de l’enregistrement résidentiel

Dans le système planifié, la mobilité des personnes était contrôlée par un mécanisme d’enregistrement des droits de résidence. La migration des ménages pauvres vers la ville était donc contrôlée. Jusqu’à maintenant, malgré la force traditionnelle d’attraction des villes sur les populations rurales pauvres, les avantages de la nouvelle économie de marché ne sont pas encore assez évidents pour augmenter significativement le flux des migrants vers Hanoi.

Les résultats de l’enquête montrent que la majorité des pauvres à Hanoi sont enregistrés (94,8%). Ceux qui ne le sont pas représentent 6,8% des personnes travaillant dans le secteur privé, 7,7% des sansemploi, 6,8 % des personnes vivant de l’aide de leur parenté et 5,9% des personnes des quartiers Thanh Nhan et Hang Bot. En outre, les squatters ne représentent pas encore un gros problème ni dans les zones résidentielles traditionnelles, ni dans les zones informelles comme le quartier de Thanh Nhan.

Bien que présentant les caractéristiques typiques des pauvres en milieu urbain, un certain nombre de ménages pauvres informels – nouveaux arrivants sans enregistrement dans les quartiers d’habitat précaire comme Chuong Dong ou Thanh Nhan – n’ont pu être pris en compte dans l’échantillon en raison de la difficulté à les localiser. Cependant, l’observation montre que la plupart de ces manœuvres venant des zones rurales vers Hanoi sont jeunes et viennent travailler de manière temporaire ou saisonnière, non pour s’y installer définitivement. Dans les prochaines années ce groupe devrait augmenter et des études séparées devraient traiter de la gestion de ces migrants, de leur logement et de leur environnement.

Les revenus et les dépenses des ménages pauvres à Hanoi

Le revenu mensuel par personne

Pour l’échantillon étudié, les résultats donnent un revenu moyen de 88740 dongs par mois par personne. Cela constitue le chiffre clé dans la prise en considération d’une médiane de la pauvreté pour l’analyse.

Groupes de pauvreté

Revenu mensuel moyen par personne

%

Revenus moyens

122150

15,0

Revenus faibles

98680

28,6

Défavorisés

88718

28,7

Très défavorisés

65121

27,7

Nous avons ici quatre groupes de pauvreté assez égaux. Chacun de ces groupes présente un revenu moyen par mois et par personne inférieur à la moyenne nationale et à la moyenne urbaine. Pour frapper notre imagination, il faut se rappeler que ces revenus, exprimés en dollars américains, vont de 6 dollars à 11 dollars par mois.

Les sources principales de revenus

Elles se répartissent ainsi:

• 76,3% des ménages ont entre 1 et 6 membres qui travaillent et perçoivent un revenu dans le secteur privé. Cette proportion varie peu selon les arrondissements et les niveaux de pauvreté. Ces ménages sont concentrés dans deux groupes socioprofessionnels : les ménages dont les membres travaillent dans le secteur public seulement et les ménages dont les membres travaillent dans les secteurs privé et public.

• 20,8% des ménages ont au moins un travailleur du secteur public (incluant administrations et entreprises d’Etat). On retrouve ces ménages principalement dans deux groupes : celui des ménages avec des membres travaillant pour le secteur public seulement et celui des ménages avec des membres travaillant dans les secteurs privé et public. D’après les résultats et si l’on compare avec les groupes de degré de pauvreté, les ménages les plus aisés parmi l’échantillon sont ceux qui présentent le plus fort taux de revenus du secteur public, alors qu’à l’inverse ce sont ceux du groupe des « très défavorisés » qui ont le plus faible taux. Cela tend à confirmer que, parmi la population pauvre, les ménages parvenant à conserver quelques connections avec le secteur public sont généralement moins pauvres que ceux qui ne vivent que du secteur privé, formel ou informel.

• 43% des ménages ont au moins un membre retraité. Les ménages ayant plus d’un membre retraité sont d’ailleurs souvent « moins pauvres » que les autres, car ces retraités ont toujours une pension mensuelle stable.

• 16% des ménages comptent sur l’aide de leur parenté et sont essentiellement concentrés parmi les ménages sans emploi. Ce sont souvent des personnes seules ou âgées ou infirmes.

• Enfin, 7% des ménages perçoivent leurs revenus d’un travail à temps partiel. Ces ménages se retrouvent dans les deux groupes socioprofessionnels suivants : ménages dont les membres travaillent pour le secteur public (27,3%) et ménages dont les membres travaillent pour les secteurs privé et public (5,3%).

En termes de nombres de personnes actives, on constate qu’en moyenne deux personnes par ménage gagnent un revenu (la moyenne de membres par ménage étant de 3,7 personnes). D’une manière plus détaillée, les informations suivantes ressortent:

• Le taux de ménages avec au moins un membre qui gagne un revenu stable est de 66,2% (dont 40% avec un membre et 20% avec 2 membres),

• Le taux de ménages avec au moins un membre qui gagne un revenu instable est de 68,2% (dont 36% avec un membre et 21% avec 2 membres),

• Le taux de ménages avec au moins un membre qui n’a pas de revenu est de 28,2% (dont 25% avec un membre et 3,2% avec 2 membres ou plus).

Les raisons pour lesquelles des personnes ayant une profession n’ont pas de revenu sont les suivantes (il peut y en avoir plusieurs):

• maladie

29,9%

• études

23,5%

• chômage

23,1%

• licenciement pour cause de fermeture

6,1%

• autres raisons

23,1%

Parmi les 12,7% de ménages comptant au moins un travailleur du secteur public et ayant en même temps un emploi complémentaire à domicile, plus de la moitié ont pu réussir ainsi à stabiliser leurs revenus.

Quant aux 76,3% de ménages comptant au moins un travailleur du secteur privé, les trois-quarts d’entre eux comptent au moins un travailleur à son propre compte (travailleur autonome), alors que la moitié d’entre eux comptent au moins un travailleur salarié (certains ménages comptent l’un et l’autre). Ces travailleurs se retrouvent essentiellement dans le secteur informel de l’activité économique urbaine. Ces activités de survie sont réalisées dans des espaces variés. Ainsi,

• 30,1% produisent des biens et services à domicile

• 14,0% travaillent dans les marchés

• 35,2% travaillent sur les trottoirs

• 34,6% n’ont pas de lieu de travail fixe.

Les ménages pauvres multiplient donc les stratégies pour gagner leur vie. Ils tentent de mettre à contribution l’ensemble de la force de travail du ménage. Ils gagent à la fois sur le secteur public et sur le secteur privé. Il semble plus facile pour les travailleurs du secteur public de déployer une partie de la force de travail du ménage vers des activités économiques dans le secteur privé de l’économie. Cela semble se faire principalement dans la sphère de l’informel. On peut avancer l’hypothèse que les ménages se servent d’une partie d’un revenu régulier (salaire ou pension) assuré dans le secteur public pour créer un fonds d’investissement dans le commerce ou dans les services privés. Ils sont ainsi avantagés par rapport aux ménages qui ne comptent que sur des revenus du secteur privé et qui n’ont pas de revenus de pension. Par contre, les revenus tirés d’un travail dans le secteur public, bien que réguliers, sont modestes et non ajustés à l’inflation. Les travailleurs du secteur public sont donc indirectement, parfois directement, encouragés à multiplier leurs sources de revenus. Ils s’engagent ainsi dans une transition vers l’économie de marché dans les secteurs du commerce et des services personnels.

Leurs dépenses

Les dépenses mensuelles moyennes d’un ménage sont de 316750 dongs, ce qui ramené par personne donne (selon le groupe de pauvreté) les chiffres suivants:

Niveau de pauvreté

Dépenses par personne en dongs

Revenus moyens

107743

Revenus faibles

97207

Défavorisés

88874

Très défavorisés

74236

Moyenne de l’échantillon

90050

Dans ces dépenses, la part la plus importante reste celle consacrée à la nourriture : 203432 dongs pour un ménage et 59914 dongs par personne en moyennes mensuelles. Ce dernier chiffre se répartit d’ailleurs différemment selon le degré de pauvreté:

Dépenses mensuelles de nourriture par personne, en dongs

% des répondants

Moins de 30000

16,7

31000–60000

50,7

61000–60000

23,6

Plus de 90000

9,0

Les autres postes de dépenses les plus fréquents, pour les ménages, sont, en dongs, les suivants:

L’éducation des enfants

39,520

L’électricité

19,164

Les soins de santé

9,754

La garde des enfants

8,695

Le loyer (logement)

7,344

Les mariages et funérailles

5,186

L’eau

3,440

La formation professionnelle

2,701

Les services urbains (déchets.

1,136

La sécurité

956

Les journaux et revues

736

Le deuxième poste le plus important des dépenses des ménages, après la nourriture, est celui de l’éducation. Les ménages pauvres font de l’éducation des enfants une priorité. Il faut dire aussi que les frais reliés à la scolarisation sont augmentés par les frais indirects de plus en plus importants à la charge des parents. Il faut dire aussi que les ménages pauvres ont des dépenses supplémentaires, de transport par exemple, et de fournitures scolaires quand ils ne sont pas enregistrés légalement. Cela est vrai aussi pour les frais reliés aux soins de santé. Les dépenses reliés au logement, exceptées les dépenses reliées aux services et à l’énergie, qui sont basées sur des tarifs uniformes, sont vraiment basses. Plusieurs des ménages pauvres, dont les pensionnés, les retraités et les employés de l’État, profitent encore de loyers relativement bas. Toute augmentation des loyers ou des coûts reliés au logement aurait donc un effet négatif sur la structure des dépenses et toucherait grandement des besoins essentiels et l’éducation.

Le rapport Revenus/Dépenses

Les ménages ont été invités à évaluer eux-mêmes le rapport entre leurs revenus et leurs dépenses. Nous avons regroupé de la façon suivante leurs estimations:

• couverture adéquate : le revenu permet de couvrir entre 90 et 100% des dépenses nécessaires (nourriture et autres) 21,3%.

• couverture insatisfaisante : le revenu permet de couvrir entre 70 et 80% des dépenses nécessaires 51,4%.

• couverture insuffisante : le revenu ne permet de couvrir que moins de 70% des dépenses nécessaires causant ainsi des privations 27,3%.

Les chefs de ménage estiment donc que leurs revenus sont insuffisants pour couvrir l’ensemble de leurs dépenses. Près de 30% se considèrent dans une situation précaire de façon endémique. Compte tenu du caractère irrégulier d’une partie de leurs revenus, mais compte tenu aussi du caractère régulier de la majorité de leurs dépenses, qui concernent presque en totalité des besoins essentiels, la situation des ménages pauvres est marquée par l’insécurité et le court terme. Les arbitrages entre les postes de dépenses sont donc difficiles.

Les dépenses prioritaires

Les ménages ont indiqué de la façon suivante ce qu’ils considèrent prioritaires dans leurs postes de dépenses. Ils indiquent ainsi des besoins qu’ils combleraient en priorité si des revenus additionnels étaient disponibles. Pour fins de comparaison, et pour évaluer indirectement la détérioration perçue des conditions de vie des ménages, nous avons comparé les données recueillies dans cette enquête avec celles obtenues dans une autre enquête similaire réalisée en 1992.

Type de dépenses

% des répondants

%en 1992*

Amélioration de l’alimentation pour une meilleure santé

90,7

96,9

Dépenses pour l’école

25,9

43,6

Achat d’équipements ménagers

13,4

18,8

Amélioration et réparation de la maison

12,3

15,6

Investissement dans un travail stable

11,7

3,1

Autres dépenses

9,5

n/d

* Note : les données de la seconde colonne sont les résultats d’enquêtes effectuées en 1992, pour comparaison (Trinh Duy Luan, 1993).

L’alimentation et l’éducation sont et restent des priorités absolues. Le manque est vivement ressenti, à un point tel qu’il hypothèque encore l’amélioration éventuelle des conditions financières des ménages. Le logement et l’aménagement des conditions de vie intérieures sont insatisfaisantes, mais les besoins essentiels de survie empêchent d’envisager une amélioration de ces conditions même avec une hausse de revenus. La précarité du travail est perçue plus lourdement en 1994 qu’en 1992; les ménages pauvres sont prêts à consacrer plus d’argent à des investissements productifs. On sait qu’ils seront même prêts à s’endetter pour investir dans un fond de commerce.

L’équipement des ménages et sa valeur estimée

Les chercheurs vietnamiens ont recueilli des informations sur le niveau d’équipement des ménages, non pas tant pour évaluer leur cadre de vie, mais pour évaluer leur degré relatif de pauvreté. Les équipements domestiques, en situation de pauvreté extrême, sont en effet perçus comme un « capital » que l’on peut vendre et échanger, et sur lequel on peut assurer un emprunt. Le tableau suivant présente le taux d’équipement des ménages pour six équipements de base:

Équipements

Lit

Armoire

Télévision

Table Chaises

Bicyclette

Magnétophone

Ménages (%)

 

 

 

 

 

 

Par niveau de pauvrete

 

 

 

 

 

 

Moyen

90,0

80,0

52,0

48,0

72,0

23,0

Faible

88,9

79,4

41,3

34,4

65,6

24,3

Défavorisé

86,5

64,1

24,0

31,3

49,5

13,5

Très défavorisé

76,5

46,7

8,2

14,3

41,8

8,2

Par catégoric

 

 

 

 

 

 

socioprofessionnelle

 

 

 

 

 

 

Employés de I’État

85,5

64,2

26,7

27,5

45,8

12,5

Employes du prive

84,4

62,7

20,2

21,3

51,7

15,2

Mixtes

86,8

74,8

42,6

40,5

70,7

21,1

Sansemploi

74,4

38,5

7,7

30,8

12,8

10,3

Total

84,9

66,1

28,8

30,0

55,4

16,6

Le moins que l’on puisse dire est que l’équipement des ménages pauvres est plus que sommaire. Pour visualiser des situations d’extrême pauvreté, il faut imaginer des ménages qui ne possèdent que des nattes pour dormir, qui n’ont pas d’espace de rangement, qui s’assoient et mangent par terre. Les équipements de luxe (postes de télévision et magnétophones) sont secondaires, la bicyclette indispensable compte tenu de l’absence de système public de transports urbains. Il est intéressant d’observer que les ménages les mieux équipés sont ceux qui ont des activités économiques dans le secteur privé et dans le secteur public. Cela renforce l’hypothèse que des revenus d’appoint tirés d’une activité sur le marché libre, ajoutés à des revenus stables d’un emploi dans le secteur public, permettent d’alléger la pénurie et de faire des dépenses exceptionnelles pour l’équipement du logement.

Les chefs de ménages ont estimé la valeur de ces équipements afin d’avoir une vision plus nette de leur niveau de pauvreté. Les données suivantes montrent une valeur moyenne générale de 788000 dongs par ménage, mais varient fortement selon le groupe auquel appartient le ménage:

Niveau de pauvreté

Valeur moyenne(dongs)

Moyen

1390000

Faible

1060000

Defavorise

608000

Tres defavorise

369000

Ces dernières données n’ont rien pour surprendre. L’achat d’équipements entraîne un déboursé net, sur un budget limité et consacré essentiellement aux besoins de base. Il est donc totalement conditionné par le niveau des revenus. Les capacités d’emprunt pour de tels achats sont inexistantes. Les emprunts seront limités à combler des manques ou des besoins urgents sur les postes de dépenses essentielles.

L’endettement des ménages en 1993

Les ménages faisant appel à l’emprunt

En 1993, 325 ménages de l’échantillon (48,5%) ont emprunté de l’argent. Ce taux est plus ou moins similaire dans les quatre arrondissements et, conformément à une certaine logique, on trouve les plus forts taux d’emprunt parmi les ménages les plus en difficulté:

• entre 50 et 60% pour les ménages des groupes défavorisés et très défavorisés, et pour les ménages dont le revenu moyen par personne est inférieur à 90000 dongs;

• entre 30 et 40% pour les ménages des groupes à revenus moyen et faible, et pour les ménages dont le revenu moyen par personne est supérieur à 90000 dongs.

Le montant total moyen emprunté par les ménages de l’échantillon, au cours de l’année 1993, s’élève à 1331000 dongs. Cependant, ventilé par groupes socioprofessionnels, ce montant moyen varie sensiblement:

• Employés de l’État seulement

1290000 dongs

• Employés du secteur privé seulement

1173000 dongs

• Ménages « mixtes »

1071000 dongs

• Sans-emploi

262000 dongs

Selon le montant emprunté, à chaque emprunt au cours de l’année, les résultats laissent apparaître des variations encore plus importantes:

• moins de 100000 dongs

16,3%

• de 100 à 500000 dongs

36,9%

• de 500000 à 1 million de dongs

21,2%

• 1 à 2 millions de dongs

12,4%

• plus de 2 millions de dongs

13,2%

Ainsi plus de la moitié des ménages, qui ont dû emprunter au cours de l’année, ont emprunté moins d’un demi-million de dongs à chaque fois, et parmi ceux-ci 87,5%, soit la quasi-totalité, font partie du groupe des très défavorisés. On devine, à l’aide de ces informations, que les possibilités d’emprunter sont limitées à ceux qui peuvent garantir un revenu régulier, que les plus pauvres font plus souvent appel à l’emprunt et qu’ils le font pour des raisons qui reviennent systématiquement et qui sont reliées à la structure des besoins essentiels réels et perçus par les ménages.

Les raisons principales (il y en a plus d’une par ménage) pour lesquelles les ménages empruntent sont:

• payer des services de santé

40,9%

• acheter la nourriture quotidienne

39,8%

• contribuer à des événements sociaux

18,1%

• réparer leur logement

13,8%

• payer pour la scolarité des enfants

12,8%

• autres raisons

16,9%

L’âge moyen élevé des répondants (mentionné précédemment) peut expliquer en soi l’importance des dépenses reliées à la santé. Contribuer à des événements spéciaux est aussi une autre raison importante d’emprunter. On peut dire que, outre emprunter pour des besoins essentiels comme la nourriture, les raisons d’emprunter sont expliquées par des événements fortuits, la maladie et les obligations sociales. Cela explique la condition de précarité. Cela explique aussi l’incapacité des ménages pauvres à emprunter pour investir de façon durable, sur le logement par exemple.

Qui sont les prêteurs?

Dans le cas présent, cette question est bien plus intéressante qu’elle n’y paraît à première vue, d’un point de vue sociologique, puisqu’elle permet de mettre en lumière des formes de relations sociales établies par cette population pauvre. A travers cette variable, on peut déterminer sur qui ces familles reposent dans leurs plus mauvais jours et quel est le rôle joué par l’entourage (communautaire ou familial) dans leur vie quotidienne. Plusieurs ménages font appel à plus d’une source d’emprunt. Ils empruntent:

• des parents

58,7%

• des amis

28,6%

• des voisins

25,1%

• des organismes sociaux

4,4%

• d’autres sources (bailleurs de fonds professionnels)

5,3%

Il est très évident que les ménages pauvres n’empruntent pas auprès des prêteurs privés (qui prêtent avec intérêt), ni auprès des banques populaires, et très peu auprès d’organismes communautaires. La structure sociale d’entraide est limitée à la parenté et aux amis immédiats. Le régime jusqu’ici n’a a pas encouragé les formes communautaires d’en traide en dehors du circuit institutionnel. Les plus pauvres sont donc isolés. Ces informations ne nous révèlent pas un autre aspect de la réalité, comme les différences entre ces sources d’emprunt selon les types de prêts qu’ils consentent. Par exemple les prêts «chauds» (prêts à court terme) sont habituellement demandés à des voisins; mais les gros prêts (long terme) sont plus souvent réclamés aux parents et amis.

Le logement et l’environnement

Le mode d’occupation du logement

La part du logement de propriété privée est restée relativement élevée au Viêt-nam. Le Gouvernement n’a jamais nationalisé le logement. Les propriétaires ont pu continuer à transmettre leurs logements par héritage à leurs enfants. Jusqu’en 1985, des transactions ont pu se faire sur le stock de logements privés et ces transactions ont été tolérées, parce qu’elles étaient relativement peu nombreuses et qu’il n’y avait pas de cadre légal pour les encadrer. A partir de 1985, le Gouvernement, mais surtout les administrations municipales et les entreprises publiques ont commencé à privatiser une partie de leur parc de logements publics. Un système d’enregistrement des transactions s’est donc mis en place à partir de ce moment.

Les populations pauvres dans la perception populaire sont plus souvent propriétaires parce qu’elles ont construit souvent leur logement elles-mêmes, de façon légale ou illégale. Cette perception est en partie fausse à Hanoi.

Mode de tenure

% des ménages

Logements privés hérités des parents ou grands-parents

28,6%

Logements privés achetés avant 1985

11,4%

Logements privés achetés après 1985

5,8%

Logements publics gérés par la Ville

26,3%

Logements publics fournis par lesemployeurs

11,4%

Logements privés loués

3,0%

Logements fournis par des parents

4,5%

Autres (auberges d’État, illégaux, etc.)

9,0%

45,8% des ménages pauvres sont propriétaires de leur logement, comparés à 47% pour l’ensemble des ménages à Hanoi. 37,7% des ménages pauvres occuperaient un logement public, comparés à 48% de l’ensemble des ménages de Hanoi. En fait, les ménages pauvres sont moins souvent que les autres propriétaires de leur logement. Un bon nombre de ces ménages sont logés dans des logements publics, privilège attaché à leurs services à l’État. Mais ils sont moins nombreux proportionnellement que les autres à profiter de ce privilège. Ce qui les distingue vraiment de l’ensemble des ménages c’est leur proportion élevée qui doit louer son logement dans le secteur privé ou se faire prêter un logement par des membres de la famille.

Plus du quart des ménages pauvres ont hérité de leur logement de leurs parents ou grands-parents, ce qui fait d’eux des habitants de souche de la ville. L’étude indique également que près des deux tiers des propriétaires vivent à Hanoi depuis longtemps et 20% ont affirmé être venus à Hanoi avant 1955. Comme, d’autre part, la moyenne d’âge des chefs de ménage était de 57 ans, avec 44,4% au-dessus de 60 ans, il est facile de comprendre pourquoi une proportion importante des répondants vit dans des logements hérités de leur parents ou grands-parents comme dans le quartier de Buoi (60,7%) où les changements socio-démographiques ont été négligeables.

Le taux de ménages vivant dans des logements gérés par la Ville est relativement élevé et c’est dans les arrondissements de Hoan Kiem (57,7%), Dong Da (23%) et Hai Ba Trung (21%) que l’on observe les plus fortes proportions. Si l’on additionne les logements gérés par la Ville et par les employeurs (catégories 4 et 5 du tableau ci-haut), les proportions de ménages vivant dans des logements « publics » grimpe à 68,1% dans Hoan Kiem et à 45,5% dans Dong Da. A l’inverse, dans les arrondissements de Ba Dinh et Hai Ba Trung ce sont les ménages propriétaires (catégories 1, 2 et 3 du tableau ci-haut) qui étaient les plus nombreux avec respectivement 74,5% et 63,5%. Les ménages pauvres de l’arrondissement de Hoan Kiem, occupant en majorité des logements publics, ont un statut plus précaire que les autres, parce que directement menacés de relocalisation par la politique de privatisation et de restauration des quartiers centraux.

Sécurité d’occupation du logement et du sol

La littérature sur les questions de pauvreté urbaine dans les pays en développement doit toujours composer avec le problème récurrent des « squatters » dans les zones urbaines pauvres et des nouveaux habitants dans les zones vacantes non urbanisées ou non affectées à l’habitation. Hanoi n’échappe pas à cette règle et, depuis quelques années, doit faire face à l’apparition de nouveaux quartiers d’habitats précaires et illégaux à Thanh Nhan, Chuong Dong, Phuc Tan, et sur des terrains asséchés de l’arrondissement Dong Da.

La notion de sécurité se traduit ici à la fois légalement et physiquement puisque, outre les questions de droit d’occupation foncière, la population doit faire face à des problèmes géo-morphologiques (zones inondables, marais, ruines et éboulis):

Sécurité d’occupation des sols et logements

% des ménages

Légalité complètement attestée

62,6

Légalité partiellement attestée

14,7

Légalité non attestée

14,8

Occupation illégale sujette à déguerpissement

1,2

Occupation d’un terrain sujet àrisques (submergeable, sur berges, ruines,éboulis)

0,6

Autres situations

6,1

Une des caractéristiques à noter ici est la quasi-uniformité des réponses en fonction des niveaux de pauvreté ou des catégories socioprofessionnelles. La forte proportion de ménages ayant un statut d’occupation légal confirme le statut particulier de la population pauvre au Viêt-nam et la distingue des nouveaux pauvres des autres pays en développement, populations le plus souvent composées d’immigrants et de squatters. Au Viêtnam, sous le régime socialiste centralement planifié, même les ménages pauvres ont pu, jusqu’en 1985, obtenir légalement des titres de propriété de leur logement et des droits d’occupation du sol.

Typologie des logements

Celle-ci reflète un large éventail de modes d’habiter:

– appartements dans des immeubles de 4 à 5 étages

4,9% des ménages

– appartements dans des immeubles de 1 à 2 étages

1,4%

– compartiments dans des maisons collectives en rangée

18,1%

– partie d’une grande pièce subdivisée

13%

– abris autoconstruit par agrandissement d’un escalier, d’un balcon ou d’un couloir

2,7%

– abris précaires

20,3%

– autres sortes de logements (auberges de jeunesse, asiles, squatters)

39,7%

Pour donner une image rapide, environ le quart des ménages pauvres habitent dans des immeubles, dont la majorité sont des immeubles collectifs construits et gérés par l’État, et attribués à son personnel ou à des pensionnés. Plus de 35% des ménages pauvres vivent carrément dans la précarité (pièces subdivisées, couloirs, balcons, abris de fortune…). La distribution spatiale de ces différents types de logement varie grandement entre les cinq quartiers étudiés.

De plus, la localisation des logements sur la trame urbaine varie aussi pour expliquer la pauvreté : seulement 5,5% des ménages pauvres vivent dans des immeubles situés le long de rues et 7,6% dans des ensembles résidentiels construits par le gouvernement à l’intérieur d’ensembles administratifs. Par contre, la moitié des immeubles habités par les pauvres donnent sur des ruelles (49,5%) et sont localisés dans des quartiers résidentiels de travailleurs (37,1%).

Les résultats extrêmes se retrouvent dans les quartiers de Buoi (64,2%) et de Thanh Nhan (58,6%) pour les logements dans les quartiers résidentiels de travailleurs, et dans les arrondissements de Dong Xuan (63,2%) et Hang Ma (74,2%) pour les logements dans les ruelles. Les logements dans les quartiers résidentiels ou d’édifices gouvernementaux sont principalement dans l’arrondissement de Hang Bot (12,5%).

Les autres éléments du logement (cuisine et sanitaires, superficie)

Ces éléments fournissent aussi de l’information pertinente pour évaluer le degré de pauvreté des ménages. Qu’il s’agisse de la cuisine, des toilettes ou de la salle de bains, les modes d’utilisation diffèrent grandement en fonction du niveau d’aisance matérielle du ménage comme l’illustre le tableau suivant.

Cuisines et sanitaires

Environ 90% des ménages pauvres doivent encore partager leurs toilettes dans les quartiers étudiés. Cette situation est encore aggravée sachant que moins d’un tiers des ménages disposent d’une fosse septique (31,2%) et qu’il s’agit dans la plupart des autres cas de simples latrines ou de latrines à deux fosses. Cependant, les données diffèrent quelque peu dans les quartiers Dong Xuan et Hang Ma, au cœur de Hanoi, puisque 59,7% des ménages ont une fosse septique et seulement 38% des latrines, simples ou à deux fosses.

Les mêmes disparités se retrouvent en matière de salles de bains puisque, dans l’arrondissement Hoan Kiem, 31,5% des ménages partagent la salle de bains avec d’autres, alors que dans les autres quartiers de 95 à 99% des ménages disposent de salles de bains privées ou temporaires. Ces salles de bains sont cependant très rudimentaires dans la majo rité des cas. Plus de 44% de ces salles de bain ont été aménagées par les ménages eux-mêmes, souvent à l’extérieur du logement et elles sont ouvertes ou semi-ouvertes.

Niveau de pauvreté Type d’équipement

Moyen

Faible

Défavorisé

Très défavorisé

Total

A) Cuisine…

 

 

 

 

 

… dans la salle à manger

15,2

17,9

22,4

35,5

23,8

… séparée

72,7

64,2

54,2

42,6

56,5

… partagée entre 2/3 ménages

11,1

12,6

19,8

19,7

16,4

… partagée entre 3 ménages

 

 

 

 

 

ou plus

1,0

5,3

3,6

2,2

3,3

B) Toilettes…

 

 

 

 

 

… séparées

20,0

12,8

7,3

4,9

9,9

… partagées entre 10 ménages

 

 

 

 

 

ou moins

24,0

24,5

22,9

17,4

21,8

… partagées entre plus

 

 

 

 

 

de 10 ménages

56,0

62,7

69,8

77,7

68,3

C) Salles de Bains

 

 

 

 

 

– auto aménagées

 

 

 

 

 

(temporaires ou ouvertes)

n/d

n/d

n/d

n/d

44,3

– privées

n/d

n/d

n/d

n/d

45,9

– partagées avec

 

 

 

 

 

d’autres ménages

n/d

n/d

n/d

n/d

9,8

Espace habitable par personne

Le nombre de mètres carrés habitables par habitant constitue également un indicateur intéressant de la promiscuité qui peut régner et du malvivre qu’elle génère.

A Hanoi la moyenne d’espace habitable est de 17,9 m2 par ménage et d’environ 5,9 m2 par personne. Le détail de ce dernier chiffre donne:

• moins de 2,5 m2 par personne

19,1% des ménages

• entre 2,5 et 4 m2 par personne

25,7%

• entre 4 et 5 m2 par personne

12,3%

• entre 5 et 7 m2 par personne

17,6%

• plus de 7 m2 par personne

25,3%

La distinction centre-périphérie se remarque aussi au niveau de l’espace disponible. Comme on pouvait le prévoir, à Buoi, 33,5% des ménages disposent d’un espace habitable de plus de 7 mètres carrés par personne alors qu’à Thanh Nhan, Dong Xuan et Hang Ma la moitié des ménages ont moins de 4 mètres carrés par personne. Cette situation résulte en partie du fait que celui-là est un quartier périphérique moins densé-ment bâti que ne le sont les quartiers centraux. Dans la plupart des logements d’ailleurs, la proximité ou l’éloignement du centre-ville fait varier la taille des espaces fonctionnels (réservés pour la toilette, la cuisine ou le rangement).

Seulement 37,7% des ménages pauvres ont profité officiellement des politiques du logement et des politiques foncières au cours des dernières années. En effet, 26,3% des ménages ont reçu soit un terrain, soit un logement dans le cadre de ces politiques administrées par la Ville et 11,4% ont profité des mêmes politiques mais administrées par les entreprises publiques. Cela signifie que près des deux tiers des ménages n’ont pu bénéficier de ces politiques et ont dû trouver eux-mêmes à se loger, ou bien ont dû partager un logement avec d’autres. Cette situation est plus marquée pour les ménages très défavorisés puisque environ 28,6% d’entre eux partagent leur logement avec d’autres personnes (sans liens familiaux), 35% vivent avec des parents et 30,8% se sont vus attribuer un terrain pour vivre.

Si l’on se rappelle que 20,3% des logements sont des abris temporaires et que de plus 39,6% des logements sont complètement inadaptés et inclassables dans aucune des catégories traditionnelles (la catégorie « autres » de la typologie des logements), on obtient 60% de logements posant de gros problèmes; ce sont ces logements qui nécessitent le plus d’attention lorsque l’on veut évaluer les relations entre niveau de vie et problèmes de logements, puisqu’ils caractérisent à l’extrême l’ampleur du phénomène de la pauvreté urbaine. Les ménages qui appartiennent à ces deux catégories de logement se répartissent ainsi en matière de niveau de revenu : 67,1% sont très défavorisés, 58,9% défavorisés et 57,1% ont un revenu faible.

A Hanoi, la répartition spatiale des pauvres se concentre entre deux types d’habitat que sont les villages de travailleurs (37,4%) et les allées et ruelles (49,4%), ce qui représente 86,6% des ménages de l’enquête. Toutefois, pour les quatre groupes déterminés en fonction du revenu, les ruelles constituent le principal lieu d’habitation. Sans les effets, mêmes limités dans le cas des pauvres, des politiques passées relatives au logement, nous verrions apparaître une division sociale de l’espace correspondant à la stratification socio-économique.

Niveau de pauvreté Lieu de résidence

Moyen

Faible

Défavorisé

Très défavorisé

Village de travailleurs

29,0

35,6

42,2

38,9

Sur allées et ruelles

55,0

46,6

46,4

52,5

Ensembles résidentiels

8,0

12,6

5,7

4,3

Dans les rues

8,0

5,2

5,7

4,3

Cette situation a permis que se constituent de véritables îlots de pauvreté derrière les façades de la ville. Ces îlots se sont développés comme de véritables petites communautés en marge de la réalité sociale et économique. Certains sont devenus des endroits dangereux. A partir de ces îlots et communautés, se sont développées des occupations illégales sur des terrains libres. Aujourd’hui, plusieurs de ces îlots constituent des problèmes sérieux pour les autorités locales. En effet, ils sont en partie le résultat d’occupations illégales. Plusieurs des logements, construits illégalement, ont été revendus. En outre, il faut bien reconnaître que le sol occupé par ces ménages pauvres constitue leur seul bien marchand, leur seul capital. L’éviction, pure et simple, serait un drame social.

On comprend aisément la difficulté des ménages pauvres à installer des équipements, même sommaires, d’hygiène et d’assainissement. Même quand ils le peuvent financièrement, les conditions techniques et les infrastructures minimales ne permettent pas le bon fonctionnement de ces équipements. Dans la situation actuelle de précarité, où les ménages veulent soit vendre, soit être expulsés pour toucher les indemnités, de tels investissements sont considérés par eux superflus et non-économiques.

Estimations de la valeur des terrains et constructions

Certains considèrent que l’occupation d’une parcelle de terrain en milieu urbain est un capital pour les ménages pauvres. Sur cette base, ils minimisent le problème du logement des pauvres. Hanoi n’a jamais eu ni beaucoup de sans- abris ni des grands bidonvilles et, dans la situation présente, un bout de terrain, grand ou petit, avec un abri de seulement 10 à 15 mètres carrés est un capital de valeur, compte tenu de la rareté des terrains à construire dans les arrondissements centraux. Cela signifie que les ménages pauvres à Hanoi disposent d’un capital foncier et logement, sur la base de programmes particuliers de relocalisation, où l’administration municipale a pu offrir, en compensation à des ménages relocalisés, 10 mètres carrés de terrain à Dong Xuan ou à Hang Ma, et un appartement au troisième ou au quatrième étage d’un immeuble dans un quartier résidentiel périphérique.

La valeur des terrains et propriétés occupées a été estimée, d’après les prix du marché au début de 1994, à 39,8 millions de dongs pour l’ensemble des ménages de l’enquête. Le ratio valeur foncière/valeur totale (terrain + immeuble) est de 53% en moyenne, et il n’y a pas de grandes différences entre les quartiers ou entre les groupes socio-économiques. Ainsi, avec un patrimoine foncier de presque 40 millions de dongs, on peut être amené à dire que les pauvres de Hanoi ne sont pas « sans propriétés».

Cette perception de la réalité est naturellement biaisée par une vue très limitée. En pratique, elle ne fonctionne que si on traite le logement comme un objet séparé de la réalité socio-spatiale et que si on peut supposer que le marché et l’État offrent des alternatives.

Relocalisation ou amélioration des logements par les pauvres

Le modèle de la relocalisation des ménages pauvres, avec compensation, a prévalu jusqu’à maintenant, avec plus ou moins de succès. La perception par les ménages pauvres des solutions à leurs problèmes de logement indique clairement qu’il faut rechercher d’autres principes et modèles. Voici comment ils perçoivent les meilleures voies de solution:

• …souhaitent l’amélioration ou la mise aux normes in situ des vieux logements

40,3%

• …acceptent la relocalisation après avoir vendu ou transféré l’ancienne propriété

11,1%

• …acceptent la relocalisation mais n’ont pas les moyens de le faire

6,8%

• …ne souhaitent pas changer de situation, pour des raisons financières

33,8%

• …autres réponses (obtenir un titre de propriété légal, par exemple,…)

7,9%

Près des trois-quarts des ménages déclarent ne pas vouloir changer de logement. Pour presque tous ceux-ci, il est assez évident que les coûts directs entraînés par un changement de situation justifient leurs préférences. Outre les coûts directs, un changement de situation peut entraîner une perte nette de revenus, la perte d’un emploi ou d’une occasion de faire le commerce, augmenter la précarité de la situation financière du ménage. Un ménage, par exemple, peut appréhender le changement de résidence non pas à cause de problèmes financiers, mais simplement parce qu’il a peur d’avoir un revenu ou un travail instable sur son nouveau lieu de résidence. Enfin, la délocalisation brise le réseau social d’insertion et d’entraide qui permet aux ménages pauvres de faire face à l’adversité; elle entraîne insécurité sociale. Un proverbe vietnamien affirme que « aucun lieu n’est plus familier que celui où l’on vit».

Indicateurs d’hygiène environnementale

On observera ici les systèmes de distribution d’eau, d’évacuation des eaux usées et de traitement des ordures ménagères.

L’approvisionnement en eau

Avant d’observer les différents types d’accès à l’eau, il est intéressant de noter la distance qui sépare bien souvent le point d’eau des résidences. Ainsi la distance moyenne pour les ménages de l’échantillon est de 61 mètres ! Cependant cette moyenne doit être pondérée par la répartition des distances, puisque seuls 28,7% des ménages doivent parcourir plus de 50 mètres. Les autres doivent faire respectivement moins de 20 mètres (47,8%) ou entre 20 et 50 mètres (23,5%). Bien entendu c’est encore dans les quartiers centraux de Dong Xuan et Hang Ma que les ménages sont les mieux desservis puisque 86,5% d’entre eux ont moins de 20 mètres à parcourir. Par contre dans les autres quartiers, la majorité ont entre 20 et 50 mètres à faire (68,9%).

Le type d’accès, quant à lui, se ventile comme suit:

• puits familial11,

4%

• robinet dans résidence privée

12,3%

• robinet public servant moins de 10 ménages

29,1%

• robinet public servant de 11 à 30 ménages

5,1%

• robinet public pour plus de 30 ménages

42,2%

Sur cette base, certains observateurs étrangers et des représentants des autorités publiques peuvent affirmer que près de 90% des ménages ont accès à l’eau courante. Mais, c’est près de 50% des ménages qui doivent partager des robinets publics et pour près de 30% des ménages ces robinets sont très éloignés.

Le système d’évacuation des eaux usées

Ce sont les chefs de ménage qui ont évalué eux-mêmes le système d’évacuation des eaux usées de leur logement:

• 67,1% des ménages disposent d’un système d’égouts,

• 19,1% des ménages déversent directement leurs eaux usées dans les lacs ou étangs voisins,

• 8,5% des ménages déversent leurs eaux usées dans des canaux à ciel ouvert,

• 5,2% des ménages déversent leurs eaux usées sur le sol pour y être absorbées.

Ils ont évalué en fait la simple sortie des eaux usées du logement. En effet, un tuyau sous le trottoir évacuant les eaux usées sur la rue constitue dans ce cas un « système d’évacuation ».

La situation des égouts est un problème majeur à Hanoi (voir chapitre 1) mis en évidence par toutes les études faites par des agences internationales. Pour les ménages pauvres, vivant dans les quartiers centraux, la situation ressemble à celle de l’ensemble des ménages : les eaux usées sont évacuées vers les égouts existants dans Hoan Kiem (93,4%) et Dong Da (84,2%). Mais dans les quartiers périphériques, où les réseaux d’égouts n’ont pas été extensionnés ou surdimensionnés, l’évacuation des eaux emprunte marginalement ce canal (Hai Ba Trung 57,4% et Ba Dinh 33,5%). Dans ces quartiers d’ailleurs, de nombreux ménages utilisent les lacs et étangs comme déversoirs : 40,5% à Buoi et 34% à Thanh Nhan.

Toutefois le niveau d’entretien du réseau d’égouts laisse à désirer et, durant la saison des pluies, de nombreuses zones de la ville sont inondées et restent submergées pendant plusieurs jours. C’est ainsi le cas à Thanh Nhan où de nombreuses zones sont situées au-dessous du niveau de la rivière Kim Nguu. Une évaluation de l’état du réseau a permis de mettre en lumière le fait que seul un quart du réseau est en bon état (27,4%), alors que 38,3% est en état moyen et un tiers en mauvais état (34,4%).

Le traitement des ordures ménagères

La collecte des déchets domestiques est devenu un problème urgent à Hanoi et principalement dans les zones où vivent les populations pauvres. Cette question a été abordée à l’aide de deux indicateurs: l’enlèvement des ordures et l’évaluation par les ménages du degré de pollution par les déchets.

Seuls 2,8% des ménages bénéficient de l’enlèvement des ordures à domicile. Les autres doivent encore se rendre à des endroits fixes dans chaque quartier (62,3%) ou bien jettent directement leurs ordures dans les lacs et étangs à proximité de leur domicile (34,8%). Si l’on distingue par arrondissement, en ne retenant que ces deux modes, les résultats sont les suivants:

Type de traitement des ordures

Hoan Kiem

Dong Da

Hai Ba Trung

Ba Dinh

Collectées dans

 

 

 

 

des lieux publics

92,9

68,4

46,9

39,3

Jetées dans les lacs

 

 

 

 

ou étangs

3,8

28,9

49,4

59

La moitié des ménages dans les quartiers de Buoi et Thanh Nhan ont déclaré ne pas se préoccuper de l’endroit où ils jettent leurs ordures : lacs ou lieux publics, peu leur importe en autant que cela leur est facile. Il y a dans cette attitude naturellement des habitudes héritées de la vie en milieu rural, où les déchets organiques étaient considérés comme la nourriture des poissons. Mais il y a surtout l’absence de systèmes de support: non seulement les systèmes de collecte sont-ils pratiquement inexistants dans les quartiers pauvres, mais l’administration municipale a-t-elle encore entrepris de contrôler sévèrement les collecteurs qui utilisent les déchets organiques pour l’alimentation des animaux et pour la pisciculture.

Tous les ménages ont déploré la situation créée par la présence des déchets dans leurs environnements. Plus d’un quart estiment qu’il s’agit d’un problème grave. Ils parlent naturellement des déchets qui restent sur place. Quand les déchets sont jetés dans le canal ou dans l’étang le plus près, le problème est en partie résolu, si on oublie la pollution des eaux de surface.

Pauvreté et appauvrissement

L’esquisse du portrait social des pauvres à Hanoi, réalisée ci-dessus, en termes de caractéristiques de niveau de vie et de logement, constitue toutefois une vision quelque peu statique dans le contexte d’une société en plein changement. L’évaluation et les analyses de la pauvreté urbaine changent aussi et ces changements n’affectent pas toujours des éléments palpables ou observables, mais aussi des éléments plus subjectifs comme la perception de cette pauvreté qu’ont les ménages eux-mêmes. Par exemple, on recense deux groupes de pauvres en fonction des raisons que ceux-ci donnent pour expliquer leur pauvreté : (a) ceux qui ont toujours été pauvres et ne voient donc pas de changement ces dernières années et (b) ceux qui ne se considéraient pas comme pauvres il y a cinq ou dix ans, mais qui ont vu leur situation se dégrader récemment et estiment s’être appauvris, malgré l’amélioration globale du niveau de vie au Viêtnam.

Il faudrait en fait interroger la dynamique de la pauvreté urbaine. Dans cette étude, nous avons ouvert cette interrogation en considérant la mobilité socio-économique des ménages pauvres dans leur lutte pour survivre, les relations entre différents groupes sociaux parmi les pauvres eux-mêmes, la question des rapports de genre et enfin les comportements et la personnalité des pauvres dans certaines circonstances particulières.

Les changements dans le niveau de vie
au cours des 4 ou 5 dernières années

Ces dernières années, sous l’influence de l’économie de marché, les différences entre les couches sociales, et surtout entre riches et pauvres, deviennent de plus en plus visibles et le phénomène de dualisation de la société s’accentue.

C’est pourquoi cette enquête a également tenté de répondre à deux questions : les pauvres sont-ils sensibles à ces changements? et sont-ils optimistes ou pessimistes quant à l’évolution de leur situation?

Interrogés sur leur perception de leurs conditions de vie actuelles comparées à celles d’il y a quatre à cinq ans, les répondants ont remarqué:

• …une amélioration notable

2,8%

• …une faible amélioration

20,2%

• …pas de changement

22,0%

• …une faible détérioration

26,0%

• …une détérioration notable

29,0%

Ainsi, seuls 23% des ménages estiment que leur niveau de vie s’est faiblement ou notablement amélioré, alors que plus de la moitié estiment avoir subi une dégradation. Ces résultats, comparés à ceux de sondages limités réalisés au début des années 90, indiquent une perception encore plus négative des conditions actuelles de la pauvreté.

Si l’on fait abstraction des réponses extrêmes, le nombre relativement important de ménages n’ayant pas senti de changements dans leur niveau de vie ou ayant vécu une faible modification pourrait s’expliquer en partie par les informations sur l’origine de ces ménages et leurs périodes d’établissement en ville : nombre de ces pauvres sont des « anciens», c’est-à-dire qu’ils sont pauvres depuis bien longtemps et le passage à l’économie de marché n’a guère fait de miracles pour eux. Le véritable changement est plus évident pour les nouveaux urbains qui viennent des zones rurales. Ces « nouveaux » pauvres, apparus récemment en ville, doivent être considérés comme « relativement pauvres » par opposition aux « absolument pauvres » que l’on trouve dans les zones rurales.

Il faut aussi noter que les chiffres montrent que les plus sensibles à ces changements semblent être les familles du groupe des très défavorisés ou du groupe des sans-emploi vivant de l’aide de leurs familles : près de la moitié des répondants dans ces deux groupes estiment que leur niveau de vie s’est fortement dégradé depuis quatre à cinq ans.

Les raisons avancées pour exprimer l’amélioration du niveau de vie

Parmi le quart des ménages ayant déclaré une amélioration de leur niveau de vie, on trouvait essentiellement des membres du groupe à revenu moyen et les raisons les plus souvent avancées sont soit que les enfants ont grandi et ont un emploi (40,6%) soit que le répondant a désormais un emploi et un revenu stable (21,9%).

Quatre autres raisons atteignent entre 7 et 10% des réponses : les pensions de retraite ont augmenté et les prix sont stables, le répondant a un autre emploi (heures supplémentaires), le répondant bénéficie de l’assistance de sa parenté, le répondant est passé du secteur d’État au secteur privé (petit commerce, services).

Mais la plupart de ces raisons sont des facteurs externes et n’indiquent pas vraiment que les ménages ont amélioré les conditions structurelles de leur autonomie économique et financière; que l’effet de ces facteurs vienne à changer et à se dégrader, et les ménages retomberont à leur niveau de vie antérieur sans espoir d’amélioration.

Les raisons avancées pour exprimer la dégradation du niveau de vie

Parmi les groupes déterminés précédemment, les ménages très défavorisés se sont plus souvent plaints que ceux à revenu moyen et leurs raisons principalement avancées furent les suivantes : le répondant a vieilli, prit sa retraite et son revenu a baissé (37%); le ménage comprend des personnes malades, infirmes ou droguées (32,9%); le ménage comprend de nombreux jeunes enfants (23,4%); le répondant a un emploi instable ou un faible revenu (21%); les coopératives ont été démantelées et il n’y a pas d’emploi dans les entreprises (20,5%); la personne qui subvenait aux besoins du ménage est disparue (8,8%); et enfin la cherté des biens de consommation et la hausse des prix (5,5%). Pour la plupart, ces raisons ont trait à des changements dans le ménage même, quelques-unes à l’emploi et seulement une au niveau des prix.

Il apparaît donc que ce sont essentiellement des trajectoires traditionnelles de paupérisation, non spécifiquement reliées aux récents changements dans la politique économique vietnamienne, qui sont à la source de cette pauvreté urbaine. Il s’agit donc d’une pauvreté structurelle, qu’il faut enfin reconnaître. Elle est augmentée par le retrait des politiques sociales de l’État. Elle n’est pas encore compensée par les effets redistributeurs indirects de l’économie de marché. Enfin, pour partie, seule un retissage de la politique sociale permettra de maintenir à niveau les plus démunis.

Le dynamisme des pauvres

La mobilité sociale comme indicateur du dynamisme de la population est un signe qui doit être pris en considération, notamment dans le cadre d’une société en plein changement. Une tendance récente semble indiquer que le dynamisme et la mobilité sociale augmentent de concert avec le processus de transition et les changements dans la structure socio-économique.

On va distinguer ci-après trois groupes pour observer les modifications socioprofessionnelles : les chefs de ménages, leurs épouses et enfin les autres personnes du ménage.

Les chefs de ménages

Ceux qui ont un capital et certaines dispositions ont pu entrer dans le jeu de l’économie de marché. Mais les pauvres? que vont-ils faire? vontils être mis au rancart par la nouvelle société? Pour tenter de répondre à ces questions, l’enquête s’est attachée aux changements les plus importants ayant affecté celui qui subvenait aux besoins du ménage. Les réponses à cette question ouverte pouvaient être multiples et sont présentées groupées de la façon suivante:

La personne subvenant aux besoins du ménage…

%

…s’est lancée en affaires (production, services, commerce, etc.)

34,2

…a pris sa retraite normale ou anticipée pour cause de santé précaire

31,6

… a vu son entreprise ou coopérative démantelée

19,6

…a changé de type d’activité de production, de biens ou de services

13,3

…a cessé de travailler conformément aux Instructions n° 176 et 217

8,2

…s’est arrêtée de travailler du fait d’une santé précaire

3,9

…s’est arrêtée de travailler (pour l’État) afin de prendre un autre emploi

3,8

…est un soldat démobilisé ou un ex-travailleur-invité (par les pays frères)

2,5

…autres changements

3,2

On peut diviser ces raisons en deux groupes, à savoir un groupe composé des changements «dynamiques» (changement d’activité) et un groupe des changements «passifs» (cessation d’activité ou retraite).

Parmi les quatre zones d’enquête, c’est dans le quartier de Buoi que l’on retrouve le plus grand nombre de personnes ayant changé d’activité socioprofessionnelle (38,9%) et dans celui de Hang Bot le plus faible nombre (16,6%). Cela peut s’expliquer aisément par les caractéristiques des quartiers puisque dans le quartier de Buoi on trouvait la coopérative de fabrication de papier Truc Bach qui vient d’être fermée, obligeant tous ses ouvriers à se recycler pour vivre. Par contre à Hang Bot, le nombre élevé de personnes âgées, d’infirmes et d’aveugles ne pouvant pas changer d’activité explique un faible taux.

Ce sont les ménages appartenant aux groupes intermédiaires (à revenu faible et défavorisés) qui ont connu le plus de changements, alors que l’on retrouve au sein du groupe des très défavorisés de nombreux ménages qui semblent subir et « accepter leur destin ».

Mais le dynamisme de la population se traduit bien par le taux important des ménages ayant démarré une activité (34,2%) ou bien encore ayant changé de type d’activité (13,3%) : c’est donc presque la moitié des ménages qui ont connu un changement « dynamique » afin de se sortir de la pauvreté.

Les épouses

Au sein de 98 ménages, l’épouse du chef de ménage a connu aussi un changement d’occupation socioprofessionnelle. Cela représente deux fois moins que pour les chefs de ménages, mais les raisons de ces changements sont semblables:

La femme du chef de ménage…

%

…a pris sa retraite normale ou anticipée pour cause de santé précaire

34,7

…s’est lancée en affaires (production, services, commerce, etc.)

32,7

… a vu son entreprise ou coopérative démantelée

28,6

…s’est arrêtée de travailler du fait d’une santé précaire

12,2

…a changé de type d’activité de production, de biens ou de services

11,2

La répartition en fonction des valeurs de changements dynamiques ou passifs est à peu près semblable à celle des chefs de ménage.

Les autres personnes

On retrouve dans cette catégorie principalement les enfants en âge de travailler, très jeunes et cherchant activement à travailler.

148 familles dans l’échantillon (22,15%) ont parmi leurs membres des personnes de cette catégorie qui ont connu une modification de statut socioprofessionnel. Elles se partagent essentiellement entre 3 raisons principales et six autres raisons précédemment évoquées (qui totalisent toutes entre 3 et 8%):

La personne …

%

…s’est lancée en affaires (production, services, commerce, etc.)

60,8

…est un soldat démobilisé ou un ex-travailleur-invité (par les pays frères)

14,9

… a vu son entreprise ou coopérative démantelée

14,2

Les enfants dans les ménages ont principalement démarré une affaire. Ils se retirent essentiellement du secteur étatique de l’activité économique et ne comptent pas encore sur le secteur privé de l’emploi. Pour la majorité, ces affaires sont risquées et essentiellement concentrées dans le petit commerce et les services non spécialisés. Bon nombre des jeunes soldats démobilisés et des jeunes travailleurs revenus des pays socialistes frères sont encore sans emploi.

Les femmes dans les familles pauvres

24,5% des ménages de l’échantillon étaient des ménages « sans mari », des ménages monoparentaux dirigés par une femme qui se retrouvent essentiellement dans les groupes défavorisés et très défavorisés. Et parmi les ménages composés d’un homme et d’une femme, on a cherché à savoir comment se répartissait la charge du ménage. 379 familles ont donc répondu à la question de savoir qui contribuait principalement aux revenus du ménage.

Pour 29% des ménages il s’agit du mari, pour 35,6% de la femme et pour 24,5% c’est partagé. Les autres réponses représentent 10,8%.

Si l’on fait une distinction en fonction des groupes de pauvreté, on remarque que le partage des charges économiques du ménage entre l’homme et la femme augmente en faveur de la femme lorsque le niveau de revenu baisse, et inversement; dans les ménages les moins pauvres, le taux entre l’homme et la femme est plus égal. Cela confirme l’importance de la corrélation entre niveau de pauvreté et rôle de la femme dans le ménage. Les ménages dirigés par une femme et les ménages où l’apport économique de la femme est plus important que celui de l’époux sont des ménages plus souvent plus pauvres.

Si l’on distingue cependant en fonction des groupes d’activités (travaillant pour l’État, pour le privé ou pour les deux), on constate que l’importance de la contribution féminine est plus forte pour les ménages qui travaillent pour le secteur privé que pour les ménages des deux autres groupes, où l’on remarque une équivalence des rôles. On peut donc dire que là où les femmes sont le principal support économique, la pauvreté est relativement plus grande et les revenus sont principalement tirés d’activités dans le secteur privé.

D’autre part, on observe également que lorsque le revenu par personne augmente, les différences entre le rôle du mari et celui de la femme tendent à s’estomper. On note pourtant une plus forte proportion de ménages dans lesquels l’homme contribue majoritairement parmi les ménages les moins pauvres. Tout cela renforce l’idée que plus les ménages sont pauvres, plus ce sont les femmes qui vont en souffrir.

Enfin le dernier indicateur concernant les problèmes des femmes dans la population pauvre a trait aux conditions de santé des individus. Le tableau suivant rend compte d’une évaluation double (faite par les individus eux-mêmes et faite par les enquêteurs) de l’état de santé des personnes interrogées.

État de santé

Bon

Moyen

Mauvais

Total

Femmes…

 

 

 

 

selon les personnes

10,8

39,2

50,0

55,3

selon les chercheurs

12,4

41,5

46,1

55,5

Hommes…

 

 

 

 

selon les personnes

12,4

44,8

42,8

44,7

selon les chercheurs

15,1

47,9

37,0

44,5

Moyenne…

 

 

 

 

selon les personnes

11,5

41,7

46,8

100

selon les chercheurs

13,6

44,3

42,1

100

Au-delà des divergences qui résultent de l’évaluation double, il faut noter que les femmes souffrent plus que les hommes d’un mauvais état de santé. Cela doit attirer l’attention sur la condition féminine et particulièrement celle des femmes pauvres.

Les conditions de santé

Dans toutes les enquêtes et études sur la pauvreté, la corrélation entre pauvreté et mauvaises conditions d’hygiène et de santé est démontrée sans aucun doute. Cette enquête-ci ne déroge pas à cette «règle». Et de même que pour d’autres indicateurs comme l’analphabétisme, le nombre d’enfants ou le manque de travail, la relation entre santé et pauvreté a la forme d’un « cercle vicieux ».

On a remarqué, ici, que les conditions de santé sont relativement identiques selon les arrondissements, les groupes socioprofessionnels ou les niveaux de pauvreté. Il y a cependant deux exceptions, car, dans le groupe des très défavorisés, 63,2% des répondants déclarent de mauvaises conditions de santé. Par ailleurs, les ménages dans lesquels le mari ou la femme est absent déclarent plus fréquemment des mauvaises conditions de santé (56,4% et 53,5%).

Les principales causes de maladies chroniques ou d’infirmité sont:

• problèmes des os et des articulations

51,8%

• problèmes mentaux

20,0%

• perte de la vue

12,2%

• polio

8,6%

• perte de l’ouïe

4%

• perte de la parole 1,

3%

S’agissant des maladies communes, le mode de soins le plus utilisé reste essentiellement l’achat de médicaments pour se soigner à domicile (86,3%). Seuls 10% des ménages vont à un dispensaire; 3,4% vont voir un médecin privé et 2,6% utilisent des médecines traditionnelles.

La difficulté des familles pauvres à se soigner est en outre renforcée par la disparition des services de soins subventionnés par l’État, qui rend tout examen et traitement médical payable pour tous. Plus des deux-tiers des ménages trouvent les dépenses de santé chères ou très chères (36,7% et 33,5%).

Les réelles aspirations des familles pauvres

Les attentes de près de 80% des ménages (535 sur 669) se partagent presque complètement entre trois groupes selon leur thème. On retrouve ainsi des préoccupations référant au logement, à l’amélioration des infrastructures et aux politiques sociales.

La principale attente (pour 56,5% d’entre eux) concerne les politiques sociales à mettre en œuvre, notamment en matière d’exemption ou de réduction des frais de scolarité pour leurs enfants (rappelons qu’il s’agit du principal poste budgétaire de dépenses après la nourriture), de distribution des pensions de retraite, d’aides sociales pour les plus démunis et ceux qui ont besoin de traitements médicaux ou encore en matière de développement de l’emploi pour leurs enfants.

25,9% des ménages espèrent pouvoir réparer leur maison, obtenir des prêts, légaliser leur situation foncière ou encore obtenir des compensations de relocalisation.

Seuls 3,3% donnent la priorité à l’amélioration des infrastructures (fourniture d’eau et d’électricité, réparation des routes et systèmes d’égouts, etc.).

Ces principales aspirations montrent bien le souci de la population pauvre d’améliorer son sort malgré des conditions de vie dégradées tant au niveau du logement que de la santé et de l’environnement. Afin d’amener ces améliorations, des mesures doivent être prises en termes de mise en place de politiques socio-économiques tant locales que nationales. Car l’amélioration des conditions de logement et du cadre de vie ne pourra survenir qu’avec l’aide d’un système coordonné de politiques incluant la mobilisation des potentiels existants des ménages pauvres (terrains, travail, niveaux culturels et dynamisme individuel) ainsi que le support de la part des autres couches de population.

Conclusion

Cette enquête a étudié le phénomène de la pauvreté urbaine à Hanoi en abordant les pauvres urbains comme un groupe social et en combinant, comme souvent dans la recherche sociologique, des approches macro- et microsociologiques.

L’approche macrosociologique a permis d’étudier les pauvres dans un contexte socio-économique général, en relation avec d’autres groupes sociaux dans un espace socio-économique défini. C’est une façon d’aborder la structure sociale qui a pour objet la mise en lumière des éléments-types propres à chaque groupe social, lesquels permettent au-delà des avantages ou des difficultés, de saisir la pensée et les formes d’action correspondantes de chaque groupe.

Par opposition, l’approche microsociologique se concentre sur l’analyse et la comparaison des perceptions et des conduites de chaque sous-groupe au sein de la population pauvre de l’enquête, non plus abordée comme un groupe cohérent, mais comme la somme de plusieurs modes de comportement et de vie distincts.

Ainsi l’approche macrosociologique – ou structurelle – a permis d’établir que les conditions de vie des pauvres à Hanoi sont d’abord le résultat d’un processus socio-économique et historique. Le plus souvent ces pauvres sont des gens nés à Hanoi et qui y ont vécu la plus grande partie de leur vie, mais qui cependant ne peuvent se prévaloir de beaucoup des avantages d’un environnement urbain. Ils ne sont pas seulement pauvres par manque d’argent ou de travail manuel, mais aussi par manque de capital culturel comme l’éducation et le contrat social. Ils se regroupent dans des espaces sociaux particuliers, même au cœur du centre urbain. Ainsi la stratification sociale basée sur la distribution du travail, le niveau de vie et la ségrégation urbaine non seulement maintient les pauvres au bas de la pyramide sociale urbaine, mais en outre les pousse vers des espaces dégradés. Ce que la période de transition dans laquelle est engagée l’économie urbaine vietnamienne a ajouté à la production de la pauvreté, c’est la disparition des regroupements d’artisans et des coopératives, la réduction du personnel dans l’appareil public et les entreprises publiques, la retraite anticipée; autant d’éléments qui ont affecté d’abord les pauvres définis structurellement.

Pour sa part, l’analyse microsociologique a permis d’observer les conditions de la pauvreté à partir de la situation des plus pauvres. La situation est dominée par des conditions extrêmes reliées à l’alimentation, au logement, et à l’environnement.

Les politiques sociales urbaines et les politiques du logement urbain n’ont jamais donné la priorité aux pauvres. Ce manque d’intérêt, combiné au manque de gestion de l’espace urbain – particulièrement en ce qui concerne les villages périphériques, les étangs ou les berges – a permis incidemment l’installation, l’achat illégal et la revente de terrains publics, qui ont abouti à la destruction de l’environnement et à la formation de zones marginalisées au cœur de la ville. Ainsi les épidémies issues de la pollution de la rivière Nguu ont directement affecté le quartier d’habitat précaire de Thanh Nhan où la majorité des résidents font partie de la population pauvre.

Il ne faut pas oublier cependant les conséquences positives de la transition sur la population pauvre. Les conditions de vie de nombreux habitants à Dong Xuan, Hang Ma et Hang Bot ont été améliorées. La question la plus importante n’est pas de savoir si les nouvelles conditions économiques ont permis à des ménages pauvres de s’enrichir relativement. Il est bien plutôt question de savoir si ces conditions favorisent une reconstruction sociale et comment les différents niveaux politiques peuvent concerter leurs efforts pour équilibrer cette reconstruction. Dans cette direction, le rôle de l’État ne peut plus être le même. S’il se désengage de façon importante, en ne laissant plus d’espoir aux plus pauvres, il doit ménager les conditions d’autodéveloppement. Il devra aussi tempérer les impacts structurels de la nouvelle économie en reconstruisant les instruments de sa politique sociale.

4
La pauvreté urbaine
à Hô Chi Minh-Ville1

La croissance urbaine à Hô Chi Minh-Ville s’est effectuée en phases successives d’urbanisation et de « désurbanisation», impliquant d’importants mouvements migratoires. Actuellement, l’industrialisation et la modernisation du pays génèrent des impacts majeurs sur les processus d’urbanisation et sur la planification du développement. Dans un tel contexte, la pauvreté urbaine et le problème du logement n’ont cessé de croître, pour devenir aujourd’hui un obstacle majeur au développement.

Au Viêtnam, les recherches sur la pauvreté, tant rurale qu’urbaine, n’ont été entreprises que récemment. Avec la transition économique, de telles recherches sont devenues d’autant plus nécessaires que la poursuite de l’objectif stratégique consistant à construire «un pays riche et prospère, une société juste et civilisée », aussi bien que la politique de lutte contre la pauvreté et la malnutrition, passent nécessairement par une meilleure connaissance du phénomène de la pauvreté urbaine et des causes présidant à son développement.

C’est donc à partir de ces prémisses qu’un certain nombre de questions orientant le projet de recherche sur le logement et l’environnement des pauvres à Hô Chi Minh-Ville ont été formulées: qui sont les pauvres à Hô Chi Minh-Ville? Comment la pauvreté se répartit-elle dans les structures sociales et spatiales de la ville? Quelle est l’origine de cette pauvreté? Comment les populations pauvres gagnent-elles leur vie et quels sont les problèmes auxquels elles sont confrontées? Qu’est-ce qui caractérise les conditions d’habitat et de vie de ces populations?

La présentation, dans ce chapitre, des résultats d’une enquête menée auprès des populations pauvres à Hô Chi Minh-Ville permettra d’apporter

1. Ce chapitre reproduit presque intégralement un rapport de recherches (CRDI) publié par l’Institut des sciences sociales de Hô Chi Minh-Ville.

une contribution significative à une meilleure compréhension du phénomène de la pauvreté urbaine au Viêtnam.

Les hypothèses de la recherche sur la pauvreté urbaine
à Hô Chi Minh-Ville

Le niveau du revenu est un facteur de première importance dans la détermination des conditions de vie des populations pauvres. Cependant, le seul critère du revenu ne saurait constituer un indicateur valable du niveau de vie des populations; le logement, l’environnement dans lequel vivent ces populations, la stabilité du travail, le niveau de l’offre des services de base constituent autant d’éléments à prendre en compte dans l’analyse du niveau de vie des populations.

Le niveau de vie des populations pauvres est étroitement lié à la diversité, à la mobilité ainsi qu’aux aléas du secteur informel de l’économie urbaine. Le travail des femmes et des enfants constitue une importante source de revenus pour les ménages. Dans le contexte de l’économie de marché et des mécanismes actuels de l’offre et de la demande dans les secteurs du logement et du foncier, les populations pauvres risquent d’être marginalisées et exclues du marché de l’habitat décent.

Les populations pauvres à Hô Chi Minh-Ville possèdent les aptitudes nécessaires pour améliorer elles-mêmes leurs conditions de vie et de logement; toutefois, la pleine réalisation de ce potentiel suppose la création de conditions favorables par diverses interventions de l’État.

Les habitudes de consommation et les comportements relatifs à l’investissement dans l’amélioration des conditions d’habitat varient d’une façon significative selon l’appartenance socioprofessionnelle et le niveau de vie.

Le choix de l’échantillon et des variables

La spatialisation des données

Les études préalables pour localiser les ménages pauvres révèlent que les pauvres à Hô Chi Minh-Ville ne sont pas concentrés dans un seul arrondissement. C’est pourquoi certains arrondissements présentant des similitudes au niveau de la population, de la structure du travail et des activités économiques ont fait l’objet de regroupements. Ceci a pour avantage de permettre une spatialisation des résultats obtenus lors de l’enquête et ainsi de mieux comprendre la structure territoriale de la pauvreté à Hô Chi Minh-Ville.

Les chercheurs ont identifié les trois entités territoriales suivantes:

Groupement A (Centre-ville): ce groupe d’arrondissements est constitué des arrondissements centraux (Arrondissements I, II, III), s’étendant d’est en ouest de la ville. La population y est d’origines vietnamienne et chinoise; l’activité économique est basée sur la grande industrie, la petite industrie et la petite production artisanale, ainsi que sur les activités de services. La densité de population y est élevée et il existe un contraste frappant entre des rues plus ou moins cossues et des îlots fortement dégradés.

Groupement B (Périphérie Nord): ce sont les arrondissements situés au nord et au nord-est de la ville (Arrondissements Binh Thanh et Phu Nhuan). Ces deux arrondissements sont caractérisés par un faible développement économique, une densité de population peu élevée et des zones de très grande pauvreté.

Groupement C (Périphérie Sud): ce groupe consiste en deux arrondissements situés à la frange sud-sud-est et sud-sud-ouest de la ville (Arrondissements IV et VIII). Les activités économiques y sont diversifiées, principalement dans le secteur informel. Un grand nombre de ménages pauvres y habitent et la qualité des logements et de l’environnement y est médiocre. Les infrastructures de base sont rudimentaires.

Le choix des ménages

Les représentants de l’Office du logement et du foncier de la Ville et des comités populaires des arrondissements concernés ont été consultés afin de déterminer, pour chacun des arrondissements, les quartiers les plus pauvres. Par la suite, pour chacun de ces quartiers, les rues les plus représentatives et des groupes de ménages ont été sélectionnés.

En consultation et avec l’aide des représentants locaux, une liste des ménages susceptibles de participer à l’enquête a été établie. Ces ménages ont répondu à un premier questionnaire basé sur onze indicateurs: nom du chef de ménage, sexe, adresse, permis de résidence, nombre de membres permanents dans le ménage, surface habitable par personne, nature de la maison ou du logement, revenu moyen mensuel estimé par personne, possession d’un téléviseur couleur, situation du ménage en terme de niveau de vie (pauvre, moyen ou riche), ménage avec ou sans membre travaillant dans le secteur public. Sur la base de ces informations, les chercheurs ont arrêté leur choix sur 747 ménages devant faire l’objet d’une enquête par questionnaire plus détaillée. Le tableau suivant montre la répartition des ménages sélectionnés dans chacun des groupes d’arrondissements.

Taille de l’échantillon (nombre de ménages) par groupe d’arrondissements

Groupes
d’arrondissements

Groupe Centre

Groupe Nord

Groupe Sud

Identification
des arrondissements

Arr. I

Arr. II

Arr. III

Arr. Binh Thanh

Arr. Phu Nhuan

Arr. IV

Arr. VIII

Taille de l’échantillon

106

59

73

51

100

160

198

Total des ménages

238

 

 

151

 

358

 

Le choix des variables

Le questionnaire soumis aux ménages comportait 39 questions, se rattachant aux thèmes suivants:

– le revenu mensuel moyen par ménage et par personne,

– les dépenses mensuelles moyennes par ménage et par personne,

– l’écart entre les revenus et les dépenses,

– le type de logement,

– l’occupation professionnelle,

– le niveau de prestation des services et équipements urbains de base,

– les conditions de l’habitat et de l’environnement.

De plus, une attention particulière a été portée aux facteurs suivants: la date d’arrivée du ménage dans le logement actuel, les migrations du ménage, le nombre d’enfants d’âge scolaire ne fréquentant pas l’école, l’état de santé des membres du ménage. Le type d’activités économiques pratiquées, les conditions d’habitat et la structure des ménages ont aussi été mis en relation avec l’appartenance ethnique.

Quelques données sur Hô Chi Minh-Ville

L’agglomération de Hô Chi Minh-Ville est composée de 12 arrondissements centraux, divisés en 182 quartiers, et de 6 arrondissements périphériques totalisant 100 communes. Le centre-ville n’occupe que 6,8% de la superficie totale de l’agglomération, mais sa population compte pour 71% de la population totale. Selon les données statistiques recueillies annuellement par l’administration municipale, en 1993, la population du centre-ville atteignait 3253383 habitants et celle de l’agglomération s’élevait à 4582230 habitants. Il existe une différence marquée des densités d’occupation dans la ville centrale (23188 h/km2) et dans les zones périphériques (693 h/km2). Certains quartiers pauvres du centre-ville affichent des densités dépassant largement la moyenne: 65210 h/km2 (Rue n° 4, quartier 6, Arrondissement IV) et 87039 h/km2 (Rue n° 6, quartier Tan Dinh, Arrondissement I).

Au début de 1994, le Service du logement et du foncier de la Ville et le Bureau municipal de la statistique estimaient à 67000 le nombre de logements insalubres dans le centre-ville; 24000 de ces logements se localisaient en bordure des canaux ou des fossés. Ils abritaient 300000 personnes, soit 9,22% de la population de la ville. Toutefois, cet estimé ne comprend pas les personnes qui travaillent à bas salaire pour l’État et qui, ne pouvant payer un logement décent, se voient contraintes à vivre dans les quartiers dégradés (la Confédération du travail de Hô Chi Minh-Ville évalue leur nombre à 75000). Il faut aussi ajouter à ces chiffres les milliers de personnes qui construisent des abris dans les zones illégales et les étudiants de l’extérieur de la ville qui louent un lit dans ces quartiers plutôt qu’une chambre (le coût mensuel pour un lit peut varier de 50000 à 150000 dongs [11000 dongs valent environ 1 dollar américain]). Le nombre de pauvres dans le centre-ville dépasserait donc la barre des 300000 pour atteindre le demi-million de personnes, soit 15,4% de la population totale de la ville.

Bien qu’au Viêtnam la proportion de la population vivant dans les villes soit relativement peu élevée (environ 20%), les grandes villes vietnamiennes jouent un rôle considérable dans le développement économique du pays. Depuis la mise en œuvre de la politique de rénovation (« doi moi »), la participation au revenu national de même que le taux de croissance des industries et des services sont en constante progression dans ces villes. Le cas de Hô Chi Minh-Ville est révélateur du rôle moteur des grandes villes dans l’économie vietnamienne. En effet, Hô Chi Minh-Ville occupe seulement 0,6% du territoire vietnamien, n’abrite que 6,5% de la population totale (mais 22,7% de la population urbaine totale du pays) et ne regroupe que 5,7% de la force de travail du pays; mais elle contribue pour 18,2% au produit intérieur brut, pour 31,3% aux retombées

Image

Hô Chi Minh-Ville: les arrondissements centraux et les zones d’études

bées économiques totales de l’industrie, pour 31,5% au total des retombées des secteurs des transports et pour un tiers de la valeur des échanges commerciaux du pays.

L’urbanisation et le développement des quartiers pauvres à Hô Chi Minh-Ville

Comparativement aux anciens noyaux de peuplement du bassin du fleuve Rouge, Hô Chi Minh-Ville est une ville jeune qui a à peine 200 ans. La structure de sa population est tributaire de la convergence de flux migratoires de provenances diverses. A cause de cette tradition d’immigration et d’émigration, la ville possède une capacité d’intégration rapide des nouveaux arrivants.

Hô Chi Minh-Ville possède une ville centrale étendue à forte densité et une petite zone rurale périphérique. Comme il n’y a pas, dans cette structure, une zone péri-urbaine organisée, la croissance se fait à la frange immédiate du centre et en continu. Chaque période de croissance a donc produit des quartiers pauvres à la périphérie de la zone urbanisée. Avec le temps, ces quartiers sont agglomérés et font partie de la ville centrale.

Depuis les années 60, Hô Chi Minh-Ville a été le théâtre de quatre grands mouvements migratoires: urbanisation «contrainte» pendant l’intervention américaine, désurbanisation après le retrait des troupes américaines (1975), réurbanisation à partir de 1978 et, depuis 1986, vagues spontanées de nouveaux arrivants espérant profiter du passage du pays à l’économie de marché.

Pendant que la guerre faisait rage, entre 1965 et 1975, on assistait à un reflux vers la ville des populations quittant les zones instables et insé-cures. Ces immigrants, motivés par l’espoir de trouver de meilleures conditions d’existence à Hô Chi Minh-Ville (cette dernière bénéficiant d’aides internationales importantes), s’installaient où ils le pouvaient, c’est-à-dire dans les quartiers insalubres ou précaires du centre-ville. Ces quartiers existent toujours, et ce, malgré des tentatives plutôt radicales d’en chasser les habitants (à une certaine époque, ces quartiers furent l’objet de plusieurs incendies criminels...).

Après 1975, on assiste au transfert de populations vers l’extérieur de Hô Chi Minh-Ville (on estime à 800000 le nombre des déplacés). Un nombre important de personnes d’origine rurale retournent dans leur village natal; un nombre encore plus grand de pauvres s’installent dans les « nouvelles zones économiques ». Tout en favorisant le développement de nouveaux territoires, la création des nouvelles zones économiques devait permettre, en incitant les populations à quitter la ville, de diminuer la pression exercée par la surpopulation sur les infrastructures urbaines et sur le logement. Néanmoins, après cette période, le long des canaux et des fossés, les quartiers insalubres occupaient toujours 1000000 de mètres carrés (selon UNDP, 1990).

Au début des années 80, s’amorce un retour lent et progressif des populations vers Hô Chi Minh-Ville. Au moins la moitié de la population, ayant quitté pour les nouvelles zones économiques dans la période précédente, revient s’y installer. La difficulté d’implantation des populations dans les nouvelles zones économiques, combinée à l’instabilité prévalant dans certaines régions (en particulier dans les zones affectées par les troubles à la frontière sud-ouest en 1979), encouragent le retour vers la ville. Certains des immigrants se réinstallent dans les mêmes quartiers qu’autrefois (dans ce cas, seulement quelques membres de la famille avaient quitté pour les nouvelles zones économiques). Toutefois, la grande majorité s’installe sur des terrains vacants en bordure des canaux, des fossés ou le long des ruisseaux. Ceci contribue à l’expansion des zones insalubres avec comme résultat une dégradation importante des conditions de vie, particulièrement en ce qui concerne le logement et l’environnement.

Après des années de réflexion, les autorités de Hô Chi Minh-Ville ont décidé de revoir le statut de ces populations, en accordant des permis de résidence. Cette décision avait pour double objectif la réinsertion dans la vie économique et l’accessibilité aux services de santé et d’éducation pour ces populations. Cependant, il existe toujours une proportion importante de ces déplacés qui ne jouit pas encore de permis temporaire ou permanent de résidence.

Depuis 1986, avec la nouvelle politique économique, la production, le commerce, les services, aussi bien dans les secteurs formel qu’informel de l’économie, connaissent un développement fulgurant. Hô Chi Minh-Ville attire un nombre croissant d’investisseurs. Le secteur de la construction est en pleine effervescence. Parallèlement, les emplois dans les domaines de la petite industrie du vêtement, de la restauration, de la fabrication de meubles, des services ménagers connaissent une croissance importante. Hô Chi Minh-Ville représente aujourd’hui une zone attractive pour une main-d’œuvre non qualifiée, acceptant de travailler pour de bas salaires. L’arrivée massive d’un nombre toujours plus grand d’immigrants et le fait qu’un bon nombre de vétérans, originaires de Hô Chi Minh-Ville, ou de retraités, considèrent cette ville comme un lieu privilégié pour la retraite, expliquent l’importance de la croissance démographique. Plusieurs estiment maintenant que la croissance démographique est expliquée plus par l’immigration que par l’accroissement naturel. Il en résulte d’importantes tensions sur les infrastructures urbaines, sur les capacités de logement, sur l’emploi et sur l’organisation d’ensemble de la ville.

Une composition ethnique particulière et une distribution spatiale différenciée des groupes ethniques caractérisent aussi Hô Chi Minh-Ville. Les deux plus grands groupes ethniques sont les Vietnamiens et les Chinois. Le recensement général de 1989 indique que les Vietnamiens constituaient 84,6% de la population, les Chinois 13,3%, les Khmers 0,13% et les autres 0,17%.

Cette structure n’a pas vraiment changé au fil du temps. Cependant, au niveau de la distribution spatiale, quoique présents dans les quartiers centraux de la ville, les Chinois sont concentrés dans les arrondissements XI, V, VI, VIII, III, X. La proportion des Chinois dans ces arrondissements est la suivante: Arrondissement XI: 48,2%; Arrondissement V: 40,5%; Arrondissement VI: 32,8%; Arrondissement VIII: 13%; Arrondissement III: 12,7%; Arrondissement X: 14,5%.

L’organisation et la localisation des quartiers résidentiels sont intimement liées à la topographie et à la configuration du réseau hydrographique. Le Mékong, avec son système de canaux, de fossés et de marais, crée de larges zones se prêtant mal à la construction. Les pires zones d’habitats insalubres sont habituellement construites en bordure des canaux, sur des terrains accidentés et instables ou encore sur des marais comblés et asséchés.

Des quartiers insalubres ont été aussi érigés en des points élevés, donc facilement drainables, sur le site d’anciens cimetières (par exemple, un bidonville a vu le jour sur le site de l’ancien cimetière Binh Hoa, quartier 12 de l’arrondissement Binh Thanh). Les habitants de ces quartiers sont des sans abris qui n’ont pas les moyens de louer des logements ou des terrains dans les autres secteurs de la ville.

Sous l’angle de l’économie urbaine, les populations pauvres à Hô Chi Minh-Ville entretiennent des relations serrées avec le secteur informel de l’économie. Ce secteur n’est cependant pas détaché de l’ensemble de l’activité économique; au contraire, il existe une interaction dynamique entre les économies formelle et informelle, entre le secteur informel de l’économie et l’économie globale de la ville. On fait rarement mention du rôle de soupape joué par le secteur informel dans l’économie d’ensemble; pourtant il contribue, par sa flexibilité et par sa capacité, à produire des biens et des services à moindres coûts, à suppléer, en quelque sorte, aux lacunes du secteur formel. De plus, il est capable d’absorber, soit sur une base temporaire, soit sur le long terme, le surplus de main-d’œuvre des autres secteurs de l’économie.

En ce qui concerne le marché immobilier, plusieurs personnes croient que les lois du marché ne s’appliquent pas dans les quartiers pauvres. En réalité, l’achat, l’échange, la location et le transfert de logements ou de terrains sont des transactions courantes, bien que ce soit à petite échelle et la plupart du temps en dehors des règles administratives et légales officielles. Nous avons constaté en effet une dynamique résidentielle à l’intérieur des quartiers précaires et entre ces quartiers: quand quelqu’un améliore sa situation, il trouve un logement de meilleure qualité ailleurs; en même temps, le logement libéré est repris par un nouvel arrivant ou un habitant d’un quartier encore plus dégradé.

L’habitat et le travail des pauvres à Hô Chi Minh-Ville

Les chercheurs ont élaboré une typologie résidentielle reposant sur le type de matériaux de construction utilisés et sur la situation de l’unité d’habitation dans la trame urbaine. On retrouve les quatre types suivants: les maisons de chaume ou de bambou, les maisons « semi-solides », les immeubles d’habitation et enfin les maisons sur ruelle.

Les maisons de chaume ou de bambou sont généralement situées en bordure des canaux ou des fossés; elles sont construites avec les matériaux les plus précaires, les plus fragiles. Les maisons semi-solides sont constituées de divers matériaux (précaires et solides) et elles donnent généralement sur la rue. Elles occupent les espaces résiduels, à l’avant des immeubles à plusieurs étages. Ces derniers occupent, par leur volume, la plus grande surface des îlots; ils comportent plusieurs étages et sont construits en dur. Enfin, les maisons sur ruelle occupent généralement l’espace résiduel à l’arrière des immeubles à logements multiples, entre ces derniers et la ruelle. L’enquête a permis de répertorier la proportion des ménages vivant dans ces différents types de logements.

Répartition des ménages selon le type de logement

% des ménages

Type de logement

58,2

Maisons de chaume ou de bambou

33,7

Maisons semi-solides

3,3

Immeubles à plusieurs étages

0,7

Maisons sur ruelle

4,1

Autres (dont maisons à 1 étage)

100

Total

L’enquête a également permis de connaître la répartition des ménages dans les différents types de logements pour chacune des zones d’étude.

Ces données indiquent une forte prédominance de maisons de chaume ou de bambou dans les zones d’enquête (près de 60% du total). Cependant, dans les arrondissements centraux (Groupe A), il y a un peu plus de maisons semi-solides que la moyenne (37,8% contre 33,7%).

Types de logement par groupes d’arrondissement (%)

Types de logements

Total des ménages

Groupes d’arrondissements

 

 

Groupe Centre

Groupe Nord

Groupe Sud

Immeubles à plus d’un étage

3,3

 

14

1,1

Maisons sur ruelle

0,7

0,4

0,7

0,8

Maisons semi-solides

33,7

37,8

28

33,4

Maisons de chaume,
ou de bambou

58,2

58,4

56,6

58,9

Autres

4,1

3,4

0,7

5,8

Total

100

100

100

100

En ce qui concerne la relation entre les secteurs d’activité économique des ménages et les types de logement, les ménages des différentes catégories socioprofessionnelles se répartissent comme suit:

Types de résidence des ménages selon les catégories socioprofessionnelles (%)

Types de
logements

Ménages dont tous les membres actifs travaillent dans le secteur public

Ménages dont tous les membres actifs travaillent dans le secteur privé

Ménages mixtes, dont les membres actifs travaillent dans le secteur public et dans le secteur privé

Ménages de personnes âgées ou sans travail

Total des
ménages

Immeubles à plus d’un étage

 

2,8

7,1

 

3,3

Maisons sur ruelle

 

0,5

1,8

 

0,7

Maisons semi-solides

61,1

32,2

38,8

18,2

33,6

Maisons de chaume, ou de bambou

33,3

60,9

46,9

72,7

58,4

Autres

5,6

3,6

5,4

9,1

4,0

Total

100

100

100

100

100

De toutes les catégories socioprofessionnelles, ce sont les ménages dont les membres travaillent dans le secteur privé qui vivent en plus grand nombre dans les maisons de chaume ou de bambou (370 ménages). Quant à eux, les ménages dont les membres travaillent dans le secteur public vivent dans une plus grande proportion dans les maisons semi-solides (61,1%). Enfin, plus de 70% des ménages dont les membres sont âgés ou sans travail vivent dans les maisons de chaume ou de bambou. Les personnes travaillant dans le secteur public sont en général enregistrées, possèdent un permis de résidence et ont pu profiter dans le passé de l’attribution d’un logement ou d’un droit d’usage d’un terrain.

L’activité économique des populations pauvres est principalement concentrée dans le secteur informel. Selon les résultats de l’enquête, 74,4% des personnes en âge de travailler occupent un emploi dans ce secteur (vendeurs de rue, maçons, porteurs, conducteurs de cyclo-pousse, etc.) comparativement à 25,6% dans le secteur formel (dont 4,3% dans l’administration publique et 21,3% dans la petite industrie ou dans les coopératives artisanales). Ces données n’incluent pas 151 personnes qui ne sont pas en âge de travailler mais qui gagnent quand même leur vie dans le secteur informel.

Origine des habitants et migrations

Plus de la moitié des 747 chefs de ménage (56,2%) sont nés à Hô Chi Minh-Ville, tandis que 43,8% y sont arrivés pour la première fois entre 1955 et maintenant. Cependant, il faut considérer que les répondants appartiennent à différentes générations; certains sont encore jeunes, ils sont nés à Hô Chi Minh-Ville mais leur parents ou grands-parents sont arrivés à Hô Chi Minh-Ville pendant la guerre, soit avant leur naissance. Considérant ce fait, il s’avère que près de la moitié des personnes sont d’établissement récent à Hô Chi Minh-Ville.

Moment de la première arrivée du chef de ménage
à Hô Chi Minh-Ville (%)

 

 

% chefs de ménage
par groupe d’arrondissements

Moment de
l’arrivée

Total des chefs de
ménage

Groupe
Centre

Groupe
Nord

Groupe
Sud

Personne née àHô Chi Minh-Ville

56,2

45,1

57,7

63,9

Arrivéeavant 1955

19,2

21,0

18,8

18,1

Arrivée entre 1955 et 1965

11,5

15,5

11,4

8,9

Arrivée entre 1966 et 1975

7,0

8,4

6,0

6,4

Arrivée entre 1976 et 1985

3,6

5,0

3,4

2,8

Arrivée entre 1986 et 1994

2,5

5,0

2,7

0,8

Total

100

100

100

100

Ce tableau indique clairement la tendance des immigrants à s’établir dans les arrondissements centraux (Groupe A) qui sont des espaces d’accueil des populations immigrantes. De plus, dans ces arrondissements, 10% des personnes interrogées ont immigré après la libération et de ce nombre 50% ont immigré depuis 1986. Par contre, les arrondissements du Groupe C (secteur sud de la ville) ont une population pauvre établie de longue date à Hô Chi Minh-Ville et un nombre d’immigrants arrivés depuis 1955 inférieur à celui des arrondissements centraux et du secteur nord.

Par ailleurs, la provenance des répondants est diverse. L’enquête révèle que 43,3% des immigrants viennent de la région du Delta du Mékong; 21,3% des provinces du centre; 14% du nord; 9,6% des régions est et du sud; enfin 10,8% sont des rapatriés de Thaïlande et du Cambodge. A l’échelle des arrondissements, il existe une tendance marquée au regroupement des immigrants par région d’origine. En effet, les arrondissements du groupe C affichent un taux élevé d’immigrants originaires du Delta du Mékong; ceux du groupe B (particulièrement l’arrondissement Phu Nhuan) ont un nombre élevé d’immigrants originaires des provinces du centre (il y a dans cet arrondissement plusieurs quartiers composés majoritairement d’immigrants des provinces du centre, arrivés après 1955). Quant aux arrondissements centraux, ils regroupent le plus grand nombre d’immigrants provenant de l’est et du sud du pays.

L’enquête révèle la très grande mobilité des habitants des quartiers pauvres. Seulement 48% des ménages sont arrivés dans ces quartiers avant 1975, tandis que près de 52% s’y sont installés depuis 1976. Il s’agit d’un processus continu de mobilité résidentielle des ménages pauvres à l’intérieur des zones urbaines dégradées. Ces dernières semblent permettre une plus grande souplesse dans l’accueil de ménages additionnels, de ménages qui ont quitté (pour diverses raisons) leurs anciennes résidences ou encore de nouveaux arrivants. Le plus haut taux de ménages ayant migré à l’intérieur de la ville après 1975 se retrouve dans les arrondissements du groupe B (ces arrondissements sont peu peuplés et possèdent encore des terrains non-construits) et dans les arrondissements centraux du groupe A (à proximité de l’activité économique et des services). Le tableau suivant fait état de cette mobilité.

Date d’arrivée à l’adresse actuelle

Date d’arrivée
à l’adresse
actuelle

Nombre total
de ménages
interrogés

Répartition des ménages
dans les groupes d’arrondissements

 

(%)

Groupe Centre

Groupe Nord

Groupe Sud

Avant 1955

23,1

16,5

23,8

27,1

1955–1965

12,6

13,1

12,0

12,5

1965–1975

12,5

14,8

3,3

14,8

1976–1985

24,8

22,9

30,5

23,6

1986–1994

27,0

32,7

30,4

22,0

Total

100

100

100

100

Dès après la guerre, le gouvernement municipal, avec la participation de l’État, a mis sur pied une politique de développement de nouvelles zones économiques pour réduire la taille de Hô Chi Minh-Ville, pour ramener en milieu rural les populations réfugiées pendant le conflit armé, pour assurer la sécurité des frontières par un peuplement de zones frontalières. Plus de 27,7% des ménages interrogés ont déménagé dans les nouvelles zones économiques (90% de ces ménages en 1975–1976), puis sont revenus vivre à Hô Chi Minh-Ville. Sur les 206 ménages ayant connu ce parcours résidentiel, 71% sont revenus des zones entre 1978 et 1982, et 11,6% entre 1986 et 1991. En moyenne, ces ménages ont vécu dans les nouvelles zones économiques pendant 4 ans et demi. Ces ménages ont tendance, plus que ceux qui n’ont jamais quitté pour les nouvelles zones économiques, à s’installer en bordure des canaux ou des fossés.

Localisation des ménages qui sont revenus
des nouvelles zones économiques comparativement
à ceux qui n’y sont jamais allés (en%)

Lieux de résidence

Ménages qui sont revenus des nouvelles zones économiques

Ménages n’ayant jamais quitté pour les nouvelles zones économiques

Maisons sur ruelle

2,4

3,9

Maisons dans impasses

11,2

19,2

Immeubles

1,0

3,0

En bordure des canauxet fossés

36,4

25,2

Ilot de pauvreté

49,0

48,1

Autres

 

0,6

Total

100

100

Les ménages qui reviennent des zones économiques spéciales se comportent comme des ménages immigrant pour la première fois, à moins qu’une partie de la famille ne soit restée à Hô Chi Minh-Ville. Comme leur statut de résidence est le plus souvent illégal, ce sont dans les lieux les plus précaires qu’ils s’installent.

Bien que les autorités de Hô Chi Minh-Ville aient consenti des efforts importants dans la régularisation du statut des immigrants, l’ampleur des mouvements de population a rendu difficile la généralisation de cette opération. Pour l’ensemble de leurs membres, 18,8% des ménages interrogés n’ont pas de statut de résidence permanente. Le taux atteint 28,6% chez les ménages qui sont revenus des nouvelles zones économiques (21,8% de ces ménages n’ont aucun membre avec statut de résidence permanente). La situation est encore plus dramatique pour les tout nouveaux arrivants (1986–1994), qui, dans une proportion de 39,4%, ne possèdent pas de statut.

Par ailleurs, pour cette même période, près de 26% des ménages possèdent un statut de résidence permanente émis à une autre adresse. Ceci est une indication supplémentaire de la grande mobilité des populations pauvres dans la ville centrale: les ménages changent de résidence selon leurs besoins en recherchant des quartiers à logements bon marché.

Le statut de résidence permanente des mènages

Statut officiel de résidence permanente

Total des ménages

Groupe Centre

Groupe Nord

Groupe Sud

Ménages revenant des NZE

Ménages n’ayant jamais été dans les NZE

Ménages ayant immigré entre 1986–94

Émis à une autre adresse

9,6

12,6

8,1

8,3

10,2

9,3

25,9

Émis à l’adresse actuelle

68,8

59,3

67,1

75,6

55,9

73,7

29,8

Quelques membres n’ont pas de statut officiel

7,2

9,2

4,0

7,2

6,8

7,3

8,5

Quelques membres n’ont pas de statut officiel

7,2

9,2

4,0

7,2

6,8

7,3

8,5

Autres situations

2,8

2,9

5,4

1,0

5,3

1,9

5,0

Total

100

100

100

100

100

100

100

Structure démographique et sociale

Près des deux tiers (64,6%) des chefs de ménage de l’échantillon sont des femmes. Parmi les chefs de ménage, 8% n’ont pas 30 ans; 67,1% se situent dans la tranche d’âge entre 31 et 60 ans; et 24,9% sont âgés de plus de 60 ans. Comparativement aux chefs de ménage de Hanoi, ceux de Hô Chi Minh-Ville sont plus jeunes (à Hanoi, seulement 4,3% des chefs de ménage sont jeunes et plus de 44,4% sont âgés de plus de 60 ans).

La taille des ménages est légèrement supérieure à celle des ménages de l’ensemble de la ville: 5,8 personnes par ménage pour les ménages de l’échantillon comparativement à 5,2 personnes pour l’ensemble des

Image

Dans les quartiers précaires et les bidonvilles, de nombreuses maisons sont construites avec des matériaux de récupération: paille, brique, boue séchée (quartier Thanh Nhan, Hanoi).

Image

D’anciennes demeures de grand cachet se sont petit à petit dégradées: rénovations et modifications sauvages, vieillissement des équipements, exposition aux intempéries s’ajoutent aux problèmes environnementaux traditionnels (Hanoi).

Image

La rue Hang Dao, une rue commerçante du quartier des 36 rues (arrond. Hoan Kiem).

Image

Un exemple d’habitat dégradé dans le centre ancien (75 rue Nhà Chung, arrond. Hoan Kiem).

Image

Ruelle située à proximité d’une ancienne communauté religieuse dans le quartier de Hang Bot (arrond. Dong Da).

Image

Rue villageoise à proximité du marché dans le quartier de Buoi (arrond. Ba Dinh).

Image

De l’auto-construction temporaire et spontanée dans le quartier précaire de Thanh Nhan (arrond. Mai Ba Trung) à la construction planifiée et « auto-réaménagée» d’un immeuble dans un grand ensemble (quartier Kim Lien, arrond. Dong Da).

Image


Image

Des bidonvilles à proximité du pont Le Van Sy (arrond. 3).

Image

Bidonvilles temporaires... qui perdurent (quartier 17, arrond. Binh Thanh).

Image

Un exemple typique de constructions sur pilotis.

Image

Une succession de pieux dressés vers le ciel est la marque du début des opérations d’assainissement des bidonvilles: on a rasé des habitations (arrond. Binh Thanh).

Image

Bidonvilles dans le quartier 17 (arrond. Binh Thanh).

Image

Le processus d’assainissement a débuté, toujours dans le quartier 17.

Image

Toujours dans l’arrondissement 1, des bidonvilles à côté du pont métallique Dakao.

Image

Bidonvilles observés depuis le pont Bông (arrond. 1).

image

Les conditions d’hygiène environnementales sont sommaires dans les quartiers pauvres, y compris hors des bidonvilles sur les canaux. Les eaux usées et les ordures domestiques posent de graves problèmes de gestion.

image

Image

Image

Au 100, rue Hang Dao, se trouve une maison d’un étage qui héberge principalement des familles de commerçants. La proposition de rénovation conserve le même nombre d’étages pour limiter la densité d’occupation.

Image


Image

Au 4, rue Hang Ngang, une maison sur 3 niveaux avec 6 logements qui hébergent commerçants et non-commerçants.

Image

Image

La vieille maison du 50, rue Hang Buom appartient à la même famille depuis plus de 100 ans... Sur 2 niveaux vivent plusieurs familles qui apprécieraient sans doute les projets de rénovation en cours si ceux-ci étaient concrètement réalisés.

Image

Image

Dans la rue Nguyen Huu Huan, aux numéros 75 A et B, les habitants n’ont pas attendu les projets des architectes et ont déjà procédé à la rénovation de plusieurs logements... dans un sens très différent de ce que les chercheurs ont suggéré.

Image

Les ajouts aux immeubles collectifs transforment peu à peu la silhouette des quartiers et fragilisent les bâtiments (bât. B4, Kim Lien).

Image

Accroître l’espace habitable est un besoin essentiel dans des logements peu ou pas rénovés depuis leur construction et qui n’ont souvent pas les équipements de base: cuisine et toilette (bât. B8, Thanh Xuan).

Image

A l’arrière des bâtiments, les ajouts sont également courants (bât. C9, Kim Lien).

Image

Dans les plus anciens grands ensembles, construits dans les années 60, les logements ne disposent pas de cuisine.

Image

Au rez-de-chaussée, les ajouts ont pris la forme de boutiques qui font l’interface entre l’immeuble et la rue... devenue commerciale (bât. B4à Kim Lien).

Image

Image

Dans l’arrondissement Phu Nhuan, des bidonvilles viennent d’être rasés.

Image

Dans ce secteur du quartier 17 (arrond. Binh Thanh), le processus est en cours.

Image

L’assainissement des bidonvilles est plus avancé aux pieds du pont Bông (arrond. 1).

Image

La phase suivante consiste dans la construction de nouveaux immeubles sur l’emplacement des anciens bidonvilles (arrond.3).

Image

Immeuble construit par la Société de construction immobilière de l’arrondissement Phu Nhuan. Les étages supérieurs (40 et plus) sont occupés par des ménages déplacés des zones d’assainissement sur les canaux Nhieu Loc et Thi Nghe. Le prix moyen de ces appartements est d’environ 6500 dollars US (pour le 40 étage).

Image

Immeuble construit pour les ménages déplacés dans le quartier 17 de l’arrondissement Tan Binh. Les prix varient entre 4000 dollars US (étages supérieurs) et 6500 dollars US (étages inférieurs).

Image

Xom Cai (arrond. 5) est un quartier dont la population est principalement composée de commerçants, résidents de longue date, ayant un revenu plutôt stable mais faible. Dans ce cas, on a pu reloger sur place la population: 80% ont acheté un appartement dont la moitié du prix a pu être payé par les compensations d’éviction. Le prix d’un appartement varie entre 15000 dollars US (rez-de-chaussée) et 6600 dollars US (60 étage).

Image

Image

Image

Cependant tout n’a pas disparu et de nombreux témoins du passé jouxtent les nouveaux immeubles (Xom Cai, arrond. 5).

Image

Dans l’arrondissement Tan Binh, ces maisons individuelles constituent des exemples d’autoconstruction. Des ménages relogés ont acheté le droit d’usage du terrain à prix réduit, puis ont construit souvent avec des matériaux locaux à faible coût. Le prix de revient d’une maison peut varier entre 4000 et 5000 dollars US, dont la moitié pour le terrain (pour un lot de 60 à 80 m2).

Image

Image

Dans l’arrondissement Phu Nhuan, un bidonville à côté du pont Nguyen Van Troi fut assaini en 1984 (ci-dessus), les habitants de ce bidonville ont été déplacés vers la zone résidentielle près de la pagode Phu Thanh (ci-dessous).

Image

Image

Image

De nouveaux grands ensembles succèdent aux bidonvilles: accueilleront-ils les mêmes populations?... et le fossé qui sépare les bidonvilles des grands ensembles pourra-t-il être comblé? (arrond. 1).

ménages de la ville. Le groupe des arrondissements centraux possède le plus grand nombre moyen de personnes par ménages (7 à 10 personnes). De plus, il est fréquent que deux générations (58% des ménages), voire trois générations (35,6% des ménages) habitent sous le même toit. Contrairement à l’idée répandue, les familles à trois générations ne sont pas plus nombreuses dans la communauté chinoise que dans la communauté d’origine vietnamienne; il n’y a pas non plus de familles à quatre générations dans les ménages d’origine chinoise.

La taille des ménages

Personnes
par ménage

Total
des ménages

Groupe
Centre

Groupe
Nord

Groupe
Sud

De 1 à 2

7,8

10,5

6,7

6,4

De 3à4

26,2

27,7

24,7

25,8

De 5à6

34,6

34,5

38,6

33,5

De 7 à 10

24,8

22,3

22,7

27,1

Plus de 10

6,6

5,0

7,3

7,2

Total

100

100

100

100

La scolarisation

Le degré d’alphabétisation de la population des quartiers pauvres est inférieur à celui des habitants de l’ensemble de la ville, qui était de 92,4% selon les données du recensement général de 1989. En comparaison, seulement 79,4% des chefs de ménage de l’échantillon sont alphabètes et 83,2% de l’ensemble des personnes âgées de plus de 10 ans le sont dans les quartiers étudiés. Plus du quart (28,4%) du total des chefs de ménage (ou des conjoints) sont analphabètes ou savent à peine lire et écrire. Parmi les groupes d’arrondissements, le groupe Centre atteint un taux d’analphabétisme de près de 20%.

Niveaux de scolarité des personnes de 10 ans et plus

Niveaux
d’instruction

Total des chefs de ménage

Total des personnes de 10 ans et plus

Groupe Centre Personnes de 10 ans et plus

Groupe Nord Personnes de 10 ans et plus

Groupe Sud Personnes de 10 ans et plus

Analphabètes Personnes

20,6

16,8

14,1

13,5

19,8

pouvant lire et écrire

7,8

4,9

2,5

8,7

4,9

Premier cycle du primaire

42,2

45,3

42,8

42,5

47,7

Deuxième cycle du primaire

18,5

24,7

29,5

25,2

21,6

Secondaire

10,2

7,6

10,3

8,4

5,7

Post-secondaire

0,7

0,7

0,8

1,7

0,3

Total

100

100

100

100

100

L’enquête a permis de recueillir certaines informations complémentaires concernant le niveau d’instruction des enfants, des adolescents et des jeunes en âge de travailler. Il apparaît que les personnes qui ont plus de 10 ans (3546 personnes) ne jouissent pas d’un meilleur niveau d’instruction que les chefs de ménage. En effet, seulement 0,7% d’entre eux ont fait des études post-secondaires; 7,6% ont complété les études secondaires; 24,7% ont terminé leurs études primaires. Il y a donc 67% de membres des ménages qui sont très peu ou pas du tout scolarisés (45,2% ont complété le premier cycle du primaire; 4,9% peuvent lire et écrire tant bien que mal et 16,8% sont carrément analphabètes).

Ces données montrent que l’éducation est encore un problème majeur au sein de ces communautés et que la pauvreté constitue un obstacle important à l’élévation du niveau général d’éducation. Malgré certains progrès réalisés parmi la jeune génération (particulièrement au niveau du deuxième cycle du primaire), la similitude entre le niveau d’éducation des chefs de ménage et celui des jeunes générations témoigne de la persistance de problèmes à ce niveau.

Le niveau d’instruction des chefs de ménage est légèrement plus élevé que celui des personnes en âge de travailler. Les 15-30 ans affichent untaux d’analphabétisme plus élevé et un niveau général d’instruction plus faible que celui de leurs aînés. Les données montrent à quel point le faible niveau de scolarisation a tendance à se perpétuer de générations en générations. Cependant, les jeunes du groupe d’âge 15-30 ans complètent le deuxième cycle du primaire dans une plus grande proportion (33,7% comparativement à 22,3% pour l’autre groupe). Il faut noter que ces jeunes, qui ont grandi après la libération, évoluent dans de meilleures conditions et possèdent de meilleures connaissances quand ils terminent le niveau primaire.

Les données relatives aux jeunes de 10 à 14 ans montrent toute l’ampleur de la tâche à accomplir pour rehausser le niveau d’éducation des populations pauvres. Plus de 12,5% des enfants de 7 à 14 ans sont illettrés parce qu’il ne fréquentent tout simplement pas l’école (plusieurs d’entre eux, âgés de 8 ou 9 ans, ne sont jamais allés à l’école). Le niveau d’éducation des enfants entre 10 et 14 ans (506 enfants) présente le profil suivant: deuxième cycle du primaire: 18%; premier cycle du primaire: 69,6%; enfants qui peuvent difficilement lire et écrire: 1,2%; analphabètes: 11,3%. Si cette situation n’est pas rapidement corrigée, elle contribuera à perpétuer le faible niveau d’éducation observé dans les générations précédentes.

Par ailleurs, les données de l’enquête sur l’occupation des enfants révèlent que, sur 506 enfants âgés de 10 à 14 ans, seulement 74,1% vont à l’école. Ce qui signifie qu’un enfant sur quatre n’est jamais allé à l’école ou encore a abandonné ses études. Ces enfants restent à la maison (16%) ou encore font de petits métiers (9%), comme vendeurs de billets de loterie, porteurs, vendeurs ambulants etc. Certains (2,8%) suivent des cours de formation professionnelle. Les enfants de ce groupe d’âge, qui complètent le dernier niveau du primaire (91,2%), et ceux qui finissent le premier cycle (81,5%) continuent cependant d’aller à l’école. Toujours pour ce groupe d’âge, 8,8% des enfants du dernier niveau du primaire et 18,5% des enfants du premier cycle doivent travailler pour apporter un revenu d’appoint à la famille.

Dans 15 ans, ce groupe des 10-14 deviendra le groupe des 25-30 et le groupe des 6–9 deviendra celui des 20-25. S’il n’y a pas de changement fondamental au niveau de l’éducation, ces générations seront incapables d’atteindre une meilleure situation que celle des générations précédentes.

Structure de l’emploi et des activités des ménages

L’enquête montre que les sources de revenu des ménages sont fort diversifiées. Certains travaillent comme employés de bureau pour l’État ou les entreprises privées; d’autres travaillent dans les petites industries ou dans les coopératives artisanales; comme conducteurs de cyclo-pousse, porteurs, vendeurs; dans les services ménagers, les buanderies, etc. Les emplois des populations pauvres sont si variés que les chercheurs ont tenté une classification basée sur certains types d’emploi et sur certains groupes d’âges.

Sans tenir compte de la stabilité des revenus, 69,5% des personnes âgées de 15 à 60 ans touchent un revenu, alors que 30, 5% des personnes de ce même groupe d’âge sont sans revenu soit parce qu’elles vont à l’école, travaillent à la maison, souffrent de maladies, d’incapacités ou sont tout simplement sans travail de façon chronique. Comme un bon nombre de jeunes vont à l’école, la proportion des jeunes qui ont du travail est moins élevée que dans le groupe des 31-60 ans (66,3% contre 76,3%). Toutefois, le chômage frappe davantage les jeunes: 17,1% comparativement à 11,2% pour l’ensemble des personnes du groupe des 15 à 60 ans et seulement 4,7% pour les personnes du groupe des 31 à 60 ans.

Répartition des emplois par tranches d’âge (en pourcentage)

Types d’emploi

15-30 ans

31-60 ans

15 à 60 ans

Employés dans l’administration

2,2

3,8

3,0

Travailleurs et artisans

16,9

12,5

14,8

Employés des services

7,9

8,3

8,1

Vendeurs

7,5

14,2

10,7

Vendeurs ambulants

4,0

9,5

6,6

Tailleurs

3,0

2,9

2,9

Travailleurs de la construction

4,6

4,4

4,5

Conducteurs de cyclo-pousse et livreurs

4,7

10,7

7,6

Vendeurs de billets de loterie

0,9

1,9

1,4

Porteurs

3,2

2,3

2,7

Domestiques

8,5

5,5

7,1

Fermiers

 

0,3

0,1

Ménagères

5,8

8,8

7,2

Étudiants, élèves

11,2

 

5,9

Malades, handicapés, retraités

2,5

10,2

6,2

Sans emploi

17,1

4,7

11,2

Total

100

100

100

Le tableau ci-dessus indique que les pauvres occupent des emplois plutôt modestes. Les travailleurs, artisans et tailleurs occupent les meilleurs emplois parmi les emplois disponibles. Un petit nombre de personnes occupent des emplois comme comptables ou dactylos; la plupart des gens occupent des postes de subalternes dans les agences gouvernementales et dans les entreprises publiques ou privées. On dénombre quelques femmes parmi les travailleurs de la construction; ces dernières agissent en majorité à titre d’assistants ou de manœuvres sur les chantiers. Les vendeurs, incluant les vendeurs d’aliments et de boissons, représentent 17,3% des personnes interrogées; les conducteurs de cyclo-pousse et les livreurs 7,6%, dont un certain nombre de femmes. Le travail de domestique occupe 7,1% des personnes interrogées. Ce genre de travail semble réservé exclusivement aux pauvres. Ce travail implique généralement le transport du combustible (charbon de bois), les tâches de nettoyage des vêtements, de la vaisselle, etc.

La précarité des emplois conduit 47% des personnes qui ont du travail à toucher des revenus instables. Cette instabilité n’est pas l’apanage des conducteurs de cyclo-pousse, des domestiques ou des journaliers, elle est en fait assez généralisée. Le caractère changeant de l’emploi dans les entreprises explique cette situation. De façon générale, l’enquête permet de conclure que l’emploi et le revenu des pauvres sont instables et variables. L’enquête révèle que 32,6% des personnes âgées de plus de 60 ans et 7,6% des enfants entre 10 et 14 ans doivent travailler afin d’assurer leur subsistance. La nature de leurs emplois est similaire à celle des personnes en âge de travailler.

A l’instar de leurs parents, les enfants travaillent comme vendeurs, porteurs, domestiques ou vendeurs de billets de loterie. Parmi les enfants qui travaillent, 34,9% ont des emplois à revenus stables et 65,1% touchent des revenus instables. En moyenne, le nombre d’enfants des ménages à très faibles revenus (moins de 60000 dongs par personne par mois) qui travaillent est similaire à celui des ménages à plus hauts revenus. Cependant, les enfants des ménages à très faibles revenus fréquentent l’école moins longtemps (ils fréquentent rarement le niveau secondaire et les cours de formation professionnelle) que les enfants des ménages à plus hauts revenus. Parallèlement, le nombre d’enfants des ménages pauvres qui restent à la maison est supérieur à celui des ménages moins démunis (27% contre 17%). L’enquête démontre que de faibles revenus réduisent les chances pour les enfants de se scolariser.

Une grande mobilité et une bonne capacité de passer d’un emploi à un autre caractérisent la main-d’œuvre dans les quartiers pauvres. Ceci comporte à la fois des aspects négatifs et positifs. Selon les résultats de l’enquête, les changements positifs empruntent quatre grandes directions:

• l’obtention d’un premier emploi,

• un nouvel emploi lié à une formation professionnelle,

• le passage d’un secteur économique à l’autre,

• l’adaptation à la demande des produits et services commerciaux.

Dans la situation présente, passer d’un emploi dans le secteur public à un emploi dans le secteur privé est considéré comme un changement positif. De même, s’ajuster à la demande pour les producteurs de biens et les fournisseurs de services est aussi considéré comme un changement positif.

Changements positifs dans l’emploi sur une période de 3 ans
(% de ménages ayant 1 ou plusieurs membres qui ont changé d’emploi;
plusieurs possibilités par ménage)

Changements positifs
dans l’emploi

% des chefs de ménage

% des conjoints

% des autres membres du ménage

Obtention d’un premier emploi

10,8

11,6

51,6

Nouvel emploi lié à une formation

0,7

0

1,9

Changement de secteur d’activité

3,6

3,2

3,1

Changement de production et de service en fonction de la demande

21,6

30,5

13,8

Total

36,7

45,3

70,4

Les changements les plus positifs sont enregistrés par l’entrée sur le marché du travail des enfants, qui participent alors à la composition du revenu du ménage. Le deuxième type de changement le plus important est lié aux adaptations à la demande dans le domaine de la production des biens et des services. Ce type de changement est supporté par les conjoints et le chef de ménage.

Les aspects négatifs dans les changements d’occupation sont portés principalement par les pertes d’emploi ou les mises-à-pied dont plusieurs sont expliquées par la mise en œuvre de la politique de réduction du personnel dans le secteur public.

Raisons des pertes d’emplois dans les 3 années précédant l’enquête
(% de ménages ayant 1 ou plusieurs membres qui ont perdu leur emploi,
plusieurs possibilités par ménage)

Raisons des pertes
d’emploi

% des chefs
de ménage

% des conjoints

% des autres
membres
du ménage

Faillite personnelle

4,3

30,5

6,3

Retraite

4,3

5,3

0

Réduction de personnel

4,3

7,4

4,4

Maladie, accident

20,1

16,8

3,8

Autres raisons

32,4

24,2

26,4

Total

65,4

84,2

41,0

Les pourcentages élevés de pertes d’emploi pour d’autres raisons sont relativement élevés. Ils révèlent en fait la précarité de l’emploi puisqu’ils signifient principalement la fin d’un contrat temporaire de travail.

Les répondants des ménages, qui ont vu leurs revenus augmenter dans les cinq dernières années, attribuent ce fait, dans une proportion de 46,9%, à l’obtention d’un emploi stable. Inversement, les chefs de ménage des ménages, qui ont vu leurs revenus diminuer, attribuent cette diminution, dans une proportion de 41,8%, à l’instabilité de l’emploi. Pour bien comprendre ces résultats il est important de revenir sur la notion de stabilité de l’emploi dans le secteur informel. Elle ne signifie pas conserver un seul emploi, mais plutôt elle implique une grande flexibilité, beaucoup d’ingéniosité ainsi qu’une bonne compréhension du marché des produits et du marché du travail. Plus précisément, le concept de stabilité de l’emploi doit être compris d’une manière extensive, c’est-à-dire comme la capacité pour les individus de s’adapter aux nouvelles conditions du marché du travail, de façon à en retirer un revenu stable. La stabilité est donc liée à des conditions externes comme le caractère changeant du marché des produits et des services, l’existence de programmes de formation professionnelle et l’organisation de systèmes de crédits pour les activités commerciales et artisanales. Par contre, elle est liée à des conditions individuelles propres aux ménages: faible qualification professionnelle, faible capacité d’épargner pour l’investissement, problèmes de santé, problèmes de cohésion à l’intérieur du ménage empêchant la mise en commun des ressources.

Revenus et dépenses des ménages

Bien que le niveau des revenus soit un indicateur important dans l’évaluation du niveau de vie des ménages, il ne peut traduire à lui seul toute la complexité de la réalité des démunis. Les chercheurs avancent que, dans certains cas, l’utilisation du seul critère du revenu peut même biaiser l’interprétation du phénomène de pauvreté, et ceci pour au moins trois raisons:

Premièrement, à cause de l’instabilité inhérente au secteur informel de l’économie, il existe des variations importantes dans les revenus des populations pauvres. En effet, dans ce secteur, le marché des biens et des services ainsi que la capacité d’attraction des emplois générant un revenu fluctuent continuellement. Cette instabilité rend donc très relative la mesure du niveau de vie par l’unique facteur du revenu. L’enquête a permis de constater que près de la moitié (47,4%) des ménages interrogés touchent des revenus instables et que, même parmi le groupe de ménages qui profite d’un revenu mensuel plus élevé par habitant, certains habitent des logements très peu équipés. Environ 40% d’entre eux évaluent qu’ils sont en situation précaire ou dans le besoin. Dans ce contexte, le revenu moyen ne peut être considéré comme le seul indice du niveau vie.

Deuxièmement, le paiement des dettes contractées par les ménages (plus de 60% d’entre eux ont des dettes considérables, souvent à taux d’intérêts élevés) draine une part considérable du budget familial, et de ce fait intervient directement sur la qualité des conditions de vie.

Troisièmement, en comparaison avec le revenu moyen des ménages interrogés, certains ménages (environ 30%) touchent des revenus qui peuvent sembler, à première vue, plutôt décents; cependant en tenant compte des mauvaises conditions de vie (habitats insalubres, environnement pollué, services médiocres), le niveau de vie de ces populations est beaucoup moins élevé que ne le laisse supposer le niveau de leurs revenus. Par ailleurs, dans plusieurs ménages, certains membres qui touchent des revenus importants contribuent à l’achat de nourriture sur une base quotidienne (en partie parce qu’ils sont des travailleurs journaliers) ou sur une base hebdomadaire. Cette pension est donnée au chef de ménage (qui peut être un des parents, un frère ou une sœur); l’argent excédentaire est conservée par ces membres pour leurs propres dépenses; ils ne participent donc pas à l’ensemble des dépenses du ménage.

Malgré ces quelques réserves, les chercheurs ont opté pour prendre le niveau des revenus comme premier indicateur du niveau de vie, tout en considérant les critères suivants:

• le revenu des ménages et le nombre de personnes y contribuant,

• les dépenses, la capacité de couvrir les dépenses courantes et de réaliser les dépenses prioritaires,

• les conditions de logements et l’ameublement,

• la situation au niveau de l’emprunt,

• la fluctuations des revenus et les facteurs socio-économiques présidant à ces fluctuations.

L’ensemble des revenus peut être d’abord identifié à trois grandes sources:

–travail dans le secteur non étatique,

90,3% du revenu généré

–travail dans le secteur étatique,

8,5%

–retraites et pensions

1,2%

Parmi les travailleurs du secteur non étatique, 52,5% sont à leur propre compte et 47,5% sont des employés. Dans l’ensemble des travailleurs, 3,1% ont un double emploi (près de la moitié de ces travailleurs sont des employés du gouvernement qui ont un deuxième emploi à temps partiel).

Répartition des ménages selon l’origine des revenus

Ménages dont les revenus sont générés par des membres travaillant essentiellement pour le gouvernement

2,4% du total des ménages

Ménages dont les revenus sont générés par des membres travaillant essentiellement dans le secteur privé

81,3

Ménages dont les revenus sont générésà la fois par des membres travaillantdans le secteur publicet dans le secteur privé

15,1

Ménages dont aucun membre ne génère des revenus

1,2

Total

   100

Chacun des ménages compte en moyenne 5,8 personnes, dont 2,69 personnes qui génèrent des revenus. L’enquête révèle que les ménages mixtes (travaillant dans le secteur public et le secteur privé) ont le plus grand nombre de membres générant des revenus (une moyenne de 3,49 personnes par ménage); ensuite viennent les ménages dont le total des revenus est généré par les membres travaillant dans le secteur privé (une moyenne de 2,61 personnes par ménage). Les ménages dont les membres travaillent essentiellement dans le secteur public obtiennent la plus faible moyenne du nombre de personnes générant des revenus (1,72). Toutefois, ces ménages profitent d’une plus grande stabilité de revenus et environ 55,6% d’entre eux réussissent à boucler leur budget.

Afin d’avoir une vision plus complète des problèmes sociaux qui font obstacle à la possibilité d’augmentation du revenu des ménages, l’enquête s’est penchée sur le groupe des 15 à 60 ans ne générant pas de revenu. Ce groupe est constitué principalement d’étudiants et de ménagères (notons que le terme ménagère cache souvent une situation de sous-emploi). Selon les résultats de l’enquête, 59,5% du total des ménages ont des membres en âge de travailler mais n’apportant aucun revenu au foyer. En moyenne, chacun des ménages a un membre dans cette situation.

Les raisons pour lesquelles il n’y a pas de revenus générés
par un ou plusieurs membres du ménage sont les suivantes*

– Les personnes vont à l’école

8,1% (Groupe Centre: 13,9%)

– Les personnes font des travauxdomestiques

31,4 (Groupe Nord: 41%)

– Les personnes souffrent de maladies

30,3 (Groupe Sud: 34,3%)

– Les personnes sont sans travailparce qu’elles n’ont pas de profession

29,2

– Les personnes ont une professionmais ne trouvent pas d’emploi

9,4

– Les personnes ont été mises à pied

4,5

– Les personnes ont perdu leur travaildans leurs propres entreprises

2,2

– Autres raisons

11,2

* Chacune des personnes peut avoir plusieurs raisons, le total des pourcentages peut donc être supérieur à 100%.

Globalement, on peut retenir le portrait suivant: chaque ménage met a profit la majorité des personnes qui le composent pour composer son revenu total. La majorité de ces revenus sont précaires et originent d’activités dans le secteur informel. Les ménages composant leur revenu à partir de sources stables dans le secteur public et de sources variées mais instables dans le secteur privé ont plus de chance d’équilibrer leur budget.

Les résultats de l’enquête montrent que, pour les 747 ménages interrogés, le revenu mensuel moyen par habitant s’élève à 129242 dongs (11000 dongs valent environ 1 dollar américain) et les dépenses mensuelles moyennes par habitant se chiffrent à 126481 dongs. L’analyse de ces résultats peut se faire en distinguant quatre groupes de revenus (voir tableau ci-contre).

Groupes de revenus

Moyenne mensuelle des revenus
par personne et par ménage (dongs)

% des ménages

Moins de 60000

6,5

De 61000 à 100000

24,2

De 101000 à 150000

40,3

Plus de 150000

29,0

Total

100

Le premier groupe avec des revenus inférieurs à 60000 dongs par personne (groupe des « plus pauvres »).

Ces ménages sont les plus pauvres de tous les ménages interrogés. Bien qu’ils soient plus nombreux dans les arrondissements du groupe Nord (Phu Nhuan et Binh Thanh), ils sont présents dans tous les groupes d’arrondissements. Dans ces ménages, la moyenne du nombre de personnes générant des revenus est près de la moyenne. En revanche, le niveau des revenus est très bas, si bien que ces ménages font continuellement face au manque de nourriture et que leur bien-être est très précaire. Pour 48% de ces ménages, la surface habitable moyenne par personne n’est que de 3 mètres carrés et 52% des chefs de ménage ne voient pas d’issue à leurs mauvaises conditions de logement. Environ 17% de ces ménages n’ont pas les équipements domestiques de base (ustensiles, lits, tables etc.). Les chefs de ménage du groupe des plus pauvres soutiennent, dans une proportion de 58%, qu’ils vivent dans la pauvreté absolue.

Le deuxième groupe avec des revenus variant de 61000 dongs à 100000 dongs par personne (groupe des « très pauvres »).

Ce groupe est composé de ménages très pauvres en comparaison avec le niveau de vie moyen dans la ville. Ces ménages vivent principalement dans les groupes d’arrondissements Nord et Sud. Pour environ 48,9% d’entre eux, la surface habitable moyenne par personne n’est que de 3 mètres carrés et 40% des chefs de ménage disent ne pas avoir les moyens d’améliorer leurs logements. Environ 8,3% des ménages manquent d’équipements de cuisine. Plus des deux tiers de ces ménages ont à faire face au manque de nourriture ou vivent dans des conditions pénibles. Près de 64% des ménages de ce groupe ont contracté des dettes dans la dernière année.

Le troisième groupe avec des revenus variant de 101000 dongs à 150000 dongs par personne (groupe des « pauvres »).

Ce groupe représente 40% des ménages interrogés. Ils se localisent principalement dans les groupes d’arrondissements Centre et Sud, et ils profitent de meilleures conditions que les ménages des deux groupes précédents, principalement à cause du nombre plus élevé de personnes par ménage générant des revenus (2,2 membres comparativement à 2,1 membres pour les autres groupes). De plus, le nombre de personnes travaillant à leur compte est plus élevé que dans les deux autres groupes.

Le quatrième groupe avec des revenus supérieurs à 150000 dongs (mais ne dépassant pas 200000 dongs).

Ce groupe est composé principalement de ménages vivant dans les groupes d’arrondissements Sud et Centre. Ces ménages représentent 29% du total des ménages. Le statut de ce groupe fait l’objet de discussions. En effet, certains prétendent que ce ne sont pas des ménages pauvres, puisqu’ils touchent des revenus égaux ou supérieurs à la moyenne des revenus dans la ville. Pour les chercheurs, ce groupe de ménages, sous différents aspects, fait partie des ménages pauvres. Sous l’angle des conditions d’habitat ils rejoignent les autres groupes. En effet, plus de 78% de ces ménages vivent toujours dans des maisons en bordure des canaux et des fossés ou dans les îlots de pauvreté. Par contre, le nombre de personnes en âge de travailler qui ne génèrent pas de revenus est moins élevé que dans les autres groupes. De plus, dans les cinq dernières années, ce groupe est celui qui a vu le plus de ménages ayant « considérablement augmenté » ou «légèrement augmenté» leur niveau de vie. Il y a des signes qu’à long terme certains de ces ménages pourront quitter les quartiers pauvres. Les données sur ces ménages peuvent révéler certains parcours empruntés par les populations pauvres pour sortir de la pauvreté.

A l’instar des autres groupes, bien qu’avec moins d’emphase, les dépenses prioritaires vont à l’amélioration de l’alimentation. Toutefois, ces ménages dépensent plus que les autres groupes pour améliorer leurs logements et pour l’éducation des enfants. Ils sont aussi les moins nombreux à craindre de perdre leur emploi. Malgré des revenus relativement supérieurs à ceux des autres groupes et des signes positifs quant à l’amélioration du niveau de vie, les données recueillies ne permettent pas de conclure que ce groupe soit en train de sortir de la pauvreté. Environ 10% des chefs de ménage, interrogés au sujet de leurs projets d’avenir, affirment «espérer avoir des revenus suffisants pour vivre».

Les deux tableaux suivants illustrent la répartition des ménages des différentes catégories de revenus selon leur secteur d’activités et selon leur localisation.

Répartition des ménages des groupes de revenus en fonction du secteur d’activités

Secteurs d’activité des ménages

Moy. des membres générant des revenus

% des ménages Moins de 61000 dongs

% des ménages De 60000 à 100000 dongs

% des ménages de 101000 à 150000 dongs

% des ménages Plus de 150000 dongs

Total%

Moyenne mensuelle du revenu par personne (dongs)

Secteur public

1,72

5,6

27,8

33,3

33,3

100

130333

Secteur privé

2,61

6,1

23,8

41,7

28,4

100

129605

Secteurs public et privé

3,49

7,1

27,70

32,20

33

100

127848

A charge delà famille

0

22,2

0

66,7

11,1

100

120000

Répartition des ménages des groupes de revenus en fonction de la localisation

Groupes d’arr.

Moy. des membres des ménages générant des revenus

% des ménages Moins de 60000 dongs

% des ménages De 61000 à 100000 dongs

% des ménages de 101000 à 150000 dongs

% des ménages Plus de 150000 dongs

Total%

Moyenne mensuelle du revenu par habitant (dongs)

Groupe Centre (arr. I, II III)

2,46

4,2

15,7

45,3

34,8

100

139322

Groupe Nord (arr. Phu Nhuan, Binh Thanh)

2,75

10,1

34,2

34,9

20,8

100

115382

Groupe Sud (arr. IV, VIII)

2,81

6,4

25,6

39,3

28,7

100

128367

Le revenu mensuel moyen des ménages travaillant dans le secteur public est plus élevé que celui des ménages œuvrant dans les autres secteurs d’activités. La majorité des ménages dont les membres travaillent pour l’État touchent des revenus supérieurs à 101000 dongs, bien que le nombre moyen de membres générant des revenus (1,72) soit inférieur à celui des autres groupes de ménages.

Les effets d’une localisation au centre-ville sont positifs sur les revenus des ménages. Les données montrent qu’avec une moyenne inférieure (2,46) de membres générant des revenus, les ménages du groupe d’arrondissements du centre-ville touchent des revenus mensuels supérieurs à ceux des autres groupes d’arrondissements. De plus, les ménages les moins pauvres sont plus nombreux (34,7%) et la proportion des ménages les plus pauvres (4,2%) y est moins élevée que dans les autres groupes d’arrondissements. A l’inverse le groupe d’arrondissements Nord est celui où les revenus mensuels sont les plus faibles, où la proportion des ménages les plus pauvres est la plus élevée et où les ménages touchant des revenus relativement plus élevés sont les moins nombreux.

Localisation des lieux de travail

La caractéristique principale des activités à revenus pour plusieurs démunis tient au fait que les lieux de travail sont variables, particulièrement dans les domaines du petit commerce et des services offerts à petite échelle. Par contre dans le secteur non étatique de la production, l’enquête révèle la tendance inverse. Dans une large mesure, les activités liées à la production dans le secteur non étatique se déroulent en des lieux stables et définis. Dans ce secteur, les travailleurs gagnent leur vie en usine et en atelier ou à la maison, dans des proportions respectives de 58% et de 18,3%. Dans les arrondissements du groupe Sud cette tendance est clairement affirmée avec près de 87% de personnes travaillant dans des lieux stables. Dans les arrondissements du groupe Nord, la stabilité des lieux de travail est moins marquée avec 41,1% des personnes travaillant dans des endroits variables ou sur la rue. Le tableau suivant rend compte de ces situations.

Lieux de travail des pauvres dans le secteur non étatique de la production

Lieux de travail

%de travailleurs

%de travailleurs Groupe Centre

%de travailleurs Groupe Nord

%de travailleurs Groupe Sud

A la maison

18,3

21,8

7,3

20,0

A l’usine ou à l’atelier

58,0

52,5

46,4

67,0

Au marché

0,9

 

4,9

 

Sur rue

1,4

1,3

2,4

1,0

Variables

21,4

24,4

39,0

12,0

Total

100

100

100

100

Contrairement au secteur de la production non étatique, les affaires et le commerce impliquent une grande mobilité pour les populations pauvres. Ainsi les activités liées aux marchés sont plus le fait de déplacements continuels que d’emplois dans des kiosques ou des boutiques. Les personnes travaillant au petit commerce sur rue (35%), au marché (20,3%) et les vendeurs ambulants (25,8%) n’ont pas de lieux fixes de travail. Ces vendeurs représentent 81% des personnes œuvrant dans les affaires et le commerce. Les autres (19%) opèrent leur entreprises à partir du domicile ou de magasins.

Lieux de travail des pauvres
dans le secteur non étatique des affaires et du commerce

Lieux des affaires

%de vendeurs Groupe Centre

%de vendeurs Groupe Nord

%de vendeurs Groupe Sud

%de vendeurs

A la maison

14,5

19,3

13,0

12,0

Dans les magasins

4,4

3,5

1,4

3,0

Au marché

20,3

10,5

15,9

29,4

Sur rue

35,0

38,6

36,4

33,7

Variables

25,8

28,1

33,3

21,9

Total

100

100

100

100

Les activités liées aux services se déroulent souvent dans des lieux variables ou sur rue (56,1%). Les services considérés ici sont liés à des activités très simples pouvant être offertes sur rue (coiffeurs) ou de façon mobile. Les services comme le nettoyage de vaisselle, le travail d’assistants vendeurs ou de domestiques peuvent se faire soit dans le commerce même, soit à la maison (39,6%). Par contre, d’autres emplois nécessitent une grande mobilité; c’est le cas par exemple des conducteurs de cyclopousses, des porteurs, des cireurs de souliers, des aiguiseurs de couteaux etc. Dans les arrondissements Binh Thanh et Phu Nhuan, le taux de personnes impliquées dans les services mobiles est de 65,8%.

Lieux de travail des pauvres dans le secteur des services

Lieux de travail

% de travailleurs dans les services

% de travailleurs Groupe Centre

% de travailleurs Groupe Nord

% de travailleurs Groupe Sud

A la maison

20,3

17,0

19,4

22,4

Dans les commerces ou sur des emplacements définis

19,3

21,3

14,8

20,1

Au marché

4,3

1,4

 

7,7

Sur rue

8,9

11,3

8,3

7,7

Variables

47,2

49,0

57,5

42,1

Total

100

100

100

100

Sauf pour les travailleurs actifs dans le secteur de la production, la précarité des emplois et des revenus tient en bonne partie au caractère informel de l’activité. Ce caractère est en partie attachée à la marginalisation de l’activité sur le plan spatial. La majorité des marchands, commerçants et fournisseurs de service n’ont pas d’espace stable de travail, pour éviter, par exemple les frais de location et de taxes. Cependant, depuis peu, les percepteurs taxent même les marchands ambulants. On connaît aussi des cas où un commerçant établi taxe le vendeur de la rue qui occupe le trottoir en face de son commerce.

Dans les quartiers pauvres existent des réseaux d’entraide entre les personnes pratiquant différents métiers. Ces personnes échangent des savoir-faire, des compétences ou du matériel; c’est le cas, par exemple, dans l’arrondissement IV, des ponceurs de bois, tailleurs, poseurs de laque, producteurs de bâtonnets d’encens et, dans l’arrondissement XI, des fabricants d’articles de verre, de caoutchouc (principalement des Chinois), etc. Le sentiment d’appartenance de ces groupes à leur milieu est très fort, et les réseaux d’entraide efficaces. Par conséquent, une attention particulière doit être portée à ce fait dans les plans futurs de relocalisation des populations.

D’autre part, les travailleurs ambulants sont souvent menacés d’éviction et font régulièrement les frais d’opérations visant à régulariser le commerce sur rue. Même s’il faut à la fois consolider et développer de véritables marchés dans chacun des quartiers, une grande flexibilité s’avère nécessaire afin de ne pas punir les ménages pauvres dont les revenus dépendent largement du commerce ambulant et des services offerts sur rue.

Les dépenses

Pour les ménages pauvres, les dépenses moyennes mensuelles par habitant sont de 126481 dongs. En comparaison, les dépenses moyennes mensuelles par habitant, pour l’ensemble des résidents de la ville, équivalaient au double, en 1993, soit 249500 dongs.

Dépenses par habitant; ensemble des ménages dans la ville

Dépenses mensuelles par habitant

% des ménages

Plus de 552000 dongs

8,4

395000-552000

9,4

262000 - 395000

25,1

157000 - 262000

39,0

91000 - 157000

15,1

Moins de 91000

3,0

Source: GSO, 1994.

Le niveau des dépenses des ménages de l’échantillon est comparable à celui des ménages les plus pauvres de l’ensemble de la ville (c’est-à-dire en dessous de la moyenne et correspondant à environ 22 dollars américains par mois par personne). Par contre, la moyenne des dépenses mensuelles des ménage de l’échantillon se situe au niveau de celles des 18% des ménages les plus pauvres dans la ville. Avec les ménages de l’échantillon, nous sommes vraiment au bas de l’échelle.

Il va sans dire qu’avec un revenu mensuel moyen de 129242 dongs par habitant, la capacité d’épargne est très réduite. La grande majorité des ménages dépensent plus qu’ils ne gagnent; cette situation se retrouve tout particulièrement chez les ménages à revenus les plus bas.

Dépenses et revenus mensuels par personne

Dépenses mensuelles moyennes par personnes

Revenus inférieurs à 60000 dongs

Revenus de 60000 à 100000 dongs

Revenus de 101000 à 150000 dongs

Revenus supérieurs à 150000 dongs

Moins de 60000

60,1

10,0

 3,3

 2,8

De 60000 à 100000

31,5

58,9

24,3

 9,3

De 101000 à 150000

 4,2

28,3

51,4

32,4

Plus de 150000

 4,2

 2,8

21,0

55,5

Total

100

100

100

100

Au moins 40% des ménages avec un revenu moyen par personne inférieur à 60000 dongs dépensent plus qu’ils ne gagnent; 31,1% des ménages avec des revenus s’échelonnant de 61000 à 100000 dongs ont des dépenses supérieures à leurs revenus; enfin 21% des ménages du groupe des 101000 à 150000 dongs de revenus sont aussi dans cette situation.

Ces résultats montrent clairement pourquoi les chefs de ménage disent ne pas arriver à joindre les deux bouts. Le paiement des dettes et les déficits des mois précédents, les imprévus de toute sorte font partie du lot quotidien des démunis.

Évaluation subjective de la capacité de règlement des dépenses
par groupes de revenus (% des chefs de ménage)

Capacité de règlement des dépenses

Revenus inférieurs à 60000 dongs

Revenus de 60000 à 100000 dongs

Revenus de 101000 à 150000 dongs

Revenus supenéurs à 150000 dongs

Capacité de règlement

18,8

31,3

51,3

71,3

Difficulté de règlement

45,8

48,6

37,6

23,1

Dépenses excédentaires aux revenus

35,4

20,1

11,1

5,6

Total

100

100

100

100

La structure des dépenses mensuelles des ménages (%)

Dépenses pour la nourriture (incluant le carburant pour la cuisine)

68,9

Dépenses pour l’électricité

4,1

Dépenses pour l’eau

3,4

Dépenses pour l’éducation des enfants

4,1

Dépenses pour les soins de santé

3,5

Dépenses pour la location du logement et les taxes foncières

0,5

Autres

15,5

La structure des dépenses varie selon les arrondissements, particulièrement pour les sommes consenties à l’alimentation, à l’éducation et à la santé. Les ménages du groupe d’arrondissements Centre se distinguent par des revenus légèrement plus élevés ainsi que par des dépenses plus élevées (les prix sont aussi plus élevés dans les arrondissements du centre-ville). Les sommes consacrées à l’alimentation, l’électricité, l’éducation et la santé sont plus importantes dans les arrondissements centraux. A l’inverse, le groupe d’arrondissements Nord est celui où les dépenses totales sont les plus faibles et où celles relatives à l’alimentation, à l’électricité, aux services d’eau et à la santé sont très basses. Quant au groupe d’arrondissements Sud, il se situe entre les groupes Centre et Nord au niveau des dépenses totales et présente les plus bas taux des sommes consenties à l’éducation mais les plus hauts taux de dépenses pour la location du logement et les services d’eau.

En réponse à la question relative aux dépenses prioritaires envisagées, les chefs de ménage ont identifié les priorités suivantes:

–Amélioration de l’alimentation du ménage

74,3%

–Amélioration du logement

34,3%

–Investissement dans le domaine des affaires ou du commerce

23,7%.

Plus de 81,6% des ménages les plus pauvres voient comme première priorité l’amélioration de l’alimentation. Ceci indique que les problèmes de malnutrition ne sont pas complètement résolus.

Malgré de très bas revenus, les chefs de ménage du groupe d’arrondissements Nord identifient les priorités de dépenses suivantes: plus de 40% d’entre eux considèrent que l’amélioration de leurs logements et l’investissement futur dans les affaires sont des priorités. Ces résultats indiquent que même dans les quartiers à revenus les plus bas, le développement de sources de revenus et l’amélioration du logement sont des pré occupations majeures pour les ménages. Quant aux ménages dont les revenus sont plus élevés (dépassant 150000 dongs), 43,7% des chefs de ménage considèrent l’amélioration du logement comme une priorité de dépenses. Ceci n’est pas étranger aux mauvaises conditions de logements qui prévalent aussi pour ce groupe.

Les biens et les équipements

L’importance des biens et des équipements acquis par les ménages constitue un bon indicateur du niveau de vie des ménages. Les résultats de l’enquête permettent de formuler certains constats relatifs aux réalités économiques et culturelles des pauvres dans les grandes villes.

L’acquisition d’équipements ou de biens est motivée par des considérations pratiques: les biens ou équipements doivent avant tout servir au ménage à subvenir à ses besoins. Par exemple, les personnes de l’arrondissement IV, qui espèrent développer des relations commerciales stables dans l’approvisionnement en tissu du marché Dan Sinh, doivent utiliser des bicyclettes ou des motocyclettes pour le transport du tissu. Certains ménages n’ont pas de lit en bois ou d’armoire mais essaient, même au risque de s’endetter, de se procurer une motocyclette, peu importe qu’elle soit vieille ou en mauvaise condition. Il en est de même, par exemple, pour l’achat de machines à coudre. Certaines personnes peuvent demander: « pourquoi les pauvres achètent-ils des machines à coudre » (surtout quand on sait que même pour les ménages plus fortunés, cet achat est le fruit d’une mûre réflexion)? La réponse est toute simple: la machine à coudre est l’équipement de production du ménage.

La demande en divertissements et en information est très grande dans les quartiers pauvres. Les radiocassettes, les téléviseurs (même de vieilles télés couleurs) font partie des équipements de base pour plusieurs ménages. A l’instar des autres citadins, les populations des quartiers pauvres affectionnent les produits de consommation de masse, tels que le Coca-Cola ou les films vidéos.

Il existe un réseau commercial d’articles d’occasion qui se développe rapidement dans la ville. Les pauvres achètent ces articles à bas prix, particulièrement les appareils radio, les téléviseurs, les débris de construction (fer, brique émaillée etc.). Il n’est pas rare de voir un ménage pauvre de travailleurs de la construction habiter une maison avec un plancher de briques émaillées. Ces travailleurs achètent la brique à bas prix ou l’ob tiennent pour rien, en fouillant dans les débris des maisons détruites pour la reconstruction de la ville. Ceci étant dit, il est plus facile de comprendre que les ménages pauvres qui rencontrent des difficultés à boucler leur budget puissent être apparemment aussi bien équipés.

D’autre part, l’enquête a permis d’identifier trois types d’articles ou d’équipements utilisés par les ménages. Ces trois types peuvent se détailler ainsi: les biens servant à l’usage quotidien dans la maison: armoire de bois, lit, table et chaises; les biens pour la production, le transport: bicyclette et motocyclette; les biens pour le divertissement: radio-cassette, téléviseur noir et blanc, téléviseur couleur. Le tableau suivant indique la présence de ces articles dans les ménages interrogés (de l’article le plus répandu au moins répandu).

Pourcentage des ménages qui possèdent les biens définis plus haut

Biens

%de ménages pauvres

Armoire de bois

70,6

Bicyclette

61,4

Lit de bois

59,9

Table et chaises

38,5

Radiocassette

27,6

Téléviseur noir et blanc

11,9

Téléviseur couleur

10,7

Motocyclette

9,6

Aucun de ces articles

6,0

Si on considère la distribution de ces articles en fonction des secteurs d’activité des ménages, il appert que les ménages dont les membres travaillent dans le secteur public et les ménages dont les membres travaillent dans les secteurs public et privé (ménages mixtes) possèdent dans une plus grande proportion les biens et équipements mentionnés. Dans l’interprétation de ces données, les chercheurs ont accordé une attention particulière aux valeurs et aux styles de vie des différentes catégories socioprofessionnelles. Ainsi, ils avancent l’hypothèse que cette différence entre les employés de l’État et les employés du secteur privé serait davantage liée à des comportements et à un style de vie plus ordonné et plus discipliné des employés de l’État qu’à des considérations financières. En fait, on sait bien que l’achat de tels équipements, surtout quand il implique un emprunt, nécessite l’entrée régulière de revenus stables dont seuls les employés de l’État sont assurés.

Proportion des ménages possédant les articles identifiés
selon le secteur d’activité

Biens

% de ménages

% Ménages dont les membres travaillent pour l’État

% Ménages dont les membres travaillent dans le secteur privé

Ménages mixtes

Armoire en bois

70,6

83,3

69,6

78,6

Bicyclette

61,4

66,7

58,7

80,4

Lit de bois

59,9

66,7

58,9

63,4

Table et chaises

38,5

66,7

35,5

50,9

Radiocassette

27,6

44,4

26,5

33,9

Téléviseur noir et blanc

11,9

16,7

11,0

17,0

Téléviseur couleur

10,7

27,8

9,0

17,9

Motocyclette

9,6

16,7

8,1

17,9

Aucun de ces articles

6,0

5,6

6,6

1,8

En demandant aux chefs de ménage de comparer le niveau de vie actuel du ménage à celui d’il y a cinq ans, les chercheurs ont obtenu les réponses suivantes: 32,7% affirment que leur niveau de vie n’a pas changé; 26,9% considèrent qu’ils ont atteint un meilleur niveau de vie (5,9% de ces ménages ont « considérablement amélioré » leur niveau de vie, pendant que 21% d’entre eux ont connu une « légère amélioration »); enfin, 40,5% des ménages ont vu leur niveau de vie se dégrader. De façon générale, 60% des ménages maintiennent ou améliorent leur niveau de vie et 40% d’entre eux voient leur situation se détériorer.

Les ménages dont les revenus ont considérablement augmenté se retrouvent à 11,6% dans le groupe des ménages qui bénéficient d’un revenu mensuel par personne supérieur à 150000 dongs et dans une proportion de 12,5% dans le groupe des ménages mixtes (dont les membres travaillent dans le secteur public et dans le secteur privé). Les ménages qui ont amélioré légèrement leur niveau de vie se retrouvent principalement dans le groupe de ceux qui gagnent plus de 101000 dongs par personne par mois et qui travaillent dans le secteur privé. Compte tenu des réductions de personnel dans le secteur public et de la faible augmentation des salaires et des pensions, il est évident que les conditions les plus favorables pour l’amélioration des conditions économiques des ménages sont dans le secteur privé des activités économiques.

La baisse du niveau de vie au cours des cinq dernières années affecte surtout les ménages les plus pauvres et principalement ceux dont des membres sont soit invalides, soit en chômage. Les ménages mixtes et les ménages dont les revenus moyens par personne se situent en dessous de 100000 dongs ont été particulièrement affectés par la baisse du niveau de vie.

Les raisons générales qui expliquent l’amélioration ou la détérioration du niveau de vie des ménages sont de plusieurs ordres. Les raisons utilisées pour expliquer l’amélioration du niveau de vie sont les suivantes:

–Obtention d’un emploi stable

42,9% des ménages

–Enfants générant des revenus supplémentaires

40,4

–Moins de dette

4,2

–Assistance de l’État et des organisations communautaires

3,7

– Aide de la famille

3,7

Les raisons invoquées diffèrent d’un quartier à l’autre et selon les secteurs d’activité des ménages. Ainsi les ménages du groupe d’arrondissements Nord, ceux ayant des membres travaillant pour l’État, de même que ceux ayant le plus bas et, relativement, le plus haut niveau de vie dans la communauté, mettent l’accent sur l’obtention d’un emploi stable comme facteur principal expliquant l’amélioration du niveau de vie. Quant à eux, les ménages des groupes d’arrondissements Centre, ainsi que les ménages mixtes, attribuent leur situation au fait que les enfants plus âgés génèrent des revenus pour le ménage. L’allégement de la dette est plus souvent donné comme raison chez les ménages du groupe d’arrondissements Sud, où des opérations de lutte contre la pauvreté et la malnutrition, ainsi que des programmes d’aide, ont été mis en œuvre. L’aide apportée par la famille est une raison fréquemment invoquée chez les ménages du groupe d’arrondissements Centre et chez ceux dont les membres travaillent pour l’État.

L’emploi et la mobilisation de l’ensemble de la force de travail de la famille sont les principaux facteurs qui expliquent l’amélioration du niveau de vie. Pour les ménages les plus riches, cette voie est sans doute une porte de sortie de la pauvreté relative. Pour les ménages les plus pauvres, cela entraîne une réduction relative et temporaire de la gêne; cela se fait aussi au détriment de l’amélioration des conditions socio-économiques des ménages, particulièrement par le retrait des enfants de l’école. Il est assez évident que l’aide de l’État et du réseau social et communautaire est indispensable à l’amélioration des conditions. Dans les arrondissements du Sud, les programmes de l’État ont participé sensiblement à l’amélioration des conditions des ménages; ces programmes comportent des aides financières systématiques aux ménages dont le revenu moyen par personne est inférieur à 25000 dongs, des aides financières ad hoc, la réduction des coûts de scolarisation, entre autres.

Les raisons exprimées pour expliquer la baisse du niveau de vie des ménages sont les suivantes:

–Emploi instable

41,8% des ménages

–Membre du ménage souffrant
d’une grave maladie

19.5

–Augmentation du nombre d’enfants

14.9

–Un ou plusieurs membres en chômage

10.6

–Absence de soutien de famille

9.3

–Dettes accumulées

8.1

La plupart des raisons invoquées sont relatives aux facteurs suivants: la diminution du nombre de membres ayant du travail et l’accroissement des dépendants et des dettes. De plus, la capacité de travail est affectée par des facteurs tels que la faible accessibilité aux services de santé, la précarité des emplois, le manque de cohésion dans les familles et la structure familiale.

Les emplois instables viennent au premier rang des raisons invoquées, particulièrement chez les ménages travaillant dans le secteur privé. Plus de 47,8% de ces ménages, même ceux ayant des revenus mensuels supérieurs à 150000 dongs par personne, attribuent la baisse de leur niveau de vie à ce facteur.

Le groupe de ménages, qui évaluent leurs situations en terme de nettes insuffisances, expliquent celle-ci par la présence d’un membre malade dans le ménage. L’enquête a permis de découvrir que, dans 15,4% des ménages pauvres, il y a une personne invalide (traitée à la maison la plupart du temps) et que, dans 1,6% des ménages, il y en a deux. Pour les ménages de plus de 11 personnes, le taux des ménages ayant un malade à charge est de 38% et passe à 8% pour ceux qui ont deux malades à charge. Ces taux ne sont pas étonnants compte tenu des carences alimentaires dont souffrent ces ménages et de l’environnement pollué dans lequel ils vivent.

L’endettement

L’endettement des familles pauvres contribue à la baisse du niveau de vie et du revenu disponible pour la consommation. Le crédit en lui-même n’est pas nécessairement un indicateur valable pour décrire la pauvreté. Il est parfois un signe de prospérité (progrès du chiffre d’affaires, création d’emplois, revenu générant d’autres revenus). Cependant, il faut être prudent dans l’analyse de ce facteur chez les ménages pauvres. L’enquête a permis de constater que 60,5% des ménages interrogés étaient endettés et que cet endettement n’était pas un signe de prospérité. Trois grands constats se dégagent de l’analyse des données relatives à l’endettement:

1– les groupes de ménages pauvres à revenus moyens (62000–100000 dongs et 101000–150000) ont une forte proportion de ménages endettés;

2– plus la taille du ménage est grande, plus la dette est considérable;

3– plus les difficultés à équilibrer les dépenses et les revenus sont grandes, plus le recours à l’emprunt est fréquent.

L’emprunt moyen en 1993 était de 1257000 dongs par ménage. Généralement, dans les communautés pauvres, la somme moyenne des emprunts se situe dans une fourchette de 600000 à 2000000 dongs. Seulement 18% des ménages endettés ont contracté des emprunts inférieurs à 200000 dongs. Toutefois, 3,9% des ménages endettés ont contracté des emprunts supérieurs à 5000000 dongs. Parmi ceux-ci, on retrouve 5,4% des ménages dont les revenus sont relativement plus élevés et 12,5% des ménages dont les membres travaillent pour l’État. Plus de 58% des ménages endettés, qui identifient leur situation comme instable en termes économiques, empruntent des sommes allant de 100000 à 500000 dongs.

L’enquête a permis d’identifier à quoi servent les sommes empruntées:

–Nourriture et vêtements

52,5% des ménages endettés

–Investissement dans les affaires

39,8

–Services de santé

33,8

–Réparation du logement

16,7

–Éducation des enfants

5,6

–Funérailles et mariages

3,9

–Autres

8,2

Les besoins en nourriture et en vêtements motivent dans une large mesure le recours à l’emprunt. Un tiers des ménages ont aussi emprunté pour le traitement des malades. Cependant, près de 40% des ménages empruntent pour réinvestir dans les affaires, espérant ainsi améliorer leur niveau de vie.

Il semble donc qu’il faudrait mener des études plus poussées sur ce sujet. Mais, à première vue, il y a deux types d’emprunteurs; d’abord des ménages moins pauvres, assurés d’au moins un revenu fixe du secteur public et qui empruntent des sommes relativement importantes pour investir; puis des ménages très pauvres qui empruntent de petites sommes pour joindre les deux bouts et pour faire face à des accidents, comme la maladie par exemple.

La réparation des logements et l’éducation des enfants font partie des raisons d’emprunter qui peuvent, à court et à long termes, contribuer à l’amélioration du niveau de vie. La fréquence de ces emprunts est encore peu élevé compte tenu des priorités accordées, dans le budget des familles, aux besoins de base comme la nourriture et les vêtements.

Les sommes empruntées proviennent de différentes sources:

–Institutions de crédit privées

57% des ménages endettés

–Institutions de crédit d’État et organisations populaires

24,3

–Voisins

14,8

–Parents (prêts sans intérêt)

12,2

–Amis (prêts souvent sans intérêt)

4,6

–Autres

5,3

Chez les ménages d’origine chinoise, l’emprunt à des parents (18,7%) et à des amis (9,45%) est de pratique plus courante que chez les ménages vietnamiens. Le recours à des institutions privées de crédit (qui pratiquent de hauts taux d’intérêts) est par contre moins fréquent chez les Chinois que chez les Vietnamiens (50% contre 58,6%). Il semble que le rôle des institutions publiques et des organisations populaires soit modeste à cet égard (seulement 25% des ménages empruntent des institutions publiques). Par contre, près de 60% des ménages sont aux prises avec les institutions privées de crédit qui pratiquent des taux d’intérêts mensuels variant de 20% à 60%, selon les modalités des emprunts.

L’habitat comme indicateur de la situation sociale des pauvres

Cette étude a porté jusqu’à présent sur les processus de formation des quartiers pauvres, sur les mouvements migratoires, sur la démographie, sur la structure du travail, des revenus et des dépenses des populations pauvres à Hô Chi Minh-Ville. Ces différents aspects peuvent être redéfinis à partir d’un indicateur synthétique: les conditions d’habitat.

L’importance de la question du logement à Hô Chi Minh-Ville ne peut être sous-estimée. En effet, la ville connaît une croissance rapide mettant en jeu un nombre toujours plus grand de forces socio-économiques, qui exigent à leur tour de plus en plus de ressources. Dans ce contexte, l’adoption de stratégies de gestion et de planification pertinentes à la résolution des problèmes d’habitat comporte des enjeux majeurs quant au développement d’ensemble de la ville.

Les populations pauvres font partie du fait urbain; elles contribuent au développement économique aussi bien dans le secteur formel de l’économie que dans le secteur informel. Les quartiers pauvres sont inscrits dans la trame urbaine et ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Dans le processus devant conduire à améliorer les conditions de vie des populations urbaines, une stratégie claire de réorganisation et d’amélioration de l’habitat dans les quartiers pauvres doit être mise en œuvre. Cette stratégie doit être considérée comme une composante organique des stratégies d’ensemble de développement. Ceci pose une série de nouvelles questions aux décideurs, aux planificateurs et aux gestionnaires:

• La meilleure stratégie doit-elle viser à remplacer les logements insalubres par de nouvelles constructions, ou doit-on plutôt privilégier la réhabilitation sur place des logements existants? Dans quelle mesure les populations pauvres peuvent-elles contribuer à cette réhabilitation?

• La démolition massive de logements dans les quartiers insalubres et la construction de nouveaux projets domiciliaires favoriseront-elles la réinsertion sociale des populations dans les quartiers ou, au contraire, altéreront-elles davantage les conditions de vie de populations déjà pauvres et désavantagées?

• Quel rôle incombe à l’État dans cette restructuration de l’espace urbain?

Les résultats de l’enquête, concernant les conditions de logement des ménages, apportent un éclairage nouveau sur le choix de stratégies pertinentes quant à l’avenir de ces quartiers.

Habitat et foncier: système de propriété, droit d’usage, légalité

Le taux des propriétaires-occupants est de 88,9%. Dans la perspective d’implantation de programmes de réhabilitation des logements, le taux élevé de propriétaires-occupants peut favoriser une participation volontaire et active des populations à ces opérations.

Les propriétaires occupants se répartissent comme suit:

• Maison et terrain obtenus par héritage

28%

• Maisons privées construites sur des terrains publics

19,5%

• Maisons privées achetées avant 1986

30,5%

• Maisons privées achetées après 1986

22%

Les ménages qui ne sont pas propriétaires occupent des logements publics (6,9% des ménages) ou sont locataires de petits propriétaires (4,2%).

Par ailleurs, plusieurs situations irrégulières existent quant au statut légal des propriétés et au droit de construire. Parmi les ménages interrogées, 27,5% n’ont pas de certificat de droit d’usage des lieux; 22,5% des ménages ne possèdent pas les titres de propriété de leurs logements et 13,7% n’ont que des titres partiels de propriété des logements ou des terrains. La situation partiellement illégale (documents incomplets ou inexistants) des propriétés qui ont été achetées, transférées ou acquises avant 1975 est aussi problématique. Parmi les ménages qui ont quitté la ville pour les nouvelles zones économiques (entre 1975 et 1978), il y a une proportion plus élevée que la moyenne (1 à 3% de plus) de ménages n’ayant aucun titre de propriété.

L’échange ou le transfert de logements ou de terrains en dehors du cadre légal officiel est une habitude qui persiste dans les communautés pauvres. Un retour, sur les grandes périodes de migrations qu’a connues la ville, montre que les titres de propriété ont été particulièrement difficiles à obtenir entre 1966 et 1975 (période d’urbanisation forcée) et entre 1986 et 1994 (nouvelle vague d’immigration vers le centre-ville). L’absence de titres légaux de propriété semble avoir été un problème pendant toutes les périodes de croissance de la ville, exception faite de la décennie 1955–1965 où il semblait régner un meilleur contrôle à ce niveau.

L’enquête révèle que les ménages occupent une surface moyenne au sol équivalente à 26,34 mètres carrés. Toutefois, cette surface tend à varier selon la taille, le niveau de revenu, l’activité professionnelle des ménages et le lieu de résidence.

– Groupe d’arrondissements Centre (arr. I, II, III)

26,38 m2 par ménage

– Groupe d’arrondissements Nord
(arr. Binh Thanh et Phu Nhuan)

29,64 m2 par ménage

– Groupe d’arrondissements Sud
(arr. IV et VIII)

24,95 m2 par ménage

Le développement historique, la disponibilité du sol et le degré d’implantation des populations pauvres dans les quartiers expliquent les variations de surfaces au sol selon le lieu de résidence.

La surface habitable par ménage (sans l’ajout d’une pièce supplémentaire sur le toit ou les balcons) est en moyenne de 21,01 m2, soit 4,41 m2 par personne. Dans chacun des groupes d’arrondissements la surface habitable par personne présente le profil suivant:

– Groupe d’arrondissements Centre
(arr. I, II, III)

4,58 m2 en moyenne par personne

– Groupe d’arrondissements Nord
(arr. Binh Thanh et Phu Nhuan)

4,75 m2 en moyenne par personne

– Groupe d’arrondissements Sud
(arr. IV et VIII)

4,16 m2 en moyenne par personne

A cause de la croissance des ménages et des activités économiques qui se déroulent souvent à la maison, plusieurs ménages ont eu recours à la construction de pièces supplémentaires sur le toit ou sur les balcons afin d’augmenter l’espace habitable. Cette solution a pour avantages de ne nécessiter aucune utilisation de terrain supplémentaire, d’éviter la construction souvent coûteuse de murs ou de toits. Chaque ménage peut avoir plusieurs pièces ainsi superposées ou juxtaposées. Selon l’enquête, 40,7% des ménages procèdent à ces ajouts. On retrouve une grande pro portion de ces ménages dans les arrondissements I, III, VIII et dans les groupes Centre et Sud. Les ménages ayant recours à cette solution se situent principalement dans le groupe de ménages dont les revenus mensuels s’échelonnent de 101000 à 150000 dongs par personne.

Répartition des surfaces habitables moyennes (n’incluant pas les ajouts)
par personne dans les groupes d’arrondissements

Surface habitable
moy. par personne

Total des ménages

Groupe d’arr. Centre

Groupe d’arr. Nord

Groupe d’arr. Sud

Moins de 3 m2

43,5

43,3

36,4

46,6

3 m2 -6 m2

38,0

36,1

41,1

38,0

6 m2-!2 m2

15,7

17,2

18,5

13,4

Plus de 12m2

2,8

3,4

4,0

2,0

Total

100

100

100

100

Répartition des surfaces habitables moyennes (incluant les ajouts)
par personne dans les groupes d’arrondissements

Surface habitable moy.
par personne (incluant les ajouts)

Total des ménages

Groupe d’an. Centre

Groupe d’arr. Nord

Groupe d’arr. Sud

Moins de 3 m2

29,6

22,3

33,1

33,0

3 m2-6 m2

40,5

38,6

42,4

41,1

6m2-12m2

24,5

32,8

19,2

21,2

Plus de 12 m2

5,4

6,3

5,3

4,7

Total

100

100

100

100

Les deux tableaux précédents montrent que l’ajout de pièces supplémentaires sur le toit ou les balcons augmente considérablement la surface habitable par personne. Cependant cet espace supplémentaire, construit de manière rudimentaire, ne devrait pas permettre de comparaison avec les surfaces habitables moyennes pour l’ensemble du centre-ville. Ces constructions sont sommaires et non enregistrées par l’administration municipale. La très grande majorité des ménages jouissent de surfaces moyennes habitables nettement sous l’objectif national d’assurer au moins 6 mètres carrés de surface habitable par personne. Les populations pauvres des arrondissements centraux semblent «relativement» moins défavorisées que les autres. Il est difficile d’expliquer cette situation autrement que par l’âge des établissements sans doute. Mais comme les prin cipaux programmes d’amélioration ou d’éradication de l’habitat insalubre touchent d’abord les arrondissements centraux, cela va poser problèmes, dont les problèmes des coûts associés à la compensation pour la perte des surfaces habitables.

De nombreux ménages ne possèdent pas les commodités sanitaires de base. De plus, dans 50% des cas, les cuisines et les toilettes sont inexistantes.

Cuisine

 

Pas de cuisine

45,8% du total des ménages

Cuisine séparée

49,9

Cuisine partagée avec un autre ménage

3,6

Cuisine partagée avec 2 autres ménages

0,7

Salle de bain

 

Pas de salle de bain indépendante

32,9

Salle de bain indépendante

61,5

Salle de bain partagée avec un autre ménage

4,3

Salle de bain partagée avec 2 autres ménages

1,3

Toilettes

 

Toilettes indépendantes

22,7

Toilettes partagées avec d’autres ménages

19,9

Évacuation directe dans les canaux et fossés

57,4

Au niveau des services, la situation se présente de cette façon:

Électricité:

93,7% des ménages ont accès au réseau d’alimentation électrique, mais dans la majorité des cas, les ménages se branchent directement sur les maisons voisines. Ceci crée une forte densité de câblage électrique partant dans toutes les directions et augmente les risques d’incendies ou d’accidents.

Ménages avec compteur électrique indépendant

 23,1

Ménages utilisant un autre compteur

67, 5

Ménages sans électricité

6, 6

Aucune donnée

2, 8

Approvisionnement en eau:

 

Alimentation

Lavage

Ménages ayant accès à un robinet privé

23,5%

23,3%

Ménages partageant un robinet public

32,8

30,7

Ménages achetant l’eau au sceau

23,9

20,7

Ménages utilisant l’eau d’un puits

17,4

23,2

Autres

2,4

2,1

Évacuation des eaux:

L’évacuation des eaux se fait de quatre façons:

Dans les égouts

56,8

Sur le sol

5,6

Par infiltration

5,2

Déversement dans les canaux

32,4

(89% des maisons situées le long des canaux et des fossés et 44,7% des maisons de chaume ou de bambou déversent directement leurs eaux usées dans les canaux).

La collecte des déchets domestiques:

Collecte à domicile

32,4

Points de collecte à proximité des domiciles

17,60

Aucun système de collecte

50,0

(50% des ménages du groupe d’arrondissements Centre et 83,8% des ménages vivant en bordure des canaux et fossés n’ont pas de système de collecte).

La pollution causée par l’accumulation des ordures est très sérieuse: 82% du total des ménages vivent dans un environnement qu’ils estiment très pollué (38,2%) ou moyennement pollué (44,2%) par les déchets.

Les chefs de ménage ont soulevé d’importantes inquiétudes relatives à leur milieu de vie: les maisons sont souvent construites sur des terrains sujets à être inondés ou érodés, dans des zones extrêmement polluées. Plus de 36% des ménages qualifient leur environnement de dangereux. Ce taux passe à 50% pour les ménages habitant les immeubles à logements multiples dégradés et à 52% pour ceux vivant en bordure des canaux et fossés.

Ce portrait ressemble exactement à celui qu’on pourrait tirer de n’importe quel quartier précaire urbain dans les villes des pays en développement. Mais ici, la situation est extrême et les améliorations lointaines quand on sait l’insuffisance totale des infrastructures existantes. Il ne s’agit donc pas de mieux desservir ces quartiers, ce qui serait impossible compte tenu de l’état général la ville. D’autre part, ici, la majorité de ces quartiers sont inscrits dans la trame urbaine, très souvent dans la trame centrale.

Les conditions d’habitat et la santé

Les statistiques indiquent que, pour l’ensemble de la ville, la moyenne de l’espace habitable par personne est de 5,8 m2, comparativement à 4,41 m2 (sans l’ajout d’une pièce supplémentaire) et à plus de 5 m2 (avec l’ajout) chez les ménages de l’échantillon. Cet indicateur n’est donc pas très révélateur de la nature des disparités. Par contre, les conditions d’habitat des populations pauvres sont, quant à elles, fort révélatrices.

Environ 43% des ménages interrogés ont une moyenne d’espace habitable par personne inférieure à 3 m2. De plus, les maisons sont construites avec des matériaux de mauvaise qualité, les toits sont de véritables passoires pendant la saison des pluies et les maisons deviennent aussi chaudes que des fours pendant l’été. Environ 50% des ménages n’ont pas de cuisine ou de salle de bains convenables; plus de 70% d’entre eux partagent avec d’autres ménages des toilettes publiques souvent éloignées du domicile et mal entretenues; certains doivent même débourser 200 dongs pour chaque usage. Pour 70% des ménages, les branchements électriques anarchiques impliquent des risques d’accidents ou d’incendies en plus de fournir l’électricité à prix plus élevé que le prix officiel. Un quart des ménages doit acheter l’eau au sceau au prix minimum de 500 dongs la paire. L’eau pour le lavage est puisée à même les canaux et les fossés. La proximité des milieux aquatiques entraîne la prolifération des moustiques, menaçant ainsi la santé publique. Enfin, 77% des ménages vivent dans des milieux pollués par l’accumulation de déchets.

Une telle pauvreté des services publics de base et un environnement aussi dégradé ont des conséquences néfastes sur la santé des populations pauvres. Les statistiques affichent des taux élevés de tuberculose, d’asthme, de maladies mentales, d’infections des yeux et de maladies industrielles (intoxication, blessures causées par le verre ou le métal lors des activités de recyclage etc.). Selon une longue entrevue réalisée par les chercheurs dans l’arrondissement Binh Thanh, les ménages ne recourent aux services hospitaliers qu’en dernière instance. Généralement, les malades sont traités à la maison avec des médicaments achetés à des vendeurs ambulants de produits pharmaceutiques. Il n’est pas rare que le ménage doive emprunter pour supporter le coût des traitements. Au moment de l’enquête, 17% des ménages avaient un ou deux malades à charge au domicile.

Les façons d’améliorer l’habitat et l’environnement

Malgré des revenus limités, des difficultés à boucler le budget familial tout en remboursant les dettes contractées, les ménages dépensent une partie de leurs revenus à l’amélioration des logements et du milieu de vie.

Au cours des deux dernières années, 55,2% des ménages de l’échantillon ont apporté les améliorations suivantes à leur environnement:

Réparation de fissures, réfection du toit, et cimentation du plancher

27,6%

Peinture des ouvertures, enduit de chaux sur les murs

18,9%

Agrandissement de l’espace habitable (incluant les ajouts sur toit et balcon)

7,3%

Organisation de nouvelles pièces pour certains membres du ménage

1,4%

En plus de l’effort consenti à partir de leurs propres ressources, 8,4% des ménages ont pu profiter d’aides de l’État, des entreprises, des organisations populaires et communautaires.

La plupart du temps, ce sont les ménages eux-mêmes (souvent avec l’assistance du voisinage) qui effectuent les travaux en utilisant des matériaux recyclés ou d’occasion. Dans certains quartiers, des activités communautaires sont organisées pour promouvoir les projets de rénovation. Cette nouvelle forme d’organisation est apparue graduellement au cours des 10 dernières années (communauté Hiep Thanh, quartier 12, arrondissement IV; quartier Tan Dinh, arrondissement I; quartier 9, arrondissement III). Les résidents coordonnent entre eux un large éventail d’activités: l’expansion du réseau d’approvisionnement en eau (ou des points d’eau potable), du réseau électrique; le nettoyage des égouts; le pavage des routes ou encore le développement d’un réseau de crédit avantageux (avec des taux d’intérêts peu élevés et la possibilité de remboursements quotidiens).

Selon les chercheurs, ces activités communautaires sont encore très faiblement développées, principalement parce que les gestionnaires ne sont pas encore familiers avec cette nouvelle forme d’activité. Elle n’est donc pas considérée comme un élément moteur pouvant encourager les gens à régler eux-mêmes leurs problèmes tout en étant appuyés par l’État.

En ce qui concerne les projets futurs des ménages, l’amélioration des conditions de vie est le projet le plus souvent mentionné (62%) et, quand ils expriment leurs plus pressantes aspirations, 42,7% des ménages mentionnent le fait de «pouvoir réparer leurs maisons». Les stratégies des ménages pour améliorer leurs conditions de vie sont élaborées en fonction du logement:

• 50,2% des ménages amélioreraient leur logement actuel.

• 5,6% essaieraient de vendre leur logement pour déménager ailleurs.

• 5,6% ont d’autres projets pour améliorer leurs conditions de vie.

Naturellement, pour réaliser ces projets, les ménages espèrent avoir un support de l’État, des organisations populaires ou de la famille. Cependant, plus du tiers des ménages (35,5%) sont convaincus qu’ils n’y a aucune possibilité d’améliorer leurs logements dans un avenir rapproché. Ce taux augmente à 52% dans la catégorie des ménages à plus bas revenu.

Stratégies d’amélioration des conditions de vie des groupes de ménages
(classés selon le niveau de vie, tel que perçu et exprimé par les chefs de
ménage) (Réponses multiples)

Stratégies

Ménages au niveau de vie temporairement suffisant

Ménages au niveau de vie insuffisant

Ménages au niveau de vie médiocre et insuffisant

Total des ménages

Aucun projet

4,5

2,5

1,0

3,0

Amélioration de la résidence actuelle

56,9

51,0

29,8

50,2

Vente de la résidence actuelle et déménagement

8,0

4,5

2,9

5,6

Autres façons d’améliorer leurs conditions de vie

6,9

4,8

4,8

5,6

Aucune possibilité d’amélioration du logement

23,7

37,2

61,5

35,6

Total

38,6

47,5

13,9

100

La nouvelle politique économique («doi moi») a généré une expansion sans précédent de la construction et de la rénovation dans le domaine de l’habitat (aujourd’hui, 83,4% des quartiers résidentiels de la ville appartiennent à des intérêts privés). En 4 ans, de 1990 à 1993, on a construit 14373 maisons, qui ont en moyenne 2,64 étages, soit une surface habitable totale de 2778478 m2. En incluant ce que l’Etat a construit dans cette même période, la ville possède aujourd’hui 3500000 m2 de surface habitable de plus. Cependant, ces nouvelles constructions n’ont pas eu pour conséquence d’augmenter la moyenne de l’espace habitable par personne. En 1975, le taux était de 7,5 m2 par personne, alors qu’en 1994 il atteignait seulement 5,8 m2. Les effets des nouvelles constructions sur l’amélioration des conditions de vie ne se sont donc pas fait sentir. Dans la période 1990–1992, plus de 400 logements ont été construits, sur un fonds de développement de la ville, et puis vendus à des ménages bénéficiant de la politique de l’État (principalement des employés de l’État). Environ 700 autres logements ont été construits et vendus à des employés de l’État ou à des ménages défavorisés.

Le prix de revient de ces unités n’a pas été bien évalué; en conséquence le prix de vente est resté relativement élevé, excluant par le fait même la majorité des ménages pauvres de ce marché. Malgré ce fait, 25% des employés de l’État ont accédé à un logement stable.

Récemment, la Confédération du travail de Hô Chi Minh-Ville, en collaboration avec la Chambre de Commerce, a mis sur pied un nouveau programme visant à trouver une solution au logement des employés de l’État vivant dans les pires conditions.

Au cours des 20 dernières années, 5000 logements insalubres ont été démolis; 15000 maisons ont été construites pour les familles des soldats invalides, morts au combat ou ayant contribué à la révolution. Toutefois, le problème des logements insalubres persiste et s’amplifie: au moment de l’enquête il y avait encore 67000 logements insalubres le long des canaux et fossés, soit 20000 de plus qu’en 1977. Par ailleurs avec le passage à l’économie de marché, le prix des maisons et des terrains ne cesse d’augmenter.

Pour les années à venir, selon les chercheurs, la solution fondamentale aux problèmes du logement à Hô Chi Minh-Ville passera nécessairement par une implication plus grande de l’État. Ce dernier doit créer des conditions favorables à la prise en main, par les populations pauvres elles-mêmes, de l’amélioration des conditions d’habitat.

Le plan directeur de la Ville et le plan de développement économique prévoient un changement de vocation des zones habitées par les populations pauvres, particulièrement le long des canaux et des fossés. D’un côté, cela peut être bénéfique pour les populations pauvres en leur permettant de quitter ces endroits polluées. D’un autre côté, ces déplacements risquent de détruire la base de travail et les sources de revenus de ces ménages.

Il y a eu de nombreuses discussions afin de trouver les meilleures compensations possibles pour ces déplacés. Un certain nombre de projets ont été mis en œuvre, mais jusqu’à présent aucune solution adéquate n’a été trouvée. Selon les chercheurs, il est urgent de trouver des mécanismes d’atténuation des impacts négatifs de la délocalisation, car la croissance générale de la ville risque de se faire au détriment des ménages les plus pauvres.

L’analyse des données sur les conditions d’habitat des populations pauvres a conduit les chercheurs à formuler quatre grandes orientations devant inspirer les stratégies d’amélioration de l’habitat à Hô Chi Minh-Ville:

1– L’État, par ses politiques, doit jouer un rôle clé dans la restructuration de la ville. L’eradication de la pauvreté doit être l’objectif stratégique à atteindre. La relocalisation des populations pauvres, désireuses de s’installer en dehors de la ville, doit être accompagnée d’une série de mesures de soutien et de financement adéquat.

2– L’orientation prise de démolir les logements insalubres le long des canaux (actuellement la ville réalise une telle opération sur le canal Nhieu Loc-Thi Nghe) est parfaitement justifiée en regard des objectifs poursuivis: développement d’une nouvelle aire économique, déploiement des activités culturelles et réhabilitation des paysages naturels. Ces projets doivent toutefois être menés, d’une part, de façon à garantir une relocalisation adéquate des déplacés et, d’autre part, à favoriser la création d’emplois afin de maintenir les revenus des ménages à un niveau convenable. Des mécanismes doivent être mis en place afin d’effectuer un suivi du processus de réintégration des ménages dans les nouvelles zones (incluant l’éducation des enfants, les conditions de vie des femmes et l’accès aux services urbains de base).

3– L’État doit prendre en main l’amélioration des infrastructures dans les quartiers pauvres. Les communautés et les ménages doivent aussi être partie prenante de ce processus. Le système des crédits accordés par l’État doit se développer et les programmes de crédits des communautés (avec des taux d’intérêt peu élevés et des termes de remboursements appropriés) doivent être encouragés afin de permettre l’amélioration des logements et la stimulation de l’emploi.

4– Dans la perspective d’amélioration des conditions d’habitat, un programme graduel et individualisé de régularisation des titres de propriété et d’enregistrement des ménages devrait être mis en place.

Conclusion

Conformément aux hypothèses de départ, les résultats de l’enquête révèlent que le revenu s’avère un indicateur important dans la mesure du niveau de vie des populations; cependant plusieurs autres facteurs interviennent sur les conditions de vie. Les chercheurs ont déterminé que les facteurs suivants doivent être combinés à l’indicateur du revenu afin de tracer un portrait plus précis des réelles conditions de vie des pauvres:

• le nombre moyen de personnes générant des revenus dans le ménage,

• la capacité des ménages à équilibrer les revenus et les dépenses mensuels,

• le logement dans son environnement (niveau de pollution),

• les services urbains de base.

Les résultats de l’enquête ont démontré que les variations du niveau de vie, dans le contexte de l’économie de marché, devraient faire l’objet d’un suivi particulier. En ce sens, une attention particulière devra être portée aux raisons socio-économiques ou professionnelles expliquant ces variations. Les événements particuliers, qui altèrent de façon significative les conditions de vie des ménages, devront aussi être considérés. De cette façon, une évaluation du risque d’exclusion des populations pauvres, quant à l’accès à de meilleures conditions de logement, pourra être réalisée.

De plus, il existe présentement certains signes de marginalisation des pauvres de Hô Chi Minh-Ville dans le processus du passage à l’économie de marché. L’implication des pauvres dans l’amélioration des condi tions d’habitat est une façon de faire obstacle à cette exclusion. Dans les quartiers où les activités communautaires sont fortement développées, la capacité d’épargne des pauvres connaît une augmentation. Un certain nombre d’initiatives en ce sens ont été réalisées par l’État et les syndicats, il est toutefois encore trop tôt pour juger de leur performance.

La relation des populations pauvres avec le secteur informel de l’économie occupe une place importante dans l’économie urbaine. Le niveau de vie et les conditions d’existence dépendent en grande partie des activités générées dans ce secteur de l’économie. Loin d’être un poids pour la société, les populations pauvres constituent un bassin de main-d’œuvre flexible et nécessaire au bon fonctionnement de l’économie urbaine.

Enfin, le faible niveau d’éducation et de formation parmi les jeunes générations risque de perdurer encore longtemps. Les ressources humaines dans les quartiers pauvres ne se développent pas à un rythme suffisant pour répondre aux besoins de développement de la ville. L’activité économique des populations pauvres, dans le secteur informel, les confine à des emplois non qualifiés. Dans le contexte d’une économie de marché, les faibles niveaux d’éducation et de formation ont des impacts certains sur le niveau de vie des démunis.

Suite à ces considérations, les chercheurs ont mis de l’avant un certain nombre de recommandations relatives à l’emploi, aux stratégies de planification urbaine et de développement des activités communautaires.

Recommandations sur les stratégies relatives à l’emploi

La priorité devrait être donnée au développement des ressources humaines dans les quartiers pauvres en assurant l’éducation, les soins de santé des enfants et des adolescents et en développant des réseaux de formation professionnelle pour les jeunes et les femmes.

Afin d’élaborer des politiques adéquates relatives à l’emploi, le rôle du secteur informel dans les activités économiques et les mécanismes qui le lient à la vie économique d’ensemble de la cité devront faire l’objet d’études ultérieures. Des recherches plus extensives sur les formes d’organisation du travail dans les différents quartiers pauvres devraient permettre d’élaborer des plans souples et adéquats de gestion de l’emploi pour ces communautés.

Recommandations sur les stratégies de planification urbaine

La pauvreté et l’habitat insalubre existent depuis fort longtemps. L’orientation principale pour guider les stratégies d’amélioration de l’habitat à Hô Chi Minh-Ville devrait reposer sur la création de conditions favorables à la réhabilitation sur site des quartiers pauvres. Cette orientation ne saurait être mise en œuvre sans la participation des ménages pauvres eux-mêmes et sans le support de l’État et des organismes communautaires.

La décision, émanant du plan directeur d’aménagement de la ville et des programmes de développement économique, qui consiste à démolir certains quartiers pauvres, devrait être guidée par les considérations suivantes:

Plusieurs aspects devraient être considérés avant de prendre cette décision. Les chercheurs sont d’accord avec le Service du logement et du foncier de la Ville de ne raser que les quartiers qui sont, de l’avis général, les plus dégradés. Cependant, dans le contexte de pressions économiques croissantes sur le domaine foncier, une évaluation des impacts sociaux de ces opérations devient de plus en plus nécessaire avant toute prise de décision.

En outre, la pertinence de ces opérations devrait aussi être mesurée en terme d’impacts du nouvel environnement sur la vie des ménages: intégration et stabilité des ménages dans cet environnement, possibilités de création d’emplois.

Dans les cas où des terrains publics sont occupés par du logement insalubre, une attention devrait être accordée à l’histoire d’implantation des ménages sur ces terrains, particulièrement du point de vue des droits de propriété et des droits d’occupation du sol.

Recommandations sur les stratégies de développement
des activités communautaires

Le développement des activités communautaires dans les quartiers pauvres devrait s’appuyer sur une synthèse des expériences réalisées à Hô Chi Minh-Ville et dans les autres villes du pays. Ces expériences démontrent l’importance du rôle des travailleurs communautaires dans l’organisation des activités et la nécessité d’une participation active d’un nombre croissant de membres. Les autorités locales et les organisations populaires sont appelées à soutenir ce processus.

La création de nouvelles formes de crédit dans les communautés se révèle tout aussi importante. Quand les conditions le permettent, la création de banques, permettant l’accès pour les ménages pauvres aux ressources financières nécessaires à l’amélioration des logements et du milieu de vie, devrait être encouragée.

Page laissée vide intentionnellement

5
Des interventions ciblées
sur le logement des pauvres à Hanoi1

Compte tenu des résultats des analyses sur la situation des populations pauvres, à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville, les chercheurs de l’Université d’Architecture de Hanoi s’étaient donné les objectifs suivants:

– trouver des solutions pour la conception architecturale et les politiques de logement à destination des populations pauvres, afin d’aider celles-ci à construire ou à améliorer leur logement de façon à atteindre un niveau de confort suffisant avec l’aide de la communauté et du gouvernement;

– identifier des façons et des méthodes permettant de produire du logement à faibles coûts pour les populations pauvres; suggérer des critères appropriés et des normes de construction basés sur l’analyse comparée d’expériences étrangères, des enquêtes sociologiques et des analyses sur le terrain;

– suggérer des améliorations, pour les habitations existantes, qui soient en accord avec l’action environnementale globale de la Ville de Hanoi;

– déterminer le rôle des différents groupes sociaux (communauté, entreprises privées de construction, gouvernements locaux, gouvernement central) pour mieux répartir la gestion des ressources en matière d’amélioration des logements pour les pauvres.

Les chercheurs de l’Université d’architecture de Hanoi ont reformulé ces objectifs à la lumière, d’une part, des résultats des analyses de la pauvreté urbaine à Hanoi (présentées dans le chapitre 3), et, d’autre part, des programmes prioritaires d’intervention de la Ville de Hanoi. Ils se sont donc fixé comme objectifs de travailler sur deux types de populations:

1. Ce chapitre a été rédigé à partir des rapports de recherches (CRDI), et des documents annexés à ces rapports, des chercheurs de l’Université d’architecture de Hanoi. La documentation des études de cas a été complétée par des enquêtes auprès des résidants, réalisées par René Parenteau en novembre 1996.

des ménages à faibles revenus identifiés comme capable de participer financièrement à des programmes de rénovation du logement existant initiés par le Service du logement et du foncier de la Ville de Hanoi; et des ménages très pauvres incapables de participer à de tels programmes. Dans le premier cas, ils ont effectué des études de cas sur deux types de logements faisant l’objet de programmes prioritaires d’intervention: des «maisons-tubes» dans le quartier des «36 rues» et des immeubles de logements locatifs construits par l’État dans les années 60 et 70 avec l’aide de pays socialistes frères. Dans le second cas, après avoir évalué les conditions de logements et les capacités financières de ce type de ménages, ils ont élaboré un guide d’auto-construction et un manuel de référence présentant des techniques de construction et des choix de matériaux à prix modiques.

Leurs études et leurs propositions allaient servir en retour les recommandations de politiques et de programmes formulées, et présentées dans le chapitre 7, par l’Institut de planification rurale et urbaine du ministère de la Construction.

Les résultats de l’étude sur la pauvreté urbaine à Hanoi (chapitre 3), relatifs à la densité, l’espace habitable, la qualité des logements, le niveau de confort, etc., ont été largement utilisés. Les chercheurs de l’Université d’architecture de Hanoi ont travaillé en étroite collaboration avec les chercheurs de l’Institut national de planification rurale et urbaine, chargés eux de préparer un cadre opérationnel (politique et administratif) de mise en œuvre de programmes d’interventions ciblées sur le logement des populations les plus démunies (voir chapitre 7).

A l’occasion, les chercheurs ont utilisé des données recueillies dans le cadre d’autres programmes de recherches et ils ont complété ces données par des informations recueillies par enquête auprès des ménages ciblés par les interventions prioritaires envisagées par la Ville de Hanoi. Les propositions qu’ils ont élaborées en cours de recherche ont été soumises aux ménages pour évaluation.

Les zones d’études

La recherche a été concentrée dans quatre arrondissements centraux de Hanoi, où avait été réalisée, quelques mois plus tôt, l’enquête sur la pauvreté urbaine. Dans ces arrondissements, les chercheurs ont retenus de petits quartiers pour lesquels des programmes prioritaires d’interventions sont développés par la Ville.

Dans l’arrondissement Ba Dinh, le quartier de Buoi a été choisi parce qu’il jouxte la limite administrative de l’arrondissement périphérique de Tu Liem. C’était un petit village traditionnel d’artisans, avant qu’il ne soit inscrit dans la trame urbaine suite à la croissance et à l’extension de cette trame. La fabrication du papier, selon des méthodes traditionnelles, activité jadis dominante dans le secteur, a aujourd’hui disparu, laissant les ex-ouvriers dans une situation très difficile.

Au cœur de l’arrondissement Hai Ba Trung, le quartier de Thanh Nhan est une zone très pauvre où l’on trouve des quartiers précaires apparus depuis 1975. Dans ces quartiers, la pauvreté, mais aussi la petite criminalité, ont rendu le climat peu sûr; la Ville se propose d’y intervenir pour des raisons économiques, morales et de sécurité.

Dans l’arrondissement de Dong Da, deux sites ont été retenus: le quartier de Hang Bot est un secteur où vivent depuis longtemps un grand nombre d’infirmes qui venaient trouver secours auprès d’une communauté religieuse aujourd’hui disparue; la zone résidentielle de Thanh Xuan qui comprend 56 immeubles de 5 étages (2580 logements) pour des ménages à faibles revenus.

Enfin, dans l’arrondissement Hoan Kiem, trois quartiers du cœur de la ville ont été retenus parce que, malgré une activité commerciale florissante, un grand nombre de pauvres et de personnes âgées y vivent dans un environnement dégradé. Ces quartiers sont ceux de Dong Xuan, Hang Ma et Hang Buom.

Conditions de logement des pauvres à Hanoi

Depuis le début de la période de transition vers une économie de marché («doi moi»), l’attribution de logements subventionnés a été abolie graduellement. Des changements progressifs dans la politique du logement ont encouragé les habitants ainsi que les autres secteurs économiques à investir dans l’offre de logements, avec comme conséquence une ségrégation sociale inévitable: les plus pauvres devant faire face à de plus en plus de difficultés notamment en matière de logement et de conditions de vie. D’après les statistiques nationales, quelque 14 millions de personnes représentant environ 20 % de la population vietnamienne sont considérées comme pauvres et parmi celles-ci 4 à 6 % sont même en dessous du seuil de subsistance avec un revenu moyen de 70000 à 90000 dongs par mois et par personne.

Hanoi, cependant, compte à la fois un taux relativement faible de pauvres2 (2,72 % dans les arrondissements centraux (environ

2. Données tirées des statistiques du Service municipal du travail, des invalides et des affaires sociales (1993).

20000 ménages) et 5,35 % dans les arrondissements périphériques), et un fort taux de population avec un faible revenu (50 %). Ceci est en grande partie expliqué par le rôle de capitale nationale que joue la ville. Une très grande majorité des emplois sont soit dans le domaine administratif, soit dans les secteurs de production de l’État. Si les salaires sont généralement bas, ils constituent des revenus réguliers. En outre, la majorité des retraités sont des pensionnés de l’État, qui jouissent de revenus bas, mais réguliers.

Le processus de libéralisation de l’économie a engagé de nouvelles tendances qui mènent toutes à un écart grandissant entres les riches et les pauvres. Tous les employés et retraités du secteur public sont en situation d’appauvrissement relatif (chômage et revenus stables) par rapport aux employés du secteur privé et aux commerçants. Par contre, ces fonctionnaires et retraités, à cause de leurs revenus réguliers, sont des acteurs identifiés comme capables de participer avec l’Etat à l’amélioration de leurs situations de logement. La transition économique, mais aussi politique et administrative, a permis une relance des tendances à l’urbanisation et une augmentation du flux des ruraux migrant vers la ville. Dans ce cas, il s’agit de populations pauvres et non qualifiées. C’est à eux qu’on attribue généralement à Hanoi l’émergence des quartiers précaires.

Alors qu’en 1954 les arrondissements centraux d’Hanoi comptaient 380000 habitants, ceux-ci en abritent plus d’un million aujourd’hui, et si l’on considère les arrondissements périphériques, la population totale de l’agglomération grimpe à plus de 3 millions (NIURP, 1992). En termes de logement, la partie centrale de Hanoi possède actuellement quelques 5,1 millions de m2 d’espace habitable, qui équivalent à 4,7 m2 par personne environ. Cependant, dans le noyau central, certains ménages doivent se contenter de 2 m2 par personne (3,35 % des ménages) ou de 2 à 4 m2 (39 % des ménages) et supporter des densités allant jusqu’à 21170 personnes par km2.

La quantité de logements fournis par l’État à ses employés ne satisfait que seulement 30 % des besoins, ce qui génère des conflits à cause du favoritisme et de la corruption.

En 1993, dans la suite logique de la nouvelle politique du logement et de la nouvelle loi foncière, le gouvernement a promulgué une décision visant la commercialisation du stock de logements possédés par l’État. Ce stock, qui était géré par des organisations décentralisées du Parti, doit désormais être transféré aux autorités municipales pour en simplifier la gestion. Cette nouvelle politique a eu des impacts positifs puisqu’elle a permis de réduire certaines iniquités; mais elle ne peut cependant suffire à résoudre les problèmes de ceux qui n’ont d’autres sources de revenus que leurs maigres salaires.

Comme dans les autres métropoles des pays en développement, les pauvres de Hanoi souffrent tout autant des mauvaises conditions d’hy giène que d’infrastructures inadéquates. Ainsi, la moitié des déchets domestiques sont déversés sur place, des milliers de trous de toilettes sont creusés çà et là, le système d’égout fait défaut et, lors des grandes pluies, la plupart de ces zones sont inondées. En outre, seuls 60 % des habitants ont accès à l’eau courante et le système électrique est très instable.

Comme nous l’avons vu dans la description de la pauvreté urbaine à Hanoi (chapitre 3), les pauvres ne sont pas concentrés dans un quartier de la ville, mais se répartissent de manière assez équilibrée entre diverses zones. On les retrouve ainsi dans des appartements souvent délabrés qui sont ajoutés aux vieilles maisons dans le quartier «des 36 rues», dans des grands ensembles, dans des bidonvilles en émergence le long des canaux, dans les villages périphériques, dans les quartiers dangereux le long de la rivière To Lich à Thanh Nhan, dans la zone d’entreposage des déchets domestiques de Thanh Cong et dans les terrains vagues interstitiels ailleurs dans la ville.

Quelques remarques sur les logements des pauvres

Depuis 1954, le nombre de mètres carrés pour l’habitat a été multiplié par deux, à Hanoi, alors que la population a été multipliée par trois, rendant encore plus restreint le nombre de mètres carrés disponibles par personne. Si un des objectifs de la politique du logement est d’augmenter la superficie moyenne habitable par personne jusqu’à 6 mètres carrés par personne, la réalisation de cet objectif doit tenir compte du stock de logements existants et du stock de logements à construire, mais aussi des types de logements existants et de leurs localisations dans la ville.

Tout comme les pauvres sont dispersés à travers la ville, et non pas concentrés comme à Hô Chi Minh-Ville, leurs conditions de logement sont également très variées et ils présentent des caractéristiques différentes selon leur localisation. Ainsi, ce sont des maisons traditionnelles d’habitation dans les quartiers périphériques, des maisons-tubes dans le quartier «des 36 rues», des abris temporaires sous les ponts ou dans les quartiers précaires ou bien encore des appartements à faible niveau de confort dans les grands ensembles.

Quelles que soient, cependant, ces différences, les pauvres connaissent des conditions communes d’habitat:

• l’exiguïté de l’espace habitable (2 à 4 m2 en moyenne par personne);

• la cohabitation intergénérationnelle;

• le surpeuplement et la surutilisation des parties communes partagées;

• la multifonctionnalité des espaces de vie qui servent à la fois à l’accueil des invités, aux études, aux repas et au repos;

• le minimalisme des équipements;

• les mauvaises conditions d’hygiène et de salubrité.

Les conditions des infrastructures et des services

L’eau courante

L’eau consommée à Hanoi est principalement pompée d’une nappe d’eaux souterraines d’assez bonne qualité bactériologique, grâce à 130 stations de pompage réparties dans la ville. Toutefois le réseau d’adduction d’eau date du début du siècle pour les portions les plus anciennes - 55 km installés avant 1930, 30 km ajoutés entre 1930 et 1954 - et les conduites sont en mauvais voire très mauvais état dans beaucoup de secteurs.

De plus, des chercheurs (SWECO, 1993) ont évalué les fuites à 50 % de la quantité en circulation, ce qui explique pour partie la faible pression qui est monnaie courante. Ainsi, dans les immeubles à logements locatifs, tous les logements ont l’eau courante; cependant, avec la faible pression, en été, les derniers étages n’ont plus d’eau. Très fréquemment, pour remédier à cette situation, les familles doivent aller pomper l’eau tous les 2 ou 3 jours dans les conduites principales et la stocker dans le logement. Parfois, les habitants installent eux-mêmes des pompes sur les canalisations mêmes. Ces pratiques, et bien d’autres, menacent la qualité de l’eau et on estime que, pour 70 % des ménages, l’eau n’atteint pas les normes nationales de qualité.

Le système d’égouts

Le problème des égouts et de l’écoulement des eaux usées semble être l’enjeu environnemental majeur et le problème principal en ce qui regarde la santé publique à Hanoi actuellement.

Le système, principalement construit par les Français et conçu pour une population de 400000 habitants environ, était adéquat au début du siècle, avant l’explosion de la population; mais il est devenu depuis insuffisant après qu’une grande partie des plans d’eau aient été asséchés. Ceuxci servaient en effet à la circulation et au traitement des eaux usées. Le tableau suivant permet de mieux saisir l’ampleur du problème.

 

1954

1992

Réseau d’égouts

72km

132km

Rues

-

230 km

Eaux usées (basé sur la consommation d’eau)

20000 m3/jour

420000 m3/jour

Lacs

1600 ha

242 ha

Canaux d’écoulement des eaux

40 km

28 km

Rivières d’écoulement des eaux

36 km

36 km

Hôpitaux

 6

22

Usines (de plus de 200 ouvriers)

 8

248

Ateliers

-

3000

Source: SWECO, 1993.

La situation de Hanoi est difficile tout d’abord en raison de sa topographie: majorité du sol urbain sous le niveau des hautes eaux du fleuve, faible dénivellation (3 degrés) du nord au sud; durant la saison des pluies, la ville est inondée par des mélanges d’eaux de pluie, d’effluents industriels et d’eaux usées.

Malgré le réseau d’égouts qui couvre de 60 à 70 % du territoire urbanisé, le manque d’investissements pour son entretien a engendré une forte dégradation. Le taux actuel effectif de couverture est plutôt de l’ordre de 20%. Étant donné qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, de système opérationnel de traitement des eaux usées autre que l’écosystème aquatique, qui est par ailleurs arrivé à saturation en raison notamment des déchets toxiques industriels, la majorité de la population de Hanoi est donc exposée à des risques importants.

Le système de collecte des déchets domestiques

Selon le ministère de la Construction, le volume total de déchets domestiques à Hanoi est de 845 m3 par jour dont seuls 45 % sont ramassés. Les trois-quarts de ce volume sont composés des déchets domestiques. Il s’agit de déchets denses qui contiennent en moyenne de 40 à 60 % d’eau. La moitié de ce volume d’ordures est constitué de déchets organiques.

La collecte s’effectue différemment selon la localisation. Dans les vieux quartiers, des tricycles équipés de bacs patrouillent les rues tous les soirs. Dans les quartiers plus récents, chaque ménage est en principe tenu d’apporter ses ordures dans des bacs spéciaux ou des boîtes d’où les déchets seront ramassés puis emportés par camion jusqu’aux décharges. Enfin, dans les quartiers périphériques, des entreprises privées sont responsables de l’enlèvement des ordures selon les consignes de Urban Environment Company (URENCO), la société publique concessionnaire qui s’occupe des zones centrales de Hanoi. Lorsque les sites de décharge sont pleins, ils sont recouverts de couches d’argile et de terre, on plante des arbres et cela devient un espace vert.

La plupart des déchets collectés sont donc actuellement utilisés comme matériau de remblaiement, en terre ferme ou en zones humides. Pourtant une grande partie finit dans les lacs, les rivières ou les canaux sans aucun contrôle.

Depuis quelques années, des projets ont été élaborés pour une usine de compostage et une usine de production de biogaz; toutefois il s’agissait de projets pilotes qui n’ont pas encore de véritable impact sur la situation générale telle que la vit la population de Hanoi.

Cette situation se traduit concrètement, par exemple, par des immeubles ne possédant pas de système d’enlèvement des ordures des étages supérieurs vers le rez-de-chaussée. Ce qui explique pourquoi le dépôt et l’éparpillement irréfléchi des déchets dans les quartiers soit choses communes. L’étude détaillée de la situation dans quelques logements a pu ainsi démontrer qu’environ 28 % des ménages jetaient ou déposaient leurs ordures dans les rues ou les égouts avoisinants sans se poser de questions, alors qu’un tiers seulement des familles collectaient quotidiennement leurs ordures et les apportaient sur les lieux préposés.

La pollution de l’air

A cause d’un secteur industriel ancien et technologiquement obsolète, la pollution de l’air est importante à Hanoi, qui possédait une grande partie des usines et entreprises industrielles du pays. Ces entreprises et ces usines sont dispersées dans et autour des parties urbanisées.

Pratiquement aucune de ces entreprises ne traite ses déchets et, lorsque des entreprises possèdent des équipements de traitement, ceux-ci sont bien souvent inopérationnels par manque de pièces mécaniques, manque d’entretien, manque de formation des personnels, mauvaise conception ou encore incapacité de stocker les déchets. En pratique, les usines déversent donc leurs déchets dans les canaux, rivières ou lacs.

Les arrondissements de Dong Da et Hai Ba Trung ont des taux de poussières, de SO2, de CO2 et de CO de deux à dix fois supérieurs aux normes admises, alors que l’arrondissement de Ba Dinh dépasse toutes ces normes sauf pour les émissions de SO2 qui sont seulement de une à trois fois supérieures à la norme.

Les orientations stratégiques retenues par les chercheurs

Les chercheurs ont travaillé sur trois stratégies d’intervention pour le logement des ménages pauvres. Ces choix de stratégies ont été principalement influencés par les orientations prioritaires retenues par la Ville de Hanoi et par les stratégies esquissées dans la politique sectorielle du ministère de la Construction pour améliorer la situation de logement des ménages pauvres. Cette dernière stratégie sera décrite dans le chapitre 7. Elle distingue principalement trois grands scénarios d’intervention.

Le premier scénario cible les ménages pauvres qui ont des droits légaux d’occupation d’un logement, attribué par l’État et dont ils sont locataires. Les priorités d’intervention, selon ce scénario, visent les logements en très mauvais état, qu’il faut soit démolir, soit restaurer en totalité; elles sont aussi en principe arrêtées en faisant référence aux orientations du schéma d’aménagement de la ville. Dans les deux cas, les travaux doivent permettre d’augmenter la superficie moyenne habitable et d’augmenter le nombre de logements. En principe, ces interventions se font selon le modèle de coopération entre «l’État et le peuple» pour améliorer la situation du logement. Dans certains cas, pour consolider et étendre les impacts de ces interventions, des propriétaires privés pourront être associés aux interventions.

Le deuxième scénario cible les ménages à revenus faibles, estimés capables de devenir propriétaires de leur logement. Il s’agira dans ce cas d’un logement neuf produit soit dans de nouveaux ensembles, soit dans des ensembles existants ayant fait l’objet de programmes de restauration. L’accession à la propriété sera facilitée, pour ces ménages pauvres, par un remboursement annuel des coûts réels incluant une compensation pour le coût du droit d’usage du sol. En principe, le logement est vendu au prix coûtant. Ces logements sont principalement destinés aux ménages qui possèdent déjà des droits d’usage du sol; on fait l’hypothèse, dans ce cas, qu’ils ont les moyens d’accéder à la propriété. S’ils n’ont pas les moyens d’accéder à la propriété, ils pourront être locataires de ces logements. Actuellement, le loyer est encore très bas et ajusté, en principe, sur le loyer minimum que doivent payer les employés de l’État, soit 20000 dongs par mois.

Enfin, le troisième scénario vise les ménages très pauvres, ou illégaux, incapables de participer à un programme de restauration ou de construction initié par l’État. Dans ce cas, c’est de la politique de lutte contre la pauvreté dont profiteront ces ménages. Ils seront assistés pour se qualifier et pour occuper un emploi rémunéré. Entre-temps, l’État tentera de légaliser leurs droits d’occupation du sol et les assistera techniquement pour qu’ils se logent eux-mêmes, de façon plus ou moins temporaire.

Ces trois scénarios ont amené les chercheurs à élaborer et à évaluer des solutions architecturales pour la restauration des maisons-tubes dans le quartier des «36 rues», et pour la restauration d’immeubles à logements locatifs. Le dernier scénario les amènera à élaborer des guides techniques de construction (structure et matériaux).

Outre leur travail selon ces trois scénarios, les chercheurs n’ont pas ignoré les problèmes particuliers à certaines catégories de ménages ou de personnes démunies. Dans ce cas, leurs travaux s’en sont tenus à des recommandations et à quelques exercices de recherches de solutions architecturales pour insérer du logement «social» dans les opérations de restauration ou de construction. Ce type de logement est d’abord destiné aux groupes privilégiés par les politiques sociales du gouvernement; ce sont les mères et veuves de héros de guerre, les familles de personnes invalides blessées à la guerre et les familles de soldats morts à la guerre. Pour ces personnes, les chercheurs proposeront des foyers d’accueil capables de s’insérer dans la ville en créant des ensembles polyvalents, en accueillant aussi, par exemple, des enfants orphelins. Ces ensembles pourraient éventuellement accueillir aussi des personnes âgées vivant seules, des handicapés et des sans-abri. Un concept de «maisons communautaires» est ainsi esquissé; ces maisons pourront s’ajouter des fonctions de formation professionnelle et de petite production artisanale.

Le problème particulier des enfants errants a justifié des études particulières. Il y aurait, à Hanoi, selon les estimations de la police, entre 1000 et 2000 enfants errants âgés de 6 à 16 ans. Lorsqu’ils ne mendient pas, ces quasi-vagabonds vivent de petits métiers comme cireurs de chaussures, vendeurs de journaux ou de livres, ramasseurs d’ordures, porteurs ou manœuvres. Bien souvent ces enfants ont laissé leur famille pour vivre de mendicité ou de ramassage d’ordures, dormant sur les trottoirs, sous les ponts ou dans les abris des marchés.

Parmi ces enfants il convient de porter plus d’attention à ceux qui sont ramassés par la police et transférés chaque mois au Service municipal du travail, des invalides et des affaires sociales. Chaque année ce sont ainsi quelque 300 enfants qui sont ramassés, dont seulement 5,6 % ont des permis de résidence à Hanoi; les autres proviennent des provinces de Thanh Hoa (18%), Hai Hung (10%), Ha Tay (10%), Vinh Phu (10%), Ha Nam Ninh (7%) ou Thai Binh (5%).

Pour améliorer la vie de ces enfants, les aider à retourner à l’école et leur offrir les mêmes chances qu’aux autres enfants, le Service municipal du travail, des invalides et des affaires sociales a mis en œuvre des solutions concrètes, c’est-à-dire la construction de centres d’accueil et d’éducation comme le Centre pour la protection sociale de Hanoi (qui n’accueille pas seulement ces enfants errants mais aussi les autres vagabonds en règle générale), le Centre pour les orphelins et les enfants mal nourris, et «les jardins de l’amitié» pour enfants abandonnés.

Par ailleurs, pour les simples manœuvres venant travailler à Hanoi sur une base saisonnière et qui vivent souvent dans les maisons de chambres à Ham Tu Quan, Kim Ma, Hoang Cau, les chercheurs ont travaillé sur des concepts d’immeubles collectifs à très bon marché, avec un niveau d’équipement minimal. Ces immeubles pourraient avoir cinq étages et être divisés en petits appartements de 14 à 20 mètres carrés, pouvant accueillir chacun de 4 à 6 personnes. Bien qu’aucune statistique ne soit disponible, les chercheurs ont estimé à 5000 ou 6000 le nombre de ces saisonniers qui viennent à Hanoi chercher un travail (y compris permanent). Le plus souvent les femmes cherchent des emplois de service - réception, serveuses ou femmes de ménage - alors que les hommes vont plutôt vers la construction ou le transport. Des marchés du travail «au noir» sont donc apparus dans les quartiers de Giang Vo, Nga Tu So, Lac Trung et le long des rivières. Les conditions de vie de ces travailleurs sont très mauvaises et, bien que la plupart résident dans des chambres privées qu’ils louent, plusieurs dorment encore sur les trottoirs.

Zones d’études de cas et groupes cibles prioritaires

Parmi les groupes précédents, définis selon les scénarios d’intervention du gouvernement, les chercheurs ont ciblé spatialement des lieux d’intervention prioritaire. Ces lieux prioritaires ont concentré les études de cas qui ont été faites et que nous allons maintenant présenter.

Les zones résidentielles du cœur de la vieille ville

On retrouve quelques zones résidentielles accueillant une population pauvre au centre de la ville, dans le quartier des 36 rues. Ainsi, les quartiers de Dong Xuan, Hang Ma et Hang Buom sont situés au cœur du centre ancien, dans un secteur commercial florissant. Toutefois, de nombreuses personnes âgées y vivent dans un environnement également dégradé. Le principal problème tient dans un forte densité de population, associée à un système d’infrastructures complètement dépassé et surchargé.

A la différence des précédents, les deux-tiers des ménages de ces quartiers sont impliqués dans des activités commerciales, c’est pourquoi le revenu moyen y est relativement bon.

Les grands ensembles construits durant les années 60, 70 et 80

Les zones résidentielles de Kim Lien et Trung Tu furent construites en 1960 et celles de Thanh Xuan en 1980. La plupart des résidants y sont des employés du gouvernement avec des salaires faibles mais réguliers. Le coût du loyer ne devait en aucun cas dépasser un montant équivalent à 1 % du salaire mensuel. Le système d’infrastructures y est relativement en bon état; pourtant, à cause de la proximité de la zone industrielle de Thuong Dinh, la pollution environnementale constitue un problème sérieux, particulièrement au niveau de l’air et des déchets.

Le problème que l’on retrouve fréquemment dans ce secteur concerne les ajouts, améliorations et autres transformations apportés par les habitants à leurs logements. Bien souvent, la distribution des espaces dans les logements ne correspond plus aux exigences actuelles et des échoppes ont été aménagées partout où cela était possible. Tout ceci vient contrecarrer l’ordonnancement architectural général et favorise les détériorations et dégradations.

Les quartiers précaires «dangereux»

Ces quartiers constituent une question urgente pour Hanoi puisque leur apparition est un corollaire direct de la crise du logement.

Ces zones se développent sur des terrains publics non aménagés et sans infrastructures. La composition de la population qui y réside est plutôt complexe et variée; cependant on peut distinguer sommairement ceux qui ont un permis de résidence à Hanoi et ceux qui n’en ont pas.

Les quartiers les plus représentatifs et - malheureusement - les plus connus sont Thanh Nhan, situé sur un terrain initialement prévu pour accueillir le Parc de la Jeunesse, dans l’arrondissement Hai Ba Trung, et Trung Liet, situé dans la zone d’entreposage des ordures, dans l’arrondissement Dong Da.

Ces quartiers sont source de problèmes sociaux comme la prostitution, le jeu et le trafic de la drogue, mais aussi de problèmes environnementaux en raison d’un cadre de vie fort dégradé. La plupart des maisons sont des abris de fortune, construits temporairement avec des matériaux comme du bambou, de la boue, du carton ou du papier de bitume qui ne peuvent assurer un niveau de confort minimal.

Les études de cas: stratégies pour la rénovation

Pour chacune de ces zones d’études, les chercheurs ont procédé par études de cas, en collaboration étroite avec les services de la Ville. Sur des immeubles désignés par l’administration municipale, ils ont effectué un relevé de la situation et proposé des concepts d’intervention.

Rénovation des maisons-tubes dans les quartiers anciens de Hanoi

Le quartier des «36 rues» constitue un patrimoine urbain unique à Hanoi. Avec l’aide de chercheurs australiens, avec l’aide aussi de I’UNESCO, les experts vietnamiens ont réussi à imposer une stratégie de conservation du quartier. Cette stratégie ne s’appuie pas sur un plan d’ensemble de redéveloppement. Elle procède plutôt de quelques principes opérationnels et d’un inventaire partiel des constructions existantes. Trois types de constructions sont distingués et font l’objet chacun d’un type d’intervention:

– Ce sont d’abord les maisons très anciennes, peu élevées, qui menacent de s’effondrer. Celles-ci devraient être démolies pour laisser place à de nouvelles constructions à plusieurs étages, permettant ainsi d’augmenter la surface habitable dans le quartier.

– Ce sont ensuite les constructions anciennes, comportant 2 ou 3 étages, dont la structure et l’ordonnancement sont encore convenables. Les travaux de restauration sur ces constructions devraient être légers et permettre une amélioration des conditions de l’environnement intérieur: ventilation, éclairage naturel, installation des canalisations pour l’eau et pour les eaux usées.

– Enfin, ce sont les constructions à valeur patrimoniale exceptionnelle. Ces constructions devraient être restaurées intégralement. Pour ce faire, il sera nécessaire de déplacer et de reloger les occupants actuels.

Nous voyons ainsi apparaître trois types très différents de constructions qui, à peu de chose près, regroupent l’ensemble du construit dans le quartier ancien des «36 rues». Pour commencer, le Service du logement et du foncier de la Ville de Hanoi choisit ses objets d’intervention en fonction du moindre degré de résistance au changement. Les immeubles qui sont retenus en priorité pour une intervention le sont:

– parce qu’ils sont des immeubles à valeur patrimoniale du type «maisons-tubes»,

– parce qu’ils sont gérés par le gouvernement et habités le plus souvent par des employés du gouvernement,

– parce qu’ils comportent encore des espaces intérieurs non construits, permettant d’augmenter les surfaces habitables,

– parce qu’ils se prêtent bien aux modèles de restauration mettant en valeur le caractère patrimonial de l’ensemble.

Le choix définitif est fait par l’Architecte en chef de la Ville et par le Service de la Construction. Ce choix est fortement influencé par l’estimé des capacités et de la volonté des ménages à participer financièrement aux travaux, selon les principes de la «coopération entre l’État et le peuple».

Le principal obstacle à franchir, avant d’entreprendre les travaux, est de déplacer les occupants de façon permanente ou temporaire. Ici encore, il n’y a pas d’entente cadre pour compenser les ménages. Les négociations se font à la pièce. En principe, le gouvernement s’engage à relocaliser les ménages déplacés temporairement pendant les travaux, mais il laisse en pratique jouer l’entraide locale et communautaire de façon à ce que la majorité des ménages s’arrangent seuls. Les ménages déplacés de façon définitive sont en principe relocalisés dans d’autres logements et compensés pour les frais de déplacement. Il ne semble pas y avoir de compensation pour pertes de revenus. Le gouvernement assure qu’il possède en réserve assez de logements de types différents pour que ceux-ci correspondent exactement aux besoins des ménages déplacés. Ainsi, en principe, un ménage de commerçants recevra un logement au rez-de-chaussée pour ouvrir un commerce dans son nouvel environnement. La question de la hausse fort probable des loyers, dans les logements rénovés ou dans les nouveaux logements attribués après déplacement, n’est pas traitée comme telle.

Le concept même des interventions sur les immeubles anciens est plutôt vague. Il y a trois types d’interventions physiques: la rénovation des façades, la rénovation des espaces intérieurs et la construction sur les espaces dégagés. Comme le gouvernement ne dispose pas des fonds nécessaires pour entreprendre ces travaux, il doit faire avec le programme de partenariat entre l’État et le peuple. En pratique, si les occupants veulent restaurer leurs espaces intérieurs, le gouvernement s’engagera à restaurer la façade. Si les plans de restauration le permettent, et si des espaces intérieurs peuvent être dégagés, l’État pourra construire des logements neufs, sur des espaces en retrait de la rue, pour augmenter les surfaces habitables et le nombre de logements. Il pourra alors récupérer les fonds investis en vendant les logements neufs.

En pratique, toutes ces questions posent de sérieux problèmes, et le problème du déplacement des populations reste entier. Pour les populations, les réactions aux plans du gouvernement vont de la résistance totale à la passivité. Pour tous les cas étudiés par les chercheurs, selon la programmation d’intervention du gouvernement municipal, la situation stagne.

Le 75 (A et B) de la rue Huu Huan: le gouvernement semble ici avoir baissé les bras. Il s’agit d’une maison-tube sur une rue commerciale moyennement active. En fait, les activités de production artisanale y dominent. L’ensemble des résidents semblent s’être massivement opposé au projet du gouvernement de restaurer l’immeuble. Les résidents sont des artisans du bois et des commerçants de meubles en bois. Il est maintenant impossible d’en savoir plus, puisque les résidents s’opposent violemment à tout contact avec des représentants du gouvernement et même avec des chercheurs.

Le 58 (A, B et C) de la rue Huu Huan: l’immeuble a, dans sa partie principale, un seul étage. Il possède une assez vaste cour intérieure qui assure une bonne ventilation et un bon éclairage naturel. Cette cour est partagée par l’ensemble des résidents et c’est là qu’on trouve le robinet commun. A l’arrière, un étage a été ajouté au bâtiment. Cette étage couvre une superficie de 42 mètres carrés et loge 3 ménages pour une population totale de 13 personnes. La structure de l’ensemble est en très mauvais état: les murs suintent, le toit coule, les poutres sont courbées et rongées par les termites; plusieurs divisions intérieures sont en carton.

L’immeuble est la propriété du gouvernement et la majorité des résidents sont des employés du gouvernement, des retraités du gouvernement, des familles de soldats blessés ou morts à la guerre. Il y a en tout 11 ménages vivant dans cet immeuble, pour un total de 70 personnes. Tous ont été informés des projets de restauration de leur immeuble. La majorité souhaite une intervention du gouvernement mais aucun n’a les moyens pour participer financièrement aux travaux. Un des occupants exerce une petite activité commerciale. Il est certain qu’il perdra cet avantage s’il doit être déplacé dans un logement ne donnant pas sur la rue, ou situé à un étage. Tous sont résignés mais cachent un sentiment intérieur de révolte. Ils assurent qu’ils ont toujours respecté les directives du Parti et qu’ils ont toujours rempli toutes leurs responsabilités. Ils savent cependant que, lorsque l’on décidera de les déplacer, ils n’auront pas le choix. Et ils sont loin d’être certains qu’ils seront localisés dans de nouveaux logements, puisque la Ville a confié la promotion du projet à une compagnie de construction. On a proposé à certains un nouveau logement dans Ba Dinh, ce qui est assez loin.

Le projet est ici de détruire tout et de construire un immeuble neuf de 3 ou 4 étages comptant assez de logements pour relocaliser tout le monde sur place et pour vendre et louer d’autres logements à de nouveaux ménages.

Le 100 de la rue Hang Dao: c’est une maison-tube de 215 mètres carrés, située sur une des plus actives artères commerciales de Hanoi. L’immeuble a la forme d’un trapèze, se rétrécissant vers l’intérieur. Si la façade n’a que 6,6 mètres de largeur, l’immeuble a 26,8 mètres de profondeur. Il y a deux étages, un étroit corridor, une très mauvaise ventilation. Les toi­lettes, la cuisine, les réservoirs à eau, la salle de bain sont situés à l’arrière, dans la petite cour intérieure, et sont partagés par l’ensemble des résidents. A l’étage, un des résidents doit passer par l’appartement d’un autre résident pour rejoindre le sien. Les résidents paient environ 50000 dongs par mois pour leur logement. Les commerçants paient un loyer fixé en fonction du type de commerce qu’ils exercent; ainsi, une marchande de lainages paie un loyer de 500000 dongs par mois, mais un bijoutier paie jusqu’à 1 million de dongs par mois. L’ensemble est très dégradé et est la propriété du gouvernement depuis la mort du propriétaire.

Il y a neuf ménages qui habitent dans cet immeuble et ils comptent ensemble 38 personnes. Ils estiment que 3 ménages sont trop pauvres pour participer financièrement aux travaux. Les six autres auraient quelques moyens. Ils sont contre le projet du gouvernement de restaurer leur immeuble. Le projet est de tout raser et de reconstruire. On reconstruirait en façade selon l’élévation moyenne admise (soit 2 étages), puis 3 étages vers l’intérieur et 4 étages à l’arrière. Le nouvel immeuble comporterait un nombre suffisant de logements pour permettre une relocalisation sur place de tous les ménages. Les trois ménages les plus pauvres seraient relocalisés à l’arrière et aux étages.

Le 35 de la rue Nha Chung: l’immeuble est localisé dans un petit quartier d’affaires et d’entreprises. Les immeubles voisins abritent une maison d’édition et un poste de police. L’immeuble occupe un terrain de 500 mètres carrés. Tout l’espace est occupé en majorité par des abris temporaires. En fait, sur 17 ménages résidants, seuls huit ont un droit de résidence à cet endroit. L’ensemble des ménages représente 64 personnes. Les neuf ménages «illégaux» sont ceux des enfants, des gendres et des brus; mais les autorités soupçonnent plusieurs d’être des sous-locataires, ce qui en fait des doublements illégaux. Le Comité populaire de Hanoi a pris une décision officielle pour cet immeuble: il sera entièrement démoli pour faire place à un nouvel immeuble de 7 étages, sur rue, destiné à des fonctions commerciales et administratives. A l’arrière, il est prévu une construction de 5 étages, comptant 20 logements: 17 pour les occupants actuels et trois pour de nouveaux occupants. Comme la majorité des occupants sont des employés de l’État, qui travaillent dans l’imprimerie et l’édition, ou qu’ils sont des retraités, ils n’ont pas suffisamment de ressources pour participer avec l’État à la reconstruction. La majorité s’attendent à être déplacés définitivement et ne font actuellement rien pour améliorer leurs conditions.

Le 50 de la rue Hang Buom: la propriétaire de l’immeuble, une maison-tube, a obtenu cette propriété en héritage de ses parents. Sa famille habite cette maison depuis 120 ans. Elle y habite avec ses 5 fils et leurs épouses. L’immeuble a essentiellement une fonction résidentielle, moins un petit commerce géré par la fille de la bonne de la famille, maintenant décédée. Les fils sont ingénieurs en électricité et l’un d’entre eux a un­commerce de matériaux de construction. La propriétaire aimerait rénover sa maison et serait prête à participer à un programme gouvernemental pour ces travaux. Cependant, elle déclare ne pas avoir assez d’argent pour s’engager dans ces travaux, même pour participer financièrement à un programme gouvernemental. Elle paie une taxe de 340000 dongs par an au gouvernement pour sa maison. Ses frais de consommation d’eau sont de 20000 dongs par mois, de 10000 dongs pour la collecte des déchets et de 10000 dongs pour la consommation d’électricité.

La structure de l’immeuble semble en bon état, mais l’ensemble n’a pas été entretenu depuis des années. Les murs sont humides, la ventilation naturelle est mauvaise et l’éclairage naturel est presque absent.

La proposition lui a été faite de restaurer l’ensemble et d’ajouter un troisième étage. Elle sait que, si elle accepte la proposition du Service de la Construction de la Ville de Hanoi, les nouveaux logements seront pour des étrangers. Mais en fait, la Ville ne lui offre aucune aide financière. Ce sont des architectes australiens qui ont visité sa maison et lui ont proposé des plans pour la restauration. Elle attend !

Ce cas est un peu surprenant. Le gouvernement n’est pas propriétaire de la maison et les occupants ne sont pas des employés directs du gouvernement. La maison a été identifiée parce qu’elle fait partie du patrimoine architectural exceptionnel du quartier. La remise en état de ce type d’immeuble est fortement promue par des chercheurs australiens qui ont proposé des plans de restructuration de l’ensemble du quartier. La maison a sans doute aussi été retenue parce que la famille, relativement riche, aurait sans doute les moyens de réaliser à ses frais une grande partie des travaux. C’est sans doute l’incertitude sur l’ensemble du processus de partenariat avec l’État et sur ses conséquences qui arrête toute initiative.

Le 4 de la rue Hang Ngang: l’immeuble est en assez mauvais état. L’accès aux appartements se fait par un étroit corridor non éclairé et humide. Il y a un robinet commun dans une petite cour et les ménages pompent l’eau aux étages à partir de ce robinet. Il y a une seule toilette pour l’ensemble de l’immeuble. La presque totalité des occupants sont des employés du gouvernement, dont certains du Service de la construction de la Ville de Hanoi. Plusieurs avaient obtenu leur logement en héritage de leurs parents. Ils ne comprennent pas pourquoi la Ville leur a retiré leurs droits de propriété. Ils se sont résignés à devenir locataires de la Ville, mais les loyers mensuels sont bas (30000 dongs par mois). Le plan de restauration que leur propose la Ville ne permet pas à tous les occupants actuels de rester sur place. C’est le Comité populaire de l’immeuble qui prendra la décision relative à qui doit partir et qui peut rester. Les occupants qui sont employés du Service de la construction n’ont aucun espoir; ils savent qu’ils seront expulsés. Les compensations qu’on leur a promises ne sont pas connues et ils savent qu’ils n’ont aucun pouvoir de négociation.

L’immeuble sis au 28 de la rue Dinh Liet est aussi un cas surprenant. C’est une longue maison-tube sur trois étages, avec des cours intérieures et une grande terrasse sur le toit. L’immeuble a été retenu sans doute pour sa valeur patrimoniale et par sa localisation dans un ensemble patrimonial de maisons-tubes. La propriétaire est une riche commerçante de laines et lainages. Elle a acheté la maison il y a trois ans et a payé comptant l’ancien propriétaire qui possédait plusieurs autres maisons dans le quartier. Elle a restauré elle-même à ses frais l’ensemble de l’immeuble, qui est maintenant bien éclairé et bien ventilé. Elle habite cet immeuble avec son mari, leur enfant et une tante. Elle ne paie aucune taxe à la Ville.

Elle a entendu parler de projets de restauration de sa maison, mais elle ne reconnaît aucun droit à la Ville de faire des travaux sur sa maison. Elle ajoute d’ailleurs que la Ville ne respecte pas le caractère patrimonial des immeubles quand il intervient. Elle préférerait tout faire elle-même, avec le support technique d’architectes compétents.

Il s’agit manifestement d’un immeuble choisi par les experts australiens, pour entreprendre la réalisation de leur plan de restructuration du quartier.

La présentation rapide de ces cas nous révèle de façon assez complète le caractère improvisé de l’ensemble du projet de restauration des maisons-tubes dans le quartier des «36 rues». Le projet lui-même a été conçu et promu par des architectes australiens qui ne se sont pas préoccupés de sa faisabilité. La Ville de Hanoi a emboîté le pas en faisant faire des études limitées d’inventaire et en commandant des plans particuliers de restauration à ses architectes.

Le choix des immeubles lui-même a été arrêté suite à une évaluation des moindres résistances ou des fortes capacités des occupants. Les immeubles retenus sont dispersés dans l’ensemble du quartier, à part peutêtre l’ensemble de la rue Dinh Liet; chaque intervention, si elle se réalise, aurait peu d’effet visible sur le quartier.

Il semble que deux stratégies soient maintenant à l’œuvre: la première est menée par la Ville et toute occupée à libérer les immeubles, la Ville faisant manifestement face à une forte opposition des occupants. Elle réussira sans doute là, et seulement là, où elle peut expulser les occupants, parce qu’ils habitent un immeuble propriété de l’État et qu’ils sont des employés de l’État. La deuxième stratégie est de faire participer les ménages riches et propriétaires à la restauration du quartier. Dans ce cas, l’opération est principalement engagée par des architectes australiens qui comptent sans doute sur une implication réelle de la Ville.

La Ville elle-même a peu de moyens financiers pour mener à bonne fin ses projets. Elle négocie âprement les compensations pour les ménages expulsés. Elle n’a pas les moyens d’entreprendre les travaux de restauration. Elle cherche donc désespérément des partenariats avec le peuple pour réaliser les travaux. Le peuple, c’est-à-dire les occupants, n’ont pas eux-mêmes les moyens d’investir dans les travaux, et, de toutes façons ils se méfient des conséquences. Si cela était possible, l’intervention de la Ville ne porterait sans doute que sur l’amélioration des infrastructures (rues, trottoirs, canalisations,...). Il y a donc fort à parier que la Ville va poursuivre ses efforts pour libérer les immeubles et qu’alors elle fera appel à d’autres partenaires pour entreprendre les travaux... des commerçants riches, des investisseurs étrangers, des agences internationales.

Ceci semble assez réaliste; la propriétaire du 28 de la rue Dinh Liet est inquiète du projet de restauration de l’immeuble voisin du sien, destiné à être transformé en mini-hôtel. Elle s’oppose fortement à ce projet et c’est à cette occasion qu’elle accuse la Ville de ne pas respecter le caractère patrimonial des maisons-tubes du quartier. Elle n’élimine pas la possibilité de restaurer elle-même cet immeuble voisin, si elle peut l’acheter avec sa sœur.

Rénovation des grands ensembles

Dans les années 60, 70 et 80, le Gouvernement, le Comité populaire de Hanoi et les autorités locales ont investi dans l’aménagement de quartiers résidentiels composés d’immeubles à logements pour accueillir les employés du Gouvernement et des entreprises d’État. Puis, dans les années 80, Hanoi a expérimenté la vente de ses logements, destinés à la location, et initié dans certains secteurs (les ensembles résidentiels de Yen Lang et Truong Dinh) un mode de gestion en partenariat avec le peuple. Elle avait utilisé pour ce faire deux types de stratégies. La première consistait à restructurer ces ensembles, construit selon les modèle des grands ensembles soviétiques sans égard pour la trame urbaine existante, de façon à ce qu’ils s’ouvrent sur une trame traditionnelle (sur rues). Ceci permettait de rendre intéressant l’achat des appartements en rez-de-chaussée pour les commerçants. Les immeubles devaient eux-mêmes être restructurés pour permettre ces nouveaux usages et pour déplacer les occupants vers les étages supérieurs. La deuxième stratégie consistait à restaurer des appartements, dans les meilleurs ensembles, pour les agrandir et pour les équiper selon des normes correspondant aux besoins du personnel expatrié à qui ils étaient destinés en location. Les profits ainsi réalisés devaient être investis dans la rénovation d’autres appartements, dont un certain nombre réservé aux occupants et au personnel de l’État. Cette dernière stratégie a eu des effets limités, compte tenu de l’état des immeubles et compte tenu de la production importante de logements neufs pour le personnel expatrié.

Dans ces ensembles d’immeubles à logements, la plupart des appartements n’ont qu’une pièce. Les ménages doivent partager les pièces com­munes comme la cuisine, les toilettes et la salle de bain; les espaces sont restreints, ce qui occasionne des frictions entre habitants.

De tels ensembles ont été construits à Tho Lao, Nguyen Cong Tru, Tran Quoc Toan et à Kim Lien, où pour la première fois furent utilisés des éléments de béton précontraint. Ce site de 40 ha composé d’immeubles de quatre étages, d’un supermarché, d’une garderie et d’une école primaire fut aussi la première réalisation menée à bien avec l’aide de la Corée.

Les phases successives de développement du quartier furent caractérisées par l’utilisation de modèles particuliers de logements qui n’étaient ni indépendants, ni fermés, avec des aires communes. Dans la situation de récente libéralisation économique, la forte demande en logements, associée à un faible niveau de revendications en termes de qualité, a permis à ce stock de logements d’absorber adéquatement une partie de cette demande.

Au début des années 80, d’autres quartiers résidentiels furent aménagés à Trung Hu, Thanh Cong et Vinh Ho. Dans ces cas, on utilisait de larges panneaux de béton préfabriqués. La conception des logements dans ces quartiers se rapproche déjà plus du modèle de logements privatifs puisque les pièces de vie domestiques et les pièces communes sont séparées. Toutefois les espaces sont encore trop restreints et leur agencement irrationnel.

Ces appartements ont marqué une étape importante de la construction à Hanoi. Il s’agissait non seulement de l’application de nouvelles technologies, d’un apport de créativité ou encore du dépassement des difficultés dans un Viêt-nam en crise, mais aussi de l’affirmation du concept du logement indépendant et fermé. C’est à cette époque que le modèle est passé d’un concept de logements collectifs à celui de logements indépendants.

Depuis 1982, plusieurs quartiers résidentiels ont été construits selon ce modèle, notamment dans les quartiers de Thanh Xuan et de Nghia Do. Les normes de construction ont été haussées et la moyenne de surface habitable par personne y est de 4 mètres carrés. Par contre, ces logements manquent encore d’espaces pour les équipements et services, et pour le rangement.

Les études effectuées auprès des populations des quartiers comme Kim Lien, Trung Tu, Thanh Xuan et Quynh Loi ont montré que la majorité de la population occupant ces immeubles avait des revenus faibles ou très faibles. A cause d’investissements incomplets et des besoins urgents, ces logements furent occupés à peine terminés, même si les infrastructures planifiées (routes, électricité, eau, parcs) n’étaient pas encore réalisées. Au cours des années, ces immeubles se sont dégradés et les infrastructures sont devenues insuffisantes à cause de l’accroissement de la population. Ainsi, à Thanh Xuan, la population est passée de 17000 habitants en 1982 à 32000 en 1994. Les espaces qui avaient été réservés pour les équipements et les infrastructures ont été occupés de façon anarchique.

Maintenant, plus de la moitié de ces appartements abritent 1, 2 voire 3 générations. Cela permet de comprendre le besoin qu’ont les habitants, dans ces quartiers, de transformer et d’agrandir leurs logements. Ainsi, au rez-de-chaussée, les habitants étendent l’espace de leurs activités privées sur le domaine public, devant leur appartement, pour aménager un espace leur permettant d’accroître leurs revenus (commerce, services). Aux étages, les ménages ont aménagé les balcons en espaces habitables permanents, soit pour y installer une cuisine privée, soit pour y aménager une chambre.

La majorité des ménages à faibles revenus doivent vivre dans des logements d’une ou de deux pièces et d’une superficie totale de 24 m2 environ. En général, ces appartements sont aux étages supérieurs et leur loyer est trop bas pour pouvoir couvrir les frais de gestion, de rénovation ou de réparation. Ils avaient été essentiellement loués au personnel de l’État sous le principe que le coût du loyer ne devait pas dépasser l’équivalent de 1 % du salaire mensuel. Les ménages sont donc laissés à eux-mêmes pour l’entretien du stock. Comme les contrôles sont absents, rien ne les empêche de modifier la structure et d’ajouter des éléments à la structure.

Les comportements des occupants, dans cette situation, sont différents selon les capacités des ménages. En effet, les plus pauvres auront plutôt tendance à transformer la structure de leur logement, alors que ceux qui ont un peu plus d’argent vont tenter d’échanger leur droit d’utilisation du logement pour déménager dans un plus grand, pour aller au rez-de-chaussée ou encore pour chercher un bout de terrain pour construire une maison individuelle.

Des études, effectuées à Kim Lien, Thanh Cong et Thanh Xuan, ont porté sur l’évaluation subjective des conditions de vie dans ces logements. Tous les occupants se plaignent de la conception complètement irrationnelle des appartements à aires communes (cuisine, toilettes, salle d’eau) et de l’inadaptation des appartements d’une seule pièce dont la superficie de 4 mètres carrés par habitant ne peut convenir à un niveau de vie même humble. Pour 87 % des répondants, la hauteur du rez-de-chaussée est trop faible et affecte la ventilation naturelle des appartements. Les trois-quarts se sont plaint du manque d’espace de rangement pour les bicyclettes. 62 % regrettent l’absence de lieux d’entreposage pour les déchets domestiques et la mauvaise qualité du système d’égouts. Ils jugent malsaines les cuisines et les salles d’eau dont les murs et le toit n’assurent pas une protection minimale contre la pluie et l’humidité. Enfin, selon 69 % des personnes interviewées, les toilettes et la salle d’eau devraient être séparées et la cuisine devrait comprendre des espaces repas et lavage. Le système de portes et de fenêtres est de faible qualité et incapable de permettre la bonne ventilation des logements. Selon 38 % des répondants, ceci pro­voque des problèmes de santé dans la famille. Les sources principales d’énergie sont le charbon (49%), l’électricité (28%), le pétrole (19%) et le gaz (2,8%). Ces appartements disposaient de cheminées avec des hottes, mais celles-ci ne fonctionnaient plus et les ménages les ont démantelées. L’absence de ces équipements occasionne fumée, poussière et forte pollution de l’air dans les appartements.

La combinaison de la dégradation des logements et des infrastructures, du faible niveau d’équipements et de la disparition du système de logement subventionné a renforcé les difficultés auxquelles sont confrontés les plus pauvres pour améliorer leur situation. Les chercheurs ont élaboré différents concepts d’intervention sur ces logements. Ces concepts vont des aménagements extérieurs aux aménagements intérieurs, et ils touchent aussi bien aux équipements et infrastructures qu’à la structure des immeubles:

• modification du système d’infrastructures du quartier: trame viaire, système d’écoulement des eaux de pluie, système d’égouts, plantations, aires de loisirs pour les enfants et la population;

• contrôle de l’extension sauvage des logements et de l’appropriation des terrains publics par des mesures législatives et des mesures punitives;

• modification des espaces extérieurs jouxtant les logements pour accroître l’espace habitable, mais selon des plans d’ensemble pour éviter des interventions anarchiques qui mettent en cause le droit des autres occupants et qui menacent l’équilibre de l’ensemble;

• transformation des espaces intérieurs sans toucher à la structure portante des bâtiments pour améliorer et privatiser les équipements et aires de service;

• modification de façon prioritaire des aires de services (cuisine, toilettes, salle d’eau) pour améliorer la qualité de vie; ces modifications sont conçues pour être réalisées par étapes selon les capacités financières des ménages;

• solutions adéquates aux problèmes de l’imperméabilité des toilettes, du stockage de l’eau propre pour les besoins quotidiens, du système d’évacuation des eaux usées, des espaces de cuisine et de ventilation de la fumée, des espaces d’entreposage des déchets et de transport de ceux-ci entre les étages;

• conception de plans d’aménagement des balcons et terrasses pour augmenter l’espace utile pour les ménages les plus pauvres, sans menacer la structure des immeubles (protection de la ventilation de la façade).

Ces concepts d’interventions jugées prioritaires se concrétisent normalement dans des actions de deux types, auxquelles souscrivent les ménages:

a) étendre les dépendances

Habituellement, la cuisine, les toilettes et la salle d’eau sont à l’arrière des logements. Il est possible d’étendre la structure des immeubles par l’arrière pour y déplacer ces espaces de service. Les espaces existants libérés peuvent permettre d’augmenter la surface habitable des logements. A l’occasion de ce déplacement des espaces de services, des améliorations peuvent être apportées (meilleure imperméabilité, fosses sceptiques et système d’égouts conformes aux normes).

b) améliorer et moderniser les appartements

L’amélioration à l’intérieur des logements se fait au moyen d’une réorganisation de leur arrangement, et d’une recomposition de leurs ouvertures (portes et fenêtres), mais sans affecter la structure du bâtiment.

Pour permettre le développement d’activités commerciales au rez-de-chaussée, tout en gardant la même superficie d’espace habitable, il est aussi envisagé d’ajouter un étage, de réaffecter les espaces réservés à la circulation (corridors) dont les besoins sont moins importants quand les accès aux logements sont privatisés.

Dans les logements que nous avons visités, la mise en œuvre de ces stratégies et de ces concepts de rénovation stagne. Il est évident que les gouvernements manquent de fonds pour entreprendre des travaux importants de rénovation. Dans cette situation, les ménages ne sont pas mobilisés pour participer aux travaux avec les gouvernements; la majorité d’ailleurs n’auraient pas les moyens d’y participer financièrement. Les ménages qui ont décidé de rester dans ces appartements, et que nous avons rencontrés, nous ont donné le profil de trois types de stratégies plus ou moins heureuses.

Certains ménages optent pour agrandir leur appartement par l’achat d’un appartement voisin (ou du droit d’usage sur cet appartement), et ils entreprennent eux-mêmes les travaux de rénovation. Ces travaux peuvent mettre en péril la structure du bâtiment par le percement de cloisons et par la démolition de murs. Ils peuvent mettre en cause aussi l’organisation des espaces communs de l’ensemble en privant d’autres appartements de leurs accès aux couloirs, aux escaliers et aux espaces communs. Ces ménages sont naturellement plus riches que les autres et ont «réussi» à obtenir des titres d’usage ou de propriété des autorités sur plus d’un appartement.

Certains autres ménages optent pour une simple remise à l’état de leur appartement, en ajoutant cependant des espaces privatifs (cuisine, salle de bains, toilettes). Ils planifient leurs travaux et leurs investissements en plusieurs étapes, échelonnées sur plusieurs années.

Enfïn, dans un autre cas, à l’initiative d’un des occupants, la communauté de l’ensemble des occupants s’est mobilisée pour entreprendre la rénovation de l’immeuble. Ils ont conçu un système d’épargne collective et de crédits pour les plus pauvres. Ils ont élaboré eux-mêmes les plans de rénovation et le programme des travaux. Ces plans et ce programme sont restés, pour le moment, à l’état de projet, parce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir les autorisations nécessaires pour les mettre en œuvre.

Rénovation des logements temporaires

Les ménages les plus pauvres habitent actuellement des logements temporaires, qu’ils ont construits eux-mêmes et dont ils sont propriétaires. Ces constructions sont insérées partout dans la ville, mais, depuis peu, des concentrations apparaissent qui ressemblent à de petits quartiers précaires. Les ménages à faibles revenus n’ont pas la capacité d’acheter un meilleur logement; ils pourraient emprunter pour déménager, mais cela les endetterait pour plusieurs générations. C’est pourquoi ils doivent rester dans leurs logements. L’étude a donc tenté de présenter des solutions pour améliorer leur cadre de vie à faible coût et avec des investissements limités.

Ainsi en matière d’abris temporaires, l’élément central est le manque de terrain. Aménager d’autres zones destinées à recevoir des abris temporaires constitue une vision relativement innovante puisque il s’agit ici non plus d’éradiquer ces quartiers précaires parfois dangereux, mais de viabiliser des terrains et de les concéder légalement à leurs nouveaux occupants, avec des plans de financement adaptés.

La viabilisation comprendrait non seulement la trame viaire, le réseau d’aqueduc et d’égouts, mais également les arrivées d’eau et d’électricité. Ce qui se rapproche tout à fait de l’aménagement des quartiers plus traditionnels.

Les propositions vont même plus loin puisque on suggère également de localiser ces zones à proximité des zones d’emploi et de mettre en place des politiques sociales particulières.

Pistes pour l’ébauche de normes de construction

La question du logement dans les villes et cités du Viêt-nam est un enjeu qui concerne autant le Gouvernement que la société et les communautés locales. Pour pouvoir y apporter des réponses, il convient de prendre des mesures politiques dont l’une des principales est l’élaboration de normes indicatives de construction et de rénovation, qui visent à garantir un niveau de confort minimal pour les logements destinés aux plus démunis.

Ces normes seraient utilisées pour la construction des nouveaux logements sans avoir de caractère obligatoire pour les individus construisant eux-mêmes leur logement. Elles prendraient en compte et spécifieraient les exigences de construction, d’aménagement de zone, d’organisation de l’espace, de protection et de mise en valeur de l’environnement, de choix de matériaux, de normes de construction et de protection contre les incendies.

Ces normes sont destinées à s’appliquer à la conception de nouveaux logements ou à la rénovation d’anciens à faibles équipements pour les populations à faibles revenus au Viêt-nam. Cependant, elles ne s’appliquent pas pour les constructions spéciales (villas, constructions pour étrangers, etc.).

Puisque la conception de logements pour les ménages à faibles revenus doit nécessairement faire référence à la réglementation existante dont les seuils minimaux doivent être utilisés, ces normes ont été élaborées à partir de l’étude de la réglementation vietnamienne et de l’étude de normes internationales minimales.

Du fait de la situation difficile et des caractéristiques socio-économiques des populations pauvres, certaines règles doivent être observées pour tenir compte et protéger les conditions et styles de vie. Ainsi, les abris temporaires hébergent des familles de 2 ou 3 générations. L’espace principal du logement est souvent utilisé pour une activité économique au rez-de-chaussée. A ce niveau, les conditions d’habitabilité et de confort sont très mauvaises.

En ce qui concerne la construction elle-même, les techniques de construction doivent être assez simples pour que les personnes puissent elles-mêmes construire manuellement ou semi-manuellement les logements et pour qu’il soit très facile d’utiliser des matériaux locaux à faible coût tout en respectant certaines normes d’hygiène minimales. Il conviendrait également de proposer des méthodes permettant aux constructions d’être réalisées par phases successives, afin de respecter les capacités d’investissement des ménages.

Au niveau de la conception, les pièces que l’on doit retrouver dans ce type de logements sont le séjour et les aires de services (cuisine, toilettes, salle d’eau). Sous certaines conditions, on peut également retrouver une pièce pour pratiquer une activité économique et un espace pour élever des animaux.

Une typologie de logements pour ménages à faibles revenus serait divisée en 3 types: immeubles à appartements, immeubles collectifs, maisons familiales basses. Dans les immeubles à appartements, les logements doivent être conçus indépendants, clos et avec séjour et aires de services (cuisine, toilettes, salle d’eau). Dans les immeubles collectifs, les aires de services peuvent être partagées par plusieurs logements. Les maisons familiales basses peuvent être conçues sur des parcelles de moins de 50 m2 et regroupées autour d’équipements collectifs, dont des points d’eau, des fosses septiques collectives et des points d’entreposage et de ramassage des déchets. La conception des logements doit être assez flexible pour tirer au maximum profit de l’espace. Les logements devraient être orientés au sud ou au sud-est pour une bonne ventilation, une lumière naturelle et pour économiser l’énergie.

Les zones de construction de logements pour ménages à faibles revenus devraient se situer dans les zones à faible valeur foncière et à proximité des zones génératrices d’emploi pour les pauvres (près des stations de transport, des marchés, des quartiers riches, etc.).

Les exigences de surface et les paramètres techniques

La surface des logements est calculée à l’aide des paramètres suivants:

• L’espace moyen par personne pour les activités quotidiennes est de 4 à 6 m2. Les aires de services représentent en moyenne 2 à 3 m2 par personne. La salle d’eau et les toilettes devraient avoir une superficie supérieure à 2 m2 et la cuisine une superficie supérieure à 4 m2.

• La surface de la chambre est toujours comprise entre 10 et 18 m2.

• Le cas échéant, la zone réservée à l’activité économique doit être supérieure à 8 et 10 m2.

• S’il y a un grenier, celui-ci doit être considéré comme une zone de vie pour la famille.

• Dans les maisons d’habitation, la hauteur d’un étage est calculée depuis le sol de la maison jusqu’au sol de l’étage supérieur, et la hauteur du séjour doit être comprise entre 2,7 m et 3,5 m, la hauteur des aires de service entre 2,1 m et 2,7 m et la hauteur du commerce ou de l’échoppe entre 2,1 m et 2,4 m.

Les exigences d’hygiène dans les bâtiments ou les constructions:

• Les logements nécessitent un système de fenêtres et de portes favorisant une ventilation naturelle, accueillant les vents frais du sud et du sud-est et repoussant les froids vents du nord et du nord-ouest.

• En outre, pour assurer un éclairage naturel satisfaisant, la proportion des portes, fenêtres et ouvertures devrait être supérieure à 10 % de la superficie des logements.

• La largeur totale des escaliers et des issues de secours est fonction du nombre de personnes dans les pièces les plus occupées et correspond aux données suivantes (sauf pour le rez-de-chaussée). Ainsi pour les maisons à un étage, 1 m pour 125 personnes et, pour les immeubles de plus de 3 étages, 1 m pour 100 personnes. En résumé, cette largeur devrait toujours se situer entre 0,9 et 1 m.

Les exigences en termes de matériaux de construction:

• Tous les composants de la structure, des fondations au toit, peuvent être faites de matériaux locaux et à faible coût, comme des murs de boue séchée, de briques, de brique non cuites, bois, pierre, béton, béton léger, bambou, etc.

Ces propositions et ces normes ont été détaillées dans un guide de construction économique pour les ménages pauvres. Ce guide, élaboré par les chercheurs de l’Université d’architecture de Hanoi, est très détaillé et comporte des chapitres portant sur la structure, l’arrangement, les procédés de construction, le choix des matériaux et des équipements. Il pourrait facilement être transformé en un code du logement économique et servir de référence administrative pour tous les cas, au moins, où les services municipaux doivent accepter et autoriser des établissements temporaires, comme le prévoit la nouvelle politique du logement. Idéalement, ce code pourrait être révisé et adapté pour servir de références ultérieures, à la condition d’arriver à proposer un modèle vietnamien d’habitat économique.

Conclusion

Tout en étant moins avancée que sa concurrente méridionale, Hanoi a cependant commencé à mettre en place une réflexion sur la question du logement des plus démunis. Hô Chi Minh-Ville a dû en effet affronter le problème criant de bidonvilles concentrés sur et le long des canaux dans le centre-ville. Hanoi ne connaît pas ce type de problème jusqu’à maintenant. La Ville a donc entrepris des actions ponctuelles sur des espaces et des types de logements qui faisaient problème; les maisons traditionnelles dans le quartier des «36 rues» et les immeubles de logements construits dans les années 60, 70 et 80. Ces actions devaient avoir un caractère exemplaire. Elles ont été plus ou moins réussies à cause du manque de stratégie globale. Un jour ou l’autre, la Ville devra concevoir une politique générale du logement, avec un volet spécifique pour les besoins des ménages les plus démunis. Elle devra alors compter sur ses moyens et sur ses caractéristiques propres.

Elle devra d’abord tenir compte des grandes différences qui existent entre ses 4 arrondissements centraux urbanisés et ses 11 arrondissements périphériques à organisation spatiale rurale. Les quartiers périphériques comptent encore beaucoup de terrains libres, dont les coûts d’achat ou de location des droits d’usage sont encore bas. Des habitations à un niveau, de type rural, pourraient y être construites; on pourrait y utiliser des matériaux­locaux pour les murs et la toiture. On pourrait y favoriser des modèles d’auto-construction sur des trames minimalement équipées. Dans le centre, par contre, le terrain disponible est rare et cher. Les densités devront y être plus élevées. La planification et la gestion des projets de rénovation et de construction neuve devront tenir compte des besoins des occupants actuels et des activités commerciales florissantes. Il faudra implanter une structure verticale des prix pour tenir compte des capacités de payer des commerçants (au rez-de-chaussée) et des ménages démunis (aux étages).

La Ville devra aussi tenir compte du fait que la solution au problème du logement à Hanoi passe par la multiplication des initiatives et la diversité des concepts d’intervention. Elle devra bien sûr s’assurer de réserves foncières, refaire la subdivision du parcellaire, investir dans le réseau d’infrastructures, réserver des sols à construire pour les organisations gouvernementales qui peuvent favoriser des expériences d’auto-construction pour leurs employés. Ce dernier type d’expérience a déjà été essayé à Thanh Cong, Lang Ha, Dam Trau et Phuc Xa. Pourtant, tout en ayant permis de résoudre certains problèmes de logement, cette pratique demeure malgré tout peu efficace puisque elle est très coûteuse en termes de consommation d’espace.

Au-delà des expériences de nature technique, il semble assez évident que toute stratégie doit impliquer une révision des moyens financiers. Bien sûr, le gouvernement pourrait, et devrait, pour des raisons humanitaires, réserver une partie de son budget d’immobilisation à la construction de logements pour les ménages pauvres. En 1992, la Ville de Hanoi avait ainsi pu construire 100 appartements, représentant 5000 m2 de superficie, pour les plus pauvres. La Ville devrait prendre des engagements fermes pour transférer, à des programmes de logement pour les pauvres, une partie des bénéfices réalisés par la vente du parc locatif; elle pourrait ainsi mettre à disposition des ménages pauvres des logements en location, à bas prix, et des logements en accession à la propriété par versements annuels échelonnés sur plusieurs années.

Même dans ce derniers cas, le gouvernement ne réussira pas seul à soulager les conditions de pauvreté relative au logement. Il devrait signer des ententes avec les banques populaires pour prêter à taux préférentiel aux personnes ayant des moyens insuffisants pour accéder à la propriété. Il n’y a pour le moment à Hanoi qu’une seule banque de ce type (HABU-BANK); toutefois ses taux d’intérêt sont élevés et la participation populaire faible comme on a pu le voir dans le chapitre trois. Le gouvernement étudie donc la possibilité de créer de nouvelles banques destinées principalement à intervenir en matière de logement. Nous décrirons ce projet dans le chapitre sept.

Enfin, le gouvernement songe sérieusement à canaliser une partie de l’aide internationale vers le secteur du logement. Il compte beaucoup, au démarrage, sur l’apport des communautés de Vietnamiens vivant à l’étranger. Mais l’apport le plus important et le plus significatif pourrait être celui des communautés vietnamiennes, supportées et encadrées par des organisations non gouvernementales internationales, qui ont déjà démontré le succès de leurs concepts d’auto-financement dans d’autres pays asiatiques. Le Viêt-nam n’a, à ce jour, aucunement profité de cette expertise.

Ces réflexions, ces expériences et ces nouveaux éléments de stratégie sont les composantes d’une nouvelle approche de support aux capacités des ménages et des communautés. On notera l’originalité d’une démarche qui, ayant sans doute appris des erreurs passées, ne se limite pas à un champ d’intervention réglementaire ou législatif, mais tente de balayer l’ensemble du spectre des acteurs du logement et de promouvoir une prise en charge des moyens d’action, à la fois par les autorités et par le milieu. Pour le Viêt-nam, il s’agit d’un changement important d’attitude et de principes. Nous retrouverons ces principes à la base de la nouvelle politique du logement, esquissée par le ministère de la Construction, dans le chapitre sept.

Page laissée vide intentionnellement

6
Éradication et réhabilitation
des bidonvilles à Hô Chi Minh-Ville
1

Le parc immobilier à Hô Chi Minh-Ville est composé approximativement de 555000 immeubles occupant un territoire de 36000 km2. La grande majorité des immeubles (462074) occupe un territoire de 24000 km2. Les 62074 immeubles appartenant à l’État occupent moins de 4000 km2. Le parc immobilier privé est quant à lui composé de 400000 unités sur un territoire de 20000 km2. A la densité du cadre bâti s’ajoutent des surfaces habitables moyennes extrêmement réduites par personne. En effet, les ménages comptent en moyenne 5 personnes, mais en réalité, dans les quartiers populaires, 2 ou 3 ménages peuvent cohabiter sous le même toit et compter entre 10 et 15 personnes.

Il existe de nombreux bidonvilles à Hô Chi Minh-Ville. Dans ces quartiers, les maisons sont fortement dégradées, construites de matériaux précaires; elles ne protègent ni de la pluie ni du soleil; les équipements domestiques sont réduits à leur plus simple expression; les infrastructures sont minimales et, du fait qu’un bon nombre de ces quartiers sont situés en bordure des canaux, l’environnement est fortement pollué. Les populations vivent entassées dans des baraques, ne disposant en moyenne que de 2 à 4 m2 de surface habitable par personne; les conditions d’existence sont donc très pénibles. En 1977, il y avait 43000 logements insalubres, dont 18000 étaient situés le long des canaux. En 1994, 67000 logements insalubres étaient dénombrés, dont 24000 étaient situés le long des canaux.

1. Ce chapitre a été rédigé à partir du rapport de recherches (CRDI) de l’Université d’architecture de Hô Chi Minh-Ville.

Les bidonvilles

La localisation des bidonvilles

Les bidonvilles sont concentrés dans le centre de la ville le long des canaux. Ces derniers se déploient sur une longueur de 72 kilomètres à l’intérieur de la ville. Le canal Nhieu Loc-Thi Nghe long de 10 kilomètres traverse cinq arrondissements; le canal Ben Nghe d’une longueur de 7,5 kilomètres traverse l’arrondissement VIII; le fossé Cau Chong long de 4 kilomètres traverse l’arrondissement IV. Les 24000 logements insalubres installés le long des canaux génèrent une énorme pollution. L’évacuation des eaux usées se fait directement dans les canaux et, comme il n’y a pas de collecte organisée des déchets, ces derniers s’entassent un peu partout sur le sol et sur les canaux.

Près des canaux, un réseau complexe de petites rues abrite des milliers de baraques (la Ville en a dénombré plus de 500). Il n’y a pas de système d’approvisionnement direct en eau, ni de système d’évacuation des eaux usées. Dans certains îlots, la densité de population est très élevée; par exemple l’îlot Xom Chua enregistre une densité de 87000 personnes au kilomètre carré.

La population des bidonvilles

Les habitants des bidonvilles viennent de toutes les régions du pays. Les gens sont arrivés à Hô Chi Minh-Ville pendant deux grandes périodes: de 1960 à 1975, pour échapper à la guerre qui faisait rage à l’extérieur des centres urbains, les populations sont venues s’installer en ville principalement le long des canaux et dans les petites rues; depuis 1986, avec la politique de rénovation économique («doi moi»), un grand nombre de ruraux sont arrivés à Hô Chi Minh-Ville, motivés par l’espoir de pouvoir mieux y gagner leur vie. De plus, les désastres naturels tels que les tornades dans les provinces du centre, les inondations dans le delta du Cuu Long, l’érosion des sols fertiles dans les montagnes du nord ont tout aussi contribué à l’exode rural. Le bilan migratoire pour cette période indique une forte prédominance des immigrants des provinces de la côte du centre-nord, des régions montagneuses du centre et du nord du pays. Cette croissance a eu comme effet de générer plusieurs nouveaux bidonvilles. La résolution des problèmes de logement pour les populations pauvres doit donc être envisagée sur une échelle plus vaste dépassant les limites physiques de la ville. La croissance démographique à Hô ChiMinh-Ville est indissociable du niveau de développement socio-économique de l’ensemble du pays.

Quant au statut légal des ménages, dans certains arrondissements, on observe une proportion de deux tiers d’illégaux pour un tiers possédant des papiers de résidence légale. Dans certains quartiers de l’arrondissement IV par exemple, c’est plus de 90 % des ménages qui n’ont pas de papiers légaux de résidence.

Le niveau d’éducation des populations des bidonvilles est très faible comme en témoignent les exemples suivants: dans les îlots Xom Ruong du quartier 12 de l’arrondissement VIII, 59,92 % des personnes âgées de plus de 7 ans n’ont pas complété le niveau élémentaire et 10 % de ces personnes sont illettrées. Dans les îlots 35 et 41 du quartier 14 de l’arrondissement IV, 64,79 % de la population n’ont pas complété le niveau du primaire et 8,67 % sont illettrés.

Les populations des bidonvilles composent une main-d’œuvre peu qualifiée avec un très faible niveau de formation professionnelle. La population d’un des bidonvilles étudiés (quartier 12 dans l’arrondissement VIII) présente le profil suivant au niveau de l’emploi: plus de 80 % des personnes travaillent dans le petit commerce (vendeur de billets de loterie, livreur d’eau), les services de proximité (conducteur de triporteur, cordonnerie, coiffure) ou la petite production (fabrique de contenant d’aluminium, d’encens etc.). La majorité des personnes travaillent à la maison ou sur la rue. La majorité des personnes interrogées travaillent 7 jours par semaine, 12 heures par jour et gagnent juste assez pour vivre. Le travail des enfants est nécessaire pour arriver à boucler le budget et la plupart des activités se déroulent dans les quartiers de résidence des ménages.

Dans le quartier 6 de l’arrondissement Tan Dinh, près de 60 % des travailleurs n’ont aucune formation; dans les îlots Xom Ruong du quartier 17 de l’arrondissement VIII, ce taux atteint 80 % et dans le groupe de résidents 35, du quartier 14 de l’arrondissement VIII, siège de plusieurs activités traditionnelles tel le tannage du cuir, seulement 30 % des travailleurs sont qualifiés.

Selon le Bureau de la Statistique (GSO, 1994), pour 1993, les populations pauvres en milieu rural touchaient des revenus mensuels moyens inférieurs à 50000 dongs; les plus pauvres quant à eux gagnaient moins de 30000 dongs. En milieu urbain, les revenus sont relativement plus élevés. En effet, le revenu mensuel moyen des populations démunies de l’ensemble de la ville est de 70000 dongs, et, pour les plus pauvres, ce revenu est inférieur à 50000 dongs. L’endettement des ménages est fréquent et influe directement sur le niveau de vie des ménages. Certains prêts se pratiquent à des taux d’intérêts fort élevés (20%) mettant constamment les ménages en situation précaire. Il n’y a pour ces ménages aucun filet de protection sociale (assurance maladie, syndicats, etc.). Des enquêtes spéciales, menées par la Ville, dans les arrondissements les plus pauvres, révèlent la répartition suivante des ménages par rapport au niveau des revenus:

Dans les îlots Xom Ruong du quartier 12 de l’arrondissement VIII, les ménages pauvres représentaient 21,67 % en 1992. Dans la Zone du Triangle du quartier 5 de l’arrondissement XI, les ménages pauvres constituaient presque la moitié des ménages (48%) en 1993. Enfin dans le groupe d’îlots 35 et 41 du quartier 15 de l’arrondissement XI, les ménages pauvres comptaient pour 33 % alors que les très pauvres atteignaient 15%; c’est donc près de la moitié de la population de ce quartier qui vivait dans la pauvreté.

Parce que l’espace intérieur habitable est réduit, les gens ont tendance à utiliser énormément l’espace public. C’est ainsi que les rues, ruelles, trottoirs deviennent en quelque sorte des extensions de la maison. Les gens vivent dans la rue et ceci renforce les liens dans la communauté en créant un fort sentiment d’appartenance au quartier ou au groupe d’îlots.

Portrait de certains bidonvilles sélectionnés

La recherche sur l’amélioration de l’habitat insalubre à Hô Chi Minh-Ville a porté sur les îlots faisant l’objet de programmes municipaux, plus particulièrement dans certains quartiers des arrondissements IV, VIII, V. Les stratégies développées dans quelques autres arrondissements, tels que les arrondissements Phu Nhuan, I, III, XI, Binh Thanh et Go Vap, ont aussi été examinées. La sélection des arrondissements et des quartiers s’est effectuée conjointement avec le Comité populaire. Afin d’illustrer plus en détail la situation dans les bidonvilles, mais en évitant d’allonger cette présentation, nous allons réduire cette illustration à quelques cas représentatifs.

Portrait des bidonvilles dans l’arrondissement IV

L’arrondissement IV forme une enclave circonscrite par trois cours d’eau: la rivière Saigon, le canal Te et le canal Ben Nghe. La superficie de l’arrondissement est de 4 km2; environ 30 % du territoire est constitué de plans d’eau. Les 15 quartiers de l’arrondissement IV sont adjacents au centre-ville. On y dénombre 207891 habitants pour une densité de 51955 habitants au km2. Il y a 30537 unités d’habitations, dont 8500 logements insalubres (28 % du stock de logements). Environ 4500 unités d’habitations sont situées le long des canaux, soit 53 % du total des logements insalubres. L’arrondissement IV se classe au deuxième rang dans la ville pour sa quantité de logements insalubres.

La population est originaire de différentes régions du pays et est caractérisée par une très grande mobilité. La population de l’arrondissement, à cause de la proximité du centre-ville, a fluctué selon les différentes étapes du processus d’urbanisation.

Le niveau des revenus est instable et cette instabilité est fortement tributaire de la concentration des activités économiques dans le secteur informel de l’économie. La structure de la main-d’œuvre est caractérisée par une contribution importante du travail des femmes et des enfants au revenu des ménages. La répartition de l’emploi dans l’arrondissement est la suivante: les travailleurs manuels constituent 45 % de la main-d’œuvre; les petits commerçants 20%; les conducteurs de triporteurs 10%; les employés de l’État à faibles revenus 17%; et 8 % de la main-d’œuvre fait toute sorte de petits travaux.

La grande majorité des logements appartiennent à des propriétaires-occupants. Plus du quart des unités sont construites sur des terrains légués par les parents; environ 20 % sont érigées sur des terrains appartenant à l’État. Environ le tiers des maisons ont été acquises avant 1986, pendant qu’un peu moins du quart furent achetées après cette date; c’est-à-dire que la majorité des titres de propriété n’ont pas été enregistrés. Un faible taux de ménages occupent temporairement des logements loués au secteur privé (moins de 5%). Le taux élevé de propriétaires-occupants est un important facteur de motivation pour améliorer les conditions de logement.

Au niveau des prix, un logement de 30 m2 en bordure des canaux se vend approximativement de 500 à 750 dollars américains. Les transactions ne sont soumises à aucun contrôle des autorités officielles. La proportion des ménages sans statut légal de propriété est très élevée, soit de 85 % à 95%. Le long du canal Cau Chong, par exemple, la situation des ménages illégaux est la suivante:

Quartiers, arr. IV

% légal

% illégal

Quartier 8

9,28

90,72

Quartier 9

8,13

91,87

Quartier 10

13,9 

96,1 

Total

11,0 

89,0 

La surface moyenne des logements est de 26,34 m2, incluant en moyenne 4,71 m2 pour le rangement et 21,02 m2 de surface habitable pour les occupants.

Au niveau des équipements domestiques de base (cuisine, salle de bains et toilettes), trois cas de figure sont représentés: les ménages ne possèdent aucun des équipements, les ménages possèdent à titre privé ces équipements, les ménages partagent les équipements avec un ou plusieurs ménages. Près de 50 % des ménages n’ont pas de cuisines; environ 60 % utilisent exclusivement les toilettes publiques, par contre près des deux tiers des ménages possèdent une salle de bains privée, le plus souvent faite de matériaux périssables et ouverte.

Les infrastructures dans les bidonvilles de l’arrondissement IV sont rudimentaires, en mauvais état, ne répondent pas à la demande et ne satisfont pas aux exigences requises pour assurer le bien-être des populations. Le niveau de prestation des services de base est très faible.

Moins du quart des ménages ont l’eau courante dans la maison. Les trois quarts des ménages partagent des points d’approvisionnement en eau (parfois fort éloignés) situés à l’extérieur du domicile, achètent l’eau au sceau ou encore ont des puits. Il n’existe aucun contrôle de la qualité de l’eau consommée. D’autre part, il n’y a pas de réseau ou de système d’assainissement des eaux usées. Elles sont déversées la plupart du temps directement dans les canaux; 89 % des ménages déversent leurs eaux usées directement dans les canaux. Les effluents ne sont donc pas traités. Il n’y a pas de collecte organisée des ordures pour 83 % des ménages, avec pour résultat l’accumulation des déchets sur le site d’habitation.

Près de 70 % des ménages utilisent des branchements électriques bricolés à partir des maisons voisines; ceci augmente les risques d’accidents et d’incendies. Plus de 6 % des ménages n’ont pas du tout d’électricité.

Les rues sont étroites et tortueuses, en mauvais état, sombres et sales. Les trottoirs occupent une grande proportion des emprises des rues, ce qui contribue à des embouteillages importants et nuit à la circulation. La largeur moyenne de ces rues est de 1,2 à 2 mètres; 30 % des rues sont en terre battue ou recouvertes d’agrégats et le revêtement bétonné de 70 % des rues est complètement dégradé.

Au niveau des stratégies de rénovation résidentielle, près de 51 % des ménages se proposent d’améliorer eux-mêmes leurs logements; 6 % ont pour projet de vendre leurs maisons pour en acheter une neuve; 6 % ont d’autres projets pour améliorer leurs conditions de vie et 37 % ne voient aucune possibilité d’améliorer leurs conditions d’habitat.

Portrait des bidonvilles dans l’arrondissement VIII

L’arrondissement VIII est un des plus grands de Hô Chi Minh-Ville avec une superficie de 18,9 km2; il s’étend le long des canaux Tau Hu et Doi. Il représente une voie d’accès importante vers les provinces du Delta du Mékong. C’est l’arrondissement le plus pauvre de la ville. Sa popula­tion est de 295732 habitants et la densité moyenne est de 15730 habitants au kilomètre carré. Dans les 16 quartiers le composant, il y a 36000 unités d’habitations dont 4000 taudis abritant 20000 personnes le long des canaux.

En 1995, une enquête, menée conjointement par des étudiants et des professeurs de l’Université de Colombie-Britannique et de l’Université d’Architecture de Hô Chi Minh-Ville (Leaf, 1995), a permis de dégager un portrait sommaire de l’habitat, de l’emploi et des infrastructures dans certains quartiers de l’arrondissement. Dans le quartier 10, l’équipe de recherche a dégagé trois grandes catégories de logements:

La première catégorie est constituée de maisons en dur, est composée de propriétés légales qui sont occupées par les habitants depuis environ 20 ans. Nombre des ces maisons, rénovées par leurs propriétaires, sont raisonnablement spacieuses et confortables et leur structure est solide. La plupart possèdent des toilettes privées; l’électricité et l’eau courante sont obtenues par des branchements secondaires. Elles sont situées le long d’une allée en ciment qui délimite les anciennes rives du canal. Le remblaiement du canal et l’expansion des habitations, ces 20 dernières années, ont réduit la largeur du canal d’environ 10 à 20 mètres.

Les données recueillies pour l’étude de ce secteur sont basées sur un échantillon de 10 maisons situées sur les anciennes rives du canal et de 6 maisons le long de la rue Ba Dinh. Suite à un incendie en 1968, les maisons situées sur les anciennes rives du canal ont été reconstruites, pour la plupart en béton; elles ont une moyenne de 3 pièces avec une surface totale de 61,5 m2. Quant aux maisons situées sur la rue, la plupart d’entre elles ont été reconstruites et agrandies durant les 11 dernières années (4 maisons sur 6 durant les 5 dernières années.). Ces maisons possèdent en moyenne 5 pièces.

La population de ce secteur habite là depuis plus d’une génération. Il en résulte un sentiment d’appartenance au milieu très fort. La majorité des résidents interrogés sont très satisfaits de l’emplacement de leurs maisons et préfèrent rester sur place et rénover ce qui existe plutôt que d’être relogés dans des ensembles résidentiels. Plus de la moitié des personnes possèdent une petite entreprise ou une petite unité de production à proximité de leur maison. Environ 40 % des ménages utilisent le rez-de-chaussée pour mener leurs activités commerciales.

Les résidents de la rue Ba Dinh ont un approvisionnement légal en eau et revendent l’eau par l’intermédiaire de canalisations secondaires aux ménages qui habitent le long du canal. La majorité des résidences sur cette rue sont branchées au réseau électrique légal et paient une redevance mensuelle pour la collecte des ordures. La majorité ont des toilettes avec chasse d’eau dans leurs maisons; cependant quelques ménages utilisent les latrines publiques situées à l’extérieur du secteur.

Les priorités d’amélioration pour les habitants concernent les sanitaires et l’accès légal à l’eau courante. La priorité donnée à l’accès à l’eau du réseau public réside dans le fait que les coûts engendrés par les branchements secondaires sont élevés. La surpopulation est un autre problème, spécialement pour les grandes familles. La taille moyenne des ménages est de 6 personnes, mais certains en comptent 10 ou plus. Le manque de disponibilité financière apparaît comme étant la principale raison pour ne pas agrandir ou rénover leurs maisons de leur propre initiative.

Les résidents du deuxième secteur, le long du canal, possèdent des logements de qualité inférieure et, malgré le fait qu’ils soient propriétaires, ils vivent constamment dans l’insécurité par rapport à la jouissance de leurs logements, contrairement aux habitants du premier secteur.

Les maisons sont petites, sans fondations solides et leurs structures sont instables. L’approvisionnement en eau et en électricité provient de branchements secondaires. Les eaux usées sont déversées directement dans le canal. Ces maisons ont été construites durant les 20 dernières années en remblayant le canal ou par-dessus ce dernier sur pilotis.

Les données recueillies pour l’étude de ce secteur sont basées sur un échantillon de 15 maisons situées sur les remblais ou sises sur des pilotis. La plupart d’entre elles font face à une allée cimentée qui marque la frontière entre cette zone et la prochaine. Ces maisons sont construites en bois, bambou, nattes de roseau et autres matériaux d’occasion. Les maisons sur l’allée possèdent souvent une façade en béton. Toute ces maisons ont été construites depuis 1975 et la plupart d’entre elles datent de la fin des années 80. Il y a en moyenne 2 pièces par maisons; ce sont de petites pièces car la surface moyenne de l’ensemble est de 23 m2.

Beaucoup de ces maisons ont été construites dans les dernières années mais un grand nombre d’habitants habitent le quartier depuis 25 ans et plus. Peu de résidents utilisent leurs maisons comme vitrine pour leurs affaires, mais la plupart travaillent à proximité. Les résidents dans ce secteur ont généralement des emplois sous-payés avec des revenus instables.

Aucune des résidences ne jouit d’adduction d’eau du réseau légal et près de la moitié des ménages achètent l’eau à des vendeurs plutôt que d’utiliser des connexions secondaires. Même les ménages les plus pauvres s’approvisionnent en électricité via des branchements illégaux. Certaines maisons possèdent des latrines privées, mais beaucoup de ménages dépendent des latrines publiques; toutes se vident directement dans le canal. Moins de la moitié des ménages paient la redevance mensuelle de collecte des ordures; les autres ménages jettent leurs ordures dans le canal.

La plupart des résidents préfèrent rester sur place et rénover; mais le manque de moyen financier freine la réhabilitation des logements. Malgré les coûts additionnels engendrés par l’approvisionnement illégal en eau et en électricité, la priorité identifiée par les ménages concerne avant tout l’amélioration de l’habitat au détriment de l’amélioration des infrastruc­tures publiques. La plupart des résidences nécessitent un toit neuf, un sol en béton et une consolidation de la structure. Bien que les résidents aient des revenus relativement faibles et que certains aient des dettes, plusieurs ménages ont quand même effectué par eux-mêmes certains travaux de rénovation.

Le troisième secteur, constitué de logements construits par l’État, a été édifié sur d’anciens marais. Les résidents ont été relogés dans de nouveaux logements après démolition des anciens; ils ont donc été relogés sur le site. Il y a un secteur avec des immeubles à un étage et un nouveau développement d’immeubles à 3 étages. Les maisons en rangée de 1 étage ont été construites après consultation avec les habitants. Avant l’achèvement du projet, il fut admis par les autorités locales que des constructions à 1 étage ne suffisaient pas à répondre à la demande; on a donc construit des immeubles à plus grande densité (3 étages). Chaque ménage dispose d’une toilette avec chasse d’eau et d’un compteur électrique. Les nouveaux appartements ont l’eau courante, alors que les maisons de la première tranche (maisons à 1 étage) dépendaient des vendeurs d’eau et des branchements secondaires.

Le secteur 3, pour les besoins de l’enquête, a été divisé en 2 groupes: les maisons en rangée de un étage et les ensembles à 3 étages. Toutes les unités d’habitations sont composées de deux pièces avec une surface totale au sol de 35 m2. Les résidents interrogés habitent cet endroit depuis au moins une génération et plusieurs d’entre eux depuis trois générations. Beaucoup ont indiqué qu’ils auraient préféré rénover leurs anciennes demeures et qu’ils n’ont pas décidé d’eux-mêmes de s’installer dans les immeubles de haute densité. Malgré le peu d’enthousiasme initial, la majorité exprime sa satisfaction des conditions de vie actuelles. Toutefois, l’endettement pour l’achat des nouveaux logements, même si le remboursement est échelonné sur 15 ans, constitue pour ces gens une situation inhabituelle et contraignante.

Au rez-de-chaussée des immeubles, les résidents interrogés ont installé un commerce. Les rez-de-chaussée coûtent en moyenne 3 fois plus cher que les étages. Malgré ce fait, ils sont très recherchés puisqu’ils permettent aux ménages de générer des revenus.

Les logements dans les immeubles possèdent tous les équipements de base et sont desservis par les infrastructures publiques.

L’enquête concernant l’emploi dans le quartier 12, un des quartiers parmi les plus pauvres de la ville, révèle que la majorité des emplois sont journaliers, d’où une grande instabilité des revenus des ménages. L’enquête sur un nombre restreint de personnes a révélé une grande diversité des emplois. Certains des emplois font partie d’une tradition familiale. C’est le cas, par exemple, de la petite production de craie, d’encens, de pièces de bateau, de bicyclettes, de la petite production de denrées alimentaires telles les nouilles, le pain ou du petit commerce. Les savoir­faire sont transmis de génération en génération. Les emplois qui nécessitent une formation génèrent davantage de revenus stables que les emplois dont les savoir-faire ont été acquis dans la famille.

Les principales stratégies concernant l’habitat à Hô Chi Minh-Ville depuis 1977

De 1977 à 1980, la politique de l’habitat à Hô Chi Minh-Ville, relativement aux populations pauvres et sans statut de résidence, a emprunté principalement à la politique de la population. C’est ainsi que 7000 ménages ont été invités à quitter la ville pour s’établir dans les nouvelles zones économiques situées aux frontières. Après 1980, même si cette politique a continué à être appliquée, le gouvernement municipal a commencé un programme de relocalisation, vers de nouveaux ensembles résidentiels construits par lui, des ménages vivant sous les ponts, en bordure des canaux et dans les cimetières. Environ 5000 ménages ont ainsi été relocalisés. En 1992 et 1993, un projet pilote de vente de maisons par remboursements échelonnés a été mis sur pied. Il y a eu 4100 logements vendus à des ménages pauvres ou touchant de bas revenus. Un fonds de lutte contre la pauvreté et la malnutrition a aussi été créé.

Certaines interventions ciblées d’amélioration de l’habitat ont été réalisées. Dans le quartier Tan Dinh de l’arrondissement I, le quartier 15 de l’arrondissement XII, les quartiers 12 et 14 de l’arrondissement VIII, le quartier 9 de l’arrondissement III, avec l’appui d’un certain nombre d’organisations non gouvernementales, les interventions ont consisté à développer des mécanismes de crédits adaptés, à augmenter les revenus et à améliorer les infrastructures.

Un programme majeur d’éradication des bidonvilles situés en bordure du canal Nhieu Loc-Thi Nghe et la construction de nouveaux immeubles sur ce site ont été mis en œuvre. Ce programme vise la réhabilitation complète de la zone d’ici l’an 2005. Récemment, de nouvelles politiques pour les ménages déplacés ont été élaborées. Les principaux éléments de ces politiques concernent: l’exemption de taxe foncière pour ces ménages, l’exemption de la taxe d’enregistrement, l’exemption de taxes sur le revenu pour les entrepreneurs impliqués dans la construction de logements pour ces ménages et un programme de construction de logements pour les vétérans ou toutes personnes ayant rendu des services à la nation pendant la guerre.

Toutes ces interventions ont touché à ce jour environ 120000 ménages (généralement pauvres), ont permis à 7000 ménages de se relocaliser dans les nouvelles zones économiques et ont contribué à l’élimination d’environ 5000 taudis le long des canaux et dans les cimetières. Par ailleurs, les interventions ciblées sur les 10 kilomètres du canal Nhieu Loc-Thi Nghe ont déplacé 13000 ménages et auront permis la construction de 4000 des 8000 logements prévus à la fin de 1995. Enfin, plus de 12000 maisons pour les vétérans ont été construites.

Les divers programmes sur l’habitat ont coûté entre 5 et 7000 milliards de dongs. Chaque année un montant moyen de 250 à 350 milliards de dongs est consenti aux diverses opérations issues des programmes.

La politique et les stratégies actuelles de la ville

La politique municipale d’éradication des bidonvilles

Le Comité populaire de la Ville a planifié I’éradication d’environ 40000 taudis dans 13 arrondissements, et il a prévu un fonds de 130 millions de dollars américains pour compenser les ménages touchés. Ce montant a été établi en estimant une compensation moyenne de 3300 dollars américains par ménage. Dans l’axe du canal Nhieu Loc-Thi Nghe, 12166 taudis seront démolis, et, dans ce cas, on estime les coûts à 44 millions de dollars, soit en moyenne 3600 dollars par ménage. Le Comité populaire a également prévu construire 40000 logements d’ici l’an 2000; ces logements sont en principe réservés au programme d’éradication des bidonvilles. 10000 autres logements sont également prévus, ceux-ci pour être mis en vente à tempérament. Ils pourraient, indirectement, servir aussi une partie des objectifs du programme d’éradication des taudis.

La politique définit trois catégories de logements qui feront l’objet de traitements particuliers dans le cadre du programme: ce sont les logements légaux, pour lesquels il y a un titre clair de propriété; ce sont les logements illégaux pour lesquels il n’y a pas de titre légal de propriété et ce sont les logements publics loués par l’État. Les ménages qui occupent des logements légaux auront droit à une compensation monétaire. Les ménages locataires et les ménages occupant des logements illégaux auront droit à des avantages en nature et à des compensations partielles. Les occupants de logements légaux pourront soit acheter un des logements construits par l’État dans le cadre du programme, soit acheter un logement sur le marché privé, soit acheter un terrain réservé par la Ville pour ce programme et se construire eux-mêmes. Les occupants de logements illégaux devront se relocaliser eux-mêmes ou retourner dans leur région d’origine. Enfin, les locataires de logements publics seront soit relocalisés dans d’autres logements publics, soit invités à se loger dans le marché privé.

La compensation totale offerte aux occupants de logement légaux comprend une compensation pour le droit d’usage du sol estimée à 100 % de la valeur marchande de ce droit et pouvant varier de 72 dollars à 136 dollars le mètre carré, dépendant de la catégorie à laquelle appartient ce terrain. Elle comprend aussi une compensation pour le logement, établie à 100 % de la valeur marchande et pouvant varier de 16 à 57 dollars le mètre carré, dépendant de la qualité de ce logement.

Les compensations offertes aux occupants de logements illégaux sont considérées comme des subventions à la relocalisation. Elles comportent une compensation pour la valeur du droit d’usage du sol (70 % de la valeur estimée si tous les occupants possèdent des titres légaux de résidence permanente, 30 % de la valeur estimée si aucun des occupants ne possède de titre de résidence). Elles comportent aussi une compensation pour la valeur du logement (95 % de la valeur estimée si tous les occupants ont des titres légaux de résidence, 30 % de cette valeur si aucun des occupants ne possède un tel titre).

L’aide aux ménages locataires de logements publics comporte une seule compensation correspondant à 60 % de la valeur du logement si l’occupant loue directement de l’État, et à 30 % si l’occupant est un souslocataire.

Chaque ménage déplacé a en outre droit à un montant pour couvrir en partie ses coûts de déménagement et à un autre montant pour lui permettre de stabiliser ses revenus. Le montant de couverture des frais de déménagement est un montant global pouvant représenter 90 dollars si tous les membres du ménage sont des résidents légaux, et 45 dollars si aucun des membres n’est un résident légal. La compensation pour stabilisation des revenus est un montant mensuel per capita, versé pendant 6 mois après le déménagement; elle est établie à 13,50 dollars pour les résidents légaux et à 9 dollars pour les illégaux.

En somme, quel que soit le programme et quelle que soit la localisation dans la ville, un ménage déplacé peut recevoir entre 14500 dollars et quelques centaines de dollars. La compensation totale moyenne a été estimée à 3000 dollars.

Nous verrons plus bas le détail de ces compensations à partir de cas types dans l’arrondissement IV. Mais outre cette politique formelle, bien détaillée, la Ville gage sur deux types de stratégies; les unes bien appuyées sur la politique, les autres admises à titre expérimental.

Actuellement, il y a deux grands types de stratégies mises en œuvre dans les opérations d’amélioration de l’habitat insalubre. La première des stratégies consiste à éradiquer les taudis, la deuxième favorise la réhabilitation des logements in situ. L’éradication nécessite le déplacement et la relocalisation des populations; la réhabilitation in situ suppose le maintien des populations sur place et le soutien à I’auto-construction ou à I’ autorénovation.

L’éradication des bidonvilles

Les autorités municipales ont élaboré un programme et des objectifs concernant l’habitat. Un des éléments fondamentaux de ces politiques est de reloger les populations pauvres vivant en bordure des canaux dans de nouvelles habitations. La disparition des bidonvilles le long des canaux aura pour effet de recréer une animation dans la vieille ville. Il y a 72 kilomètres de canaux dans la ville. La pollution y est très élevée. La disparition des baraques et la dépollution des canaux contribueront à redonner à la ville un paysage intéressant. L’ouverture des canaux à la navigation pourra permettre de décongestionner les rues de la ville. Le réaménagement des canaux rendra la ville plus attractive au plan touristique. La Ville considère que 20000 à 30000 logements doivent être construits annuellement; 5000 d’entre eux devraient être attribués aux habitants des bidonvilles sis en bordure des canaux et 5000 autres devraient être mis à la disposition des travailleurs à bas revenus.

En 1994, la Ville a entrepris la construction de nouveaux logements pour les habitants des rives du canal Nhieu Loc-Thi Nghe. Au total, sur les 10 kilomètres du canal, 13800 ménages sont concernés par cette opération. Des opérations similaires sont planifiées sur les rives des canaux Tan Hoa, Lo Gom, Tan Hu, Kenh Doi, Ben Nghe. Au total, les 24000 logements insalubres le long des canaux devraient disparaître ou être rénovés d’ici l’an 2000.

Ces opérations nécessitent l’évacuation des populations et implique une relocalisation dans de nouveaux ensembles résidentiels. La relocalisation prend plusieurs formes:

– la relocalisation à l’extérieur de la zone urbaine (dans les NZE);

– la relocalisation à l’intérieur de la ville, dans les nouveaux ensembles résidentiels loin du site d’origine (les nouvelles zones industrielles), dans des ensembles résidentiels à proximité du site d’origine (Cité Nhieu Loc) et dans des ensembles résidentiels construits sur le site d’origine (Cité Xom Cai, arr. 5).

Les résultats de ces opérations de relocalisation sont encore partiellement évalués. Dans la Cité Nhieu Loc, les ménages ont eu le choix entre deux formules: acheter un logement dans les nouveaux immeubles construits par la Compagnie Tan Binh de Construction et de Gestion, ou acheter une parcelle pour construire eux-mêmes leur logement. Au moment de l’enquête (été 95), la majorité des logements dans les immeubles étaient vacants. Seules une dizaine de familles déplacées avaient acheté un logement dans ces immeubles. Dans l’autre partie de la Cité, plus de 50 % des familles qui ont construit un logement, sur les parcelles réservées aux ménages déplacés, sont des ménages qui viennent d’ailleurs. Les ménages bénéficiaires de titres d’usage du sol, à bas prix, ont en fait revendu leurs titres et se sont installés quelque part ailleurs. Ils ont à cette occasion réalisé un profit intéressant de la façon suivante: ils ont d’abord obtenu un prêt sans intérêt de l’acheteur éventuel, ils ont acheté les titres d’usage à bas prix, et ils ont revendu ces titres au prix du marché. Par la suite, ils sont allés se relocaliser ailleurs, là où les prix sont encore moindres que les prix réduits dans la Cité.

A la Cité Xom Cai, les premiers résultats sont bien différents. Sur un échantillon de 90 familles ayant acheté un logement neuf dans la Cité, seules 6 familles ne sont pas des familles ciblées par le programme de relocalisation. On peut donc estimer que plus de 90 % des bénéficiaires du programme de relocalisation appartiennent bien au groupe cible. En fait, les ménages ont fait un effort spécial pour acheter un logement neuf sur les lieux mêmes de leur résidence antérieure. Ils restaient ainsi près de leurs lieux de travail et de leurs lieux d’affaires. En plus, la solidarité communautaire a joué: plusieurs ménages ont affirmé avoir reçu des prêts de personnes de la communauté.

Le processus de relocalisation

Le processus de relocalisation des populations des bidonvilles, visées par une intervention municipale, est très bien défini et structuré. Tout commence avec la création d’un comité spécial de relocalisation. Ce comité est composé du vice-président du comité populaire de l’arrondissement, du vice-président du Service de la construction et des représentants des services des finances et des transports.

La première tâche du comité est d’évaluer exactement la situation, pour établir le plus précisément possible le taux d’immeubles à démolir et le montant global du coût des compensations aux ménages dont les logements seront démolis. Puis, le comité établit la procédure de démolition et d’évacuation de la population touchée, étape par étape, ménage par ménage. Cette procédure peut être plus ou moins longue, compte tenu des coûts de compensation et des sommes disponibles. Celles-ci doivent être approuvées par la Commission municipale des finances.

Le comité doit aussi prévoir la relocalisation elle-même. Il doit évaluer les besoins en terrains pour les fins de relocalisation, s’assurer de la disponibilité de logements pour la relocalisation temporaire pendant les travaux, s’assurer aussi du nombre et de la qualité de logements nécessaires pour les fins de compensation, selon le cas. Enfin, il doit négocier la participation de tous les partenaires pour participer aux frais et aux travaux d’infrastructures dans les zones de relocalisation.

Selon les différentes formules de compensation, il doit établir une liste des bénéficiaires et préparer des ententes individuelles pour chacun des ménages concernés. Quand ces propositions sont prêtes, il doit tenir des séances de consultation avec les ménages concernés, dans les communautés impactées. C’est le comité populaire du quartier qui a la responsabilité d’organiser ces séances. Les services de la construction et des finances seront présents à ces séances pour informer les ménages et pour assurer une négociation finale sur les conditions de relocalisation et de compensation. A la fin de ce processus, une entente écrite sera signée par le représentant du comité populaire de l’arrondissement et le chef de ménage. Cette entente prévoit les dates exactes de relocalisation, le montant exact des compensations, les engagements pris pour mettre à disposition du ménage un nouveau terrain à construire ou un nouveau logement.

Il ne semble y avoir aucune partie neutre dans ce processus, qui pourrait par exemple agir à titre de médiateur, de conseiller ou de défenseur des droits des ménages. Malgré le rôle que peut jouer le comité populaire du quartier, il ne semble pas non plus que la communauté elle-même ait un rôle à jouer dans le processus; il est entièrement orienté vers l’entente finale, qui sera individuelle.

Les compensations

Le mode de compensation des populations déplacées est basé sur les éléments suivants:

1) La compensation pour le droit d’utilisation du sol est calculée sur la base d’une valeur attribuée au mètre carré en fonction de la localisation et du niveau des équipements et services sur le site.

Les prix sont calculés sur la base des paramètres suivants:

Largeur des ruelles

Approvisionnement en eau et électricité

Approvisionnement en eau seulement ou en électricité seulement

Aucun approvisionnement en eau et en électricité

Moins de 4 mètres

1000000 dongs

900000

800000

De 4 à 6 mètres

1400000 dongs

1200000

1000000

Les propriétaires de maisons, bâties légalement sur les canaux, touchent la moitié de la compensation versée pour un cas similaire sur la terre ferme. Pour les maisons bâties dans la légalité sur les rues et les ruelles, le montant de la compensation est entériné par les comités populaires d’arrondissement.

2) La compensation pour la valeur de la maison est calculée sur la base de la structure du bâtiment, de la qualité des matériaux et de l’existence de papiers légaux relatifs à la construction (permis de construction, droit d’usage, permis de résidence). La compensation pour les maisons sur les canaux avec droit légaux est calculée à partir des barèmes suivants:

Détails de la construction:

Compensation

Plancher de béton et murs de maçonnerie

640000 dongs

Plancher de béton, murs de bois recouverts de feuilles de métal

448000 dongs

Plancher de bois et murs de maçonnerie

400000 dongs

Plancher de bois, murs de bambou recouverts de feuilles de métal

250000 dongs

En plus de la compensation pour la maison, une somme peut être ajoutée pour les clôtures, portes extérieures et autres équipements particuliers construits légalement. Si les logements possèdent un compteur électrique, un compteur pour l’eau ou une ligne téléphonique, une compensation sera versée aux ménages pour ces équipements:

1200000 dongs pour le compteur électrique,

1500000 dongs pour le compteur d’eau,

6000000 dongs pour le téléphone.

Dans le cas où les constructions sont illégales, la compensation sera de 50 % des barèmes indiqués plus haut. Pour les résidents dont les constructions ne sont pas légales, certains critères s’appliquent selon la date d’arrivée sur le site. Les résidents qui n’ont pas de papiers légaux de construction et qui sont arrivés récemment sur le site (moins de 5 ans) doivent déguerpir sans aucune compensation:

Exemple dans l’arrondissement IV

3) Une compensation est accordée pour les personnes qui vivaient dans des logements de l’État et qui doivent être déplacées. Dans ce cas, si le bénéficiaire d’un logement public a loué ce logement à un autre ménage qui l’occupe, c’est le ménage-occupant qui bénéficiera des compensations. Celles-ci peuvent prendre deux formes: soit une relocalisation dans un logement équivalent, soit une compensation financière. Celle-ci sera établie en fonction de la valeur moyenne des compensations accordées aux propriétaires privés pour un logement équivalent, selon les barèmes suivants:

Constructions illégales

Taux de compensation
pour résidence illégale

Taux de compensation pour résidence légale

Avant 1988

Enregistrement dans l’arrondissement IV

70%

95%

 

Originellement non enregistré dans l’arr. IV

50%

80%

De 1988 à 1991

Enregistré à l’origine dans l’arr. IV

40%

60%

 

Originellement non enregistré dans l’arr. IV, dans ce cas aucune subvention n’est accordé, le propriétaire doit démolir lui-même sa construction et partir

 

 

Après 1991

Les constructions illégales réalisées après 1995, doivent être démolies par les propriétaires sans aucune compensation

 

 

 

Caractéristiques des logements d’État

Barèmes des subventions accordées

Logements fournis par l’État à un bénéficiaire et faisant l’objet d’une location à terme

60%

Logements fournis par l’État dont le bénéficiaire est enregistré mais dont l’occupant ne possède pas d’autorisation temporaire de location

40%

Logements fournis par l’État dont le propriétaire n’est pas enregistré et dont l’occupant ne possède pas d’autorisation de location

30%

4) Une subvention est accordée pour les frais de déménagement et pour compenser les pertes générées par le déménagement. Les résidents illégaux recevront cette aide uniquement s’ils déménagent dans de nouvelles résidences fournies par l’État on s’ils retournent dans leurs régions natales. Les familles qui doivent déménager reçoivent une subvention dont le montant varie selon leur statut légal:

Enregistrement officiel pour le logement:

1000000 dongs

Enregistrement officiel pour la famille:

500000 dongs

Enregistrement temporaire pour la famille:

500000 dongs

De plus afin de permettre aux membres des ménages de se stabiliser après le déplacement, une allocation est versée pendant 6 mois à chacun des membres de la famille, selon le statut de résidence de ces personnes:

Enregistrement permanent: 150000 dongs

Enregistrement temporaire pour plus de 2 ans: 100000 dongs

D’autre part, les ménages peuvent être dédommagés pour la perte de l’espace attribué aux activités de production à l’intérieur du logement. Par exemple, dans l’arrondissement IV, les montants ont été calculés sur les bases suivantes:

• Dans le cas où une autorisation de produire a été émise depuis plus de 6 mois, la compensation atteint 10 % des profits réalisés pendant les 6 derniers mois.

• Dans le cas où une autorisation de produire a été émise depuis moins de 6 mois, la compensation représente 10 % des profit réalisés pendant les mois d’opération.

• Dans le cas où le lieu des activités de production était loué, le propriétaire du lieu est dédommagé à 50 % de la valeur de la location.

Enfin, les ménages, qui désirent s’installer dans les fermes collectives ou retourner dans leurs régions d’origine, reçoivent une somme d’argent pour payer les frais de transports. Les familles illégales, quant à elles, qui ne peuvent trouver un logement stable dans la ville, sont envoyées dans les fermes collectives ou dans leurs régions d’origine. Ces familles reçoivent une allocation spécifique. Les familles qui décident de quitter Hô Chi Minh-Ville volontairement verront leurs frais de transport défrayés.

Le maintien sur place

La réhabilitation in situ des logements, impliquant le maintien sur place, semble la plus avantageuse pour les ménages car elle leur permet de continuer à vivre dans leur environnement, c’est-à-dire de conserver leurs relations sociales et leurs relations d’affaires.

Dans la communauté Hiep Thanh, une expérience de réhabilitation in situ a été réalisée. Elle a consisté, d’une part, à améliorer les services de base (construction de toilettes publiques, réparation des chaussées, construction d’un système d’égouts et d’approvisionnement en eau) et, d’autre part, à soutenir financièrement par un prêt les ménages dans la rénovation de leurs logements. Cette expérience s’est étendue dans certains autres quartiers.

Dans ce cas, le Service municipal du foncier et du logement et les représentants du quartier ont formé des comités locaux de citoyens pour s’attaquer aux problèmes d’infrastructures d’abord. Le gouvernement municipal se chargeait de libérer et de donner gratuitement à la communauté les terrains nécessaires à l’extension des réseaux d’infrastructure. Il participait aussi financièrement en prêtant à la communauté les sommes nécessaires pour les travaux. Ce sont les membres de la communauté qui ont pris les principales décisions relatives aux types d’infrastructures, à la réalisation et au contrôle des travaux. Une fois les travaux les plus lourds exécutés, ce sont les citoyens qui doivent gérer les ouvrages, établir les cotisations nécessaires au remboursement du prêt, réaliser les travaux de surface de remise en état ou d’amélioration des voies.

Cette expérience est considérée non achevée par les observateurs vietnamiens. En effet, si les conditions environnementales ont ainsi été améliorées, la situation du logement n’a pas vraiment changé, ni la situation économique. Ces expériences devraient être complétées par des services de conseil et de formation supportant les ménages dans la prochaine étape qui consistera à restaurer les logements. Dans ce cas, il faudra s’assurer qu’ils pourront obtenir des prêts individuels ou collectifs des banques populaires pour le logement. Il faudra aussi continuer à supporter l’organisation communautaire, par des programmes pour l’emploi et le développement économique, en faisant appel au programme de lutte contre la pauvreté.

Hô Chi Minh-Ville a des milliers de logements insalubres dans les petites rues et le long des canaux. L’économie du Viêt-nam est encore peu développée et les capacité de support de l’État sont donc très limitées. Les populations pauvres ne peuvent accumuler du capital. Dans ce contexte, la réhabilitation in situ représente une solution adéquate pour des milliers de pauvres.

Quelques études de détail

Cas de relocalisation

Dans l’arrondissement IV, 314 maisons ont été démolies afin d’élargir une rue. Les compensations pour le droit d’utilisation du sol ont été en moyenne de 1100000 dongs le mètre carré; elles ont varié de 1400000 dongs à 800000 dongs le mètre carré. La compensation pour les maisons a varié de 640000 à 180000 dongs le mètre carré, avec une moyenne de 410000 dongs.

La compensation totale la plus élevée pour les maisons sur pilotis, le long des canaux, équivalait à 50 % de la valeur des compensations accordées pour le sol et les immeubles. Par exemple, en prenant la valeur moyenne des terrains et des maisons, on fait le calcul suivant:

1100000 + 410000 × 50 % = 755000 dongs [11000 dongs équivalent à environ 1 dollar américain]. La compensation pour le déménagement et les frais de transition est fixée à 100000 dongs par personne par mois pendant 6 mois. Les ménages illégaux ont eu droit à 10000 dongs par personne par mois s’ils déménageaient dans de nouvelles maisons fournies par le gouvernement. Dans le cas concret d’un ménage illégal de 5 personnes vivant dans une maison sur pilotis en bordure du canal et utilisant 30 m2, la compensation totale équivalaient à 25650000 dongs (environ 2300 dollars américains). Cependant en réalité, certains de ces ménages n’ont reçu que 10000000 dongs.

Après réception de la compensation, certains ménages optent pour l’achat de terrains en périphérie. Le prix d’une parcelle de 80 m2 dans ces secteurs est d’environ 50 millions de dongs. La compensation moyenne versée aux ménages représente environ la moitié de cette somme. De plus, cette nouvelle localisation, loin du centre, occasionne des dépenses supplémentaires de transport puisque les activités économiques des ménages continuent de se dérouler dans leurs anciens quartiers.

 

Surface des logements (m2)

 

 

Nouveaux ensembles résidentiels

Ancienne rés.

Nouvelle rés.

Compensation
(million dongs)

Montant additionnel
(million dongs)

Nhieu Loc

16

46

15

18

35

28

14

85

30

56

23

40

56

56

12

12

40

56

63

15

Nguyen

52

82(r.de ch.)

83

130

Kiem

82

55(2e étage)

82

30

56

56(3e étage)

70

13

60

55(3e étage)

57

 8

10

54(2e étage)

51

55

Xom Cai

56

62(Ier étage)

45

70

48

52(r.de ch.)

45

70

160

62(r.de ch.)

130

100

 6

62(1er étage)

15

125

Les frais relatifs à la construction d’une nouvelle maison et les dépenses occasionnées par le déménagement ne sont pas couverts par la compensation. Il devient donc très difficile pour ces populations de construire par leurs propres moyens de nouvelles maisons. Par exemple, dans l’ensemble résidentiel Xom Cai, la compensation versée pour une maison de 48 m2 est de 20 millions de dongs. L’achat d’une maison neuve en rez-de-chaussée requiert un somme additionnelle de 130 millions de dongs.

Le prix des nouveaux logements est largement supérieur aux compensations versées, ce qui entraîne certains effets pernicieux.

L’écart entre les sommes compensatoires versées et le prix de vente des nouveaux logements, et les pressions exercées par les constructeurs pour recouvrir rapidement les investissements consentis ont pour effet de faire dévier l’objectif premier de la réalisation de ces ensembles résidentiels. En effet, les logements dans les ensembles résidentiels doivent, en principe, être mis exclusivement à la disposition des populations déplacées par les opérations d’éradication des bidonvilles. Cependant, comme les ménages déplacés n’ont pas toujours les moyens d’acheter les nouveaux logements puisque la compensation moyenne donnée par l’État est bien en dessous des prix de vente des nouvelles constructions, et que les constructeurs veulent retrouver rapidement le capital investi dans la construction des nouveaux ensembles résidentiels, ces derniers vendent une partie des logements à des ménages qui ne sont pas touchés par les démolitions ou encore à des ménages nouvellement arrivés dans la ville. D’après des premiers estimés, ce sont surtout des ménages des classes moyennes.

D’autre part, il arrive que les ménages déplacés vendent eux-mêmes à d’autres ménages les logements attribués dans le cadre des opérations de relocalisation ou encore que les entrepreneurs de l’arrondissement vendent l’ensemble du développement résidentiel à une compagnie de promotion, afin de retrouver le capital investi.

Le niveau de vie des habitants des nouveaux ensembles est comparable au niveau de vie antérieur dans les bidonvilles. Pour les salariés, la nouvelle localisation n’affecte pas les revenus. Par contre, pour les petits commerçants, les journaliers et les conducteurs de triporteur, les revenus ont tendance à diminuer. Seules certaines personnes semblent profiter d’une meilleure stabilité du revenu.

Cependant pour les ensembles résidentiels localisés dans les limites de la ville (Nhieu Loc et Nguyen Kiem), les revenus de la population diminuent, comme l’indique le tableau de la page suivante.

Néanmoins, les conditions de vie dans les nouveaux logements sont largement supérieures à celle qui prévalaient dans les bidonvilles, que ce soit au niveau de la pollution atmosphérique, des équipements domestiques, de l’approvisionnement en eau et en électricité, de la collecte des ordures, de la propreté et de l’évacuation des eaux usées. Par contre, certains autres aspects de la vie ne sont pas meilleurs qu’avant, par exemple l’accès aux écoles, aux soins de santé. Dans certains cas la situation est même pire à cause de l’éloignement des bureaux, des lieux de travail et des marchés.

 

 

Revenu mensuel moyen du ménage (dongs)

Ensembles résidentiels

Profession

Avant la relocalisation

Après la relocalisation

Nhieu Loc

Employés de bureau

1137500

1487000

Cols bleus

525000

500000

Vendeur

850000

760000

Journalier

1275000

650000

Nguyen Kiem

Employés de bureau

875000

700000

 

Cols bleus

1466700

1166700

Vendeur

1728500

1285700

Journalier

842800

714300

Xom Cai

Employés de bureau

1830000

1644400

Cols bleus

1600000

1730000

Vendeur

1742000

1628800

 

Journalier

1209000

1327300

L’éloignement est moins un problème pour les habitants de l’ensemble Xom Cai, car celui-ci est situé presque sur l’ancien site du bidonville; les habitants peuvent donc plus aisément retrouver leurs activités.

Il n’en demeure pas moins que le principal aspect négatif des nouveaux logements réside dans le fait que ceux-ci sont généralement plus petits que ceux qui seraient construits par les ménages eux-mêmes s’ils en avaient la possibilité. S’ajoute à ceci le fait que plusieurs ne veulent pas quitter leurs anciennes résidences parce qu’ils y avaient leurs ateliers et toutes leurs relations d’affaires. Les ménages désirent profiter des avantages des nouvelles constructions du point de vue confort, environnement etc., et en même temps ils veulent rester dans les mêmes quartiers ou à proximité puisque toutes leurs relations d’affaires s’y trouvent.

Cas de maintien sur place

Une expérience exemplaire a été menée dans les îlots 35–41 du quartier 14 de l’arrondissement IV. Cette expérience a été financée par l’Union économique européenne (70000 dollars américains). L’objectif de l’expérience était de supporter et d’engager la communauté de résidents dans un programme global de restructuration communautaire, impliquant réhabilitation des infrastructures et rénovation des logements.

L’expérience a permis de refaire la voie publique principale sur une longueur de 248 mètres et de combler des étangs fortement pollués. Afin de donner à la communauté des espaces libres, des aires de jeux pour les enfants et un espace communautaire, il a fallu procéder à la réorganisation partielle de la trame résidentielle; il a fallu construire 17 nouveaux logements pour accommoder les ménages déplacés par le réarrangement de la trame. 36 ménages ont reçu jusqu’à 100 dollars américains chacun pour participer au programme de raccordement de leur logement aux réseaux construits d’approvisionnement en eau et d’évacuation des eaux usées.

Enfin, une partie des fonds a été réservée pour la mise en place d’un programme de formation professionnelle, dans les métiers de la construction, et une autre partie a été réservée pour garantir les prêts contractés par les ménages pour restaurer eux-mêmes leurs logements.

Outre les améliorations à l’environnement et aux logements, le programme est estimé avoir surtout collaboré à la consolidation de la structure communautaire. Les observateurs vietnamiens ont conclu que l’expérience n’avait finalement consisté qu’à reconstruire un nouveau bidonville, sur l’ancien. Ils mettent pour cela en évidence le maintien de superficies habitables réduites, l’absence de confort intérieur, l’insuffisance des équipements publics et des services publics, et l’absence de mesures de sécurité (prévention des incendies) et de services de santé.

Évaluation de la politique et de ses premiers programmes

Compte tenu des capacités financières présentes de la Ville, la somme moyenne de 3300 dollars accordée aux ménages déplacés semble raisonnable, et il y a accord général pour considérer que cela représente un effort appréciable de la Ville. Cette subvention moyenne semble bien correspondre aux valeurs estimées des terrains et des logements, puisque ceuxci ont été construits illégalement, avec des matériaux peu chers, et qu’ils ont perdu une grande partie de leur valeur utile. En général, les compensations différentes selon les catégories de logements semblent également acceptables. Les problèmes commencent quand les ménages déplacés doivent se relocaliser et se reloger; c’est alors qu’ils découvrent que les com­pensations sont insuffisantes pour acheter ou pour construire un nouveau logement. Considérons chacun des cas:

1) Les ménages occupant des logements légaux

Comme on le sait maintenant, ces ménages sont proportionnellement moins nombreux dans les bidonvilles que dans l’ensemble de la ville. Même pour eux, les sommes qu’ils reçoivent en compensation sont insuffisantes, même pour acheter un logement dans un immeuble construit par le gouvernement municipal; elles le sont donc totalement pour acheter un logement sur le marché privé. Les logements construits par les compagnies municipales de construction varient en qualité et en prix selon leurs localisations. Les logements construits dans les quartiers les plus centraux (comme les appartements Ho Van Hue dans l’arrondissement de Phu Nhuan) se vendent autour de 270 dollars le mètre carré au rez-de-chaussée. Les appartements construits dans des quartiers plus périphériques se vendent en moyenne à des prix inférieurs d’environ 45 dollars le mètre carré. Quand on compare les montants des compensations totales et le prix de ces logements neufs, seuls les ménages qui ont reçu les compensations maximales peuvent acheter un logement à la condition que celuici ne soit pas au rez-de-chaussée, et qu’il n’ait pas une superficie supérieure à celle de leur ancien logement (environ 20 mètres carrés). Or, dans les immeubles de logements publics, construits pour les ménages déplacés, les plus petits logements ont au moins 32 mètres carrés. Tous les ménages qui choisissent cette option doivent donc ajouter de leur propre argent pour s’y relocaliser.

Cet écart entre les compensations et les prix des nouveaux logements est la raison principale pour laquelle un bon nombre de ménages ne suivent pas le circuit prévu de relocalisation. L’objectif d’améliorer les conditions d’habitat de ces ménages est sérieusement menacé. Dans le même temps, ces ménages entretiennent la croissance des bidonvilles existants et la création de nouveaux.

2) Les ménages occupant des logements illégaux

On sait que ces ménages peuvent représenter une grande majorité des ménages habitant dans les bidonvilles. Ils reçoivent comme compensation un montant inférieur d’environ 50 % à celui que reçoivent les ménages occupant des logements légaux. Ils ne peuvent donc pas acheter des logements publics construits par les compagnies municipales. S’ils ne retournent pas dans leur région d’origine, ils doivent se reloger sur le marché privé. Avec le montant moyen d’environ 1350 dollars qu’ils ont reçu, ils ne peuvent qu’acheter un logement dans un autre bidonville. Ils ne peuvent même pas louer un logement public et encore moins un logement privé, dont le coût de location est en moyenne deux fois plus élevé. Le prix moyen d’un logement dans les bidonvilles peut varier entre 450 et 720 dollars. Les ménages peuvent donc acheter un logement et avoir encore un peu d’argent restant pour d’autres fins.

Pour ces ménages, le seul impact de la politique de relocalisation a été le déplacement d’un bidonville à un autre, ce que prouvent, entre autres, les nombreuses transactions sur les logements dans les bidonvilles.

3) Les ménages occupant des logements publics loués par l’État

La proportion de ces ménages est très faible (6,9%) dans l’ensemble de la ville, et elle l’est encore plus dans les bidonvilles. Les compensations que reçoivent ces ménages sont plus près de celles que reçoivent les occupants de logements illégaux, puisqu’ils ne sont pas compensés pour la valeur du droit d’usage du sol. Tous les ménages de cette catégorie qui ne seront pas relogés dans des logements publics, au même prix qu’avant, se retrouveront sur le même parcours que les ménages illégaux et iront alimenter le développement des bidonvilles.

Les pratiques des ménages déplacés

Les ménages qui ont été déplacés par les opérations de réhabilitation des bidonvilles se sont relocalisés dans d’autres bidonvilles pour une part; les autres, ceux qui avaient acheté un terrain ou un logement de l’État, ont très souvent revendu ce terrain ou ce logement.

En fait, personne ne sait réellement où sont allés les ménages qui n’ont pas été relocalisés sur des terrains ou dans des logements fournis par le programme de réhabilitation. Leurs voisins, qui ont choisi ces dernières options, ne savent pas eux-mêmes où ils sont allés; et les autorités responsables des opérations n’ont pas fait d’études de suivi. On se doute que peu d’entre eux sont repartis vers leurs villages d’origine, parce que, à part une allocation modeste de transport, cette option n’offre aucune aide à la réinsertion dans ces villages. Compte tenu des modestes compensations qu’ils ont reçues, ils n’ont eu d’autres choix que de se relocaliser dans un autre bidonville. Ces mouvements, quasi illégaux, ne sont naturellement pas rapportés aux autorités, les ménages sachant très bien que, s’ils sont identifiés, ils seront déportés vers les nouvelles zones économiques. Ils s’engagent donc dans une sorte d’errance urbaine qui les force à déménager devant chaque opération nouvelle de réhabilitation des bidonvilles.

Les ménages qui ont opté pour l’achat d’un logement ou d’un terrain, dans le cadre du programme de réhabilitation, sont en principe obligés d’utiliser le total de leurs compensations pour faire le premier versement sur le prix de leur achat. Ce versement doit représenter au moins 50 % du prix total. Le reste doit être payé par versements annuels échelonnés sur 10 ans; le solde portant un taux d’intérêt de 1%. Si la compensation totale n’a pas été suffisante pour verser au moins 50 % du prix du terrain ou du logement, le ménage a dû trouver d’autres sommes pour rencontrer le montant total de ce premier versement. La pratique de ces règles pour l’achat d’un terrain ou d’un logement entraîne une partition des ménages en trois groupes: ceux qui ne peuvent payer le premier versement; ceux qui peuvent payer le premier versement, mais qui ne peuvent payer les versements annuels échelonnés sur 10 ans; et enfin ceux qui peuvent payer comptant, ou qui peuvent rencontrer les versements annuels.

La majorité des ménages du premier groupe sont les plus pauvres. Une majorité d’entre eux ont revendu immédiatement le terrain ou le logement auquel ils avaient droit, ont payé le montant total de l’achat au gouvernement, ont réalisé un petit profit et se sont relocalisés dans d’autres bidonvilles. C’est en partie à cause de cette pratique que l’on retrouve un grand nombre de ménages non identifiés comme bénéficiaires du programme de réhabilitation dans les projets de Nhieu Loc (53%), de Nguyen Kiem (28%) et de Xom Cai (5%).

Les ménages du second groupe, qui ont de la difficulté à effectuer leurs versements annuels, ont le plus souvent loué l’appartement qu’ils avaient acheté; avec les revenus de la location, ils ont pu garder leur titre sur le logement et effectuer leurs versements annuels. Ils vivent dans des logements loués moins chers dans d’autres bidonvilles.

Ceux qui restent finalement dans les logements fournis à l’intérieur du programme de réhabilitation, ce sont les ménages du troisième groupe qui ont pu payer comptant leur logement ou qui n’ont aucune difficulté à payer les versements annuels.

Constats généraux

L’éradication de l’habitat insalubre à Hô Chi Minh-Ville s’inscrit dans un contexte particulier et fait l’objet de choix particuliers. Pour les autorités de la Ville, l’éradication des bidonvilles est une condition nécessaire à la restructuration des quartiers centraux afin d’accueillir les investissements étrangers. Les choix particuliers, dans ce cas, sont dictés par l’urgence d’améliorer le paysage de la ville, c’est-à-dire de restaurer les canaux et d’entreprendre leur dépollution.

Ces choix particuliers obligent le déplacement massif des populations qui résident sur ces canaux. Jusqu’ici, les programmes de relocalisation ont eu plus d’effets négatifs que d’effets positifs. La Ville a investi des sommes importantes dans ces programmes, principalement pour la construction de nouveaux ensembles résidentiels d’accueil des ménages déplacés. Elle découvre aujourd’hui qu’elle ne pourra pas maintenir ce rythme d’investissements et se tourne vers des stratégies de mobilisation des ménages et des communautés pour qu’ils participent avec elle et sur place à l’amélioration des conditions d’habitat.

Ce changement de stratégie est en partie supporté par la reconnaissance de la réelle participation de ces ménages et de ces communautés au développement économique de la ville. Les bidonvilles sont, par exemple, non pas des refuges, mais des lieux d’activités économiques intenses, le plus souvent dans le secteur informel. Les immigrants, qui trouvent un logement dans ces bidonvilles, ne sont pas seulement des travailleurs ruraux non qualifiés, mais aussi des étudiants, des techniciens, des artistes pour qui s’installer à Hô Chi Minh-Ville signifie de meilleures chances d’acquérir des connaissances et de trouver un travail correspondant à leur compétence.

Par contre, le développement économique de la ville entraîne une restructuration importante de l’activité économique et la compétition sur le marché du travail devient très grande. Cette compétition est autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des entreprises et affecte toutes les couches sociales. Il en résulte des pertes d’emplois, des difficultés à se loger, d’où un nombre grandissant de chômeurs et de sans-abri.

La Ville identifie donc deux types complémentaires d’actions: des actions sur le social et sur l’économique visant à valoriser et à supporter les capacités des acteurs sociaux qui seront surtout développées dans le cadre de la politique de lutte contre la pauvreté; et des actions sur les conditions de logement et sur l’amélioration des infrastructures qui devront viser à soutenir le développement communautaire et les initiatives d’autoconstruction. Ces deux types d’actions sont bien résumées dans le proverbe vietnamien qui dit: «Où il y a de l’eau, le poisson vit».

Des principes nouveaux d’interventions prioritaires émergent sur la base de ces nouvelles orientations politiques. Ainsi, il semble maintenant admis que la question du logement ne peut être traitée séparément des politiques sociales visant la création d’emplois, spécialement pour les couches les plus pauvres; que les interventions sur le logement ne peuvent être dissociées des interventions de restructuration de la ville. La décision de tout raser doit être prise seulement quand il y a nécessité au point de vue du développement urbain et des conditions sanitaires. Par exemple les bidonvilles en bordure des canaux doivent disparaître compte tenu de la pollution qu’ils génèrent et de leur impact sur le paysage urbain.

Une grande attention doit être portée aux relations entre les populations pauvres et riches dans la planification urbaine. Les pauvres constituent la principale force de travail dans la société; il n’y aurait pas de riches s’il n’y avait pas de pauvres. Par conséquent, les populations expulsées des bidonvilles ne doivent pas être relocalisées loin de la ville cen­traie. Plus l’habitat sera loin du lieu de travail, plus les coûts de transport seront élevés et plus faibles seront les avantages sociaux de cette relocalisation. La stratégie de partenariat entre «l’État et le peuple», guidant les opérations de réhabilitation in situ, signifie que le gouvernement investit dans les infrastructures et que les habitants améliorent eux-mêmes leurs logements.

Les principales mesures prises dans le passé (construction de logement avec remboursements échelonnés, construction de logements pour les vétérans, octroi de terrain) ont permis de tirer des enseignements. Le paiement échelonné pour l’achat des constructions neuves est un bon moyen de favoriser l’accès à la propriété pour les ménages défavorisés. Toutefois l’acquisition des nouveaux logements nécessite une mise de fond de 50 % de la valeur totale du logement. Les pauvres ont de la difficulté à supporter un tel investissement. Il est donc nécessaire de revoir le montant de la mise de fonds initiale et la durée des remboursements. L’octroi de terrains pour les populations déplacées est une bonne mesure. Cependant, il faudra trouver un moyen pour que les prix des terrains restent dans les limites fixées par l’État.

Les interventions des dernières années et les résultats des recherches ont aussi permis de mettre en évidence des catégories de ménages très différents selon leurs capacités. Les catégories suivantes sont pour le moment assez précises pour engager des actions différentes:

– ceux qui ont des revenus plus élevés peuvent améliorer eux-mêmes leurs logements;

– ceux qui ont des revenus moyens ont besoin d’aide pour améliorer leurs logements;

– ceux qui ont des revenus faibles éprouvent des difficultés à effectuer les améliorations;

– ceux qui ont des revenus insuffisants n’ont pas la capacité d’améliorer leur situation.

Cette dernière catégorie est constituée de personnes inaptes au travail qui nécessitent une aide soutenue du gouvernement. Dans une économie de marché, ceux qui touchent des revenus moyens ou faibles ne peuvent s’en sortir sans un minimum d’assistance.

Certains ménages qui n’ont pas pu acheter un terrain, avec la compensation versée, vendent leurs droits d’habiter dans les nouvelles constructions à d’autres ménages. Leur nouvelle localisation n’est pas connue et il est possible qu’ils s’établissent dans de nouveaux bidonvilles ou s’installent dans des bidonvilles existants. Il faudra trouver des moyens pour éviter que les programmes municipaux n’engendrent une dynamique de recréation de bidonvilles au hasard dans la structure urbaine.

Dans la mise en œuvre des nouveaux programmes d’interventions sur les bidonvilles, il faudra créer de nouveaux instruments. Au niveau financier, il faut établir un fonds de développement pour l’habitat. Le capital pourrait provenir de trois grandes sources: un fonds de la ville (constitué à même les revenus de la vente et de la location des logements), une partie du fonds pour la lutte contre la pauvreté, l’aide humanitaire nationale et internationale. Au niveau organisationnel, la création d’une agence spécialement dédiée au logement et au logement des ménages défavorisés serait un atout. Dans le contexte actuel, une telle agence devrait être créée dans le cadre d’une restructuration des politiques et administrations à vocation sectorielle.

L’idée de la création d’un ministère de l’Habitation fait lentement son chemin. Au niveau local et communautaire, il faudra favoriser la mise sur pied d’organisations populaires dans les communautés, dans les bidonvilles ou dans les ensembles résidentiels. Ces organisations doivent être contrôlées par les membres eux-mêmes, et devraient permettre l’entraide entre les habitants au niveau de l’emploi et de l’amélioration des logements. Ces organisations devraient devenir des interlocuteurs privilégiés auprès des autorités.

Comme le Viêt-nam a peu d’expérience à ce niveau, le partenariat avec des organisations internationales non gouvernementales, œuvrant principalement dans le domaine de l’habitat, serait souhaitable. Au plan technique, il faut travailler sur de nouveaux concepts, adaptés à la réalité vietnamienne et aux activités des populations pauvres en milieu urbain. Les populations pauvres travaillent souvent dans des secteurs nécessitant des moyens de transport; les constructions en hauteur ne conviennent pas à leurs activités ainsi qu’à leur style de vie. Les constructions en hauteur en plus augmentent la valeur foncière. L’expérience montre que les ménages achètent prioritairement des appartements en rez-de-chaussée dans des maisons à un étage, ou en rez-de-chaussée dans des immeubles de 3 ou 4 étages. Le plus important pour eux, c’est que le logement satisfasse aux exigences de leurs activités économiques. Il faudra revoir complètement le modèle des grands immeubles résidentiels, importé, au Viêtnam, des pays socialistes frères. Il faudra aussi revoir les principes de développement de la fonction résidentielle dans la trame urbaine. L’isolement des grands ensembles résidentiels dans des sites propres et fermés n’est plus adapté à la situation économique de la ville. La planification des nouveaux ensembles urbains doit tenir compte du travail et de la résidence. Ainsi, les nouvelles grandes zones résidentielles, prévues à Hô Chi Minh-Ville, doivent être planifiées comme des sous-ensembles urbains intégrés.

Page laissée vide intentionnellement

7
Politiques et programmes d’intervention sur le logement des populations urbaines défavorisées1

Depuis l’ouverture à l’économie de marché, la croissance économique a atteint environ 8 % en moyenne au cours des dernières années. Pour plusieurs, le niveau de vie a été amélioré sensiblement. Cependant, des impacts négatifs ont été provoqués et sont visibles dans une différenciation croissante entre le niveau de vie des plus riches et celui des plus pauvres. Plus particulièrement dans le domaine du logement urbain, l’économie de marché a entraîné une forte hausse des prix sur les marchés du logement et du sol urbains. Avec le retrait de l’aide directe de l’État et l’arrêt des programmes de logement gratuit ou fortement subventionnés, la situation des plus pauvres se détériore rapidement.

Sous le régime socialiste d’économie centralement planifiée, l’État avait consacré des sommes importantes pour construire des logements collectifs pour ses employés. Il ne construisait pas pour les pauvres, la pauvreté étant défini par la nécessité absolue et faisant l’objet d’aide humanitaire. En plus, les employés de l’État bénéficiaient de programmes d’aide en matière de santé, d’éducation, de formation et d’emploi. Malgré les sommes investies, l’État n’a jamais réussi à offrir du logement à tous ses employés. On estime que pas plus du tiers de ceux-ci ont été logés par l’État ; les autres ont dû attendre sur de longues listes. La priorité était accordée aux employés pouvant faire valoir une plus grande ancienneté, une plus haute position et un plus haut salaire dans la structure administrative. Ceux qui appartenaient à une famille déjà bénéficiaire d’un logement public ou propriétaire d’un logement n’étaient souvent pas admissibles

1. Ce chapitre a été rédigé à partir du rapport de recherches (CRDI) de l’Institut de planification rurale et urbaine du ministère de la Construction du Viêt-nam.

à un logement public. La majorité des bénéficiaires potentiels a donc vécu dans des espaces réduits et partagés.

Au cours de la première phase de transition à l’économie de marché, l’État a cessé de construire des logements pour ses employés. Il a par contre offert des terrains pour qu’ils construisent eux-mêmes. Les terrains des institutions et des entreprises publiques ont ainsi été mis à contribution. Un grand nombre de personnes, bénéficiaires et non bénéficiaires d’un logement public, se sont inscrites pour obtenir ces terrains gratuits. Malgré le déboursé relativement bas (10 millions de dongs), pour couvrir les frais de procédure et de compensations, peu de ménages ont pu déposer les sommes requises pour l’obtention d’un terrain. Ceux qui avaient les moyens de faire ce déboursé et qui étaient déjà bénéficiaires d’un logement ont revendu leurs droits sur le terrain ou sur le logement et ont encaissé des gains appréciables.

Ces politiques et programmes ont laissé pour compte les petits salariés de l’État. Celui-ci, qui, malgré une politique volontaire en faveur de ses employés, n’arrivait pas à satisfaire le tiers des besoins, n’a pu faire face non plus aux besoins des populations arrivant dans les villes avec le relâchement des contrôles de résidence. Ces arrivants, des paysans pauvres en majorité, n’ont trouvé ni emploi stable ni logement dans la ville. Ils survivent avec de petits métiers dans le secteur informel et ils occupent des espaces vacants dans la ville.

Depuis 1991, le Gouvernement s’est attaqué à la création de conditions favorables pour l’émergence d’un marché foncier et d’un marché du logement. Il espérait libérer des forces et garantir leurs efforts pour produire du logement. En pratique, ces beaux objectifs n’ont pas marché. Les acteurs, groupes et agences qui avaient assez d’argent pour construire ont préféré investir leurs capitaux dans la construction de magasins, d’hôtels et de bureaux. Les besoins en logement n’ont donc pas diminué, au contraire. Ils ont été augmentés par la spéculation et les interventions dans le secteur non résidentiel. Les prix sont devenus exorbitants et prohibitifs pour la majorité: un appartement de deux chambres au cinquième étage d’un immeuble peut valoir jusqu’à $ 7000 dollars américains; un mètre carré de terrain sur une ruelle peut valoir jusqu’à $ 500 dollars américains; le même mètre carré dans un quartier résidentiel, mais situé sur une rue commerciale, peut valoir jusqu’à $ 5000 dollars américains.

Aux prix s’ajoutent des conditions qui rendent difficiles l’accès au sol et au logement pour les populations qui ont peu de moyens. Les développements spontanés et la spéculation ont encouragé du développement sauvage et des occupations illégales qui rendent difficiles l’inscription des titres et le transfert de ces titres. Consciemment ou inconsciemment, ces conditions favorisent des appropriations multiples au profit d’un seul acteur ou d’une minorité d’intervenants. En plus, les modèles et les techniques de construction ajoutent à la rareté du sol : on construit en effet des immeubles de 1 ou de 2 étages, on surcharge les infrastructures et on pollue l’environnement.

La population urbaine pauvre est maintenue dans des conditions précaires ou refoulée dans des endroits peu propices à son insertion dans la vie urbaine. Pourtant, cette population est la force de travail dont a besoin le pays pour s’industrialiser et se moderniser. Or, il y a un manque de capitaux pour supporter le développement urbain ; le sol urbain est rare et son accès est de plus en plus limité; les infrastructures sont surchargées. Toute réflexion sur des politiques de logement et de développement urbain au Viêt-nam devra prendre en compte les contradictions suivantes:

• écarts grandissants entre l’offre et les besoins en logement;

• écarts grandissants entre les lignes directrices du plan urbain et les développements au sol;

• moyens disproportionnés entre les spéculateurs et les ménages dépendants.

Le Gouvernement vietnamien prépare une politique générale pour le développement urbain d’ici l’an 2020. Cette politique prend deux voies stratégiques: la première vise l’amélioration de la situation du logement pour l’ensemble des ménages; la seconde vise la mitigation des impacts de la pauvreté. Pour élaborer cette politique et ces deux grandes stratégies, le Gouvernement a adopté les principes mis de l’avant par les Nations-Unies pour l’Asie du Sud-Est:

• usage et gestion efficiente du sol urbain;

• amélioration de la gestion dans les administrations municipales;

• gestion des infrastructures urbaines;

• mobilisation des ressources financières;

• protection et gestion de l’environnement dans la perspective d’un développement durable;

• mitigation des impacts de la pauvreté urbaine.

Dans les pages qui suivent, nous allons présenter les réflexions et les suggestions des chercheurs de l’Institut de planification rurale et urbaine (ministère de la Construction) relatives à cette politique en construction.

Expériences et références utiles pour le Viêt-nam

Au cours des années 1950–1960, les planificateurs urbains se sont peu préoccupés de la croissance urbaine, alimentée par les mouvements migratoires des populations rurales vers les villes, dans les pays en voie de développement. Au cours des années suivantes, la croissance économique anticipée favorisait des politiques optimistes qui supposaient que cette croissance allait résoudre par elle-même les problèmes urbains engendrés par les mouvements migratoires de populations pauvres et non qualifiées vers les villes.

Plus tard, dans les années 1970, observant que tous les problèmes ne se réglaient pas par eux-mêmes, les planificateurs urbains ont proposé et pratiqué des programmes de démolition des bidonvilles pour éradiquer la pauvreté visible dans les villes. Ils découvriront plus tard que les bidonvilles ont été ainsi simplement déplacés et que les démolitions ont encore accéléré les occupations illégales dans la ville.

Dans les meilleurs des cas, les planificateurs urbains ont proposé et pratiqué des programmes de relocalisation des populations des bidonvilles. Pour cela, ils ont engagé les gouvernements nationaux dans d’ambitieux projets de construction d’immeubles collectifs locatifs. Les évaluations de ces programmes ont permis de vérifier que ces logements neufs ont profité surtout aux membres de la classe moyenne émergeante dans les pays en développement, à cause du coût des loyers dans ces immeubles collectifs et à cause de l’incapacité des gouvernements à supporter davantage financièrement les populations pauvres.

Les stratégies actuelles, développées dans les années 80, ont profité d’une évolution des connaissances et aussi des mentalités en ce qui concerne la place et la nature de la pauvreté urbaine. Les populations pauvres en milieu urbain participent à l’économie urbaine. Les travailleurs pauvres sont actifs dans le travail en industrie, dans le secteur des travaux publics et de la construction, dans le secteur informel. Ils sont et restent pauvres parce que leur travail n’est pas qualifié et que leur emploi est précaire. Les bidonvilles eux-mêmes sont des composantes économiques originales dans la ville. Ils sont le lieu d’activités économiques particulières qui associent lieu de travail et lieu de résidence (production artisanale, production de services, petits établissements commerciaux). Ils sont aussi un cadre de vie particulier, avec une bonne organisation communautaire, qui permet de réduire les coûts de la vie en milieu urbain et de supporter les capacités des personnes. Les stratégies actuelles privilégient donc des interventions d’amélioration du logement et de l’environnement avec un minimum de personnes déplacées et des interventions ciblées sur la collectivité et non pas sur les personnes. Ce sont des stratégies beaucoup plus complexes; elles impliquent des actions sur la gestion urbaine, sur les financements, sur l’administration des projets, sur le foncier, sur les infrastructures. Elles impliquent des actions de développement social en faveur des collectivités organisées, des associations communautaires et des organisations non gouvernementales. Elles impliquent aussi des interventions législatives et réglementaires pour encadrer et protéger la position des pauvres dans la ville.

Le rôle des gouvernements dans ces nouvelles stratégies est profondément différent. Il n’est plus attendu d’eux qu’ils construisent et distribuent du logement pour les pauvres. Il est attendu qu’ils supportent les capacités des ménages à construire eux-mêmes dans des programmes communautaires. Mais ils doivent aussi revoir leurs lois et les règlements qui créent des conditions défavorables au développement local et à l’auto-construction. Ils doivent rendre le sol accessible, ils doivent faciliter les opérations de crédit, supporter la fourniture de matériaux économiques, et favoriser le partage d’expériences positives dans le domaine technologique et dans le domaine institutionnel.

Les planificateurs vietnamiens portent parfois un jugement sévère sur les expériences étrangères, même quand elles se situent dans le cadre des plus nouvelles stratégies. Ils ont observé que, souvent, ces stratégies sont opportunistes, procèdent au cas par cas, entraînent des actions dispersées et peu structurantes pour l’ensemble de la structure urbaine. Ils ont observé aussi que ces stratégies, en voulant parfois trop redéfinir le rôle de l’État, entraînent en effet une disparition de l’État comme acteur principal. Leurs travaux sont orientés par des principes qui valorisent le rôle de l’État comme principal facilitateur des stratégies d’autodéveloppement et comme principal responsable de la modification l’ensemble du cadre d’intervention sur la villes et sur les quartiers pauvres.

Les bases d’une stratégie nationale pour le Viêt-nam

Une stratégie nationale visant l’amélioration des conditions de vie urbaine des populations pauvres ne peut être élaborée sans tenir compte des stratégies et programmes existants. Elle devra tenir compte particulièrement de la stratégie nationale de développement urbaine, du programme visant la lutte contre la pauvreté et la malnutrition, et de la politique nationale sur la population et la planification familiale. Les principes supportant cette stratégie (du développement urbain), ce programme et cette politique peuvent à l’occasion être contradictoires et devront d’abord être harmonisés.

L’ensemble doit procéder de la stratégie nationale pour le développement social et économique de laquelle on attend une stratégie de développement durable pour le Viêt-nam. Cette stratégie est élaborée par le Gouvernement, par le Parti et par l’Assemblée Nationale. Elle est basée sur des choix fondamentaux de société: sur l’industrialisation, sur la modernisation et sur l’urbanisation de la société vietnamienne. Elle est basée d’autre part sur le développement des sciences, de la technologie et de la culture favorisant le développement du potentiel humain.

Dans le premier cas, le Viêt-nam a une politique de développement urbain qui favorise maintenant l’urbanisation du pays, la construction d’un réseau de villes (principales et secondaires) et le développement des grandes métropoles du nord, du centre et du sud; cette stratégie est développée et mise en œuvre par le ministère de la Construction. Dans l’autre cas, le Viêt-nam est en train d’élaborer une politique du logement qui valorisera la participation du public dans l’amélioration des conditions et du cadre de vie, principalement en milieu urbain; elle est développée par le ministère de la Construction. Cette politique va valoriser les cultures populaires et régionales, les capacités et les moyens économiques. Entre les deux, le Viêt-nam a mis en œuvre un programme de lutte contre la faim et la pauvreté. Ce programme vise principalement les populations indigentes par des programmes d’aide financière et de réduction des coûts dans les domaines de la santé et de l’éducation. La stratégie de développement urbain, la politique du logement et le programme de lutte contre la faim et la pauvreté comportent presque tous les ingrédients à partir desquels un programme spécifique d’amélioration du logement et du cadre de vie des populations pauvres urbaines pourrait être composé et mis en œuvre. Pour le moment, ce programme spécifique n’est qu’à l’état de proposition.

Un programme politique intégré et multivarié

Ce programme devra relever et tenir compte des principales forces et contradictions qui jouent actuellement sur la société et sur l’économie vietnamiennes. Les experts vietnamiens identifient deux groupes de facteurs qui activent la dynamique de ces forces et contradictions: C’est d’abord dans le remplacement d’une économie centralisée, particulièrement efficace dans la production de services, par une économie marchande particulièrement efficace dans la production de biens. En corollaire, c’est ensuite dans une nouvelle dynamique de production des strates sociales, à partir d’une polarisation extrême entre riches et pauvres, particulièrement dans les deux plus grandes villes du pays. A la base de la stratification sociale, le Viêt-nam reconnaît maintenant que les plus pauvres constituent une couche sociale en pleine croissance non seulement provoquée par les contradictions normales d’une économie de marché, mais également par une phase de transition imputable, dans ses impacts immédiats, au changement du rôle de l’État. En milieu urbain, ces impacts immédiats sont concentrés sur les conditions de vie (logement, environnement, infrastructures urbaines).

Une nouvelle structure sociale est en émergence. Tout programme ciblé d’intervention devra tenir compte des principales composantes de cette structure et jouer sur ses principales lignes de rupture. Le sommet de la nouvelle pyramide sociale s’échappe rapidement du peloton. Il est en train de se constituer comme une élite sociale, politique et économique. D’un côté, il est basé sur des relations de pouvoir avec l’ancienne et l’actuelle administration, sur ses capacités d’organisation dans le nouveau contexte et sur ses capacités à construire un capital d’investissement et de développement. De l’autre, il se nourrit de capacités et d’expertises professionnelles modernes, de l’activité productive, du commerce, des activités d’import-export, de l’industrie florissante de la construction et de la spéculation foncière. A l’autre extrême, ou à la base de la pyramide, s’épaissit la couche des travailleurs rejetés par l’ancien système; ce sont les travailleurs non qualifiés et les artisans des entreprises d’État et des coopératives de production, et le personnel peu qualifié des administrations et services publics.

Des acteurs sociaux complètement nouveaux sont apparus. Les jeunes entrepreneurs, par exemple, dans le domaine des affaires, du commerce international et de l’industrie se positionnent comme l’élite du pouvoir. Bien sûr, ils introduisent dans la société vietnamienne les principes et la logique de l’économie de marché. Mais ils font bien plus: ils participent à la transformation des rapports sociaux et introduisent les valeurs culturelles de l’Occident. Ils transforment ainsi les rapports entre les riches et les pauvres, entre les employés et les dirigeants, entre les jeunes et les vieux, entre les représentants de l’administration publique et les représentants de la société civile. Dans ce courant de transformations, les politiques du gouvernement perdent leurs objectifs traditionnels et obligent l’introduction de nouveaux moyens. Par exemple, la politique d’éradication de la pauvreté, qui avait un sens, dans l’ancien système, ne veut plus rien dire si on ne lui ajoute pas un volet d’aide et d’assistance sociale. De même, la gestion des actions publiques sur la société civile doit adopter les principes de la gestion rationnelle, comme celui du recouvrement des coûts, par exemple, par d’autres moyens que la taxation.

Enfin, le succès relatif de la nouvelle classe affairiste change complètement la dynamique de population du Viêt-nam. L’équilibre, longtemps maintenu entre les sociétés rurales et les sociétés urbaines, est rompu en faveur des secondes. Plus jamais personne ne réussira à rétablir cet équilibre. Les sociétés urbaines deviennent des sociétés d’accueil des populations rurales, et elles se nourrissent de leurs apports et de leurs poids. Des problèmes, que l’on réduisait traditionnellement par des actions de rééquilibrage entre les deux, devront maintenant être résolus à l’intérieur du seul cadre des sociétés urbaines.

Le programme contre la pauvreté et la malnutrition

Ce programme a été formulé dans le détail à l’occasion du septième congrès du Parti communiste du Viêt-nam en 1995. Le programme a été en général bien reçu dans la population, surtout à cause de son caractère humanitaire. Il reprenait en effet des éléments des politiques sociales antérieures en faveur des populations lourdement touchées par la guerre. Mais, il faisait bien plus; il introduisait au cœur des politiques sociales de l’État des principes d’ajustement de la société vietnamienne au nouveau contexte de l’économie mondiale en formulant des objectifs clairs d’insertion des populations défavorisées dans le courant de l’économe libérale. Il devenait donc aussi un programme de qualification de la main-d’œuvre et de création d’opportunités pour l’emploi des personnes disqualifiées. Il comportait des objectifs ambitieux auxquels se sont ralliés la majorité des acteurs sociaux et qui ont été fortement appréciés par la communauté internationale. Le programme reconnaissait enfin les dynamiques sociales qui supportent l’enrichissement individuel, mais il introduisait le principe de la responsabilité collective. Il introduisait des principes nouveaux relatifs à l’équité, à l’égalité des chances et à la réduction des écarts entre les niveaux de vie des différentes régions, des différentes ethnies et des différentes couches de la population.

Le programme contient plus que des principes généraux. Il reconnaît, en fait, pour la première fois, la pauvreté comme effet secondaire du développement et il définit de façon opérationnelle des groupes cibles dans les couches de populations pauvres. Les groupes cibles, pour la première période du programme, sont tout à fait au bas de l’échelle. Ce sont d’abord 600000 ménages, représentant 4 % de la population du Viêt-nam dont le revenu correspond à 15 kilogrammes de riz par personne par mois; ce sont ensuite les deux millions et plus de ménages, représentant 16 % de la population vietnamienne, dont le revenu correspond à moins de 25 kilogrammes de riz par personne par mois. Ces populations les plus pauvres sont concentrées dans les milieux ruraux et surtout dans les montagnes du nord et du centre du pays. Mais les rapports des experts indiquaient que les grandes villes du nord et du sud regroupaient à elles seules chacune quinze pour cent de la population la plus pauvre.

L’extrême pauvreté était expliquée par trois types de raisons. Ce sont des raisons de nature sociale et culturelle d’abord. La pauvreté est produite par l’incapacité des personnes (éducation, qualification, expérience, culture), par les charges familiales et par les maux sociaux (le jeu et la consommation d’opium). La pauvreté est ensuite entretenue par la déficience des politiques publiques relatives à la production, à l’emploi, à l’éducation, aux services de santé, au développement communautaire. Enfin, la pauvreté est le résultat d’accidents naturels (inondations, sécheresse, érosion, etc.).

Les causes de la pauvreté, telles qu’indiquées, ont interpellé directement les dirigeants du Parti. La majorité des causes identifiées ne peuvent être modérées ou atténuées par les seuls effets bénéfiques de l’économie de marché et de l’entreprise. Les dirigeants du Parti ont rapidement conclu que, sans intervention directe de l’État, même si le niveau de vie moyen augmentait, la pauvreté relative pouvait augmenter aussi, et augmentait aussi l’écart entre les pauvres et les riches.

Le programme a été conçu pour être implanté à tous les niveaux, par tous les niveaux de gouvernements. Ses premiers objectifs étaient de réduire de 8 % sur quatre ans le nombre de ménages pauvres dans tout le Viêt-nam, de créer un million d’emplois, et d’expérimenter sur 15 programmes sectoriels des actions de développement local. Ainsi, sur trois billions de dongs consacrés à l’ensemble du programme, 800 seulement sont allés directement à des programmes d’actions contre la malnutrition. La majorité des fonds ont été consacrés à des projets de développement. Ces montants n’incluent pas totalement l’ensemble des fonds consacrés au programme. En effet, la majorité des gouvernements locaux ont euxmêmes mis sur pieds des fonds spéciaux pour la réalisation de projets locaux dans le cadre de ce programme.

En janvier 1996, le Gouvernement a renforcé les moyens consacrés à ce programme, et il a fixé des objectifs précis pour les 4 prochaines années. Il a d’abord tenu à accélérer la mise en œuvre du programme dans l’ensemble du pays et, pour cela, il a redressé la barre en favorisant maintenant des actions initiées au niveau communautaire et en affirmant le principe que l’État ne devait jouer qu’un rôle de support aux initiatives et aux capacités locales. Concrètement, il a mis sur pied la «Banque du Viêt-nam pour les pauvres» (BVP) et une commission nationale de lutte contre la pauvreté et la malnutrition.

La Banque vietnamienne pour les pauvres2

La Banque est créée suite à une décision du Premier ministre et à une décision des gouverneurs de la Banque nationale du Viêt-nam. Il s’agit d’une institution de crédit qui est la propriété de l’État. Son capital est composé des dons et prêts d’organisations internationales, des contributions populaires et individuelles, et de toutes contributions de l’État dans le cadre d’actions à l’intérieur du programme de lutte contre la pauvreté et la malnutrition. Le capital de départ a été établi au montant de 500 billions de dongs.

2. Vietnam Bank for the Poor, 4 Pham Ngoc Thach, Dong Da, Hanoi.

La Banque est responsable des actions suivantes:

– mobilisation de fonds en provenance d’organisations internationales, d’organisations locales et d’individus, incluant des dépôts à terme;

– émissions d’obligations, de notes et de garanties de crédits, gagées sur le capital de la Banque nationale du Viêt-nam, et destinées à soutenir des programmes gouvernementaux définis dans le cadre du programme;

– mobilisation de l’épargne au niveau local et communautaire pour financer des initiatives de production et pour rembourser les prêts;

– prêts à faible taux d’intérêts aux initiatives économiques locales dans la production de biens, de services et dans le commerce;

– engagements financiers à risque dans des partenariats pour le développement économique.

Sont éligibles à des prêts, ou à des garanties de la Banque, les ménages pauvres qui n’ont pas le capital nécessaire pour se lancer en affaire. Les critères d’admissibilité seront définis et revus périodiquement par les ministères du Travail, des Invalides de Guerre, des Affaires sociales, de l’Agriculture et du Développement rural. En principe, le principal critère d’éligibilité est la résidence dans des régions désignées. Chaque communauté locale crée un comité qui établit les listes de personnes admissibles. Le comité populaire local vérifie cette liste, l’approuve et la transmet à la succursale locale la plus près de la Banque. Les bénéficiaires sont des chefs de ménage qui empruntent au nom du ménage et qui n’ont contracté aucun autre prêt auprès d’autres agences prêteuses.

Outre son capital de départ, et les prêts et dons d’agences nationales et internationales, la Banque a la responsabilité de créer des partenariats avec les associations locales (d’agriculteurs, de femmes, de jeunes entrepreneurs,…) pour mettre sur pied des «clubs d’épargne et de crédit». Sur cette base, les premiers bénéficiaires seront les participants à ces clubs.

La Banque s’est donné comme objectif de lever 5000 billions de dongs au cours des cinq prochaines années. Elle s’est donnée deux lignes d’actions prioritaires: le financement de projets qui assurent des retombées au niveau de la formation et du transfert de technologies, d’une part, et le financement de projets qui ont des impacts positifs sur la construction des infrastructures dans les zones mal équipées, d’autre part.

La Commission nationale de lutte contre la pauvreté et la malnutrition

Dans son effort pour supporter les capacités des communautés locales, le Gouvernement a créé la Commission nationale de lutte contre la pauvreté. Il s’agit d’une organisation «parapluie» qui veut multiplier les impacts des fonds humanitaires locaux. La Commission, au cours des 5 prochaines années, va mobiliser des fonds importants provenant à 28 % du budget général de l’État, à 45 % de la Banque des pauvres et à 12 % des fonds locaux recueillis lors des différentes campagnes de souscription.

Études et diagnostics préalables

Pour soutenir les différentes actions de ce programme, les autorités vietnamiennes ont multiplié au cours des dernières années les études sur la pauvreté urbaine. Elles se proposent de poursuivre ces études de façon à suivre la situation qui change rapidement. Ces études visent à découper des catégories précises de pauvreté urbaine de façon à mieux cibler les programmes.

Le ministère du Travail a réalisé une des premières études, qui a porté sur la malnutrition dans l’ensemble du pays. Le ministère du Plan, en collaboration avec le PNUD, a mené l’enquête sur les niveaux de vie au Viêt-nam. L’Institut de sociologie du CNSSH a été invité à mener une série d’études pour définir et suivre l’évolution de la stratification sociale au Viêt-nam. Ces différentes études ont permis de définir les catégories suivantes, à partir desquelles les actions des programmes seront ciblées:

– ce sont d’abord les ménages qui ont un revenu régulier, mais inférieur à la moyenne nationale. Ces ménages peuvent faire face aux dépenses courantes et, à l’occasion, économiser un peu pour améliorer leur environnement résidentiel;

– ce sont aussi les jeunes ménages qui viennent juste d’entrer sur le marché du travail et de quitter la cellule familiale. Ils n’ont encore aucune épargne et ne peuvent donc pas participer à l’amélioration de leurs conditions de logement;

– ce sont les ménages victimes du chômage, d’accidents et de maladies. Ces ménages sont poussés vers des conditions de pauvreté extrême. En ville, le meilleur indicateur de leur pauvreté est le logement. Ils sont largement en dessous de la norme nationale d’habitabilité (moins de 3 mètres carrés en moyenne par personne), vivent dans des environnements non desservis, le plus souvent dans des quartiers précaires, et ne possèdent pas souvent de permis de résidence dans les lieux qu’ils occupent;

– ce sont les ruraux ayant migré de façon récente vers les villes. Leur situation est marquée par la précarité et cette précarité a des effets négatifs augmentés par leur situation de résidence illégale. Quand ils ne sont pas sans-abri, ils habitent dans les bidonvilles spontanés;

– ce sont les ménages de personnes en difficulté sociale comme les personnes âgées et les invalides vivant seuls, les orphelins,… qui doivent quotidiennement assurer leur survie alimentaire.

Ces grandes catégories de ménages pauvres ont été décrites par une liste limitée d’indicateurs communs qui serviront à établir les priorités d’intervention au niveau des ménages individuels.

Le premier de ces indicateurs est construit sur le revenu moyen par personne par mois: sont considérés extrêmement pauvres les ménages dont le revenu mensuel moyen par personne est en dessous de 50 mille dongs; entre 50 mille et 120 mille dongs, les ménages sont classés dans la catégorie des nécessiteux; et entre 120 mille et 150 mille dongs, les ménages sont dits relativement pauvres, par rapport aux moyennes nationales.

Le deuxième indicateur retenu est relatif aux conditions de logement. Deux catégories sont ici distinguées: les ménages dont la superficie moyenne habitable par personne est inférieure à 2 mètres carrés (représentant 2,5 % de la population) et ceux dont cette superficie moyenne est supérieure à 2 mètres carrés mais inférieure à 4 (ils représentent 28 % de la population).

Le troisième indicateur est relatif à la structure du ménage: sont ciblés tous les ménages composés de 3 générations et plus.

Enfin, un dernier groupe d’indicateurs a trait à la situation résidentielle dans la ville: sont ciblés les ménages vivant dans les quartiers dangereux, dans les anciens quartiers ouvriers rattachés à une entreprise de production, sur les canaux et sous les ponts. Ces lieux de résidence sont retenus d’abord parce qu’ils ne possèdent absolument aucun équipement sanitaire, parce qu’ils sont victimes d’inondations, et parce qu’ils sont fortement pollués.

Les chercheurs de l’Institut national de la planification rurale et urbaine ont proposé au ministère de la Construction d’isoler, à l’intérieur de la nouvelle politique du logement, des programmes particuliers pour les ménages pauvres définis selon les catégories ci-haut. Les interventions prioritaires des programmes particuliers seront ciblées en fonction de la position de ces ménages sur les groupes d’indicateurs ci-haut. Ils retiendront également d’autres variables dans le ciblage des programmes particuliers; ceux-là seront retenus pour évaluer et distinguer la faisabilité des programmes proposés. L’ensemble de la stratégie de lutte contre la pauvreté, organisé par des programmes sur la malnutrition, sur le logement et sur le développement urbain, distinguera deux grands groupes cibles:

– le premier groupe est composé des ménages pauvres de travailleurs à bas revenus du secteur public, de ceux qui ont rendu des services à la nation et de ceux qui sont victimes de catastrophes; ce faisant, on élimine du groupe cible l’ensemble des ménages pauvres qui vivent dans des situations illégales; les ménages de ce groupe seront associés d’une façon ou d’une autre dans le programme de logement pour les ménages pauvres;

– le deuxième groupe est composé des ménages pauvres dont la situation dépend de la précarité de l’emploi et des revenus; ceux-ci seront d’abord bénéficiaires des programmes de lutte contre la pauvreté, de façon à retrouver un emploi et une source de revenus réguliers. En ce qui concerne leur logement, ces ménages ne recevront qu’une faible assistance pour qu’ils trouvent eux-mêmes une solution à leurs problèmes de logement.

La politique du logement pour les pauvres

Les principes

Cette politique est en train d’être conçue. Elle sera inscrite comme un programme particulier dans la politique générale du logement. Elle sera originale aussi, en ce sens qu’elle se construit à partir de programmes de la politique du logement et de programmes de la lutte contre la pauvreté.

Dès le départ, les concepteurs de cette politique ont adopté le principe de supporter les capacités des ménages. Il ne s’agira donc en aucun cas d’un retour au principe du logement subventionné. Dans cette direction, le rôle de l’État est surtout défini dans la mobilisation des capacités et des ressources des organisations non gouvernementales, des syndicats, des associations de femmes et de jeunes, des organisations charitables. Son rôle est aussi défini par rapport à l’équité sociale; il aura à développer des moyens de recouvrer les coûts de toutes ses interventions dans le domaine du logement, quand elles favorisent des catégories non définies comme pauvres.

La nouvelle politique va nécessiter une redéfinition des rôles et la promotion de nouveaux acteurs. Dans le cadre traditionnel, les responsabilités auraient été déléguées du sommet vers le bas: le Gouvernement, le ministère de la Construction, les bureaux locaux du ministère, les comités populaires régionaux, municipaux et d’arrondissement. Dans le cadre souhaité, il faut partir de la base; il faut donc trouver des moyens de partir des communautés locales et de valoriser les rôles des différents types d’acteurs que l’on retrouve à cette base; ce seront bien sûr les comités populaires de quartier, mais aussi les syndicats et les associations.

Le Gouvernement aura encore un rôle de coordination de ses propres politiques sectorielles. On sait déjà que les programmes de logement pour les pauvres et de lutte contre la pauvreté devront être harmonisés. Les auteurs de la politique ajoutent une nécessaire coordination avec les programmes de développement urbain et particulièrement avec les programmes de développement des infrastructures.

Enfin, ils conçoivent cette politique non pas comme un programme limité et arrêté dans le temps. Ils la conçoivent plutôt comme un processus découpé en plusieurs étapes qui s’autonourrissent et qui engagent, à chacune des étapes, une plus grande autonomie de chacun des acteurs. Dans cette direction, la nouvelle politique s’insère dans les politiques passées pour les transformer.

Le cadre des politiques et programmes passés

Dès 1986, quand il avait aboli le programme de logements subventionnés, le Gouvernement avait avancé le principe du support aux capacités. Le programme de partenariat «entre l’État et le peuple pour construire ensemble» était construit selon ce principe, mais favorisait les ménages les plus aptes à participer. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement a facilité l’accès au sol pour que les ménages puissent construire eux-mêmes leur logement; il a également développé des plans de construction, construit les infrastructures, organisé les lotissements et vendu des droits d’usage sur ces sols urbanisés; il a construit lui-même des logements pour les vendre à paiements différés; il a fourni gratuitement le sol et prêté de l’argent à ses employés pour qu’ils construisent eux-mêmes, au lieu de leur fournir gratuitement, le logement; il a aussi construit des résidences d’accueil pour les invalides de guerre, pour leurs familles et pour celles de héros morts à la guerre.

Le programme est évalué comme un succès relatif. D’abord, alors que l’État mettait de moins en moins de moyens pour la production de logements, la croissance du stock de logements a été importante. Les ménages ont appris à construire eux-mêmes. La construction de logements par le peuple a représenté 49 % de l’ensemble en 1987, et 62 % en 1989. A Hô Chi Minh-Ville, 3500 nouveaux logements avaient été construits en 1986; mais 8000 furent construits au cours de la seule année 1990. Cette ville fut une des premières à mettre en place le système d’achats de logements à paiements différés; les ménages devaient débourser, à l’achat, 50 % de la valeur totale, et rembourser le solde par paiements annuels échelonnés sur 15 ans.

Ce programme, comme on pouvait le supposer (voir chapitre 2), a favorisé les plus aptes, les plus influents et les plus riches. Les compagnies de construction ont investi de l’argent dans la construction de logements, mais elles se sont arrangées pour récolter rapidement leurs profits en vendant aux plus solvables. Quand l’État a construit, il l’a fait non pas en fonction d’objectifs d’amélioration de la situation en général, mais en fonction de programmes d’urgence, comme le nettoyage des berges des canaux à Hô Chi Minh-Ville. Enfin, l’activité de construction, libéralisée dans le cadre de ce programme, a engagé la spéculation supportée elle­même par l’entrée importante de capitaux étrangers et par les besoins pressants de logement pour les expatriés.

Après dix ans de ce programme, force est de constater que 30% de la population, à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville, vit dans des conditions inférieures à la moyenne (3 mètres carrés par personne) et que plus de 40 % vit en dessous des normes d’habitabilité fixées par l’administration de ces villes.

Ceux qui rédigent actuellement la nouvelle politique font un dernier jugement très sévère. Le programme, en libérant les forces, aura entraîné des brisures dans le tissu social, la rupture des équilibres entre les groupes sociaux, la cassure de la solidarité sociale et la perte de confiance. Ils prennent pour exemples l’expulsion de nombreux ménages de leurs logements, le déguerpissement, la fraude, la spéculation, les injustices créées entre les classes d’employés de l’État.

La commande qu’ils ont reçu du ministère de la Construction (Direction du logement) est de revoir la politique dans la perspective de créer des conditions favorables pour l’ensemble de la population. On leur a demandé de reconstruire l’ensemble de la politique en distinguant bien: les populations cibles pour chaque type d’action, les moyens pour chacun, une stratégie de mobilisation des ressources financières et de recouvrement des coûts, un modèle d’organisation et de coordination incluant des mécanismes de suivi et de contrôle.

La nouvelle politique; les populations cibles pour les programmes de logement

La population cible a été définie principalement en fonction de ses revenus et de ses dépenses, et par conséquent de ses capacités financières à participer aux différents programmes qui seront proposés par la politique.

La population cible est celle dont les revenus dépassent les dépenses de consommation (calculés en moyenne par personne par ménage et par mois), ce qui la place dans une catégorie de revenus immédiatement supérieure à la moyenne des revenus. Cette définition de la population cible devra être faite pour et par chacune des villes pour tenir compte de sa situation propre.

Par exemple, à Hô Chi Minh-Ville, le revenu moyen est de 129 mille dongs et les dépenses moyennes de consommation sont de 126 mille dongs. On déduit donc que les ménages à bas revenus qui peuvent participer aux programmes de logement, dans le cadre de la nouvelle politique, sont les ménages ayant un revenu moyen par personne allant de 150 à 200 mille dongs par mois. En effet, dans la catégorie de ceux qui gagnent entre 101 et 150 mille dongs, plus de 21 % ont des dépenses qui dépassent les revenus. Selon le même principe de calcul, à Hanoi, ce sont les ménages ayant un revenu moyen entre 120 et 200 mille dongs qui pourront participer au programme.

Les ménages qui ne se qualifient pas en fonction de ces normes et de ces calculs seront aussi aidés, dans le cadre de la politique, mais à l’intérieur du programme de lutte contre la pauvreté, par des actions de support à l’emploi et à l’employabilité.

Une fois les populations cibles définies, les priorités d’aide seront accordées en fonction de l’état de la situation de logement des ménages. A Hô Chi Minh-Ville, seule la superficie moyenne habitable va jouer: la superficie moyenne des logements y est plus élevée qu’à Hanoi, de même que celle des aires de service; la superficie moyenne habitable par personne y est de 4,4 mètres carrés pour les ménages pauvres; le programme va tenter de hausser à 5 mètres carrés en moyenne la surface habitable par personne. Tous les ménages qui n’ont pas en moyenne 5 mètres carrés de surface habitable par personne sont prioritaires. A Hanoi, selon les mêmes principes, ce seront les ménages qui ont moins de 4 mètres carrés de surface habitable moyenne par personne qui seront prioritaires; on a jouté cependant un autre critère de qualification dans ce cas, à savoir les ménages qui doivent partager la cuisine et les toilettes.

Pour toutes les autres localités, les mêmes principes prévalent, mais les standards seront ceux de Hanoi et non de Hô Chi Minh-Ville. Il est cependant entendu que l’application de ces principes et standards doit se faire en tenant compte des situations locales; chaque administration locale a la responsabilité d’établir les siens propres et de les justifier.

La politique vise ainsi les populations les plus mal logées. On espère ainsi rejoindre les ménages qui n’ont pas de résidence fixe, qui n’ont pas hérité d’un logement ou d’une parcelle de sol, qui n’ont aucun droit de propriété ou droit d’usage légal sur le sol et sur le logement.

Enfin, et comme toujours, sont considérés comme prioritaires, dans les deux types de programmes, les employés de l’État, et les victimes et les héros de la guerre. Dans ce cas, les règles d’admissibilité aux programmes ont été encore une fois précisées. Les vétérans, les familles d’invalides et de héros morts à la guerre sont protégés directement par un décret en leur faveur énoncé par l’Assemblée Nationale. Le personnel des ministères de l’Armée et des Affaires internationales font l’objet de traitements prioritaires et particuliers dans le décret relatif à la politique du logement pour les forces armées. Tout le personnel de l’État, qui compte plus de 10 années d’ancienneté, est é ligible aux programmes; des listes de personnes éligibles seront composées par les syndicats et par les unités de production et de gestion. Le personnel de l’État, comptant moins de 10 années d’ancienneté, et le personnel des entreprise privées, viendront ensuite et seront soumis aux règles générales de la politique. Dans les deux cas, ce sont les syndicats, les unités de production et les comités populaires locaux qui élaboreront les listes de personnes admissibles.

Les populations cibles pour les programmes d’aide sociale
dans le cadre de la politique de lutte contre la pauvreté

Ces populations, n’ayant ni les moyens ni les capacités minimales pour profiter des conditions de support offertes par le Gouvernement en matière de logement, seront assistées par le Gouvernement et les organisations communautaires pour améliorer leurs conditions d’employabilité, pour obtenir un emploi et pour accroître leurs revenus, de façon à devenir éligibles aux programmes de logements. Dans les cas extrêmes et pour des raisons humanitaires, le Gouvernement leur fournira un logement et améliorera de façon minimale les environnements dans lesquels elles vivent (curage des égouts et caniveaux, installation de bornes-fontaines, pavage des rues et ruelles).

Ces populations sont d’abord les familles des travailleurs victimes du chômage suite à la fermeture ou à la réorganisation des entreprises publiques et coopératives de production. Ce sont aussi des pauvres «honnêtes» - dit la politique - qui gagnent péniblement leur vie dans les activités informelles (recycleurs de déchets, conducteurs de cyclo-pousses…), et les ruraux ayant immigré en ville depuis plus de 5 années, mais n’ayant pas encore réussi à s’y établir de façon correcte et vivant encore parfois dans l’illégalité dans des environnements insalubres et précaires.

Dans certains cas, ces populations seront aidées au niveau du logement, si elles doivent être expulsées pour des travaux de reconstruction ou pour d’amélioration de l’environnement.

Dans cette catégorie, nous retrouvons aussi les orphelins, les invalides vivant seuls et des personnes âgées vivant seules. La politique propose dans ce cas un nouveau concept de communautés d’accueil. Ce sont des résidences permanentes accueillant des types différents de personnes, de façon à multiplier les potentiels d’entraide. Dans ces communautés, le Gouvernement se propose de localiser aussi des centres de formation et de recyclage, tels que prévus dans le cadre de la politique pour combattre la pauvreté.

La nouvelle politique: les moyens

Encore ici, ce sont les autorités locales qui auront à mettre en œuvre les moyens, en tenant compte de la situation locale. Le cadre général est cependant donné et se divise en trois: le sol et les infrastructures, la construction du logement, les moyens financiers.

– Moyens pour créer des conditions favorables à la gestion du sol et au développement des infrastructures:

La politique reconnaît que le prix du sol doit être établi par les mécanismes du marché; mais elle reconnaît aussi que les plus pauvres seront éliminés de ce marché. Elle ne vise pas à faire intervenir l’État dans la régularisation du marché. Restent donc des interventions particulières et ciblées.

L’État va se charger de développer, de lotir et d’équiper en infrastructures minimales les terrains de moindre valeur dédaignés par les acteurs sur le marché. Il attribuera ces terrains à des ménages cibles, selon les règles définies plus haut, au prix coûtant.

Il va créer une banque de terrains déjà équipés, mais dont la valeur est dédaignée par le marché, pour les vendre aux ménages pauvres ciblés, à des prix artificiellement bas fixés par lui.

Enfin, une partie des sols agricoles, en milieu urbain, dont la valeur productive est faible ou qui sont en friche depuis longtemps, seront versés dans la banque des terrains constructibles destinés aux ménages pauvres.

Les terrains déjà occupés, légalement ou illégalement, par des ménages pauvres, même s’ils ne sont pas équipés, seront protégés, sauf en cas de force majeure. La politique prévoit un programme de partenariat avec les communautés établies sur ces terrains pour les équiper de façon minimale. Les populations qui résident sur ces terrains sont les plus susceptibles d’être assistées uniquement par le programme de lutte contre la pauvreté. On espère que, avec le temps, elles auront des revenus suffisants pour améliorer elles-mêmes leur logement.

– Moyens pour créer des conditions favorables à la construction résidentielle

Les auteurs de la politique reconnaissent que bien des ménages pauvres ne pourront construire eux-mêmes leur logement. Ils vont proposer que l’État construise lui-même des logements pour les louer ou les vendre à paiements différés à des ménages cibles et prioritaires. Ils vont aussi proposer que des logements soient réservés, aux étages supérieurs, dans certains nouveaux développements résidentiels, pour les ménages pauvres.

Ils soulèvent aussi la question des fonctions économiques que peut jouer le logement - commerce et artisanat -. Dans ce cas, ils proposent de porter une attention particulière à la planification urbaine de secteurs pour favoriser ces fonctions. Ils feront d’ailleurs d’autres recommandations en ce sens pour l’affectation de parties du «fonds de développement urbain».

Le gouvernement va favoriser le développement de la trame urbaine de façon à encourager la construction résidentielle sur les axes principaux et à favoriser les activités commerciales et artisanales rattachées à la résidence. Il s’adressera ainsi aux petits commerçants et aux petits artisans. Pour les petits artisans, il y a aussi des besoins d’espaces de rangement et de magasin; il y a aussi des besoins particuliers d’approvisionnement en eau et en énergie. Les plans urbains de secteur vont prévoir des espaces de production artisanale à l’intérieur de la trame résidentielle.

Enfin, plusieurs ménages pauvres (salariés, intellectuels, jeunes familles) n’ont pas besoin d’espaces commerciaux ou d’espaces de production. Ils peuvent se satisfaire de logements dans des ensembles résidentiels à plusieurs étages.

Ces trois types de préoccupation s’intéressent, non pas tant à la construction, qu’à la création de conditions pour créer des environnements résidentiels variés et polyvalents. L’objectif global est de permettre la création de sous-ensembles urbains complets, non pas réservés aux seuls ménages pauvres.

Dans cette direction, les chercheurs du ministère de la Construction acheminent une série de recommandations pour donner le cadre d’une nouvelle politique du développement urbain.

Ils recommandent d’abord la planification de petites et moyennes villes satellites à la périphérie des plus grands ensembles urbains. Ces satellites devraient être organisés comme des sous-ensembles urbains complets (résidence, affaires, travail) et devraient servir de lieux d’arrêts et d’établissement permanent des migrants ruraux, afin d’arrêter l’engorgement des quartiers centraux. Ils recommandent encore la planification de grands ensembles industriels dans les quartiers périphériques ou en zones rurales, pour éviter l’engorgement du centre, pour diriger le développement dans certaines directions et pour assurer le développement de communautés viables. Ces recommandations pourraient orienter le travail de recomposition des schémas directeurs des grandes villes.

Au niveau plus petit, celui des secteurs de développement, les chercheurs recommandent de lier l’attribution des droits d’usage du sol à des plans et des programmes de développement de secteurs. En effet, jusqu’ici, les droits d’usage sont accordés à la pièce à chaque individu. Les chercheurs proposent que ces droits soient maintenant accordés par blocs dans des ensembles planifiés, dont les règles d’urbanisme et de construction auront été préalablement définies. Ces règles, outre qu’elles devraient permettre une meilleure intégration architecturale, devraient surtout assurer

Image

Source : Rapport de l’Institut national de planification rurale et urbaine,
Projet CRDI - sous-rapport n° 4.

Populations cibles:
programmes de logement pour les pauvres et de lutte contre la pauvreté

Image

Source: Rapport de l’Institut national de planification rurale et urbaine,
Projet CRDI - sous-rapport n° 4.

Moyens financiers de soutien aux ménages à faible revenu

la mixité des fonctions et des populations. Ils recommandent, par exemple, que les logements réservés aux plus pauvres, dans des immeubles de un ou de deux étages, soient localisés à l’arrière des lots, et le plus éloignés possible des axes principaux de façon à éviter les interférences avec les fonctions commerciales et les activités publiques. Les immeubles résidentiels à plusieurs étages devraient, quant à eux, être situés sur les axes de façon à favoriser les activités commerciales et artisanales au rez-de-chaussée. Ils devraient également être alternés en termes de qualité et de prix pour assurer la mixité sociale. Bien sûr, ils recommandent que les droits d’usage et les droits de construire ne devraient être accordés que sur des terrains lotis, situés dans des secteurs planifiés de développement, et déjà équipés.

Trois types de secteurs de développement planifié sont recommandés: le premier concerne des terrains dont la valeur marchande est élevée, telle qu’estimée par les services municipaux du foncier. Ces terrains devraient supporter le développement de secteurs à haute densité résidentielle, avec fonctions commerciales et logements réservés aux pauvres (selon le principe du 3 % par exemple). Les terrains à faible valeur marchande pourraient supporter le développement de secteurs à faible densité. C’est dans ces secteurs surtout que l’on pourrait pratiquer soit la vente de logements neufs à paiements différés, soit I’autoconstruction. Enfin, les terrains de très faible valeur pourrait être vendus en dessous de la valeur établie pour leur droit d’usage. Ils seraient vendus aux ménages les plus pauvres, qui pourraient être exemptés des taxes foncières et qui pourraient rembourser le prix du droit d’usage sur plusieurs années. Ces terrains sont en général de petite dimension et dispersés dans la structure urbaine. C’est là en fait que l’on pourrait tolérer des établissements temporaires.

Reste l’énorme problème de la rénovation des logements existants. Les chercheurs du ministère de la Construction, informés par les expériences difficiles vécues à Hanoi, par exemple (voir chapitre 5), recommandent que toutes les actions, dans la mesure du possible, adoptent le principe du maintien sur place des populations, surtout dans les quartiers anciens. Les interventions devraient être planifiées non pas d’abord en fonction d’objectifs d’esthétique, mais en fonction des conditions de vie. Les travaux devraient être concentrés sur la protection contre la pluie et l’humidité, sur l’ensoleillement et la ventilation, sur le raccordement aux réseaux et sur l’amélioration des sanitaires et des cuisines. Quand il est nécessaire d’évacuer des personnes pour réduire la densité, pour créer des aires de surface communes ou pour créer des espaces verts, ce sont les ménages illégaux et les grandes familles qui devraient être expulsés en premier. Dans ce dernier cas, il s’agit naturellement d’une mesure de représailles pour non respect des principes de la politique de la famille. Ces opérations de rénovation seront plus facilement réalisées, selon le principe, sur des immeubles propriétés de l’État. Dans le cas des immeubles de pro­priété privée, c’est par le biais des prêts de la Banque pour le développement de l’habitat que l’État pourra assurer les objectifs de maintien sur place ou de relocalisation dans des conditions équitables. Dans les grands ensembles construits par l’État au cours des années 60, 70 et 80, le programme de partenariat entre l’État et le peuple pourrait bien fonctionner, puisque ces immeubles sont soit propriétés de l’État, soit propriétés d’entreprises publiques.

Enfin, en ce qui concerne les bidonvilles existants, en conservant le principe du maintien sur place des populations, au moins pour une période temporaire dont la limite est l’an 2005, l’État avec la communauté pourrait organiser au moins un programme d’équipements et de services minimum. Il le ferait en gageant sur les capacités de l’ensemble de la communauté; c’est la communauté qui pourrait par exemple emprunter auprès de la Banque pour les pauvres pour participer aux coûts des travaux. Le remboursement du prêt serait garanti et assuré par la communauté; libre à elle de trouver les moyens pour lever les fonds parmi ses membres.

– Normes de construction et d’équipements des logement des pauvres

Les recommandations des chercheurs du ministère de la Construction favorisent le développement et le choix de matériaux locaux peu dispendieux pour la construction, des techniques simples de construction illustrées par des modèles types de logements et des arrangements qui permettent de réaliser à la fois les conditions minimales de la vie privée et celles nécessaires à la réalisation d’activités économiques de petites tailles. Ils recommandent que les modèles de construction facilitent la construction par étapes et que les principes d’autorisation et de prêts facilitent la construction progressive de leur logement par les ménages.

Les standards de confort minimum sont proposés selon deux modèles types : le premier modèle doit satisfaire les besoins d’une famille étendue (plus de deux générations), pouvant compter plus de deux ménages. Ce modèle doit nécessairement prévoir des espaces réservés à des activités économiques. La surface habitable moyenne par personne, dans ce cas, peut varier de 4 à 6 mètres carrés, et les aires de services devraient compter au minimum une superficie moyenne par personne allant de 2 à 3 mètres carrés (les superficies moyennes par logement pourrait donc être au minimum de 4–5 mètres carrés pour les toilettes et de 7–8 mètres carrés pour la cuisine). L’espace réservé aux activités économiques pourrait avoir une superficie de 10 à 12 mètres carrés, être localisé au rez-de-chaussée et être séparé des espaces domestiques par une cour ouverte. Le deuxième modèle est dessiné pour des personnes seules, des invalides, des immigrants de fraîche date, etc. Il s’agit d’un modèle d’habitat collectif dont le standard minimum de base est une superficie moyenne habitable de 6 mètres carrés. Dans ce modèle, les espaces des activités écono­miques sont communs. Les toilettes sont partagées par 10 personnes en moyenne et la cuisine doit être planifiée pour une utilisation moyenne de 6 personnes.

– La construction des infrastructures servant le logement des pauvres

La planification des travaux pour la construction de nouvelles infrastructures et pour la restauration des infrastructures existantes doit être faite en collaboration avec les communautés qui auront à en partager les charges et les responsabilités d’entretien. Les coûts directs seront partagés entre l’État et la communauté pour la partie publique des réseaux. Les communautés, dans ce cas, ont accès aux prêts de la Banque pour les pauvres. Les coûts des branchements individuels sont à charge des ménages, qui, selon le cas, peuvent inclure ces coûts dans leur demande de prêt pour la construction ou la rénovation, ou peuvent faire l’objet de tarifs ajustés à la baisse. Dans tous les cas, ces travaux entrepris par l’État et la communauté devraient être générateurs d’emplois dans la communauté au moment de leurs exécutions et devraient pouvoir supporter le développement d’activités économiques collectives dans la communauté (ouverture d’un marché ou d’un atelier coopératif, par exemple).

Les travaux d’infrastructure devraient être planifiés au moment de la conception des plans de développement de secteurs. Les réseaux principaux devraient être alignées sur les voies publiques dont la largeur doit prévoir ces installations. Les réseaux d’égout doivent être couverts pour éviter l’encombrement par les déchets solides; les réseaux d’eau doivent être dimensionnés de façon à pouvoir assurer une consommation moyenne de 60 litres par personnes, jour et nuit; le réseau de distribution de l’électricité doit permettre une consommation moyenne par personne de 5060 W. Chaque plan de secteur doit en outre prévoir des équipements sociaux et culturels: une école primaire, une clinique, un marché, un jardin, une maison commune pour les événements communautaires.

– Moyens pour créer des conditions favorables au financement du logement

La politique gage sur deux groupes de moyens; les supports directs et les supports indirects. Les supports directs visent à compenser la différence entre les prix du marché et les prix préférentiels accordés par l’État aux ménages pauvres ciblés. Ces prix préférentiels touchent naturellement au prix du sol, aux prix des infrastructures, aux loyers et aux exemptions fiscales.

Les supports indirects concernent toutes les formes d’aide à l’emprunt et au support à l’épargne. La participation de l’État se fait par le biais de la Banque des pauvres mais aussi par sa participation aux fonds provinciaux de développement de l’habitat. Dans ce cas, l’État encourage l’épargne dans ces fonds et facilite les conditions des prêts et des remboursements.

Il faut ici retenir encore un autre moyen que veut se donner le Gouvernement pour assurer la rentabilité financière de son aide au logement. Il songe à obliger tout projet de construction résidentielle à réserver 3 % de l’ensemble des logements construits, ou 3 % du sol à construire dans le cadre de ces projets, pour des fins publiques, particulièrement pour la réalisation de la politique de logement pour les pauvres. Le Gouvernement se donne ainsi la possibilité de constituer une banque de sols et de logements dont il pourra tirer profit.

Tout un train de mesures est à l’étude pour organiser cette aide et ce support financier aux ménages pauvres. En ce qui concerne l’accès au sol pour la construction, les ménages pauvres ciblés ne pourraient payer que 40 % de la valeur du droit d’usage du sol, selon les barèmes établis par chaque comité populaire de province. Dans le cas où les terrains seraient équipés et desservis, les ménages pauvres pourraient n’avoir à payer que le coût réel d’équipement et de service. Au niveau du logement lui-même, les ménages qui achèteront un logement déjà construit par l’État pourront le payer par paiements échelonnés sur plusieurs années (selon le modèle expérimenté à Hô Chi Minh-Ville). Les taux d’intérêt sur ce type de prêt, mais aussi sur les prêts pour la construction neuve ou pour des travaux de rénovation, ne devraient pas dépasser 7 % par année. Les ménages qui ne pourront ni acheter un logement du gouvernement, ni construire eux-mêmes pourront avoir accès à un logement locatif dont le loyer sera établi selon une grille de prix correspondant à la typologie des ménages cibles et prioritaires.

– La politique du logement: mobilisation des ressources financières

Il est proposé au gouvernement de créer un fonds national pour l’habitat à partir de l’ensemble des moyens qu’il possède déjà pour accumuler des ressources financières. Ce fonds sera également établi selon une structure décentralisé et participera à la création de fonds similaires au niveau des provinces.

Ce fonds, comme dans le cas des fonds provinciaux, peut être alimenté par l’épargne des ménages, mais il peut être bonifié de façon importante par les sources suivantes:

– par le versement d’une partie des profits réalisés lors de la vente de logements publics à des acteurs privés;

– par le versement, dans ce fonds, de la portion (pouvant aller jusqu’à 60%), que reçoit l’État, des frais de loyers que lèvent les entreprises publiques qui louent des logements publics à leurs employés;

– par les profits réalisés par l’État quand il vend des terrains équipés avec le support financier du Fonds de développement urbain mais aussi par le revenu partiel des taxes foncières et des taxes et frais d’enregistrement des droits fonciers;

– par les taxes imposées aux constructeurs et promoteurs de projets de développement;

– par une partie des revenus des intérêts sur les prêts consentis par l’État aux projets de construction résidentielle;

– par le versement, dans ces fonds, des prêts internationaux pour le logement, des aides internationales et des dons des organisations charitables.

Ce fonds national pour l’habitat sera géré par la Banque vietnamienne d’investissement et de développement; les fonds seront distribués et prêtés selon des règles et principes établis par la Commission nationale pour l’habitat. Chacun des fonds provinciaux pour l’habitation sera géré au niveau local par les succursales locales de la Banque vietnamienne d’investissement. Celles-ci auront l’obligation de créer des comptes spéciaux pour les ménages pauvres ciblés et prioritaires.

Les ménages qui auront accumulé des épargnes dans ces comptes spéciaux pourront emprunter jusqu’à 50 % du montant requis pour l’achat comptant d’un logement, l’autre 50 % étant couvert par les épargnes déjà accumulées. Les ménages qui construisent eux-mêmes leur logement et veulent le payer à paiements différés devront avoir accumulé jusqu’à 100 % de la valeur du premier versement avant d’être éligibles à un prêt. Dans tous les cas, les ménages doivent pouvoir démontrer qu’ils ont les moyens de rembourser leur dette. Quand les ménages auront terminé la construction de leur logement ou quand ils auront remboursé leur prêt en totalité, les représentants de l’État leur délivreront un droit de propriété et un droit permanent d’usage.

Les ménages qui loueront un logement de l’État n’auront pas le droit de sous-louer leur logement. S’ils le font, ils seront poursuivis.

La politique du logement: organisation, coordination et contrôles

Le Gouvernement du Viêt-nam a commandé la construction d’un appareil décentralisé pour la mise en œuvre de la politique du logement. Le Premier ministre a demandé à chaque province et à chaque ville de définir les conditions de mise en œuvre de programmes particuliers pour les pauvres dans le cadre de la politique générale. Ces programmes devront être insérés dans le Programme provincial pour l’habitat et devront être approuvés par le Conseil du comité populaire de la province. Chaque province et chaque ville doit créer un Conseil provincial pour le logement, sous la direction du vice-président du comité populaire provincial, quisera chargé de suivre et de contrôler le programme local pour l’habitat dans lequel sera inséré un programme particulier pour le logement des pauvres. Les représentants des organisations locales et des associations, ceux des services administratifs locaux et particulièrement ceux des services du foncier et du logement composent ce Conseil.

Le Conseil a la responsabilité de suivre étroitement, par des études régulières et systématiques, l’état de la situation du logement à son niveau. C’est lui qui est chargé de faire l’analyse des besoins et de définir les populations cibles pour le programme de logement pour les pauvres. C’est lui qui est aussi chargé de mettre en œuvre les différentes composantes de ce programme et d’en faire rapport régulièrement au Gouvernement.

Au niveau des quartiers et arrondissements, le vice-président du comité populaire met sur pied et préside un Comité local de gestion du logement. Les autres membres de ce Comité sont des représentants des services locaux du logement, du bureau du travail et des affaires sociales, des associations de femmes et de jeunes, et les chefs de sections de voisinage. Le Comité est responsable du recensement régulier des logements et des conditions résidentielles; c’est lui qui évalue la situation de chacun des ménages, dresse la listes des ménages admissibles aux différents programmes et propose une liste d’actions prioritaires (populations et moyens) au Conseil provincial.

Enfin, les services locaux du logement ont le rôle d’informer et de mobiliser les ménages pour les orienter vers les différents types de programmes proposés. Ce sont eux qui vont les aider à monter leurs dossiers, à planifier leurs projets et leurs engagements financiers.

Pour s’assurer que la politique et les programmes rencontrent bien leurs objectifs et qu’ils touchent bien les populations cibles, mais aussi pour dépister les fraudes, des mécanismes spécifiques de suivi et de contrôle seront mis sur pied. Ces mécanismes seront implantés à la base, le plus près possible des communautés, avec la participation des syndicats, des associations de travailleurs, de femmes et de jeunes. Les comités populaires des plus bas niveaux (d’immeubles et de quartier, par exemple) devront faire rapport régulièrement au Conseil provincial pour dénoncer les fraudeurs, mais aussi pour donner leurs avis sur la mise en œuvre de l’ensemble de la politique et des programmes, à partir de leurs expériences locales. Les principales mesures punitives, dans le cas de fraude, sont les suivantes: si le bénéficiaire n’utilise pas le terrain qu’il a obtenu sans frais ou à prix réduit pour la construction de son logement, et s’il le loue à profit, par exemple, le terrain lui sera retiré sans aucune compensation. Si le capital emprunté pour construire un logement est détourné ou n’est pas remboursé, selon les termes établis, toute construction sera confisquée et vendue. Le revenu de la vente sera partagé entre l’emprunteur en défaut, pour couvrir les frais déjà engagés, et le Fonds provincial pour le logement.

Image

Source: Rapport de l’Institut national de planification rurale et urbaine,
Projet CRDI - sous-rapport n° 4.

Mobilisation des ressources:
Fonds de soutien à l’amélioration du logement
et de l’environnement des pauvres urbains

Image

Source: Rapport de l’Institut national de planification rurale et urbaine,
Projet CRDI - sous-rapport n° 4.

Organisation, administration et contrôles:
Politique du logement

Au niveau provincial, le plan de mise en œuvre de la politique du logement pour les pauvres est essentiellement et d’abord une liste de groupes de ménages cibles identifiés à chacun des programmes de la politique, selon le détail suivant:

– groupe de ménages admissibles à l’acquisition de droits d’usages du sol à prix réduits, par paiement comptant, pour l’autoconstruction;

– groupe de ménages admissibles à l’acquisition de droits d’usages du sol à prix réduits, par paiements échelonnés, pour l’autoconstruction;

– groupe des ménages admissibles à un prêt pour la construction;

– groupes de ménages admissibles au programme d’achat par paiements différés;

– groupes de ménages admissibles à un logement loué par l’État.

Pour le moment, les rédacteurs de la politique ont laissé le champ ouvert aux autorités locales pour expérimenter des formules de construction avec le secteur privé ou semi-public. Ils ont fait cette ouverture en suggérant aux autorités locales d’étudier des formules favorisant la construction d’un capital privé dans l’industrie de la construction, les exemptions fiscales, l’approvisionnement en matériaux de construction, etc. Ils ont également ouvert la porte aux entreprises communautaires, aux coopératives, aux organisations non gouvernementales, de la même manière.

Conclusion

Comme nous venons de le voir, la formulation d’une nouvelle politique du logement pour le Viêt-nam est bien engagée. Les autorités, surtout le ministre de la Construction, ont vraiment insisté pour que cette politique comporte un programme d’actions spécifiques destinées à soulager la situation des ménages les plus pauvres. Le train de recommandations et de mesures, que nous venons de décrire, peut sembler encore à l’état de projet: des éléments sont plus détaillés que d’autres, certains sont manquants, et certains autres semblent parfois contradictoires. Il n’en reste pas moins qu’il apparaît un cadre précis dans lequel les travaux ultérieurs seront placés. Et, avant même que la rédaction de cette politique ne soit totalement achevée, le ministre de la Construction a tenu à ce que certains de ses éléments soient expérimentés le plus rapidement possible. En mai 1996, il a signé un décret pour engager des expériences concrètes, à Hanoi, pour tester des éléments de cette politique.

Les premières expériences visent des employés de l’État, des travailleurs à bas revenus, des jeunes ménages et des ménages assistés par un ou plusieurs programmes existants d’aide de l’État. Avec eux, on va expé­rimenter le programme d’achat de logements à paiements différés, et le programme de location de logements à des prix contrôlés.

Du côté de la production, ce que le ministre a voulu expérimenter en priorité, c’est la réserve de 30 % des logements nouveaux, construits dans des ensembles résidentiels, pour les ménages pauvres, et celle de 10 % des logements anciens restaurés, pour les ménages pauvres.

Le capital investi dans ces expériences provient du Fonds municipal pour le logement. Ici, on veut expérimenter des formules de recouvrement du capital investi. On se propose de recouvrer ce capital sur la base de paiements échelonnés sur une période maximum de 20 ans pour les opérations de vente, et sur une base de 25 ans pour les opérations de location.

Pour réduire le coût total du logement, la Ville au lieu de vendre les droits d’usage du sol va intégrer à chacun des paiements différés un «coût» de location du droit d’usage, aussi bien pour les logements achetés que pour les logements loués.

Dans un premier temps, l’expérience ne va porter que sur des projets d’immeubles résidentiels à plusieurs étages. La superficie moyenne de chacun des appartements, vendus ou loués, va être de 28 à 50 mètres carrés. Le rez-de-chaussée va être plus grand et plus luxueux de façon à encourager son achat ou sa location par des commerçants. On va ainsi tester une pratique de prix différenciés selon les étages, pour favoriser le principe de réserve de logements aux plus pauvres aux étages supérieurs. Dans la même direction, le prix, inclus dans le prix de vente ou dans le loyer, correspondant aux coûts des infrastructures et aux coûts de gestion, sera réparti uniquement sur les logements vendus ou loués au prix du marché, non attribués aux ménages pauvres.

Enfin, la Ville de Hanoi va profiter des ouvertures faites pour stimuler l’entreprise privée de construction. Pour encourager les entreprises privées de construction, la Ville propose aux constructeurs qui construisent uniquement pour les ménages pauvres, ou qui acceptent le principe de mise en réserve de 30 % des logements construits pour les ménages pauvres, d’annuler la taxe de 4 % sur les profits, et de les exempter de la taxe sur les produits et services.

La Ville se propose de suivre attentivement ces expériences et de demander au Gouvernement de lui permettre d’émettre ses propres directives pour favoriser de façon beaucoup plus massive un programme de construction de logements neufs pour achat à paiements différés.

Page laissée vide intentionnellement

Conclusion1

Les deux études sur la pauvreté urbaine à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville ont permis de dégager des consensus théoriques.

La pauvreté urbaine n’est plus perçue comme un malaise particulier et accidentel, mais comme une composante organique de la structure sociale urbaine; à ce titre elle est incontournable et durable. Les zones de résidence des ménages pauvres sont, quant à elles, des composantes organiques de la structure spatiale de la ville. Insérées dans les espaces fragiles de la ville ou dans les quartiers organisés, elles constituent des freins au développement urbain mais se présentent aussi avec des enjeux de redéveloppement.

Le développement durable de la ville doit s’appuyer sur ces deux types de réalités: la pauvreté comme composante de la structure sociale et de la structure spatiale de la ville. Une société urbaine qui n’arrive pas à éradiquer la pauvreté urbaine ou en en réduire ses impacts n’est pas durable à cause des iniquités qu’elle entraîne et des coûts sociaux et économiques ainsi générés. La gestion durable de la ville, en ce qui concerne la pauvreté, ne peut donc se satisfaire soit d’actions charitables pour réduire la visibilité de la pauvreté, soit d’actions d’enfermement pour contrôler les désordres identifiés parfois à la pauvreté (petite criminalité, drogues, prostitutions…). Les chercheurs et les planificateurs urbains des deux villes ont adopté dès le départ des principes opérationnels de gestion du développement urbain durable: pas de relocalisation et pas d’expulsion des ménages pauvres sans juste compensation, préférence pour l’amélioration sur place des conditions de vie, programmes et actions de support aux capacités des ménages…

1. Des éléments de cette conclusion ont été tirés de l’article suivant: Parenteau R., 1994; «Two studies on the conditions of urban poors in Viêt-nam (Hanoi and Hô Chi Minh City),Viêt-nam sociological review, n° 4–48; pp. 70–74. Plusieurs hypothèses, formulées dans cette conclusion, sont tirées des publications suivantes, dont l’énoncé complet peut être trouvé dans les références bibliographiques: Trinh Duy Luan 1996, et Trinh Duy Luan et Nguyen Quang Vinh 1996.

Malgré ces principes théoriques et opérationnels, les chercheurs et les planificateurs localisent la pauvreté urbaine dans le domaine des politiques publiques et sociales. L’État est considéré comme l’intervenant principal et indispensable. L’assouplissement des conditions de la pauvreté urbaine passe par des politiques et programmes gouvernementaux, initiés au niveau national ou au niveau local. Ces politiques peuvent d’abord engager des programmes ciblés d’aide aux ménages les plus pauvres et aux personnes déficientes (en capacités, en ressources, en insertion sociale). Ces politiques engagent ensuite des programmes variés touchant à l’ensemble des domaines d’intervention de l’État et susceptibles de réduire les impacts de la pauvreté; ce sont principalement des programmes relatifs à l’éducation, à la santé, à l’assainissement. Et, enfin, ces politiques devraient engager des programmes visant à améliorer les revenus des ménages par le travail et l’emploi. Le fait d’adopter une position stratégique qui valorise d’abord le rôle de l’État n’a pas permis d’approfondir d’autres approches qui valoriseraient le rôle du secteur privé, dans les domaines du travail et du logement, et le rôle du secteur communautaire, dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’assainissement.

Entre autres, le rôle du secteur informel dans l’économie urbaine, pour le travail, le logement et l’assainissement, même s’il a été reconnu, est resté peu documenté. Le paradigme de la planification centrale reste fort et il est fortement présent sur le terrain par la structure cohérente et décentralisée de couverture de la réalité sociale par l’appareil gouvernemental. Ce paradigme peut avoir des effets pernicieux quand il adopte les principes administratifs de l’appareil; ainsi les ménages pauvres et les domaines d’intervention de l’État sur la pauvreté ne concernent que ce qui est légalement reconnu par l’appareil. Dans ce cas, les zones d’occupation illégale, les résidents sans droit de résidence ou même sans enregistrement de résidence peuvent facilement disparaître du domaine des préoccupations. Les personnes non encadrées dans l’appareil peuvent aussi disparaître, comme les travailleurs temporaires, les travailleurs immigrants non qualifiés, les retraités des secteurs non étatiques et certains Vietnamiens repatriés du Cambodge et des pays de l’Europe de l’Est.

Malgré les analyses croisées des indicateurs qui permettent de définir la pauvreté urbaine comme un phénomène social global, la perception de la pauvreté comme situation de manque de ressources financières à court terme s’est souvent imposée. La pauvreté est alors évaluée non seulement à partir des revenus, mais aussi à partir des biens possédés (équipements, logement, droits d’occupation du sol). Quand ces biens sont évalués à leur valeur marchande, des niveaux de pauvreté sont automatiquement effacés. Les coûts de relocalisation et de reconstruction ne sont pas pris en compte pour le logement et le droit d’occupation du sol. Ce biais, dans l’analyse de la pauvreté urbaine, est entretenu par une obsession de la rareté du sol urbain à Hanoi particulièrement et à Hô Chi Minh-Ville. La valeur des sols dans les quartiers centraux est tellement élevée que des ménages pauvres les occupant peuvent être considérés riches. Cela introduit naturellement un biais théorique dans l’étude de la pauvreté, biais entretenu par les programmes en vigueur qui prennent d’abord la forme de compensations monétaires quand l’expulsion ou la relocalisation sont pratiquées. On devrait savoir d’abord qu’une bonne partie des valeurs (équipements, logements et droits d’occupation des sols) des ménages pauvres ne sont pas commercialisables (constructions sur les canaux, occupations illégales de terrains urbains); on devrait savoir ensuite qu’une bonne partie des revenus tirés de la vente de ces biens et droits sera dépensée pour reconstruire la base économique des ménages (investissement dans le commerce ou dans l’activité artisanale) ou pour rembourser des dettes (éducation et santé; funérailles et mariages). Ce biais peut être vicieux quand il introduit la conception de la pauvreté comme une erreur stratégique dans la gestion de ressources rares.

La pauvreté urbaine à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville

Les études nous ont assez bien démontré que la pauvreté urbaine ne se voit pas de la même façon dans les deux villes. Elle est diffuse dans les quartiers centraux à Hanoi; elle est concentrée dans les bidonvilles et sur les canaux à Hô Chi Minh-Ville. Mais elle n’est pas perçue non plus de la même façon dans les deux villes. A Hanoi, la construction de logements publics a été importante et a été assistée par des pays socialistes frères. L’économie a été socialisée de façon plus radicale et depuis plus longtemps. Le corps des employés de l’État a été important et le personnel de l’État était en pratique logé par lui. Enfin, l’image de la capitale du pays devait être protégée. Pour toutes ces raisons, la pauvreté a été perçue comme ne devant pas et ne pouvant pas exister. La pauvreté reconnue est une pauvreté marginale (immigrants illégaux, enfants abandonnés et, depuis peu, drogués et prostitué(e)s). Les travaux des chercheurs ont commencé à permettre une sorte de réhabilitation de la pauvreté. Mais celle-ci se fait encore un peu dans l’ambiguïté: elle est expliquée parfois comme un effet secondaire des ratés d’un système en transition, et parfois comme un effet pervers des forces incontrôlées du marché. Dans le premier cas, elle interpelle directement le régime; dans le second, elle le libère de ses obligations. Dans le meilleur des cas, la pauvreté est maintenant admise comme une composante de n’importe quel système économique.

A Hô Chi Minh-Ville, il y a plutôt une sorte de reconnaissance d’une «culture de la pauvreté», qui perçoit celle-ci comme un mode, parmi d’autres, d’insertion sociale urbaine. Dans cette ville, le secteur informel, associé entre autres à des ménages et à des quartiers pauvres, est reconnu. La durabilité et l’histoire des bidonvilles sont aussi reconnues. On a presque démontré aussi un ordre social et spatial dans l’organisation des bidonvilles entre eux; les bidonvilles centraux exerçant le plus fort attrait et montrant des signes évidents d’articulation entre les secteurs formels et informels de l’économie urbaine. Enfin, cette «culture» de la pauvreté assure des conditions favorables d’insertion: échanges de logements, systèmes de crédit, tradition d’entraide, sans parler du secteur informel comme principal secteur d’emploi et de travail.

Dans les deux cas cependant, les recherches ont permis d’élargir le questionnement sur les conditions nouvelles de variation des vitesses d’appauvrissement. La question principale s’est déplacée du «qui est pauvre», à «combien sont-ils pauvres», à «qui s’appauvrit le plus rapidement». Ces questions, qui font partie maintenant de la grille d’analyse de la pauvreté urbaine dans les villes du Viêt-nam, n’ont cependant pas été débattues à fond. On n’a pas réussi par exemple à détailler la distinction entre les mécanismes généraux de production de la pauvreté dans la ville et les conditions particulières de l’appauvrissement dans des situations particulières, comme l’est la période de transition au Viêt-nam. On n’est pas arrivé non plus à distinguer les conditions de la pauvreté comme situation sociale, et les conditions accidentelles de la pauvreté comme l’éviction par un développeur.

Excepté à Hô Chi Minh-Ville, où l’existence des bidonvilles est reconnue et où fonctionne une «culture de la pauvreté», la recherche n’a pas réellement permis d’évaluer les capacités des ménages pauvres urbains à utiliser leurs capacités comme tremplin pour exercer un pouvoir d’orientation et de gestion de leurs conditions. Leurs positions précaires et leurs situations illégales se sont imposées comme des faits et ont permis d’éviter de débattre de leur capacité de négociation et d’exercer des pouvoirs en dehors des cadres de l’appareil mis en place par les gouvernements. Nous gardons l’image d’une pauvreté éclatée et d’actions de remédiation à la pièce. Les analyses n’ont pas été encore assez loin pour évaluer par exemple l’ensemble des pratiques de relocalisation, de façon à dégager les principes qui pourraient permettre l’énoncé de politiques et de programmes équitables. Elles n’ont pas non plus pénétré le domaine des politiques de santé et d’éducation, pour évaluer leurs ratés mais aussi leurs principes à partir desquels on pourrait construire des programmes ciblés. En plus, il resterait à évaluer les impacts réels des lois et règlements nouveaux relatifs au logement et au foncier, de façon à distinguer les impacts à court terme entraînés par l’entrée en vigueur de ces lois et règlements, et leurs impacts structurels.

L’analyse des capacités des pauvres à améliorer leurs conditions eux-mêmes n’a pas été assez poussée. Nous savons qu’ils ont des moyens et une capacité pour emprunter. Nous savons aussi qu’ils exercent des activités économiques dans le secteur informel. Mais nous savons peu de chose sur leurs capacités d’initiative, d’entreprenariat et sur leurs organisations communautaires. Dans cette direction, les recherches ne nous ont donné que des illustrations. Ne connaissant pas ces conditions, nous ne pouvons pas évaluer la faisabilité d’éléments de solutions apportées par les chercheurs et les planificateurs. Nous ne pouvons pas identifier non plus les acteurs clés dans les communautés pauvres, ni les mécanismes fondamentaux capables de générer des initiatives. Et, surtout, concernant l’analyse de la pauvreté urbaine, pour elle-même, nous ne pouvons identifier les facteurs qui pourraient menacer les capacités des pauvres ou de leurs organisations. Par exemple, nous n’avons pas de moyen d’évaluer les impacts de la «gentrification», ou de la «squatterisation» des bidonvilles par les riches, dans certains bidonvilles à Hô Chi Minh-Ville et dans certains quartiers pauvres à Hanoi. Des études seront nécessaires pour au moins préciser la stratification sociale dans les bidonvilles et dans les quartiers pauvres à Hanoi.

Dans la même direction, des études seront aussi nécessaires pour évaluer le déplacement et la migration de la pauvreté urbaine dans la structure des villes. Les recherches à Hô Chi Minh-Ville ont permis d’avancer l’hypothèse d’une sorte de percolation de la pauvreté, par strates, entre les bidonvilles d’une part, et entre les bidonvilles et les quartiers des classes moyennes, d’autre part. Les forces à Hanoi jouent à une délocalisation des ménages pauvres et à un déplacement vers les quartiers périphériques. Ces tendances esquissées devront être documentées.

Le réalisme et l’efficacité des principes et programmes proposés

A la lecture des expériences menées à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville, pour améliorer les conditions de logement des ménages pauvres, nous pouvons être convaincus qu’il existe une réelle volonté de la part des autorités pour améliorer la situation. A la lecture des propositions de principes et de programmes pour les nouvelles politiques, nous pouvons être convaincus aussi qu’il existe non seulement une volonté politique, mais un plan et des stratégies d’action bien ciblés. Pourtant, en considérant certaines des conditions réelles qui influencent la situation, on peut s’interroger sur le réalisme et l’efficacité de ce qui est proposé.

Il faut d’abord reconnaître le caractère expérimental de la majorité des mesures qui ont été prises à date, même si elles sont définies et prévues dans des programmes et des stratégies globales. Par exemple, les expériences de ventes de logements publics, à Hô Chi Minh-Ville, par paie­ments différés et échelonnés, sont des expériences bien limitées, qui ont souvent manqué leur cible; les logements ont été achetés par des ménages à revenus supérieurs à la moyenne; les ménages pauvres qui se sont prévalus de leur droit d’accéder à la propriété ont souvent revendu ce droit pour investir dans les affaires et pour se relocaliser eux-mêmes sur des sites et dans des logements moins chers. Les expériences prévues à Hanoi, pour tester des éléments de la nouvelle politique en voie d’élaboration, sont également plus que limitées et orientées en fonction des objectifs les moins spécifiques à la réduction de la pauvreté. En fait, dans les deux cas, il faut se demander si les expériences ne tiennent pas finalement lieu de principales opérations de mise en œuvre des programmes et des politiques. La logique serait, dans ce cas, de résoudre des problèmes très particuliers, en justifiant les actions par les politiques, et en ne comptant que sur la machinerie administrative et politique en place.

En fait, toutes ces expériences, justifiées par des politiques et des programmes, sont menées sans modification de l’appareil politique et administratif d’intervention. Chaque composante de l’appareil protège jalousement ses pouvoirs et ses moyens. Les pouvoirs de contrôle et d’initiative de la partie centrale et supérieure de l’appareil restent entiers. Sur le plan de l’environnement légal et réglementaire, l’ensemble des acteurs est maintenu en haleine dans une situation où les amendements et les modifications aux règles créent une situation de changements continuels, par décrets ou par simples directives administratives. Plusieurs règles deviennent répétitives, se superposent et se contredisent et sont même parfois rétroactives. Au plan de l’appareil institutionnel, il y a une multiplication des agences et acteurs intervenant dans le secteur du logement et du développement urbain. Même pour les experts vietnamiens, il est parfois difficile de s’y retrouver. Non seulement y a-t-il trop d’agences et d’acteurs, mais elles sont et ils sont engagés dans des programmes qui les amènent à faire varier leurs stratégies, soit pour gérer conjointement des programmes, soit pour en gérer une partie, soit pour prendre le contrôle sur l’ensemble des programmes. Ainsi, la gestion foncière, la construction, la gestion immobilière, le contrôle des ventes, des achats et des transferts de titres, l’entretien, la taxation, et bien d’autres domaines, constituent autant d’occasions pour confondre les uns et les autres, et pour exercer des stratégies différentes selon le cas. L’impact de tout ceci est dans le temps de conception, de mise en œuvre et de réalisation des actions. Malgré tout ce que l’on a pu dire, et malgré les bonnes intentions, il reste quand même qu’une opération simple sur le logement d’un ménage, impliquant peu les services publics sauf pour les autorisations, peut prendre encore 27 mois avant d’être complétée.

Il faut ajouter à ceci une série de petits irritants, sur lesquels on ne travaille pas vraiment et dont on n’est parfois pas conscient puisque tout le discours se fait au sommet de l’appareil, qui essaie de tout contrôler. A titre d’exemple, pour le problème du financement des opérations et des acteurs, dont les ménages, il faudrait admettre que les pratiques de prêts sont tout à fait contraires aux objectifs des programmes. En effet, ce qu’on ne dit pas, c’est que les prêts sont accordés pour de très courts termes (12 à 18 mois) et que, même s’ils sont renouvelables, cette pratique du prêt à court terme n’est pas adaptée au secteur de la construction résidentielle. Naturellement, cette pratique, et plusieurs autres de même type, est fondée sur une image bien particulière de ce qu’est le logement. Avant 1989, le logement était un équipement social géré publiquement. A partir de 1989, le logement est devenu un bien de consommation comme un autre. Sauf pour les spéculateurs, il n’est pas encore vu comme un bien économique et comme un investissement.

Les conditions n’ont pas encore été créées pour faire participer le secteur privé dans la production du logement et pour le faire participer aux objectifs et programmes de l’État. Les compagnies de construction et de gestion, il ne faut pas l’oublier, sont majoritairement des compagnies publiques, que l’on peut facilement assimiler à des services de l’État. Pour le moment, quand les chercheurs, planificateurs et politiciens parlent du secteur privé dans le domaine du logement, ils parlent en fait des interventions privées des ménages sur leur logement. De cette façon, ils marginalisent complètement toute réflexion sur le rôle et les moyens du secteur privé, puisque les ménages qui agissent à titre privé sur le logement sont considérés constituer une masse d’individus anonymes, n’ayant plus besoin du support de l’État.

Dans ce contexte, à tous les niveaux - des ménages de riches commerçants, aux ménages pauvres construisant des logements temporaires -, et sur une grande échelle - puisque la majorité du logement dans les villes est maintenant produite par des acteurs privés - c’est le règne de l’illégalité, ou de vide légal. Cette situation est en train de créer des conditions épouvantables qui mettent en cause toutes les propositions gouvernementales, et qui soutiennent indirectement la complexité de l’appareil institutionnel et administratif dont nous parlions plus haut. Prenons à seul titre d’exemple les pratiques de corruption et de subornation des inspecteurs des différents services nationaux, provinciaux et locaux, qui, en principe, ont à exercer chacun un contrôle, dans chacun un domaine - il peut y en avoir plus de sept - pour autoriser une construction neuve. Les ménages qui construisent leur propre logement savent qu’ils doivent prévoir dans les coûts de construction les frais reliés à la corruption, et qu’ils doivent avoir en permanence sur eux les sommes nécessaires à verser à chacun des inspecteurs qui se succèdent à I’improviste sur le site du chantier.

Si le secteur privé n’est pas vraiment défini comme un acteur et partenaire dans le domaine de la construction résidentielle, le secteur informel, dont on commence à faire grand cas, est quant à lui totalement ignoré. Reste le secteur communautaire. Dans ce cas-ci, il y a reconnaissance et valorisation de son rôle. Pour un observateur étranger, il apparaît à prime abord une immense contradiction entre ce que l’on dit et ce que l’on fait. Le secteur communautaire est en principe associé à toute opération; en fait, sur le terrain, il n’y a pas de structure, ni de dynamique communautaire, sauf rares exceptions. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le secteur communautaire au Viêt-nam n’est pas dissocié du pouvoir politique, décentralisé et non décentralisé. Il est totalement créé, géré, organisé et coordonné par l’État, à l’intérieur de deux structures décentralisées: la structure gouvernementale d’abord est décentralisée à travers le système de comités populaires, du comité populaire national aux comités populaires provinciaux, aux comités populaires d’arrondissement et de quartiers; la structure du Parti ensuite encadre l’ensemble de la société civile, à partir du Parti central, passant par les unités et cellules, au niveaux des entreprises publiques, des coopératives, des associations et des îlots d’habitation. L’ensemble de la dynamique va du haut vers le bas et paralyse complètement les initiatives au niveau le plus bas. Elle engendre et maintient un système de protection et de privilèges, dont on n’arrive pas à se défaire et qui domine encore même les énoncés politiques les plus progressistes.

Les chercheurs vietnamiens, sensibles à ces difficultés et contradictions, souhaitent, pour le secteur du logement, la mise en place d’une autorité ou d’une agence nationale pour le logement. Cette agence serait en quelque sorte un «guichet unique» et aurait un mandat intersectoriel. Elle aurait à rencontrer le défi de la mobilisation directe du secteur privé, du secteur informel et du secteur communautaire.

Une nécessaire réflexion sur la décentralisation réelle

Tout le processus décisionnel est hautement centralisé au Viêt-nam. Même si le Gouvernement reconnaît maintenant qu’il doit adopter un rôle de support aux capacités des acteurs, et qu’il doit cibler ses actions non pas sur le contrôle des politiques mais sur la promotion de politiques, il est tellement préoccupé par les inégalités régionales qu’il ne voit pas comment adopter de nouvelles pratiques correspondant à ses objectifs.

Le système centralisé, mis en place sous le régime communiste, est lourdement structuré et empêche une réelle décentralisation. Il crée des difficultés pour plusieurs raisons: le système législatif est inadéquat; il n’a pas défini et distingué clairement les responsabilités et les pouvoirs entre la structure du gouvernement et la structure du parti. Dans plusieurs domaines, les responsabilités et pouvoirs se chevauchent; dans d’autres, ils n’ont pas été définis. Dans plusieurs domaines aussi, il y a contradic­tion entre les rôles des agences locales du parti et du gouvernement au niveau local et ceux des agences du gouvernement et du parti (vice versa) au niveau national. Les deux structures se sont multipliées à tous les niveaux et ont créé des systèmes de contrôles croisés. Au niveau local, pour le seul domaine des infrastructures urbaines, il y a au moins dix agences et compagnies publiques qui se croisent. Dans la période de transition que vit le Viêt-nam, les contrôles d’une structure sur l’autre se multiplient.

Au niveau des finances locales, le cadre légal qui partagerait les pouvoirs et responsabilités entre le niveau central et le niveau municipal est tout simplement absent. L’ensemble de la gestion des finances est fait par conventions, revues annuellement. Les gouvernements locaux ont peu de ressources propres, ils se partagent le revenu des taxes décidées et administrées centralement. Ils fonctionnent essentiellement sur des paiements de transferts venant du gouvernement central et devant être négociés à chaque année.

Le budget des collectivités locales est presque totalement contrôlé par le gouvernement central et lourdement chargé par les priorités énoncées annuellement par chacun des ministères pour l’ensemble de la nation. Chaque année, des normes précises sont énoncées pour contrôler les dépenses dans des domaines aussi différents que l’éducation, la santé, l’administration gouvernementale, les services publics, les infrastructures, etc. Les budgets composés localement, mais déterminés principalement par des directives gouvernementales, sont approuvés par le gouvernement central qui établit, à partir d’eux, les besoins de ressources à lever. Le partage est ensuite fait entre tous les gouvernements locaux, sur une base égalitaire. Outre ce type de contrôle, le gouvernement exige encore que tout investissement, dépassant un certain seuil, soit préalablement approuvé par lui. En fait, les autorités locales n’ont un minimum d’autonomie que dans la mesure où elles enregistrent des surplus par rapport au budget accordé. Dans ce cas, elles peuvent assez facilement dépenser ces surplus comme elles l’entendent. Comme on peut s’en douter, ceci incite fortement les autorités locales à générer des surplus, pour se donner une certaine autonomie financière. Dans plusieurs cas, certaines ont commencé à lever leurs propres taxes et à charger pour des services qui étaient antérieurement gratuits. D’où des impacts majeurs sur les populations les plus pauvres qui doivent en principe profiter des généreuses politiques sociales du gouvernement central.

Les experts vietnamiens, sensibles à ces difficultés, proposent que les relations entre le Parti, le Gouvernement et les autorités locales fassent l’objet d’une loi qui devrait favoriser une plus grande autonomie des autorités locales.

L’émergence d’une «société civile»

La société vietnamienne est une société surorganisée. Elle est fortement encadrée par le Parti et par le Gouvernement, à tous les niveaux et dans tous les domaines de la vie. Mais elle est aussi organisée en une multitude d’associations regroupées sous le parapluie du «Front de la Mère-Patrie». Ces multiples associations (de femmes, de jeunes, de travailleurs, de personnes âgées, d’invalides et de vétérans…) constituent un potentiel immense et peu exploité. Actuellement, toutes sont encadrées par le Parti et le Gouvernement. Mais elles sont efficaces: ce sont elles qui animent les systèmes d’entraide, qui lèvent des fonds d’urgence pour l’aide humanitaire, qui orientent les personnes dans la bureaucratie… Depuis peu, ces associations sont amenées à étendre leurs rôles. Dans ce cas, elles le font sur des bases territoriales et génèrent dans certains cas des associations de voisinage. Dans d’autres cas, encore rares, elles le font sur des bases sectorielles, supportées en cela par des organisation non gouvernementales de la région.

Ces associations pourraient participer au renversement de la pyramide du pouvoir vers le bas. Elles introduisent en tout cas des méthodes de planification qui procèdent d’approches participatives, orientées vers le développement communautaire. En fait, pour les observateurs vietnamiens, elles introduisent la priorité d’une planification sociale, économique et culturelle sur la planification matérielle et physique.

Références bibliographiques

Agence France Presse (AFP), 1993, «War heroes to surrender Hanoi villas to foreign companies», 7 septembre 1993.

Agence France Presse (AFP), 1996, «Viêt-nam has raised the minimum rent on properties leased to foreigners by more than double», 23 septembre 1996.

Anonyme, 1993, Provisional Environmental Criterias; Sciences and Technology Publishing House, Hanoi.

Asiaweek, 1994, «Building Up Viêt-nam», 31 août 1994.

Beaulieu Carole, 1993, «Into the Boat Country: The Obsession of Rice», Institute of Current World Affairs, Hanover, New Hampshire.

Beaulieu Carole, 1994, «Whose Land is It Anyway ?», Institute of Current World Affairs, Hanover, New Hampshire.

Bow Josephine, 1993, «Like a house on fire», Asia Magazine, 3–5 septembre 1993.

Bui Tam Trung, 1993, «Efforts by Hanoi to couple environmental protection with socio-economic development», Viêt-nam News, novembre 1993, pp. 5–6.

Bui Tam Trung, 1994, La gestion de l’environnement à Hanoi, capitale d’un pays en développement, Comité de l’Environnement, mars, Hanoi

Comité populaire de Hanoi, 1985, Réglementation sur la coopération entre l’État et le peuple pour construire et rénover les immeubles d’habitation à Hanoi, Hanoi.

Cu Huy Giai, 1992, Housing Conditions and Housing Finance for Low-Income Households in Hanoi (Viêt-nam), thèse, Asian Institute of Technology, Bangkok.

Cummings Patricia, 1995, «Rice or Riches: A New Land War Rages in Viêt-nam», Earth Island Journal, été 1995.

Dam Trung Phuong, 1986, «Planification de la famille et développement de la ville de Hô Chi Minh», Conférence internationale sur la population et l’avenir des villes, Barcelone.

DiGregorio M., 1994, The Social Construction of Solid Waste Management in Hanoi; East-West Centre, Program on Environment; School of Public Policy and Social Research; Departement of Urban Planning; UCLA, Los Angeles.

Durand F., 1995, «Villes et urbanisation au Viêt-nam, une esquisse d’état des lieux bibliographique», Péninsule 31, 1995 (2), pp. 141–162.

Ellegard A., Dung N. H. Et Nystöm M., 1995, Household energy and environment in three communes in Hanoi (Thanh Xuan, Hang Buom and Thanh Nhan), Rapport de recherche, Lund Centre for Habitat Studies, Lund.

General Statistical Office (GSO), 1994, Viêt-nam Living Standards Survey (1992–1993), State Planning Committee, Hanoi.

Goldblum C, 1987, Métropoles de l’Asie du Sud-Est, L’Harmattan, Paris.

Halls-French L., 1977, «Organisation sociale des quartiers et de l’habitat à Hanoi: une ville en transition», Asie du Sud-Est et monde insulindien, V. VIII, n° 2, pp. 163–175.

Huong Huu Phe et Yukio Nishimura, 1990, The historical environment and housing conditions in the «36 old streets» quartier of Hanoi, HSD Research Report n° 23, Asian Institute of Technology, Bangkok.

Kanwerayotin, Supapohn, 1994, «Disputes over army property», Bangkok Post: Inside Indochina, 28 juin 1994.

Katsura H.M. et Struyk R.J., 1991, «Selling Eastern Europe’s Social Housing Stock: Proceed with Caution», Housing Policy Debate, V. 2, n° 4, pp. 1251–1275.

Korsmoe, Sam, 1994, «The Price of Saigon», Viêt-nam Economic Times, juin 1994.

Langumier J.-F., 1989, Mission en République Socialiste du Viêt-nam, ESCAP, Paris.

Leaf M, 1995, A preliminary report on the urban planning research in District 8-Hô Chi Minh-City, UBC Centre for Human Settlements, Vancouver.

Le Thac Can, 1992, Current Research Issues of Environment and Develpment in Viêt-nam, National Environmental Protection Research Programme, Hanoi.

Logan, William, 1995, Protecting Historic Hanoi in a Context of Heritage Contestation, Centre for the Study of Asia & the Middle East (CSAME), Deakin University, Victoria (Australie).

Mingione E., 1981, Social conflict and the city, Basil Blackwell, Oxford.

Ministère de la Construction (Viêt-nam), 1991, Statute of the Viêt-nam Urban Development Company, Hanoi.

Ministère de la Construction (Viêt-nam), 1993, Urban Waste Management Study (Hanoi, Haiphong and HCM City), CIDA Project E4936-KO43860, Crippen Consultants, Hanoi.

National Institute for Urban and Rural Planning (NIURP), 1992, National Data-book (urban), UNFPA Project VIE/88/P02, Ministry of Construction, Hanoi.

Nguyen Duc Nhuan, 1978, «Désurbanisation et développement régional au Viêt-nam (1954–1977)», International Journal of Urban and Regional Research, V. 2, N. 2, pp. 330–350.

Nguyen Ngoc Sinh, 1994, Viêt-nam’s Water Resources, Hanoi.

Nguyen Viet Pho et all., 1992, Assessment of Water Resources and Water Uses in The Socialist Republic of Viêt-nam, Viêt-nam National Comittee for IHP, Hanoi

Parenteau R., 1994, «Two studies on the conditions of urban poverty in Viêt-nam» (Hanoi and Hô Chi Minh-City), Viêt-nam Sociological Review, N° 4–48, pp. 70–74.

Parenteau R. et Champagne L., 1997, La conservation des quartiers historiques en Indochine, Karthala, Paris.

Pham Khanh Toan, 1991, Land management for housing development in Hanoi, Thèse, Asian Institute of Technology, Bangkok.

Pham Van Trinh, 1987, Population et logement au Viêt-nam, Éditions Construction, Hanoi.

Pham Van Trinh et Parenteau R., 1991, Population et logement au Viêt-nam, Institut d’Urbanisme, Université de Montréal, Montréal.

Prouzet M. et Nguyen Trong Nam Tran, 1990, «Viêt-nam 90: Regards sur la politique actuelle de l’habitat en milieu urbain», Colloque: Les enjeux urbains de l’habitat, Paris.

Richard Ellis (Thaïlande) Co., Ltd., 1993, The Property Market in Viêt-nam, Bangkok, février 1993.

Schwarz Adam, 1995, «Grace Under Pressure», Far Eastern Economic Review, 15 juin 1995.

Soloman, Andy, 1994, «Now It’s Hanoi’s Turn», Viêt-nam Economic Times, juin 1994.

SWECO, 1993, Assessment of Environmental Problems of Hanoi, Final Report, Hanoi.

Thien Than, 1984, «Viêt-nam: vivre en ville aujourd’hui», Revue de l’habitat social, n° 97, Paris, pp. 75–85.

Trift N. et Dean F., 1986, The price of war: Urbanization in Viêt-nam, 1954–1985, Allen et Un win, Londres.

Trinh Duy Luan, 1993, «Social impact of the renovation policy in Vietnamese cides», Economic reform and development in Viêt-nam, Social Science Publisher, Hanoi, pp. 137–197.

Trinh Duy Luan, 1996, «Viêt-nam», in McCarney P. L., 1996, The changing nature of local government in developing countries, Centre for Urban and Community Studies, University of Toronto, Toronto, pp. 169–193.

Trinh Duy Luan et Nguyen Quang Vinh, 1996, The socioeconomic impacts of renovation on housing and urban development in Viêt-nam, CIDA-IDRC UBC-NCSS Linkage Project, Draft Monograph, NCSS, Hanoi.

Truong Tung, 1985, «Research and Development for House-Building in Vietnam», Habitat International, V.9, n° 2, pp. 79–84.

UNDP, 1990, Report on the economy on the canals, Hanoi.

UNDP, 1992, Proceedings of the International Workshop on Flood Mitigation, Emergeny Preparedness and Flood Disaster Management, Hanoi.

UNDP, 1993, Environment and Natural Resource Management; Strategy and Action Plan for UNDP Viêt-nam, Hanoi.

UNDP, 1993, Project VIE/91/004, Feasibility Study on Viêt-nam Land Management System. Land Law of Viêt-nam 1993, United Nations Development Programme, Hanoi, 1993.

UNDP, 1994, Environment and Natural Resource Management, Strategy and Action Plan for UNDP Viêt-nam, Hanoi.

UNDP-SIDA, 1991, Viêt-nam National Plan for Environment and Sustainable Development, 1991–2000, Hanoi.

UNDP-UNCHS-URENCO, 1993, Solid Waste Treatment in Hanoi, International Seminar, VIE-86–023, Hanoi.

UNFPA, 1991, United Nations Population Fund; Viêt-nam: Programme Review and Strategy Development Report, New York.

Viêt-nam Courrier, 1995, «UNDP Helps To Improve Urban Planning And Management», n° 87, avril-mai 1995.

Viêt-nam-UNDP-UNCHS, 1990, Hanoi-Wastewater Treatment Needs and Recommendation and Development Strategies, Soil and Water Ltd, Consulting Enginneers, Hanoi.

Vo Nhan Tri, 1990, Viêt-nam’s economic policy since 1975, Institute of Southeast Asian Studies, Singapour.

WASECO, 1993, Prefeasibility Report on Tra Vinh City Water Supply Project (Surface Water), Hô Chi Minh-City.

Wilhelm, Kathy, 1996, Associated Press: Domestic Affairs, 16 septembre 1996.

Yates, Dean, 1996, «Confusion Reigns Over Land Usage Rights In Viêt-nam», Reuter, 17 mai 1996.

Annexe bibliographique

Villes et urbanisation au Viêt-nam,
un état des lieux bibliographique1

par Frédéric Durand
Maître de Conférences à l’Université Toulouse II-Le Mirail
Chercheur associé au laboratoire CNRS LASEMA

Depuis la fin des années 1980, le Viêt-nam a suscité un regain d’intérêt chez les chercheurs en sciences sociales et particulièrement chez ceux qui s’intéressent à l’urbain. Ce phénomène est bien sûr lié à la politique d’ouverture, tant politique qu’économique. En effet, avec le sixième congrès du Parti Communiste en décembre 1986 et l’amorce de la politique doi moi, de renouveau, le pays s’est résolument engagé dans une entreprise de réforme dont les effets se font déjà sentir. L’entrée du Viêt-nam dans I’ ANSEA ou ASEAN est sans doute la preuve la plus parlante de ces changements 2. Cela rend plus aisé le développement d’études, par des chercheurs et universitaires, mais aussi par des professionnels de l’architecture ou de l’urbanisme, des ONG, des ministères…

Cette attraction est sans doute également due au fait que le Viêt-nam a amorcé une mutation socio-culturelle particulièrement intéressante avec le passage à l’économie de marché, parallèlement à une urbanisation que le pays s’est mis à considérer favorablement après une longue période de défiance et de restriction.

De fait, les années qui avaient suivi la fin de la guerre du Viêt-nam avaient été marquées par une tendance à la «ruralisation». Certes, le Viêt-nam n’a jamais été, jusqu’à aujourd’hui, un pays fortement urbanisé. En 1931, les villes représentaient seulement 8 % de la population du pays et au lendemain de la bataille de Dien Bien Phu, ce chiffre n’atteignait encore que 11%.

Dans les années 1960, les atrocités de la guerre et la politique de contrôle des campagnes par les Américains allaient susciter une forte urbanisation, qui est montée à 17 % en 1965 et à 21,5 % en 1975. Il faut toutefois signaler qu’il y avait de grandes différences régionales puisque la population urbaine du nord se situait aux alentours de 10 à 12%, tandis celle du sud atteignait jusqu’à 43 % en 1971.

1. Cet article est une version mise à jour et actualisée d’une précédente étude parue dans la revue Péninsule n° 31–2, 1995, pp. 141–162.

2. L’ANSEA ou ASEAN est l’Association des Nations du Sud-Est asiatique. Fondée en 1967, elle réunit en 1995, Brunéi, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Viêt-nam.

Après la réunification du pays, en 1975, la population urbaine nationale a décliné de 21,5 à 18,6 % en 1981, puis stagné aux environs de 19 % jusqu’en 1985, notamment du fait de politiques de relocalisation de populations dans de nouvelles zones agricoles et de la limitation des migrations vers les villes. Avec l’ouverture, le taux d’urbanisation est passé à plus de 20 % lors du dernier recensement de 1989. Cela correspond à un taux encore relativement faible, puisque la moyenne de la région Asie-Pacifique se situe aux alentours de 33 % 3. De fortes disparités géographiques demeurent toutefois, puisque la moitié méridionale du pays est urbanisée à près de 26%, contre moins de 14 % au nord.

Compte tenu de la pression économique et sociale, il semble hautement probable que le Viêt-nam connaîtra une croissance urbaine marquée dans les décennies à venir. Au cours de la période 1985–1990, elle s’est élevée à 3,5 % par an, soit le double de la croissance rurale.

Les prévisions restent toutefois très incertaines. On constate globalement, dans les discours politiques, une acceptation voire une volonté de favoriser une forte croissance des villes, qui est parfois amalgamée un peu hâtivement au développement 4. Les projections officielles, pour l’année 2010, oscillent entre 17 % et 25 % de population urbaine 5. Cela laisse entrevoir une marge d’incertitude élevée, qui ramenée à la population représenterait plus de 7,6 millions de personnes.

Les mutations à venir et les difficultés à les prévoir soulèvent de nombreux problèmes qui inquiètent les autorités, parmi lesquels notamment:

– la difficulté d’assurer un aménagement équilibré du territoire et les risques d’une hypertrophie de deux grands centres autour de Hanoi et Hô Chi Minh-Ville;

– le problème de la dégradation de l’environnement et des conditions de vie, lié à la mise en place et à la maintenance des équipements urbains;

– une menace de déstructuration sociale et de perte d’identité face à la montée de modèles et de modes de consommation occidentaux.

Sans compter de nombreux autres problèmes ayant trait à la gestion urbaine proprement dite: gestion administrative et financière, maîtrise du foncier, services de proximité aux populations rurales…

Face à ces questionnements, de nombreux chercheurs ou praticiens du développement ont réfléchi et écrit, certains depuis de nombreuses années. Le propos

3. ESCAP, The State of Urbanisation in Asia and the Pacific, Bangkok, 1993, pp. 2–11.

4. Par une sorte de syllogisme, certains analystes constatent que les pays ou territoires les plus développés d’Asie (Singapour, Hong Kong, Corée du Sud, Taïwan), sont également les plus urbanisés, alors que des pays moins avancés comme le Bangladesh, le Laos ou le Cambodge sont encore très largement ruraux. Certains en déduisent donc, un peu rapidement, qu’il faut s’urbaniser pour se développer. Cette assertion peut toutefois être contredite par des contre-exemples comme la Thaïlande, qui en dépit de sa forte croissance économique est restée majoritairement rurale (27 % de population urbaine), sans parler du «mal-développement» de nombreux états d’Amérique du Sud, dont le taux d’urbanisation excède pourtant souvent 60%.

5. Ministry of Construction of thé Socialist Republic of Viêt-nam, Data Book, National Urban, National Institute for Urban and Rural Planning, UNFDA/project VIE 88/P02, Hanoi, 1992, p. 84.

de cet article reste toutefois très modeste. Il ne vise pas à approfondir ces recherches, ni à en faire une véritable synthèse 6. Il cherche avant tout à recenser et à présenter de manière analytique les principales manifestations ou études en français et en anglais sur l’urbain au Viêt-nam, depuis les dix dernières années et principalement les colloques, séminaires, ouvrages et articles. On se permettra bien sûr, lorsque cela pourra paraître pertinent, de faire référence à des études antérieures à cette période.

Étant donné l’inflation récente de séminaires et de publications sur ces sujets, cet article ne peut prétendre à l’exhaustivité, surtout par rapport au monde anglo-saxon 7. Il est encore moins possible de rendre compte de l’ensemble des publications sur des problèmes politiques ou économiques qui aborderaient de manière accessoire des questions urbaines. Toutefois, un des intérêts de ce travail est de ne pas se limiter aux travaux universitaires, mais d’intégrer également, dans la mesure du possible, la «littérature grise», c’est-à-dire les travaux les plus intéressants des praticiens et experts en développement. Cette étude présente ainsi les grandes tendances de la recherche et de la coopération contemporaine, en insistant sur l’approche géographique, à travers huit grands thèmes: le développement urbain national; les métropoles; les villes moyennes; les questions foncières et financières; l’environnement urbain; l’architecture et la conservation du patrimoine, et enfin les problèmes socio-économiques.

Il suffit de se pencher sur une liste des principales manifestations ou rencontres organisées en France ou au Viêt-nam, au cours des dernières années et ayant abordé des questions urbaines, pour réaliser l’ampleur de l’intérêt qui y est porté:

– «Sauvegarde et développement du patrimoine de Hanoi et Hué», UNESCO, Paris, 9 novembre 1993.

– «Workshop Patrimoine architectural de Hanoi», Les Amis de Hanoi, Hanoi, 15–17 novembre 1993.

– «Les villes moyennes du Viêt-nam», APC/CUD, Hué, 11–14 janvier 1994.

– «Politiques urbaines et protection du patrimoine architectural du Viêt-nam», UNESCO, Hanoi, Hué, 29 mars-2 avril 1994.

– «Les enjeux de la restauration des quartiers historiques au Cambodge, Laos et Viêt-nam», Institut d’architecture de Hanoi et Université de Montréal, Hanoi, 23–26 mai 1994.

– «La coopération décentralisée dans les pays du Mékong», Mékong 2000, Paris, 17 juin 1994.

– «Hanoi et Hué, dynamiques urbaines», Association Dynamiques Urbaines, Paris, octobre 1994.

6. Le lecteur pourra trouver plus d’éléments d’analyse du phénomène urbain au Viêtnam, principalement sur les questions de développement des villes moyennes, dans notre étude sur le Viêt-nam, préparée en collaboration avec M. Le Van Anh pour UNCHS (United Nations Center For Human Settlements), dans le cadre d’un volume sur les villes moyennes en Asie, 1996.

7. Pour réunir cette documentation des contacts ont été pris avec la majeure partie des équipes de chercheurs travaillant sur l’Asie du Sud-Est en France ainsi qu’avec des équipes européennes, canadiennes et australiennes et les principales institutions internationales travaillant sur le développement urbain en Asie.

– «National Seminar on Community Based Housing Finance», CESAP, Hô Chi Minh-Ville, 15–17 février 1995.

– «Table ronde sur l’espace indochinois», Université de Toulouse II-Le Mirail, mars 1995.

– «Habitat et développement au Viêt-nam», Vietnamitié, Paris, avril 1995.

– «Source et approches du Viêt-nam», IRSEA/Euroviet, Aix en Provence, mai 1995.

– «Tendances du développement urbain en Asie du Sud-Est, Viêt-nam et Birmanie», MAE-Strataspac, Paris, mai 1995.

– «Table ronde Hanoi-Hué, vers un projet pilote de coopération franco-vietnamienne», Association Dynamiques Urbaines, 31 mai 1995.

– «Habitation au Viêt-nam, tradition et modernité», KTSVN et Plan Construction et Architecture, Hanoi, 12–14 juin 1995.

– «Méthode et contenu de l’aménagement du territoire au Viêt-nam», ISD et DATAR, Hanoi, 4–5 juillet, Hué, 7 juillet 1995.

– «Devenir de la coopération scientifique et technique avec le Viêt-nam», CCSTVN, Paris, 29 septembre 1995.

– «Urban Development Strategy Consultancy Workshop», UNDP/ADB/UNCHS, Hanoi, 18 octobre 1995.

– «Les villes vietnamiennes entre l’autorité et le marché», séminaire Interurba, Paris, 24 octobre 1995.

– «Culture et Développement urbain», APC/CUD, Thanh Hoa, 13–15 novembre 1995.

– «L’impact social des transformations économiques sur le développement des ressources humaines, l’emploi et le secteur informel au Viêt-nam et en Asie du Sud-Est», MOLISA et ORSTOM, Hanoi, 15–17 novembre 1995.

– «Mondialisation économique et réformes administratives au Viêt-nam, une société en développement et en transition», Université Paris 7, Laboratoire Dynamique des Sociétés en Développement, Paris, 19 janvier 1996.

– «Forum de la coopération franco-vietnamienne», Région Nord-Pas de Calais/Ministère des Affaires Étrangères, Lille, 6–7 février 1996.

Entre la fin des années 1993 et le début des années 1996, on constate qu’il y a eu une vingtaine de rencontres, soit en moyenne plus d’une tous les deux mois, sans compter les nombreuses réunions de travail, missions ou voyages d’étude.

Depuis, cet intérêt ne s’est pas relâché et on peut citer parmi les manifestations récentes le séminaire «Human Environment and Urbanization in Viêt-nam, Southeast Asia and Japan», organisé par le CSEAS (Centre pour l’Asie du Sud-Est) de l’Institut National des Sciences Sociales à Hô Chi Minh-Ville, du 20 au 21 janvier 1997.

Certes, ces manifestations ont été organisées par et pour des publics très divers: chercheurs, administrateurs, praticiens du développement… Elles ont également pu avoir une ampleur très variable, depuis le séminaire pour une trentaine de participants jusqu’à la conférence internationale réunissant plusieurs centaines de délégués. Les thèmes sont également sensiblement différents et quelques séminaires n’étaient pas consacrés exclusivement à l’urbain. Toutefois, il est possible d’entrevoir quatre grandes préoccupations: la conservation du patrimoine, la place des villes moyennes et l’aménagement du territoire, la coopération internationale et les problèmes socio-économiques.

Pour répondre à cette profusion d’initiatives, on a constaté en Europe et notamment en France, surtout depuis 1993, une volonté de fédérer les efforts:

– création du réseau Euroviet en 1993, à l’occasion de la première conférence sur les études euro-vietnamiennes (Copenhague, 19–21 août 1993), afin d’organiser des conférences bi-annuelles et de favoriser les échanges entre chercheurs 8,

– formation en 1993 du Comité France-Pays du Mékong, qui réunit plusieurs dizaines d’organisations de solidarité internationale travaillant essentiellement sur le Viêt-nam, le Laos et le Cambodge 9,

– lancement en 1994, d’un «groupe-pays-Viêt-nam», par Cités Unies France pour favoriser les échanges entre les collectivités territoriales françaises ayant ou souhaitant développer des coopérations avec des collectivités vietnamiennes 10,

– formation en 1994 de l’association Dynamiques urbaines qui regroupe une dizaine de jeunes architectes et géographes urbanistes travaillant sur le Viêt-nam,

– établissement en 1995 d’un groupe de travail d’universitaires et de chercheurs français sur le Centre-Viêt-nam, particulièrement dans les domaines urbains et de l’aménagement du territoire 11.

Ces démarches sont encore trop récentes pour qu’il soit possible d’en évaluer le succès ou l’avenir, tant dans le champ de la recherche que dans celui du développement. On peut néanmoins espérer que ces volontés favoriseront la coopération et les échanges et permettront de mieux répondre aux attentes des Vietnamiens, tout en assurant une meilleure diffusion des résultats des recherches fondamentales auprès des acteurs du développement.

Le développement urbain à l’échelle nationale

Plusieurs chercheurs se sont penchés de manière approfondie sur cette question au cours de la dernière décennie, ils nous semblent ainsi mériter une présentation un peu plus détaillée de leurs travaux, sans que cela n’enlève rien à la qualité d’autres études plus ponctuelles qui pourront être mentionnées par la suite de cette bibliographie.

Chez les Français, il faut signaler, par ordre alphabétique, Nguyen Duc Nhuan, Christian Pedelahore, Tam Quach-Langlet et Christian Taillard; chez les

8. La deuxième conférence a eu lieu à Aix-en-Provence, en mai 1995. La suivantedevrait se tenir à Amsterdam, en juillet 1997.

9. Parmi les principales ONG de ce comité travaillant sur les questions urbaines, on peut citer: le CCFD, la Cimade, le Codev-Viet/Phap et le GRET.

10. Dans ce cadre, Cités Unies France a édité un atlas de la coopération décentralisée qui indique notamment les collectivités vietnamiennes ayant un partenariat avec la France. Par ailleurs, en collaboration avec le comité France-Pays du Mékong, il a publié un annuaire des ONG et villes françaises ayant des coopérations avec le Viêt-nam: Actions de coopération décentralisée au Viêt-nam, Paris, février 1995, 27 p.-annexes.

11. Y participent notamment, des représentants du CNRS, de l’ORSTOM, de l’Uni-versité de Lille I, de l’université Paris VII, de l’Université de Toulouse le Mirail.

Vietnamiens Thai Thi Ngoc Du, Huynh Van Giap et Vu Tu Lap 12 et chez les Anglo-saxons, Dean Forbes, William S. Logan, Terry McGee et Nigel Thrift13.

Nguyen Duc Nhuan, Directeur du laboratoire Dynamique des Sociétés en Développement, à l’Université Paris 7, a travaillé sur le sujet depuis une vingtaine d’années. Parmi les principaux travaux sur l’urbain et l’aménagement du territoire, on lui doit:

Désurbanisation et développement régional au Viêt-nam (1954–1977), CSU, Paris, 1978, 142 p.

– «Urban Change in Viêt-nam», in International Journal of Urban and Regional Research, vol. 2, n° 2, juin 1978, pp. 330–350.

– «Do the Urban and the Regional Policies of the Socialist Viêt-nam Reflect the Patterns of the Ancient Mandarin Bureaucracy ?», in International Journal of Urban and Regional Research, vol. 8, 1984, pp. 78–89.

– «Contraintes démographiques et politiques de développement au Viêt-nam», in Population, mars-avril 1984, pp. 203–212.

Le Viêt-nam post-révolutionnaire, population, économie, société, 1975–1985 (en collaboration), L’Harmattan, Paris, 1987, 230 p.

Housing policies in the Third Word (en collaboration), Matthey (Ed.), Mün-chen Profil Verlag, 1991, 332 p.

– «Le district rural au Viêt-nam, ou l’État en campagne», in Matras-Guin (J.) et Taillard (C.) (Éds), Habitation et habitat d’Asie du Sud-Est continentale, pratiques et représentations de l’espace, L’Harmattan, Paris, 1992, pp. 343–376.

Un des principaux apports de ces travaux est d’étudier, dans une perspective historique, l’évolution démographique et administrative du pays à travers les grandes époques (politique américaine d’urbanisation forcée, régime communiste après 1975, politiques publiques depuis les réformes du milieu des années 1980).

Christian Pedelahore, architecte vivant actuellement au Viêt-nam, est l’auteur de plusieurs rapports sur l’urbain et particulièment sur la ville de Hanoi:

– «Villes vietnamiennes, les éléments constitutifs de la ville de Hanoi», in Goldblum (C.) (sous la direction de), Éléments de structuration de l’espace urbain en Asie du Sud-Est, GRASE, École d’architecture Paris-Villemin, 1983, 105 p.

12. La distinction entre chercheur «français» et chercheur «vietnamien» pourra paraître quelque peu arbitraire étant donné que deux des chercheurs français sont d’origine vietnamienne. Il s’agit plus d’une distinction entre «écoles de pensée» ou entre «lieu de recherche». Par ailleurs, il est certain que de nombreux autres chercheurs vietnamiens travaillent actuellement sur les questions urbaines comme M. Le Hong Ké, Directeur du Centre de recherche sur l’environnement urbain et rural, M. Nguyen Ngoc Khoi, Directeur de l’Institut de planification urbaine et rurale du ministère de la Construction. Nous nous sommes limités ici à ceux qui, à notre connaissance, avaient travaillé de manière approfondie dans une approche universitaire et publié en français ou en anglais. Que celles ou ceux qui auraient échappé à notre vigilance veuillent bien nous pardonner.

13. Parmi les chercheurs des «précédentes générations» que nous n’étudierons pasici, il faut bien sûr mentionner, parmi beaucoup, les noms de Ernest Hébrard, architecte et urbaniste qui rédigea de nombreux articles et études sur les villes vietnamiennes, ainsi que de Georges Azambre et de Louis-Georges Pineau.

Hanoi: site naturel et grands tracés, essai d’analyse comparative en morphologie urbaine, UP1/PU6, Paris, juillet 1983, 91 p.- ill.

La recherche urbaine au Viêt-nam: enjeux et perspectives, rapport de mission SRA/UP1, juin 1984, 10 p.-annexes.

– «Hanoi, miroir de l’architecture indochinoise», in Architecture française d’Outre-Mer, IFA, Éd. Mardaga, mai 1992, pp. 292–321.

Ces travaux abordent principalement les caractéristiques des villes vietnamiennes d’un point de vue architectural et urbanistique, notamment à travers la ville de Hanoi, et analysent les grands modèles organisateurs (ville marchande, ville coloniale…).

Mme Tam Quach-Langlet, Maître de conférences à l’École Pratique des Hautes Études, travaille également sur l’urbain au Viêt-nam depuis de nombreuses années. Son approche est plus géographique et s’attache à étudier des villes particulières et le phénomène urbain dans son ensemble:

– «Saigon, capitale de la République du Sud Viêtnam (1954–1975), ou une urbanisation sauvage», in Lafont (P.B.) (Éd.), Péninsule indochinoise, études urbaines, L’Harmattan, Paris, 1991, pp. 185–206.

– «Aperçu sur Hô Chi Minh-Ville, 1990», in Lafont (P.B.) (Éd.), Péninsule indochinoise, études urbaines, L’Harmattan, Paris, 1991, pp. 207–231.

– «Le phénomène urbain dans le Viêt-nam contemporain», résumé de la conférence faite au Musée Guimet dans le cadre de la journée d’étude «Propos sur le Viêt Nam», in Bulletin de l’Association des Amis de l’Orient, n° 37, hiver 1993–94, pp. 16–18.

– «Les villes moyennes du Sud Viêt-nam: passé et présent», en collaboration avec M. Huynh Van Giap (Université de Hô Chi Minh-Ville), à paraître.

– «Périurbanisation et problèmes d’équipement à Hô Chi Minh-Ville» (en collaboration avec Mr. Huynh Van Giap), in Les Cahiers d’Outre-Mer, à paraître 14.

Christian Taillard, Directeur de Recherche au CNRS et spécialiste du Laos et du Viêt-nam s’intéresse surtout à la place des villes dans l’espace national contemporain et à leur rôle dynamique dans l’aménagement du territoire. Les deux publications les plus avancées sur ces questions sont:

Atlas du Viêt-Nam (en collaboration avec le Professeur Vu Tu Lap), Gip Reclus-La Documentation Française, Paris, 1994, 421 p.

– «Le Viêt-nam, émergence d’un nouveau dragon», in Brunet (Éd.) Asie du Sud-Est, Océanie, Géographie Universelle, Belin-Reclus, 1995, pp. 188–213.

Elles posent notamment les problèmes de la métropolisation, du développement du Centre-Viêt-nam et de la structuration territoriale. Un des grands intérêts de cette recherche consiste en la qualité de l’approche cartographique, avec à la fois un travail approfondi d’analyse de cartes à partir de données statistiques (proportion de population urbaine par province, variations de population urbaine 1979/89, flux migratoires…) et la réalisation de cartes synthétiques modélisant les principaux résultats (modèle spatial du Viêt-nam, systèmes urbains…).

14. Mme Tam Quach-Langlet est également l’auteur d’un article en vietnamien sur l’évolution de la ville de Can Tho (1954–75), paru en 1983, dans la revue Tâp San Khoa Hoc Xa Hôi

On retrouve également ces préoccupations élargies à la péninsule indochinoise dans:

Le Laos, stratégies d’un État-tampon, GIP Reclus, Montpellier, 1989, 200 p.

– «Pratiques spatiales et réseaux de relations» in Matras-Guin (J.) et Tail-lard (C.) (Éds), Habitation et habitat d’Asie du Sud-Est continentale, pratiques et représentations de l’espace, L’Harmattan, Paris, 1992, pp. 397–422.

Les chercheurs vietnamiens Huynh Van Giap et Vu Tu Lap ont travaillé, comme mentionné précédemment, en collaboration avec Mme Quach-Langlet et M. Taillard. Il est toutefois intéressant de noter, comme signe de l’évolution de la conception de l’espace national, que le précédent ouvrage de référence du professeur Vu Tu Lap: Viêt-nam, données géographique15 qui présentait de grandes qualités sur les questions de géographie physique, se contentait d’un plan avec découpage par grandes régions et accordait une place marginale à l’urbain.

Mme Thai Thi Ngoc Du, géographe de l’Université d’Hô Chi Minh-Ville a surtout travaillé sur les questions de développement socio-économique urbain, ce qui est encore trop rare au Viêt-nam. Deux de ses articles ont été publié en français:

– Thai Thi Ngoc Du, «L’évolution de la population de Hô Chi Minh-Ville», Les Cahiers d’Outre-Mer, n° 173, Bordeaux, 1991, pp. 77–88.

– Thai Thi Ngoc Du et al., «Dégradation du cadre de vie urbain et problèmes de santé de la population citadine à Hô Chi Minh-Ville, Viêt-nam», in Les Cahiers d’Outre-Mer, 46 (184), 1993, pp. 349–398.

Les Anglo-Saxons Dean Forbes et Nigel Thrift sont, depuis le début des années 1980, les auteurs, ensembles ou séparément, de nombreux articles et études sur les phénomènes urbains16.

– Forbes (Dean) & Thrift (Nigel), Decentralisation in Viêt-nam: a Preliminary Survey, Australian National University Department of Human Geography, seminar paper, 1982.

– Forbes (Dean) & Thrift (Nigel), «Territorial organisation, regional development and the city in Viêt-nam», in Forbes (D.) & Thrift (N.) (Eds), The Socialist Third World Urban Development and Territorial Planning, Blackwell, Oxford, 1987, pp. 98–128.

– Thrift (Nigel) & Forbes (Dean), «Cities, Socialism and War, Hanoi, Saigon and the Vietnamese Experience of Urbanisation», in Environment and Planning D. Society and Space, n° 3, 1985, pp. 279–308.

– Thrift (Nigel) & Forbes (Dean), The Price of War, Urbanization in Viêt-nam 1954–1985, Allen and Unwin, London, 1986, xix-188 p.

– Thrift (Nigel), «Difficult Years: Ideology and Urbanization in South-Vitênam 1975–1986», in Urban Geography, 8–5 juillet-août 1987, pp. 420–439.

– Forbes (Dean), Urbanisation and Urban Growth in Viêt-nam 1979–1989, Research note n° 11, The Australian National University, Canberra.

15. Viêt Nam, données géographiques. Éditions en langues étrangères, Hanoi, 1977, 242 p.

16. Dean Forbes est Australien et Nigel Thrift, Anglais.

– Forbes (Dean) & Davenport (S.), «Migration and Urbanization in Viêt-nam», in Hirsch (P.) (Éd.), Asia Pacific Focus: People and Environment in Change, Jacaranda Press, Auckland, 1991.

L’ouvrage de 1986 reste la référence la plus analytique. Il aborde dans un premier temps la question des spécificités de l’urbanisation dans les pays socialistes avant d’approfondir le cas vietnamien à travers deux grandes périodes: 1954/76 et 1976/85. Le livre se termine sur deux études de cas: «Hanoi 1945–85» et «Hô Chi Minh-Ville (1975–85)». Il est à noter que Dean Forbes, qui est maintenant professeur de géographie à l’Université Flinders, South Australia, a été le conseiller technique de la série d’études et monographies urbaines réalisées par le ministère de la Construction et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), présentée ci-après.

L’Australien William S. Logan a publié de nombreuses études sur les paysages urbains, l’architecture et la conservation du patrimoine, principalement à Hanoi 17:

– Logan (William S.), «Planning for the Protection of the Old Sector of Hanoi», in Journal of Vietnamese Studies, 1 -4, janvier 1991, pp. 78–81.

– Gillespie (John) et Logan (William S.), «Heritage Planning in Hanoi», in Hassal (G.) and Troung (T.) (Éds), Infrastructural Development and Legal Change in Viêt-nam, Center for the Study of Constitutional Change, University of Melbourne, 1994, pp. 41–59.

– Logan (William S.), «Hanoi Townscape: symbolic imagery in Viêt-nam’s Capital», in Asken (Marc) & Logan (William S.), Cultural Identity and Urban Change in Southeast Asia: Interpretative Essays, Deakin University Press, Australia, 1994, pp. 43–69.

– Logan (William S.), «Russians on the Red River: The Soviet Impact on Hanoi’s Townscape, 1955–90», in Europe-Asia Studies (University of Glasgow), vol. 47, n° 3, 1995, pp. 443–468.

– Logan (William S.), «Heritage Planning in Post-Doi Moi Hanoi, The National and International Contributions», in Journal of the American Planning Association, vol. 61, n° 3, été 1995, pp. 328–343.

– Logan (William S.), «Protecting Historic Hanoi in a Context of Heritage Contestation», in IJHS 2 (1 & 2), 1996, pp. 76–93.

Le Canadien Terry McGee 18 est l’auteur de très nombreux articles sur les questions urbaines en Asie et notamment au Viêt-nam. Sur ce dernier pays on lui doit récemment un article paru dans la revue TWPR, 17 (3), 1995: «The Urban Future of Viêt-nam». Il y pose la question délicate de la définition de l’urbain dans un pays comme le Viêt-nam et analyse les facteurs socio-économiques et politiques qui influent sur le développement des villes.

A côté de ces travaux de référence, par des chercheurs, il est utile de mentionner également des publications techniques qui, sans avoir toujours la rigueur scientifique ou le souci d’analyse des précédents travaux, peuvent recéler des

17. William S. Logan est Professeur de géographie à la Faculty of Arts de l’Université Deakin.

18. Terry McGee est Professeur au département de Géographie de l’Université de British Columbia, Vancouver.

informations précieuses ou être le révélateur des positions officielles face aux problèmes urbains.

Le premier travail à mentionner, pour son ampleur, est la série d’études précédemment évoquée. L’Institut national du développement urbain et rural du ministère vietnamien de la Construction a en effet publié, entre 1992 et 1994, avec le concours de l’UNFPA, neuf volumes sur les villes vietnamiennes: une étude générale Data Book, National Urban 19 , et huit monographies de villes: Hanoi, Hô Chi Minh-Ville, Haiphong, Hué, Da Nang, Can Tho, Quy Nhon et Nha Trang. Chaque volume, qui compte en moyenne une centaine de pages, s’attache principalement à étudier les caractéristiques démographiques et socio-économiques des villes, à travers les statistiques existantes et des projections. On peut toutefois constater certaines faiblesses d’analyse, notamment au niveau spatial.

Une autre publication en anglais, par les autorités vietnamiennes, permet d’éclairer le contexte urbain et les stratégies à venir:

– General Statistical Office, Viêt-nam Population Census-1989, Detailed Analysis of Sample Results, Hanoi, 1991, XV-167 p.

Il concerne essentiellement les changements démographiques, entre les deux derniers recensements de 1979 et 1989. Il aborde particulièrement les questions urbaines au chapitre 5: urbanisation et migrations.

Un des plus récents livres en français, spécifique à l’urbain en Asie du Sud-Est continentale, est l’ouvrage sous la direction de P. B. Lafont:

– Lafont (P.B.) (Éd.), Péninsule indochinoise, études urbaines, L’Harmattan, Paris, 1991,232 p.

Outre les deux articles de Mme Quach-Langlet déjà cités, on y trouve en ce qui concerne le Viêt-nam, l’étude historique de Charles Fourniau: «Le phénomène urbain au Viêt-nam à l’époque coloniale», pp. 167–183. Les autres communications concernent surtout la Birmanie, le Cambodge, le Laos et la Thaïlande 20.

Les différentes institutions des Nations Unies s’intéressent de plus en plus à l’urbain au Viêt-nam. Comme on l’a vu, un certain nombre d’études, dont celle financée par UNFPA, ont pu recevoir un soutien matériel et conceptuel. Des rapports sectoriels ont été publiés par la CESAP (ou ESCAP, Commission Economique et Sociale des Nations unies pour la Région Asie-Pacifique) en 1989 sur les bidonvilles d’Hô Chi Minh-Ville et par la Banque Mondiale en 1995 sur les transports (voir infra). Il faut également mentionner les synthèses d’UNCHS (United Nations Centre for Human Settlements):

– UNCHS (Habitat) (Éd.), Human Settlements Sector Review, Socialist Republic of Viêt-nam, Nairobi, 1991, 107 p. (à partir d’une mission de terrain de 1989) 21.

19. Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book, national urban, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1992, 108 p.

20. En ce qui concerne les livres récents sur les villes d’Asie du Sud-Est, bien qu’il n’y ait pas de chapitre spécifique sur le Viçt-nam, on peut également mentionner: Clément (P.), Clément-Charpentier (S.) et Golblum (C.) (Eds), Cités d’Asie, Les cahiers de la recherche architecturale, n° 35/36, éditions Parenthèses, Paris, 1995, 258 p.

21. Dans la terminologie des Nations Unies, les Human Settlements, ou «établissements humains», correspondent principalement aux villes. UNCHS, également connu sous le nom d’Habitat, est basé à Nairobi et est en charge de l’organisation de la grande conférence mondiale sur les villes: Habitat 2, qui a eu lieu à Istanbul, en juin 1996.

Cette étude présente le contexte démographique et institutionnel du pays et approfondit la situation des trois plus grandes villes (Hanoi, Haiphong, Hô Chi Minh-Ville), notamment en ce qui concerne les conditions de vie et l’environnement urbain. Elle fait également un récapitulatif des projets et missions en cours en 1989.

– UNCHS (Habitat) (Ed.), The Management of Secondary Cities in Southeast Asia, Nairobi, 1996, 160 p. (avec des études sur des villes d’Indonésie, de Malaisie, du Myanmar, de Thaïlande et du Viêt-nam).

Par ailleurs d’un point de vue comparatiste, à l’échelle de l’Asie, on peut mentionner par la CESAP:

– ESCAP, State of Urbanization in Asia and the Pacific, Bangkok, 1993, 294 p.

Ce rapport, auquel a notamment participé Terry McGee, est un des documents les plus récents sur l’urbain dans l’ensemble de l’Asie. Il permet de mieux saisir les enjeux et les perspectives du développement, dans le cadre de son intégration régionale. Il s’articule autour de quatre chapitres principaux: les grandes tendances et l’impact de l’urbanisation; l’économie et la productivité urbaine; la pauvreté et les politiques alternatives et enfin l’environnement urbain.

D’autres références, qui traitent moins spécifiquement de l’urbain, ou auxquelles nous avons eu seulement accès à travers des bibliographies, méritent également d’être mentionnées:

– Dao Van Tap, «On the Transformation and New Distribution of Population Centres in the Socialist Republic of Viêt-nam», in International Journal of Urban and Regional Research, 1980, n° 4, pp. 503–515.

– Davidson (Jeremy H.C.S.), «Urban Genesis in Viêt-nam, a Comment», in Smith (R.B.) and Watson (W.), Early South East Asia, Essays in Archaeology, History and Historical Geography, Oxford University Press, London/Kuala Lumpur, 1979, pp. 304–314.

– Desbarat (Jacqueline), «Population Relocation Programs in Socialist Viêt-nam», in Indochina Report, avril-juin 1987, 44 p.

– Halls-French (L.), «Redéploiement de la population et restructuration de l’espace rural au Viêt-nam», in ASEMI, vol. X, n° 1, pp. 57–68.

– Jones (G. W.), «Population Resettlement Policies in Viêt-nam», in Jones (G.W.) & Fraser (S.E.) (Eds), Population Resettlement Programs in Southeast Asia, Development Studies Centre Monograph n° 30, Australian National University, Canberra, 1982, pp. 113–133.

– Nguyen Thy, «Urbanization Process in North Viêt-nam», in Soviet Geography, 1974, n° 15, pp. 352–357.

– Nguyen Trong Dieu, Geography of Viêt-nam, Foreign Languages Publishing House, Hanoi, 1992, 184 p. (légèrement révisé et réédité en 1995).

– Pressat (R.), «Quelques données sur la population du Viêt-nam du Sud», in Population, n° 29, 1974, pp. 633–641.

– Turley (W.S.), «Urbanization Transformation in South Viêt-nam», in Pacific Affairs, n° 48, 1975, pp. 370–396.

– Vo Tan (Luc), Étude des processus d’urbanisation au Viêt-nam du sud (1954–1975), mémoire de 3ecycle, UPI, 1978, 301 p.

– Wright (G.), The Politics of Design in French Colonial Urbanism, University of Chicago Press, Chicago and London, 1991.

– Wright (G.) et Rabinow (P.), Savoir et pouvoir dans l’urbanisme moderne colonial d’Ernest Hébrard, in Cahiers de recherches architecturales, n° 9, 1982, pp. 26–43.

On peut rappeler enfin, pour le public français, que plusieurs enseignements universitaires abordent la question du phénomène urbain en Asie et notamment au Viêt-nam, entre autres:

– Manuelle Franck: «Géographie régionale, Laos, Cambodge, Viêt-nam», «L’urbanisation en Asie du Sud-Est», INALCO, Paris.

– Pierre Clément et Charles Goldblum: «Villes orientales, métropoles d’Asie-Pacifique», École d’Architecture de Paris-La Vilette.

Les métropoles

Les «métropoles», c’est-à-dire les trois villes de Hanoi, Hô Chi Minh-Ville et Haiphong, ont reçu relativement plus d’attention que les autres, pour de multiples raisons qui vont de la plus grande facilité d’accès, aux justifications «politiques» et stratégiques 22.

Outre les études déjà évoquées de Mme Quach-Langlet et de M. Pedelahore, on signalera une étude par Thai Thi Ngoc Du et D. Weissberg de l’Université de Toulouse II-Le Mirail, «Hô Chi Minh-Ville, une métropole entre utopie et compromis», est à paraître dans un livre sur les utopies urbaines, aux Éditions du Mirail.

On peut rappeler également les trois volumes édités par le ministère de la Construction:

– Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book, Hanoi city, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1992, 83 p.

– Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book,Hô Chi Minh-City, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1992.

– Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book, Haiphong city, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1992.

On trouve également un certain nombre de travaux de référence et de recherches en cours.

Tout d’abord, il faut signaler les deux volumes de la revue É tudes Vietnamiennes, parus en anglais et en français et qui abordent le développement des deux villes principales dans une perspective historique:

– Nguyen Van Nghia (sous la direction de), «Saigon des origines à 1945», in Études vietnamiennes, n° 45, 1976, pp. 5–93.

22. Certaines références qui concernent plus spécifiquement la restauration du patrimoine architectural, ou l’environnement urbain des grandes villes sont traités plus spécifiquement dans les parties suivantes.

– Tran Quoc Vuong and Nguyen Vinh Long, «Hanoi de la préhistoire au XIXe siècle», in Études Vietnamiennes n° 48, 1977, 177 p.

Une étude récente sur Hô Chi Minh-Ville, réalisée par des chercheurs néerlandais, mérite également l’attention:

– Klein Gunnewiek (Hennie) et Mosselman (Carlita), Housing in Hô Chi Minh-City, A Study of Slum Upgrading and Redevelopment, Urban Research Working Papers n° 39, Department of Cultural Anthropology/Sociology of Development, Vrije University, Amsterdam, 1995, viii-65 p.

Après une introduction sur l’urbanisation au Viêt-nam, elle s’attache à étudier la politique foncière et la situation particulière du 4e district où la municipalité avait mis en place un projet d’amélioration d’un bidonville. Cette étude est à rapprocher de celle de l’ESCAP réalisée en 1989 sur la situation des zones d’habitat précaire de la ville (voir chapitre environnement urbain).

De son côté le CEPED (Centre français sur la population et le développement) a publié en juin 1996 un dossier intitulé:

– Anh (Truong Si) et al., Hô Chi Minh-Ville, de la migration à l’emploi, Dossier du CEPED n° 40, Paris, 1996, 52 p.

Les quatre auteurs de cette étude23 se sont attelés à la délicate et difficile question de l’évaluation quantitative et qualitative des migrations qui ont eu lieu vers la métropole du sud, à partir notamment d’enquêtes réalisées en 1994. Ils parviennent à montrer au-delà des chiffres la dimension humaine et sociale des mutations urbaines au Viêt-nam.

La ville de Hanoi a fait l’objet de nombreuses études publiées par des experts de l’IAURIF (Institut d’architecture et d’urbanisme de la Région Ile-de-France), dans le domaine de l’aménagement urbain, principalement sur le secteur du lac Tây, au nord de Hanoi:

L’aménagement urbain à Hanoi, rapport de mission (12 au 22 mars 1990), IAURIF, Paris, septembre 1990, 26 p.

Hanoi: le secteur sud du lac Tây, un projet majeur, rapport de mission (14 au 28 mai 1993), IAURIF, Paris, juillet 1993, 63 p.

Hanoi, le sud du lac Tây, esquisse de plan d’aménagement pour deux secteurs tests, rapport de mission (29 mai au 10 juin 1994), IAURIF, Paris, octobre 1994, 26 p.

Hanoi: bilan et perspectives de la coopération, rapport de mission (18 novembre au 2 décembre 1994), IAURIF, Paris, mars 1995, 46 p.

Ces travaux, illustrés de nombreux plans et croquis, s’attachent à montrer le développement d’un secteur de la ville de Hanoi où la pression foncière a connu une très forte progression. Ils rendent compte à la fois des potentialités et des difficultés de la coopération avec le Viêt-nam, dans le domaine urbain, avec des indications sur le contexte technique, institutionnel et financier des projets.

Une coopération prometteuse s’est également établie entre l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Montréal (Canada) et l’Institut d’Architecture de Hanoi. Les premiers résultats ont été présentés lors du séminaire régional «Les enjeux de

23. Truong Si Anh (IRE, Hô Chi Minh-Ville), Patrick Gubry (CEPED-Paris), Vu Thi Hong (IRE, Hô Chi Minh-Ville), Jerrold W. Huguet (ESCAP-Bangkok).

la restauration des quartiers historiques urbains, Viêt-nam, Laos, Cambodge, Thaïlande», Hanoi, 23–26 mai 1994. Cette étude a fait l’objet d’une publication aux éditions Karthala, en 1997. On signalera particulièrement l’article du professeur René Parenteau: «Impacts de la privatisation du logement public dans certains îlots du quartier colonial français de Hanoi» (pp. 126–173 des actes), qui a été élaboré à partir d’enquêtes sur 167 immeubles et met en lumière les changements socio-économiques en cours.

Des thèses par de jeunes chercheurs français sont également en cours sur les grandes villes et permettront de mieux saisir leur dynamique. On mentionnera, à titre d’exemple pour leurs qualités, plusieurs DEA (Diplômes d’Études Approfondis) récemment soutenus, dont trois sous la direction de Charles Goldblum à l’Institut français d’urbanisme:

– Mangin (France), Patrimoine et mutations urbaines, la place du patrimoine architectural dans le développement urbain du centre-ville de Hanoi, mémoire de DEA Urbanisme et Aménagement, IFU-Université Paris VIII, 1994, 117 p.

– Nguyen (Laurence), Les conflits de développement de Hanoi et Hô Chi Minh-Ville: la question du développement économique et du patrimoine dans les politiques urbaines vietnamiennes, mémoire de DEA Urbanisme et Aménagement, IFU-Université Paris VIII, 1994, 102 p.

– Palatini (Corinne), Saigon-Cholon, formation d’une ville, mémoire de DEA, École d’Architecture de Paris-Belleville, 1995–96, 104 p.

– Pandolfi (Laurent), La modernisation urbaine de Hanoi sous l’angle des relations entre les secteurs public et privé, mémoire de DEA Urbanisme et Aménagement, IFU-Université Paris VIII, 1995, 71 p.

– Schmitt (Mathias), Situation et conditions de mutation du transport public par autobus à Hô Chi Minh-Ville, Viêt-nam, mémoire de DEA en économie des transports, Université Lyon II, septembre 1995, 243 p.

Pour compléter la bibliographie, il faut également citer les travaux suivants:

– Anh (Truong Si), Internal Migration into Hô Chi Minh-City: Patterns, consequences and Policy Issues, Master of Science Thesis, AIT-Bangkok, 1994, ix-163 p.

– Dellus (Jean), Rapport de mission à Hô Chi Minh-Ville, ler-5 mai 1989, Agence d’Urbanisme de la COURLY, Lyon, 1989, 21 p.

– Desbenoit (Hervé), L’urbanisme à Hô Chi Minh-Ville: perspectives et projets des services municipaux, Agence d’Urbanisme de la Communauté Urbaine de Lyon, mai 1995, 77 p.

– Lang (M.H.) & Kolb (B.), «Locational Components of Urban and Regional Policy in Postwar Viêt-nam: the Case of Hô Chi Minh-City (Saigon)», in Geographical Journal, n°4(l), 1980, pp. 13–18.

– McCoy (A.), «A Tale of Three Cities. Hanoi, Saigon and Phnom Penh», in Geo: Autralia’s Geographical Magazine, n° 5 (2), 1983, pp. 28–40.

– Nguyen Dand Son, Some Issues on Hô Chi Minh-City Management and Development, in Metropolis’90, Melbourne, 1990.

– Nguyen Khac Vien, «Hô Chi Minh-City-1982, the Releasing Process», in Viêt-nam Courrier, n° 18 (4), 1982, pp. 20–23.

– Turley (W.S.), «Urbanization in War: Hanoi, 1947–1973», in Pacific Affairs, n° 48, 1975, pp. 370–396.

Le magazine Saigon Eco a par ailleurs consacré un dossier de plusieurs pages à l’urbanisation à Hô Chi Minh-Ville et à Hanoi dans son numéro de septembre 1996.

Les villes moyennes

Jusqu’à ces dernières années, les villes moyennes ou villes de province avaient été largement moins étudiées que les métropoles, à l’exception peut-être de la ville de Huê en raison de son rôle historique et de son patrimoine architectural remarquable. Pourtant, le Viêt-nam a la chance de disposer d’un semis de villes moyennes qui comptent en moyenne 80000 à 400000 habitants et qui peuvent jouer le rôle de pôles de développement. Cela pourrait permettre au pays d’éviter le phénomème, fréquent dans les pays en voie de développement, d’hypertrophie d’un ou deux grands centres urbains.

En tant que Responsable du département Asie à l’agence Cités Unies Développement jusqu’en 1996, nous avons eu la chance d’être placé à une conjonction de plusieurs circonstances majeures qui ont modifié significativement cet état de fait24.

Tout d’abord en août 1992, les cinq villes de Da Nang, Hué, Nam Dinh, Viet Tri et Vinh ont fondé l’Association des villes de province du Viêt-nam, qui compte à la fin de l’année 1995, 25 membres25. Cette association s’est montrée particulièrement dynamique et a reçu le soutien à la fois des ministères vietnamiens et de la Commission Européenne (DG VIII).

Parallèlement, on a assisté à un développement de la coopération décentralisée, notamment par les collectivités territoriales françaises, dont certaines ont permis la réalisation d’études approfondies (notamment dans le cas de la région Nord-Pas de Calais). Enfin le ministère français des Affaires étrangères et la DATAR ont souhaité renforcer la coopération avec les villes moyennes et particulièrement celles du Centre-Viêt-nam.

Cela a permis de développer des activités de coopération et de documenter la situation de ces villes. Des textes ou études ont été produits par les villes elles-mêmes, par des chercheurs européens ou par des instituts vietnamiens, des séminaires et des rencontres ont été organisés afin de favoriser les échanges. Parmi les textes les plus significatifs et les plus révélateurs de ces travaux, il faut mentionner:

24. Cités Unies Développement est l’agence de coopération technique de la Fédération mondiale des Villes jumelées.

25. Les vingt-cinq villes membres de l’APC à la fin de l’année 1995 étaient: Bac Giang, Can Tho, Cao Bang, Cao Lanh, Da Lat, Da Nang, Dien Bien, Dong Ha, Dong Hoi, Ha Long, Ha Tinh, Hai Duong, Hoa Binh, Hue, Nam Dinh, Nha Trang, Ninh Binh, Qui Nhon, Soc Trang, Song La, Thanh Hoa, Thai Nguyen, Viet Tri, Vinh et Yen Bai.

– Durand (Frédéric) et Johnson (Pierre) (Éds), Actes du Séminaire international sur les villes de Province du Viêt-nam, APC-CUD, Hué, 11–14 janvier 1994, 192 p. (en français et en anglais)26.

– Durand (Frédéric) et Le Van Anh, «Can Tho-City, a Case Study», in The Management of Secondary Cities in Southeast Asia, UNCHS, Nairobi, 1996, pp. 60–86.

– Durand (Frédéric) (Éd.), Actes du séminaire: Culture et Environnement Urbain, APC-CUD, Thanh Hoa, 13–15 novembre 1995, 127 p.

– IAURIF, Viêt-nam 94: Hué: séminaire international des villes de province du Viêt-nam, Hanoi: avancement du projet du secteur sud du lac Tây-coopération 94, rapport de mission (10 au 14 janvier 1994), IAURIF, Paris, avril 1994, 40 p.

– Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book, Danang city, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1992, 94 p.

– Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book, Hue city, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1992, 103 p.

– Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book, Can Tho city, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1994, 76 p.

– Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book, Quy Nhon city, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1994.

– Ministry of Construction of Viêt-nam, Data book, Nha Trang city, National Institute for Urban and Rural Planing/UNFPA, project VIE/88/P02, Hanoi, 1994, 55 p.

– Nguyen Khac Vian et al., «Huê, passé et présent», in Études Vietnamiennes, n° 37, 1973, 245 p.

Une thèse sur les villes moyennes du sud du Viêt-nam (Can Tho, Da Lat, Nha Trang) est également actuellement en cours à l’université Toulouse II-Le Mirail, par Oehler (Viola), sous la direction de Guy Jalabert et Daniel Weissberg.

On signalera également que les villes elles-mêmes ont élaboré des documents de présentation les concernant, même s’il s’agit souvent plus d’inventaires des potentialités économiques. Le plus complet est sans doute celui de la ville de Dalat, préparé à l’occasion du centenaire de sa fondation:

– Truong Tro et Vuong Lan (Éds), Da Lat, ville d’altitude, centenaire de Dalat (1893–1993), Éditions Hô Chi Minh-Ville, 1993, 350 p.

26. L’article paru dans le n° 28 de la revue Péninsule, 1994 (1), sur «Le développement des villes moyennes au Viêt-nam», est largement tiré des textes préparés à l’occasion de ce séminaire et notamment du texte introductif par Frédéric Durand.

Les questions foncières et financières

Les questions foncières et financières sont parmi les plus cruciales du développement urbain. Dans le contexte vietnamien, elles sont particulièrement complexes. Les droits ne sont pas clairs pour les bâtiments dont les anciens propriétaires ont quitté le pays comme réfugiés. Par ailleurs la question de la limite de la propriété privée et du droit d’usage reste encore parfois ambiguë, alors que se développe pourtant un marché foncier florissant. Enfin l’État, qui avait joué un rôle majeur, notamment pour la construction de logements publics, s’est progressivement désengagé depuis le milieu des années 1980 et le secteur privé n’a pas encore véritablement trouvé sa place.

Pour les études sur les systèmes fonciers anciens, on citera:

– Ngo Kim Chung and Nguyen Duc Nghinh (eds), Propriété privée et propriété collective dans l’ancien Viêt-nam, L’Harmattan, Paris, 1987, 227 p.

– Feyssal (P. de), La réforme foncière en Indochine, Indochine Française, Direction des Finances, Paris, 1931, 38 p.

En ce qui concerne la situation contemporaine, on mentionnera principalement les deux études de Charles Goldblum, Directeur de Recherche à l’Institut français d’urbanisme:

Les politiques incitatives dans le domaine de l’habitat en Asie du Sud-Est, les possibilités de transfert et d’adaptation de l’ingénierie d’expérimentation du plan Construction et Architecture - Bangkok, Singapour, Hanoi, Hô Chi Minh-Ville, Paris, Plan Construction et Architecture, septembre 1994, 127 p.

– «Politiques du logement en Asie du Sud-Est. Orientations stratégiques de Bangkok et de Singapour, perspectives vietnamiennes», communication au colloque: L’habitat au Viêt-nam, tradition et modernité, Hanoi, 12–14 juin 1995 (publié en vietnamien dans la revue Kien truc Viêt-nam, n° 3, 1995, pp. 24–26).

Un certain nombre de recherches ou de résultats de missions sur ces thèmes mérite également d’être signalé, bien que certains documents pourtant récents datent déjà:

– Hoang Van Nam, «De la propriété des logements», in Viêt-nam SCOOP, n°16, 1994, pp. 22–23.

– Langumier (J.-F.), Mission en République Socialiste du Viêt-nam, 21–27 janvier 1989, ESCAP/SCIC-AMO, Paris, février 1989, n.p.

– Massiah (G.) et al, Report on Viêt-nam, ESCAP Housing Finance for Low-Income Households Projects, ESCAP, Bangkok, mai 1989.

– Prouzet (Michel), «Le régime foncier urbain au Viêt-nam: arrêt sur image», communication présentée aux Journées de rencontres 90, L’aménagement urbain et la coopération, Paris, 1990, 8 p.

– Prouzet (Michel), Rapport de mission en République Socialiste du Viêt-nam, le cas particulier de Thanh PhoHo Chi Minh (20 février-6 mars 1990), Groupement d’experts pour une coopération avec le Viêt-nam, Paris, 1990, 60 p.

– Tu Hong Phuoc (Denis), Viêt-nam, habitat, aménagement, urbanisme, ministère du Logement, Paris, 1993, 64 p.

On signalera par ailleurs que la CESAP a organisé en 1995 un séminaire sur le logement et son financement à Hô Chi Minh-Ville, dont plusieurs communications sont éclairantes et notamment:

– Bui Quang Hinh, «The Building Development Commercial Joint Stock Bank and the Housing Finances in Hô Chi Minh-City», in Proceedings of the National Seminar on Community Based Housing Finance, ESCAP, Hô Chi Minh-City, 15–17 février 1995, 8 p.

– Ministry of Construction, «Report of the Ministry of Construction at National Seminar on Community Based Housing Finance», in Proceedings of the National Seminar on Community Based Housing Finance, ESCAP, Hô Chi Minh-City, 15–17 février 1995, 6 p.

Enfin de nombreux fascicules ou ouvrages présentent en anglais le contexte juridique et législatif vietnamien, par exemple:

– Socialist Republic of Viêt-nam, Ordinance on House and Land Tax, National Politics Publishers, Hanoi, 1994,41 p.

– Burke (Frederick R.) & Howell (David), Viêt-nam, a Legal Brief, The State Political Publishing House, Hanoi, 1993, 319 p.

L’environnement urbain

Les questions d’environnement, notamment urbain, sont devenues prioritaires au Viêt-nam. Dès le début des années 1990, le gouvernement a publié, avec le concours du PNUD, un programme pour le développement jusqu’à l’an 2000:

– Socialist Republic of Viêt-nam/UNDP, Viêt-nam, National Plan for Environment & Sustainable Development 1991–2000, Framework for Action, Project VIE/89/021, Hanoi, 1992, 129 p.

Il dresse surtout des objectifs prioritaires et un plan d’action pour tenter de garantir un développement durable du pays. Il traite de l’urbain au chapitre 3.1 (développement urbain, stabilisation de la population, qualité de vie) et au chapitre 3.3 (contrôle de la pollution et gestion des déchets).

Parmi les travaux publiés sur ce thème, on trouve:

– Bassand (Michel) et al., Développement durable, métropolisation et pollution des ressources naturelles: le cas de Hô Chi Minh-Ville, EPFL (IREC/IGE/IATE), Lausanne-ENCO Hô Chi Minh-Ville, mai 1994, 117 p.

– Coa Van Sung (Éd.), Environment and Bioresources of Viêt-nam, Present situation and Solutions, Thé Gioi Publishers, Hanoi, 1995, 235 p. (qui aborde plus particulièrement l’environnement urbain dans sa deuxième partie avec la pollution de l’air et de l’eau en ville et le problème des déchets).

– ESCAP, An Approach to Slums and Shanties Clearance along and over Muddy Polluted Channel in Hô Chi Minh-City, Bangkok, 1989, 136 p.27.

27. L’ESCAP ou CESAP a également publié un ouvrage intitulé: State of Environment in Asia and the Pacific. Il en existe deux éditions récentes, une de 1990 et une de 1995. Elles, permettent de comparer le Viêt-nam avec ses voisins.

– National Research Programme on Environmental Protection, «Environ-mental Protection and Sustainable Developement», Proceeding of the National Seminar on Environmental Protection and Sustainable Developement Research, (7–9 octobre 1993), Hanoi, 1994, 252 p. (avec des communications sur les mesures de surveillance de l’air et de l’eau, la pollution à Hanoi et le problème des industries).

– Nguyen (Laurence), La question de la gestion de l’environnement dans les villes vietnamiennes, rapport pour le ministère de l’Environnement, LTMU, 1995, 50 p.

– Perramant (Jean-Luc), «La grande mue d’Hô Chi Minh-Ville», in Urbanisme, janvier-février 1994.

On signalera qu’en France, la Région Nord-Pas de Calais a attaché une attention particulière à l’environnement urbain dans sa coopération décentralisée avec le Centre Viêt-nam. Plusieurs études ont été réalisées à l’université de Lille I et notamment:

– Germain (Nolüen) & Krafft (Diane), Problématique d’écologie urbaine pour le Centre Viêt-nam, mémoire de Maîtrise des Sciences et Techniques ENVAR, Université Lille I, 1994, 139 p.28.

Sur la question spécifique des transports, qui a été relativement mieux étudiée, on peut mentionner plusieurs études. Outre le travail complet et bien documenté de Mathias Schmitt (mentionné dans la partie sur les métropoles), on trouve:

– Desbenoit (Hervé), Les transports en commun à Hô Chi Minh-Ville, Agence d’urbanisme de la Communauté urbaine de Lyon, août 1993, 63 p.

– Fourniau (J.-M.) et Rizet (C), «Les transports au Viêt-nam à l’heure de l’ouverture économique», in Actes du séminaire INRETS du 20 décembre 1990, INRETS, Paris, 1991, pp. 75–138.

– Government of Viêt-nam/the World Bank, Viet Nam Urban Transport Management Study, MVA Asia limited, Hanoi, juin 1995, 54 p.

– Rizet (C.), «Quelles politiques pour accompagner la transition, rôle de l’État et du marché dans la régulation des transports au Viêt-nam» (sous la direction de C. Reynaud et M. Poincelet), INRETS-DEST, Caen, collection Paradigme, 1992, pp. 261–275.

Des études sur ce thème ont également été présentées à la CODATU VII (conférence internationale sur les transports urbains) de New Delhy, en février 1996 et notamment une communication par Mme Hoang Thu Huong, M. J.-M. Cusset et M. X. Godard, sur «La mobilité et l’usage des modes de transports à Hanoi, à la recherche de la complémentarité deux roues et transports en commun», sur la base d’une enquête réalisée auprès de 450 ménages, ainsi qu’une communication de Mme Hong, «Informal Transport and Mobility in Hô Chi Minh-City».

28. Sur des questions plus générales de développement durable, on peut mentionner également: Cosaert (P.), «Le Centre du Viêt-nam, un champ d’action pour la coopération décentralisée», in Hommes et Terres du Nord, Revue de l’UFR de Géographie et d’Aménagement de l’Université des Sciences et Techniques de Lille, 1994, n° 4, pp. 193–202.; Façon (Murielle) et Weinzaeplen (Emmanuelle), Le Centre du Viêt-nam: perspectives d’un développement durable en milieu rural, mémoire de Maîtrise des Sciences et Techniques ENVAR, Université Lille II, 1994, 103 p.-annexes.

L’architecture et la conservation du patrimoine historique

Étant donné la richesse du patrimoine bâti vietnamien, de très nombreux projets et études ont été menés par des acteurs aussi divers que des ONG, des chercheurs, des collectivités territoriales ou des organisations internationales, surtout à Hanoi et à Huê.

Parmi les travaux de réflexion, qui ont pris le plus de recul sur la notion même de conservation, on citera:

– Dang To Tuan and Parenteau (René) (Éds), Actes du Séminaire «Les enjeux de la restauration des quartiers historiques au Cambodge, Laos et Viêt-nam», Hanoi, 23–26 mai 1994, 196 p.

Il faut également rappeler les travaux de William S. Logan et G. Wright, mentionnés plus haut.

Dans une perspective plus architecturale et anthropologique, on peut se référer également à:

– Matras-Guin (J.) et Taillard (C.) (Éds), Habitation et habitat en Asie du Sud-Est continentale, L’Harmattan, Paris, 1992, 432 p.

Pour une approche plus archéologique, il faut signaler:

– The National Committee for the International Symposium on the Ancient Town of Hoi An (Éd.), Ancient Town of Hoi An, The Goi Publishers, Hanoi, 1993, 239 p.

On notera également qu’un numéro spécial de la revue Études Vietnamiennes (n° 110, 4e trimestre 1993) a été consacré aux recherches sur la ville de Pho Hien, un ancien centre commercial des XVIIe et XVIIIe siècles, sur le fleuve Rouge.

On mentionnera aussi sans pouvoir être exhaustif des études aux prétentions diverses sur la conservation du patrimoine:

– Les amis du patrimoine architectural du Viêt-nam (Éd.), Hanoi, ville et mémoire, Paris, 1993, 27 p.

– Codev Viet-Phap, Projet de restauration du patrimoine architectural et urbanistique à Huê, septembre 1992, n.p.

– Codev Viet-Phap, Les rencontres de Hué, 2–9 avril 1992, 24 p.-annexes (sur la conservation des traditions populaires de Huê).

– Phan Huy Lê, «Conservation de l’héritage architectural en bois de Huê», in Études Vietnamiennes, n° 114, 1994, pp. 107–119.

– UNESCO, Sauvegarde et développement du patrimoine de Hanoi et Hué, Paris, 1994, 44 p.

Un workshop organisé à Hanoi du 15 au 17 novembre 1993 par l’association The Friends of Hanoi a également contribué à montrer l’importance de ce thème, notamment vu par les chercheurs et architectes vietnamiens.

Nous ne consacrerons qu’un bref paragraphe aux guides et aux «beaux livres», qui paraissent abondamment depuis quelques années sur le Vietnam et qui confirment, si besoin en était, que le monde et notamment la France est en train de (re-) découvrir le pays après des décennies d’ «amnésie».

De nombreux guides de voyages s’attardent sur le patrimoine des villes, même si l’information n’est pas toujours de «première main». On peut citer les guide Arthaud et JIKA, le Lonely Planet (qui a été traduit en français) et surtout celui de Jacques Népote et Xavier Guillaume (Olizane, Genève, 1993), qui révèle une réelle connaissance du pays.

En ce qui concerne les «beaux livres», on peut mentionner dans deux registres différents:

– Tran Dai Vinh et al., Les célèbres pagodes de Hué, Éditions de l’Association des écrivains, Huê, 1993, 342 p. (en trilingue vietnamien, français, anglais), qui présente certains des trésors architecturaux et archéologiques de la région de Huê.

Saigon éternelle, portrait d’une ville au passé toujours en mouvement, ASA Editions, Paris, 1994, qui se veut plus une invitation au voyage et à la découverte.

Les problèmes socio-économiques

Les problèmes socio-économiques sont certainement parmi les plus délicats et les plus sensibles des villes du Viêt-nam contemporain. Pourtant, ce champ reste encore très largement inexploré. Par exemple dans l’ouvrage Sociological studies on the Vietnamese Family, publié en 1991 par l’Institut de Sociologie de Hanoi et l’Université de Gothenburg, aucune des douze études ne concerne des familles urbaines.

On constate toutefois une nouvelle orientation depuis quelques années, notamment en liaison avec des préoccupations grandissantes du gouvernement en ce qui concerne les problèmes d’acculturation et d’emploi. Des recherches de terrain ont ainsi été entreprises depuis quelques années et des équipes sont en train de se former.

Outre la très intéressante étude de 1996 du CEPED, sur Hô Chi Minh-Ville, déjà mentionnée, il faut signaler le séminaire co-organisé par l’ORSTOM et le MOLISA (ministère vietnamien du Travail, des Invalides et des Affaires sociales), à Hanoi, du 15 au 17 novembre 1995, sur «L’impact des transformations économiques sur le développement des ressources humaines, l’emploi et le secteur informel au Viêt-nam et en Asie du Sud-Est». Ce séminaire laisse entrevoir quelques premiers résultats et l’ampleur du travail qu’il reste à accomplir.

On signalera les enquêtes menées par l’anthropologue Didier Bertrand sur les sampaniers de la rivière des Parfums à Huê et les travaux menés depuis plus de cinq ans, à Hô Chi Minh-Ville, par le Dr Zhu Ying et le Prof. Stéphanie Fahey, de l’université de Victoria (Melbourne), en collaboration avec l’Institut de Sociologie. Ils ont en particulier donné lieu aux textes suivants:

– Fahey (Stéphanie), «Changing Labour Conditions», in Tria Kerkvliet (Benedict J.) (Éd.), Dilemnas of Development: Viêt-nam Update 1994, Political and Social Change Monograph 22, Routledge-Australian National University, Canberra, 1996, pp. 45–67.

– Fahey (Stéphanie), «From the Battle Ground to Beauty Contest: the Changing Image and Position of Women in Viêt-nam», Paper presented for a workshop on sex and power in Asia, Murdoch University, 13 février 1995, 32 p.

On rappellera également les travaux de la géographe Thai Thi Ngoc Du mentionnés précédemment.

On notera également que dans le cadre du GERAC (Groupe d’études et de Recherches sur l’Asie Contemporaine) de l’Université de Laval (Québec), des travaux viennent de s’amorcer sur les squatters de la ville de Hanoi.

Au moins trois manifestations européennes devraient traiter des questions socio-économiques au Viêt-nam au cours des deux prochaines années:

– «Les conséquences sociales des réformes au Viêt-nam», Viêt-nam Network, Centre for Pacific Asia Studies, Stockholm University, septembre 1996,

– «Société vietnamienne en transition, mutations et permanence», Euroviet, Amsterdam, juillet 1997,

– «5e conférence sur l’urbanisation asiatique», SOAS, Londres, août 1997. Un ouvrage collectif, relatif à Saigon, évoque la dimension socio-politique de l’urbain à l’époque coloniale:

Saigon 1925–1945, de la «belle colonie» à l’éclosion révolutionnaire ou la fin des dieux blancs, Éditions Autrement, n° 17, septembre 1992, 261 p.

Il existe également quelques études relatives aux mutations urbaines pendant la guerre du Viêt-nam et notamment:

– Goodman (A.E.) et Franks (L.M.), «The Dynamics of Migration to Saigon 1964–1972», in Pacific Affairs, n° 48, 1975, pp. 199–211.

Par ailleurs, quelques publications abordent les questions sociales contemporaines en milieu urbain:

– Coa Duy Thao, «Planning familial dans un quartier urbain», in Études Vietnamiennes, n° 86, 1987, pp. 131–147.

– Comité Français pour l’UNICEF, Viêt-nam, 28 millions d’enfants, Paris, août 1994, 78 p.

– Corrèze (Françoise), Λ la rencontre de jeunes vietnamiens, l’ «oiseau de feu», L’Harmattan, Paris, 1986, 195 p.

– Dang Thu, Local Level Policy Development for Integrating the Elderly into the Development Process in Viêt-nam, ESCAP, Asian Population Studies Series N° 131-F, New York, 1994, VII-68 p.

– Durand (Frédéric) (Éd.), «Culture et développement urbain», actes du séminaire APC-CUD, Thanh Hoa, 13–15 novembre 1995, Paris, 127 p.

– Halls-French (Lilian), «Organisation sociale des quartiers et de l’habitat à Hanoi: une ville en transition», in Asie du Sud-Est et Monde Insulindien, CeDRASEMI, vol. VIII, n° 2, 1977, pp. 165–175.

– Hoskins (M.), Sheperd (E.), Life in a Vietnamese Urban Quarter, Center for Vietnamese Studies, Southern Illinois University, Carbondale, 1965.

– Le Mong Ngyuen, «Étude du rôle social, économique et politique des agglomérations au Viêt-nam», in Les agglomérations urbaines dans les pays du Tiers Monde, International Institute of Differing Civilisations, Bruxelles, 1971.

– Reutersward (L.), Nystrom (M.) et Rosenlund (H.), Shelter policies in Viêt-nam, Lund University (Suède), mars 1993, 34 p.

– Thien Than (Gabriel), «Viêt-nam: vivre en ville aujourd’hui», in Habitat, Revue de l’habitat social, n° 97, juin 1994, pp. 75–85.

Pour mémoire, on mentionnera également à côté de nombreuses publications sur les «meilleurs manières» d’investir au Viêt-nam, les actes d’un colloque organisé en février 1993, par l’Association franco-vietnamienne et la Chambre de Commerce franco-asiatique, sur «Les P.M.E partenaires de la coopération économique avec le Viêt-nam», qui comprend notamment la liste de plus de 500 projets vietnamiens prioritaires avec leur localisation.

Ces dernières données ne sont pas à négliger, dans la mesure où la volonté des pouvoirs publics, comme des investisseurs, pèsera sans doute lourdement sur l’avenir du pays.

En effet, pour conclure, il semble bien que, dans le contexte actuel de «course au développement», ce sont les projets économiques qui seront certainement les principaux moteurs de la transformation des villes du Viêt-nam, tant en ce qui concerne les modifications du tissu urbain, que de l’emploi ou du maintien d’un semis de villes moyennes garantissant un aménagement équilibré du territoire.

Il est à ce propos parfois inquiétant de constater que les villes du Viêt-nam semblent être devenues pour certains opérateurs un nouveau champ d’expérimentation ou de «conquête», parfois en toute bonne volonté, sans que ne soient bien connues leurs caractéristiques et spécificités, ni que n’aient été posées les bases d’un projet ou au moins d’une vision cohérente et durable du développement urbain.

Il reste à espérer que cette synthèse bibliographique permettra de mieux faire connaître les recherches et coopérations en cours et pourra favoriser des échanges et des réflexions tenant compte au mieux de la réalité et des attentes du Viêt-nam.

Page laissée vide intentionnellement

Table des matières

Avant-propos

7

Introduction

11

Une situation sociale et économique en transition

11

Qui sont les pauvres en milieu urbain ?

13

Dans quelles conditions vivent les pauvres ?

14

Quelles politiques et quels programmes pour supporter les capacités des pauvres ?

15

1. Population et pauvreté urbaine au Viêt-nam

19

Population, ménages, activité

21

Pauvreté et pauvreté urbaine

24

La structure des ménages

26

La scolarisation

27

La santé et les soins

28

Le travail

28

Les dépenses de consommation

29

Les revenus, l’épargne et l’endettement

30

Le logement

32

Impacts de la politique de privatisation du logement

35

La privatisation

36

Les effets sociaux

37

Contexte particulier: les vieux quartiers de Hanoi

38

Illustration des problèmes environnementaux: situation à Hanoi.

41

Les problèmes des eaux

42

L’eau potable

43

Les eaux usées

45

Facteurs aggravants

47

Portrait de la situation du logement et de l’environnement à Hô Chi Minh-Ville

49

2. Politiques du logement et du développement urbain

55

L’intervention de l’État, avant 1985

56

La nouvelle construction

57

La rénovation

57

A partir de 1985

57

Les problèmes du logement et du développement urbain

59

Les caractéristiques du parc de logement

61

Les objectifs retenus par la politique générale

62

Le programme de construction et de coopération entre l’État et le peuple

63

Les modalités de coopération entre l’État et le peuple

65

La population cible

66

Le rôle des banques populaires d’investissement pour la construction

68

Le rôle des maîtres d’œuvre

69

Les impacts de la politique et des modalités d’intervention

70

Les programmes d’éradication des bidonvilles à Hô Chi Minh-Ville

73

La nouvelle loi foncière du Viêt-nam

77

Leçons d’expériences étrangères

85

3. La population pauvre à Hanoi

89

Les objectifs et méthodes de l’étude

89

La localisation des zones d’enquête

90

Présentation et évaluation des zones d’enquête

91

Le quartier de Dong Xuan (arrondissement Hoan Kiem)

92

Le quartier de Hang Ma (arrondissement de Hoan Kiem)

94

Le quartier de Hang Bot (arrondissement de Dong Da)

95

Le quartier de Thanh Nhan (arrondissement de Hai Ba Trung)

97

Le quartier de Buoi (arrondissement de Ba Dinh)

98

Évaluation de la situation dans les zones étudiées

101

L’arrière-plan socioprofessionnel

102

Les caractéristiques démographiques

108

Le niveau d’éducation des ménages pauvres

113

L’origine résidentielle des ménages

114

Les revenus et les dépenses des ménages pauvres à Hanoi

116

Leurs dépenses

119

Le rapport Revenus/Dépenses

120

L’équipement des ménages et sa valeur estimée

121

L’endettement des ménages en 1993

123

Le logement et l’environnement

125

Les autres éléments du logement (cuisine et sanitaires, superficie)

128

Indicateurs d’hygiène environnementale

133

Pauvreté et appauvrissement

135

Le dynamisme des pauvres

138

Les femmes dans les familles pauvres

140

Les conditions de santé

141

Les réelles aspirations des familles pauvres

142

4. La pauvreté urbaine à Hô Chi Minh-Ville

145

Les hypothèses de la recherche sur la pauvreté urbaine à Hô Chi Minh-Ville

146

Le choix de l’échantillon et des variables

146

Le choix des ménages

147

Le choix des variables

148

Quelques données sur Hô Chi Minh-Ville

149

L’urbanisation et le développement des quartiers pauvres

151

L’habitat et le travail des pauvres à Hô Chi Minh-Ville

154

Origine des habitants et migrations

156

Structure démographique et sociale

160

La scolarisation

161

Structure de l’emploi et des activités des ménages

163

Revenus et dépenses des ménages

168

Localisation des lieux de travail

174

Les dépenses

177

Les biens et les équipements

180

L’endettement

184

L’habitat comme indicateur de la situation sociale des pauvres

186

Habitat et foncier: système de propriété, droit d’usage, légalité

187

Les conditions d’habitat et la santé

191

Conclusion

196

Recommandations sur les stratégies relatives à l’emploi

197

Recommandations sur les stratégies de planification urbaine

198

Recommandations sur les stratégies de développement des activités communautaires

198

5. Des interventions ciblées sur le logement des pauvres à Hanoi

201

Les zones d’études

202

Conditions de logement des pauvres à Hanoi

203

Quelques remarques sur les logements des pauvres

205

Les conditions des infrastructures et des services

206

Les orientations stratégiques retenues par les chercheurs

209

Zones d’études de cas et groupes cibles prioritaires

211

Les études de cas: stratégies pour la rénovation

213

Pistes pour l’ébauche de normes de construction

224

6. Éradication et réhabilitation des bidonvilles à Hô Chi Minh-Ville

231

Les bidonvilles

232

Portrait de certains bidonvilles sélectionnés

234

Les principales stratégies concernant l’habitat à Hô Chi MinhVille depuis 1977

240

La politique et les stratégies actuelles de la ville

241

L’éradication des bidonvilles

243

Le processus de relocalisation

244

Le maintien sur place

248

Quelques études de détail

249

Cas de maintien sur place

252

Évaluation de la politique et de ses premiers programmes

253

Constats généraux

256

7. Politiques et programmes d’intervention sur le logement des populations urbaines défavorisées

261

Expériences et références utiles pour le Viêt-nam

263

Les bases d’une stratégie nationale pour le Viêt-nam

265

Un programme politique intégré et multivarié

266

Le programme contre la pauvreté et la malnutrition

268

Études et diagnostics préalables

271

La politique du logement pour les pauvres

273

Les populations cibles pour les programmes de logement

275

Les populations cibles pour les programmes d’aide sociale dans le cadre de la politique de lutte contre la pauvreté

277

La politique du logement: organisation, coordination et contrôles

286

Conclusion

293

La pauvreté urbaine à Hanoi et à Hô Chi Minh-Ville

295

Le réalisme et l’efficacité des principes et programmes proposés

297

Une nécessaire réflexion sur la décentralisation réelle

300

L’émergence d’une «société civile»

302

Références bibliographiques

303

Annexe bibliographique

307

Un état des lieux bibliographique

307

Le développement urbain à l’échelle nationale

311

Les métropoles

318

Les villes moyennes

321

Les questions foncières et financières

323

L’environnement urbain

324

L’architecture et la conservation du patrimoine historique

326

Les problèmes socio-économiques

327

Agence de la Francophonie (ACCT)

L’Agence de la Francophonie (ACCT) créée à Niamey en 1970, sous l’appellation d’Agence de coopération culturelle et technique est l’unique organisation intergouvernementale de la Francophonie et le principal opérateur des Conférences bisannuelles des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, aussi appelées Sommets francophones.

L’Agence assure le secrétariat de toutes les instances de la Francophonie. Elle déploie son activité multilatérale dans les domaines de l’éducation et de la formation, de la culture et de la communication, de la coopération juridique et judiciaire, de diverses actions au titre de la direction générale du développement et de la solidarité.

Outre son siège, situé à Paris, l’Agence dispose d’une École internationale de la Francophonie à Bordeaux (France) où est située sa direction générale Éducation-Formation, d’un Institut de l’énergie des pays ayant en commun l’usage du français (IÉPF) à Québec (Canada), d’un Bureau de liaison avec les organisations internationales à Genève (Suisse), d’un Bureau de liaison avec l’Union européenne à Bruxelles (Belgique), d’un Bureau permanent d’observation aux Nations unies à New York aux États-Unis, d’un Bureau régional de l’Afrique de l’Ouest à Lomé (Togo), d’un Bureau régional de l’Afrique centrale à Libreville (Gabon), d’un Bureau régional pour I’Asie-Pacifique à Hanoi (Viêt-nam).

L’ACCT regroupe 47 pays ou gouvernements: Bénin, Bulgarie, Burkina-Faso, Burundi, Cambodge, Cameroun, Canada, Canada-Nouveau-Brunswick, Canada-Québec, Centrafrique, Communauté française de Belgique, Comores, Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Côte-d’Ivoire, Djibouti, Dominique, Égypte, France, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée-équatoriale, Haïti, Laos, Liban, Luxembourg, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Moldavie, Monaco, Niger, Roumanie, Rwanda, Sainte-Lucie, Sénégal, Seychelles, Suisse, Tchad, Togo, Tunisie, Vanuatu, Viêt-nam.

[Le Royaume de Belgique, le Cap-Vert et Saint-Thomas-et-Prince portent à 49 le nombre des pays et gouvernements participant aux sommets.]

Image

Achevé d’imprimer par Corlet, Imprimeur, S.A.
14110 Condé-sur-Noireau (France)
N° d’Imprimeur : 26529 - Dépôt légal: septembre 1997 - Imprimé en C.E.E.

Enrichissement typographique, mise en pages:
Vire-Graphie
Z.I., rue de l’Artisanat, 14500 Vire