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Lutte contre la COVID-19 : leçons du CultivAf

 
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Le fonds Cultiver l’avenir de l’Afrique (CultivAF) est un partenariat de 35 millions de dollars canadiens (37 millions de dollars australiens) sur dix ans entre le CRDI et le Australian Centre for International Agricultural Research (ACIAR). CultivAF finance la recherche appliquée visant à améliorer la sécurité alimentaire, la résilience et l’égalité des sexes en l'Afrique de l'Est et du Sud.

Face à la pandémie de COVID-19, le besoin d’innovations permettant d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle est encore plus pressant qu’auparavant. Alors que le confinement obligatoire et les mesures d’éloignement physique perturbent la chaîne d’approvisionnement alimentaire, il est essentiel de continuer de soutenir financièrement et de valoriser la recherche qui favorise la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des petits exploitants agricoles d’Afrique.

La pandémie de COVID-19 a présenté des défis aux équipes de recherche de l’initiative Cultiver l’avenir de l’Afrique (CultivAf), ainsi que la possibilité d’apprendre rapidement et de s’adapter à la pandémie. CultivAf, un partenariat entre l’Australian Centre for International Agricultural Research (ACIAR) et le CRDI, a pour but d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle en fournissant du financement à la recherche appliquée pour le développement et l’utilisation à grande échelle d’innovations durables, résilientes aux changements climatiques et adaptées aux sexospécificités pour les petits exploitants agricoles.

La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions sur les neuf projets du CultivAf, qui sont répartis dans sept pays de l’Afrique de l’Est et du Sud, à des degrés divers. Les petits exploitants agricoles, les utilisateurs finaux des extrants de recherche, ont vu fondre leurs revenus, et leur accès au travail, aux intrants et aux marchés de produits agricoles a été réduit. Cette situation a obligé les équipes de recherche à trouver de nouvelles façons de travailler et à concevoir de nouvelles solutions aux défis découlant des perturbations de la chaîne de valeur alimentaire. Cet article met en lumière cinq méthodes développées par les équipes de recherche du CultivAf pour lutter contre la crise alimentaire engendrée par la COVID-19 et apprendre les uns des autres.

Intégrer l’expertise locale et la prise en compte des sexospécificités

La restriction des déplacements a incité certaines équipes de recherche à former des membres de la communauté locale afin qu’ils puissent les aider. Le projet Insectes pour l’alimentation animale, mis en oeuvre en Ouganda et au Kenya par le Centre international de physiologie et d’écologie des insectes (ICIPE), a formé du personnel local pour aider à repérer des sites pour la construction de serres où élever des insectes destinés à servir de nourriture, pour superviser les activités de construction, et pour préparer les agriculteurs aux entrevues virtuelles avec les chercheurs. Le personnel local peut communiquer avec les petits exploitants agricoles tout en se conformant aux lignes directrices gouvernementales concernant la restriction des déplacements et les grands rassemblements. Ainsi, la recherche s’est rapprochée des agriculteurs et assure la continuité à un moment où le soutien aux agriculteurs et aux systèmes d’alimentation est essentiel.

En utilisant le Women’s Empowerment in Agriculture Index au niveau des projets (pro-WEAI), un indice découlant d’études basées sur des enquêtes pour mesurer l’autonomisation des femmes dans les projets de développement agricole, les chercheurs de l’ICIPE ont découvert que la pandémie de COVID-19 a désavantagé les épouses (lorsqu’on les compare aux femmes chefs de famille et aux époux) en ce qui concerne l’accès aux ressources nécessaires pour leurs activités commerciales liées à l’élevage d’insectes pour la nourriture des animaux parce que leur accès à une formation en élevage d’insectes est limité. L’équipe de chercheurs utilise les résultats pour répondre aux besoins de ces femmes et pour garantir leur participation.

Déployer la technologie numérique au-delà des frontières de la sexospécificité

Avec l’incertitude qui prévaut quant au moment où les choses reviendront à la « normale », les équipes de chercheurs utilisent les technologies numériques pour poursuivre leurs activités de recherche. Les plateformes électroniques telles que WhatsApp, les appels téléphoniques, les messages texte et les réunions Zoom sont la nouvelle norme.

Un projet centré sur l’utilisation de l’imagerie des téléphones cellulaires dans le domaine de l’assurance récolte adaptée aux changements climatiques, dirigé par Agriculture and Climate Risk Enterprise Ltd. (ACRE) Africa, est passé d’une formation en personne pour les agriculteurs à une formation en ligne. Les agriculteurs sont formés de manière virtuelle pour l’utilisation des applications mobiles et on leur fournit des manuels permettant de parfaire leur formation et d’étendre l’utilisation des produits d’assurance à d’autres agriculteurs. Les chercheurs ont découvert que seulement 25 % des agricultrices participant à la formation ont accès à des téléphones intelligents, contre 30 % des agriculteurs. En conséquence, le projet cherche à augmenter la participation des agricultrices en leur facilitant l’accès à des téléphones intelligents.

Concevoir des systèmes alimentaires résilients

Dans le but de permettre une plus grande résilience des chaînes d’approvisionnement alimentaire, les projets de CultivAf intègrent de nouvelles recherches afin de mieux comprendre les répercussions de la crise de la COVID-19 sur les petites exploitations agricoles. Un projet de recherche visant à faire passer l’approvisionnement et l’utilisation de haricots précuits à grande échelle au Kenya et en Ouganda examine les répercussions du confinement obligatoire sur la chaîne de valeur des haricots. Les observations sur le terrain montrent que même s’il est difficile pour tous les agriculteurs d’obtenir des graines pour les semences, en partie à cause des lacunes sur le plan du transport, un défi encore plus grand existe pour les femmes lorsqu’elles désirent obtenir du crédit auprès d’associations d’épargne et de crédit. De nombreuses femmes trouvent également difficile de gérer leurs parcelles de terre consacrées aux haricots parce qu’elles sont obligées d’effectuer les tâches qu’une famille confie normalement à des journaliers, en plus de s’acquitter de leurs devoirs habituels.

De même, un projet de recherche ayant pour but de faire passer à grande échelle l’amélioration des technologies de la transformation du poisson, dirigé par l’Université du Malawi, vise à faire comprendre les répercussions du confinement obligatoire et des couvre-feux sur la chaîne de valeur du poisson. Les recherches de ces deux projets alimenteront la politique et les pratiques pour la conception de chaînes de valeur du poisson et de haricots plus résilients, non seulement durant la crise de la COVID-19, mais aussi lors de futures situations d’urgence et perturbations.

Intégrer des approches basées sur l’action humanitaire

Certains projets utilisent des approches basées sur l’action humanitaire pour communiquer avec des groupes vulnérables et leur fournir des filets de sûreté. Mener des études à propos de ce type d’intervention peut alimenter la politique et les pratiques visant à bâtir des systèmes alimentaires résilients et nutritifs. Le projet NutriFish, dirigé par l’Université Makerere, en Ouganda, a accéléré l’élaboration d’une farine de maïs avec du mukene et des graines nutritives d’amarante afin de contribuer à la lutte nationale contre la COVID-19. Plus de 2,5 tonnes de cette farine nutritive ont été distribuées comme complément alimentaire à des mères qui allaitent dont les enfants ont été admis dans une unité de réhabilitation nutritionnelle. 

Un projet visant à élaborer des systèmes d’irrigation plus efficaces au Mozambique, dirigé par l’Université Eduardo Mondlane, stimule la production en aidant les agriculteurs participants (dont 38 % sont des femmes) à accéder aux intrants agricoles au moyen de systèmes de crédit et d’épargne. L’Institut éthiopien de recherche agricole fait de même en ce qui concerne la culture de sorgho résistant à la sécheresse. Ces filets de sûreté contribueront à réduire les répercussions de la crise et à assurer la continuité de la recherche ayant un effet bénéfique sur les petits exploitants agricoles dans chaque pays.

Diversification des partenariats

Les partenariats sont importants en temps normal. Ils le sont encore davantage en temps de crise. Le youth agripreneurship project (projet d’agroentrepreneuriat pour la jeunesse) a ajusté son modèle de mentorat. Il est passé d’une interface physique à une plateforme virtuelle après des négociations avec les fournisseurs de service Internet afin d’obtenir des forfaits Internet subventionnés pour les jeunes participants et leurs mentors. Il était important d’élargir le partenariat pour inclure Safaricom PLC et Telkom Kenya afin d’assurer le caractère inclusif du nouveau modèle.

Le projet dirigé par l’ICIPE portant sur les téphrites envahissantes en Afrique du Sud a révélé que les agriculteurs perdent leurs récoltes en raison de l’inaccessibilité des marchés. En conséquence, le projet fournit une formation aux agriculteurs sur la transformation des fruits et des légumes après la récolte afin d’augmenter la disponibilité d’aliments nutritifs dans les périodes de crise et de rareté. Il établit également le lien entre les agriculteurs et les entreprises de transformation, fournissant ainsi à ces petits exploitants agricoles un marché fiable et une source de revenus.

Conséquences pour la recherche à venir sur les systèmes alimentaires

En réaction à la pandémie de COVID-19 et aux répercussions des mesures visant à en freiner la propagation, les chercheurs travaillant en partenariat avec les agriculteurs et le gouvernement peuvent contribuer à rendre les systèmes alimentaires plus résilients. Une telle résilience est nécessaire en Afrique de l’Est et du Sud pour faire face aux défis présentés par d’autres catastrophes, naturelles ou provoquées par l’activité humaine, telles que les inondations, la hausse ou la baisse du niveau des lacs principaux, les invasions de criquets et les sécheresses prolongées. La recherche interdisciplinaire, les partenariats et la collaboration multipartites et les approches intégrées dans tous les secteurs seront importants pour l’avenir de l’alimentation.   

La pandémie de COVID-19 a renforcé le sens des responsabilités et le partenariat entre l’ACIAR et le CRDI afin de soutenir le CultivAf. Les deux organisations sont déterminées à apprendre l’une de l’autre et des partenaires de recherche, et à renforcer les systèmes scientifiques dans les pays du Sud.  

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