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Le savoir offre aux jeunes des milieux urbains d’autres possibilités que la criminalité

 

Qu’arrive-t-il lorsque les jeunes n’ont pas accès à l’éducation et à des emplois intéressants, et qu’ils n’entrevoient pas d’avenir sûr ? Quelles sont les conséquences pour les jeunes qui sont exclus et marginalisés par les politiques injustes de leur gouvernement, et par les idées fausses de leur propre collectivité ? Existe-t-il un lien entre le chômage chez les jeunes et la violence chez les jeunes ?

La recherche subventionnée par le CRDI est axée sur les liens entre ces questions et l’augmentation de la violence chez les jeunes dans plusieurs régions du monde. Par ces analyses, on examine diverses approches visant à améliorer la vie des jeunes en établissant des politiques qui favorisent l’emploi, les possibilités d’éducation et l’inclusion sociale.

Sortir de l’école pour entrer dans la criminalité

Les conclusions de plusieurs projets menés dans le cadre de l’initiative Villes sûres et inclusives, financée par le CRDI et le Department for International Development du Royaume-Uni, révèlent que les politiques gouvernementales ne se sont pas adaptées à la réalité changeante des villes d’Afrique et sont même devenues des déclencheurs de la violence chez les jeunes. Le nombre de gangs de jeunes augmente constamment et l’âge de leurs membres n’a jamais été aussi bas. Une recherche menée dans 10 villes au Ghana, en République démocratique du Congo, et en Côte d’Ivoire a révélé que des garçons et des filles âgés de seulement 10 ans sont recrutés par des gangs criminels violents. Les enfants et les jeunes qui consomment des drogues et apprennent à avoir recours à la violence pour survivre dans les rues sont plus nombreux que prévu, et ils sont également beaucoup plus jeunes que prévu.

Il y a environ 1,8 milliard de jeunes âgés de 10 à 24 ans dans le monde, ce qui représente la plus importante population de jeunes jamais enregistrée, selon les Nations Unies.

Les gouvernements nationaux et les administrations locales se renvoient la balle quand vient le temps de déterminer qui est responsable de la sécurité à l’échelle régionale et où trouver les ressources pour maintenir l’ordre dans une population urbaine en constante croissance. Les politiques d’exclusion des gouvernements liées au logement social, à l’éducation et à la planification familiale ont besoin d’être revues. En RDC, par exemple, chaque femme donne naissance en moyenne à 10 enfants. En raison du taux élevé de naissances au pays, les maisons sont remplies de jeunes oisifs qui sont devenus la force motrice de l’évolution vers la violence. Exclus du système d’éducation en raison de la pauvreté et des inégalités socioéconomiques, les jeunes, principalement les garçons, perçoivent le recours à la violence comme une notion de vie importante. Bon nombre de ces jeunes membres de gangs, tels que les Microbes à Abidjan ou les Kuluna à Kinshasa, se considèrent comme « socialement morts » et se tournent vers la vie de gang pour avoir un sentiment d’appartenance à la collectivité. « Ils m’ont dit qu’ils sont “capables de choses incroyables” sous l’effet des drogues largement disponibles », explique Francis Akindes, professeur à l’Université Alassane Ouattara, à Abidjan (Côte d’Ivoire), qui a interviewé des membres du gang Microbes.

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Des femmes enceintes
SVEN TORFINN / PANOS
Les taux de naissance très élevés en République démocratique du Congo (en moyenne 10 enfants par femme) combinés au manque de ressources ont entraîné une augmentation de la marginalisation et de l’exclusion sociale des jeunes au pays.

Alors que les garçons ont tendance à avoir recours à la violence, les filles agissent souvent comme dépisteuses pour les gangs en ciblant et attirant les victimes potentielles et en surveillant les policiers. Puisque les gangs recrutent des filles, les structures familiales sont reproduites dans le contexte du gang, les filles et les garçons tissent des liens, se marient et ont des enfants qui grandissent dans cette sous-culture violente et précaire.

Les politiques de sécurité étatiques en Amérique centrale qui misent sur la répression de la criminalité, plutôt que sur des possibilités sociales et économiques ciblées, jouent en faveur du crime organisé et de l’augmentation de la violence chez les jeunes. Une recherche subventionnée par le CRDI dans le cadre d’un projet mené au Guatemala, en El Salvador et au Honduras a révélé que la grande majorité des jeunes sont marginalisés et exclus du marché du travail et du système d’éducation, n’ont pas accès à des services de qualité et subissent de la violence, à la maison et dans leur collectivité.

Les gangs ne sont pas tous créés égaux, comme l’ont montré nos partenaires en Amérique latine. Certains gangs ont pour but de combler les lacunes des services d’ordre et de sécurité, alors que d’autres sont étroitement liés au crime organisé transnational. Il peut être difficile d’établir une distinction entre ces deux types de gangs; certains jeunes rejoignent des gangs dans le but d’accroître la sécurité au sein de leur collectivité, mais en viennent rapidement à extorquer de l’argent pour offrir leur protection. Dans les politiques publiques, il faudrait éviter de considérer les membres de gangs comme de simples criminels et chercher plutôt des moyens de sortir les jeunes des gangs avant qu’ils ne deviennent violents.

Des solutions pour un avenir meilleur

Les chercheurs en Amérique du Sud en sont venus à la conclusion que la prévention de la violence, les possibilités d’emploi et les services de qualité sont des tactiques plus efficaces que la répression, et qu’une justice axée uniquement sur le châtiment et l’emprisonnement ne fonctionne pas. Les pratiques de maintien de l’ordre doivent être modifiées pour respecter les droits de la personne fondamentaux, offrir de l’aide en santé mentale aux jeunes, et instaurer un climat de confiance au sein des collectivités.

En Afrique occidentale et centrale, nos partenaires de recherche proposent de reporter l’âge de scolarité obligatoire, pour éloigner les enfants de la rue et les ramener sur les bancs d’école. De plus, l’apport d’améliorations aux logements sociaux dans les bidonvilles et le développement des programmes de planification familiale permettront de créer des familles et des foyers stables et accueillants pour les enfants. Pour réussir à contrer la violence chez les jeunes, l’État et les collectivités doivent assumer ensemble la responsabilité de bâtir un avenir meilleur pour les jeunes.

La plus grande concentration de jeunes au monde se trouve dans les pays en développement. Les jeunes composent la majorité de la population dans les 48 pays les moins avancés de la planète.

En Amérique latine, le partenaire du CRDI, Interpeace, a invité les intervenants à l’échelle locale, régionale et nationale (y compris les jeunes, les églises, les membres de la collectivité et de la société civile, le secteur privé et les administrations locales) à prendre part à un processus consultatif visant à promouvoir le changement dans les politiques publiques.

L’adoption d’une approche visant la promotion d’un meilleur accès à l’éducation, à l’emploi, à la justice et aux services pour réduire la violence a mené à la modification des politiques au Guatemala et au Honduras et à la création d’un groupe de travail centraméricain voué aux jeunes.

Créer des espaces plus sûrs pour les jeunes

Le CRDI continue de se pencher sur la vulnérabilité économique et le lien qui existe entre le manque de possibilités d’emploi et la violence en Afrique et en Amérique latine. En Afrique occidentale, on réalisera un projet axé sur les solutions visant à comprendre comment les jeunes peuvent éviter les pièges de la violence et de la criminalité, ainsi que leur capacité de résister à la tentation de mener une vie de violence.

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le CRDI aide la jeunesse arabe à faire face aux difficultés liées à la précarité et à l’exclusion dans cette partie du monde. À court terme, cette approche permettra de stabiliser la situation et de renforcer la résilience, et à long terme, de surmonter les difficultés liées à la politique et à la sécurité. Dirigé par l’Initiative de réforme arabe, le projet étudiera les droits des jeunes noirs et GLBT, les droits civiques, la gouvernance en zone de conflit et la participation politique alternative en Tunisie, au Liban en Algérie et en Syrie.

Le CRDI a également établi un partenariat avec la Fondation Carlos Slim pour renforcer la sécurité chez les jeunes qui risquent de commettre des actes de violence et d’intégrer le crime organisé. Ce projet permet de réunir des spécialistes, des fonctionnaires, des jeunes et des chefs de file de la société civile du Mexique et de l’Amérique centrale pour réduire les inégalités sociales qui engendrent des risques pour les jeunes.

La participation des jeunes aux processus politiques et leur leadership à cet égard sont des facteurs essentiels qui favorisent une meilleure reddition de comptes et une plus grande transparence en matière de gouvernance.