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L’autonomisation économique des femmes en Afrique de l’Est

 

L’Afrique de l’Est est la région du continent qui a connu la croissance la plus rapide, ses économies nationales enregistrant une progression annuelle de 6 à 10 %. Pourtant, malgré cette croissance impressionnante, la région connaît des taux de pauvreté élevés, aggravés par les inégalités sous-jacentes entre les sexes. La pandémie de COVID-19 a exacerbé ces défis. Au moment où la région doit composer avec les répercussions économiques et sociales de la pandémie, il est plus important que jamais de renforcer l’autonomisation économique des femmes.

L’initiative Croissance de l’économie et débouchés économiques des femmes (CEDEF) – Afrique de l’Est vise à stimuler un changement transformateur pour faire progresser l’égalité des sexes dans le monde du travail. L’initiative a publié une série d’études visant à mieux comprendre le contexte entourant l’élaboration de politiques d’autonomisation économique des femmes dans la région et les pays ciblés : l’Éthiopie, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda. Le survol régional a examiné la documentation et les données existantes sur les causes et les effets de la ségrégation du marché du travail, l’impact du travail non rémunéré dans le domaine des soins sur l’autonomisation économique des femmes en Afrique de l’Est, et le potentiel des collectifs de femmes à améliorer les débouchés pour les femmes.  

Situation économique des femmes en Afrique de l’Est 

Bien que les femmes participent activement aux marchés du travail dans toute l’Afrique de l’Est, elles sont loin derrière les hommes dans tous les pays, sauf le Rwanda, leurs taux de participation allant d’un minimum de 67 % en Ouganda à un maximum de 84 % au Rwanda, selon les estimations de l’Organisation internationale du Travail.

Afrique de l’Est – Taux de participation à la main-d’oeuvre par sexe en 2019

SOURCE : ESTIMATIONS MODÉLISÉES DE L’OIT
SOURCE : ESTIMATIONS MODÉLISÉES DE L’OIT

La ségrégation des sexes sur le marché du travail est profondément enracinée dans toute la région. Les femmes sont surreprésentées dans l’économie informelle, et la détresse financière ou le besoin de concilier travail et obligations familiales les amènent souvent à rechercher des débouchés dans l’agriculture ou le commerce. Les emplois formels sont d’ailleurs aussi dominés par les femmes dans ces mêmes secteurs, ainsi que dans l’industrie hôtelière. Les femmes ayant un emploi formel sont plus susceptibles d’occuper des postes de soutien administratif ou de service et de vente plutôt que des emplois bien rémunérés. 

Dans tous ces pays, il existe certaines industries qui emploient plus de femmes que d’hommes, comme le textile en Éthiopie ou la construction de routes au Rwanda. Toutefois, même dans ces secteurs, les femmes sont plus susceptibles d’occuper des emplois moins bien rémunérés et ont deux fois moins de chances d’occuper des postes de direction, professionnels ou techniques. La relégation des femmes au travail informel et aux échelons inférieurs de certaines industries formelles limite leur potentiel de rémunération, la stabilité de leurs revenus et leurs possibilités d’améliorer leur bien-être. Elle peut également décourager la participation des femmes au marché du travail et limiter leur potentiel en même temps que la croissance économique.

Comment combattre la ségrégation professionnelle

La ségrégation professionnelle fondée sur le sexe est ancrée dans les normes sociales et aggravée par la discrimination et la ségrégation en matière d’éducation. Elle est aussi fortement influencée par la prestation de soins non rémunérée, car les femmes sont souvent limitées à des activités économiques qui leur permettent de gagner un revenu tout en s’acquittant de leurs responsabilités familiales. En Afrique de l’Est, les femmes passent deux à cinq fois plus d’heures que les hommes à s’occuper des enfants, des personnes âgées et des malades, ainsi qu’à effectuer d’autres tâches non rémunérées.  

Cette ségrégation du travail a mené à une détérioration disproportionnée des débouchés économiques des femmes dans le contexte de la COVID-19. En effet, cette crise mondiale a perturbé les marchés, interrompu les chaînes d’approvisionnement et forcé des millions d’entreprises en Afrique de l’Est à fermer ou à réduire leurs activités. Les industries les plus touchées par ces fermetures embauchent plus de femmes, notamment dans les domaines du tourisme, de la restauration et de l’hébergement. 

Le renforcement des compétences et les efforts visant à réduire la ségrégation dans l’éducation pourraient contribuer à éliminer la ségrégation professionnelle fondée sur le sexe dans le secteur formel. On peut aussi combattre la ségrégation en imposant des quotas de femmes dans les postes de direction et de cadres supérieurs. Des politiques de soutien aux mères qui travaillent, telles que les congés familiaux payés et les horaires flexibles, permettent à un plus grand nombre de femmes d’entrer sur le marché du travail formel. Toutefois, pour soutenir celles qui restent dans le secteur informel, la création de nouveaux débouchés nécessitera un changement dans les normes sociales et la fin de la discrimination.

Réduire la charge de travail non rémunéré des femmes

On peut combattre la répartition inéquitable de la prestation de soins non rémunérée en réduisant cette charge ou en la redistribuant. Au chapitre de la redistribution, les initiatives de formation qui renforcent la capacité des femmes à mener des négociations au sein de leur ménage ou qui encouragent les hommes à reconnaître le travail, rémunéré ou non, des femmes se sont avérées efficaces dans les quelques contextes où elles ont été étudiées. Il faut davantage de données sur l’efficacité de la mise en oeuvre et sur l’incidence de ces efforts.

L’amélioration des infrastructures et la fourniture de soins subventionnés peuvent également réduire la prestation de soins non rémunérée par les femmes au sein du ménage. Cependant, les preuves de l’efficacité de ces solutions sont limitées, car celles-ci n’ont été testées qu’à quelques endroits. En outre, le manque de données de qualité et ventilées par sexe sur l’emploi du temps dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Est empêche les chercheurs d’évaluer l’ampleur réelle du travail non rémunéré des femmes et la façon dont il varie entre les milieux urbains et ruraux ou entre les économies.  

Le pouvoir des collectifs de femmes

Dans les secteurs formel et informel, les collectifs au service des femmes mènent à l’amélioration des débouchés économiques et des revenus en Afrique de l’Est. Bien que leur fonction et leur forme varient – des coopératives agricoles aux organisations professionnelles – les collectifs de femmes permettent aux participantes de mettre en commun leurs voix et leurs ressources pour plaider en faveur d’une amélioration des possibilités. Ils combinent souvent la formation, l’accès aux ressources ou la mise en réseau avec des actions économiques habilitantes comme l’épargne ou le marketing.

Les collectifs de femmes se sont révélés efficaces pour améliorer les revenus, tout en renforçant l’autonomie de leurs membres grâce à l’épanouissement personnel. Plusieurs évaluations de l’incidence ont mesuré l’efficacité des collectifs de femmes dans des contextes spécifiques, mais des évaluations stratégiques sont requises pour tester quels types d’organisations seraient les plus efficaces dans chaque lieu. 

Répercussions de la recherche et de l’établissement de politiques 

L’analyse montre qu’il existe un large éventail de politiques et de programmes visant à renforcer l’autonomisation économique des femmes en Afrique de l’Est. Si certains se sont avérés efficaces dans certains contextes et pourraient être adaptés à d’autres situations locales, d’autres nécessitent davantage de recherches. Parmi les priorités en matière de recherche et de politiques visant à faire progresser l’autonomisation économique des femmes dans la région, citons : 

Les réformes législatives appuyant l’autonomisation des femmes 

Les efforts en cours pour améliorer la condition, les droits à l’héritage et les pensions des femmes sont les principales étapes qui restent à franchir pour institutionnaliser les droits des femmes en Afrique de l’Est.

Des solutions intégrées pour éliminer la ségrégation dans l’éducation, s’attaquer au problème des soins non rémunérés et réduire la discrimination  

La diversification des débouchés économiques des femmes exige aussi des politiques et des programmes visant à éliminer la ségrégation dans l’éducation et à réduire la discrimination en matière d’emploi. Dans les secteurs informels, la transformation des normes sociales demeure la stratégie la plus efficace.

Exploiter le succès des collectifs de femmes 

Les décideurs politiques et les responsables de la mise en oeuvre de programmes devraient prendre note de l’efficacité des collectifs de femmes à améliorer les résultats économiques des femmes et leur capacité d’agir. Par exemple, il a été démontré que les coopératives agricoles qui améliorent l’accès aux intrants et aux marchés permettent aux femmes de sortir de la pauvreté en Ouganda, dont le plan de développement national souligne l’importance d’une agriculture plus efficace.

La recherche pour combler les principales lacunes en matière de données 

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les facteurs de réussite et suivre les progrès de l’autonomisation économique des femmes. Parmi les principales lacunes en matière de données, citons l’emploi des femmes par profession et par activité économique en Éthiopie et en Tanzanie, où ces données ne sont pas actualisées. Ces statistiques aideront les chercheurs et les responsables de la mise en oeuvre à suivre les progrès et à comprendre toute l’étendue et la nature des possibilités économiques pour les femmes. 

Obtenir des données nationales et locales sur ce qui fonctionne 

Les données probantes confirment que l’adaptation aux réalités nationales et locales est un facteur déterminant de la recherche et de l’élaboration de politiques efficaces, certains programmes fonctionnant dans un contexte, mais pas dans d’autres. Afin d’aider les responsables de la mise en oeuvre à optimiser les moteurs de l’autonomisation économique des femmes et à réduire au minimum les obstacles dans chaque contexte, des études de moindre envergure telles que des évaluations de l’incidence, des évaluations des processus et des études qualitatives peuvent fournir des données précieuses sur ce qui fonctionne.

Ce survol régional a été commandité par CEDEF – Afrique de l’Est. Fruit d’un partenariat entre la Fondation Bill et Melinda Gates, la Fondation William et Flora Hewlett et le CRDI, ce programme s’appuie sur le succès de l’initiative concertée CEDEF.

CEDEF – Afrique de l’Est a aussi commandité des documents d’orientation pour chacun de ses pays d’intérêt. Ces documents constituent une base de référence qui permettra de suivre les progrès de la mise en oeuvre du programme.

Lire le survol régional au complet

Lire les notes de synthèse par pays : 

Éthiopie
Kenya
Rwanda
Tanzanie
Ouganda

 

Faits Saillants

Les priorités pour faire progresser l’autonomisation économique des femmes en Afrique de l’Est comprennent ce qui suit : 

  • Des réformes législatives appuyant l’autonomisation des femmes 
  • Des solutions intégrées pour éliminer la ségrégation dans l’éducation, s’attaquer au problème des soins non rémunérés et réduire la discrimination 
  • La recherche pour combler les principales lacunes en matière de données
  • Des données nationales et locales sur ce qui fonctionne