Assurer l’accès aux soins de santé au Bangladesh

Malgré l’extrême pauvreté au Bangladesh, ce dernier a réalisé d’énormes progrès en vue d’améliorer la santé des femmes et des enfants. Depuis le milieu des années 1980, le taux de mortalité maternelle a chuté d’un tiers.
De plus, au cours de la dernière décennie, le taux de mortalité infantile a diminué de moitié. L’amélioration de l’espérance de vie, l’augmentation de la couverture vaccinale, et la lutte contre la diarrhée et la tuberculose font également partie de cette histoire de réussite remarquable.
Malgré tout, le pays est encore loin de son objectif visant à atteindre une couverture santé universelle. D’ici 2032, le Bangladesh vise à fournir à l’ensemble des citoyens et des collectivités les services de santé dont ils ont besoin, à un prix raisonnable. Parmi les défis liés à l’atteinte de cet objectif, il y a l’urbanisation rapide, la pauvreté extrême et la nutrition inadéquate.
L’augmentation en flèche des maladies non transmissibles (MNT) chroniques, particulièrement chez les pauvres, exacerbe ces défis. Selon les estimations, les MNT, qui comprennent le diabète, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires et les cancers, représentent maintenant la moitié de l’ensemble des décès chaque année. Le traitement de ces maladies exige un effort soutenu. Malheureusement, le système de santé actuel dépend en grande partie des frais imposés aux particuliers que les pauvres n’ont pas vraiment les moyens d’acquitter.
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) pourraient aider à fournir des soins de santé abordables et de qualité aux populations les plus vulnérables. Toutefois, les recherches menées au Bangladesh ont démontré que, pour être efficaces, les nouveaux outils doivent être soutenus par des cadres adaptés au contexte local qui intègrent les questions de l’équité en santé, de la gouvernance et de la responsabilisation dans la conception, la prestation et l’évaluation des programmes.
Fonder de grands espoirs sur les TIC
Les difficultés d’accès à des services de santé de qualité ainsi que les coûts élevés menacent l’élan pris par le Bangladesh en vue d’atteindre la couverture santé universelle. Une importante pénurie du personnel de la santé qualifié ainsi que la répartition inégale de celui-ci constituent des obstacles majeurs: seulement 25% des travailleurs de la santé fournissent des services dans les régions rurales, même si 70% de la population y habite.
Étant donné cette pénurie et les tendances au chapitre de la répartition du personnel de la santé, il y a eu un intérêt croissant à l’égard de l’utilisation des TIC, surtout les téléphones cellulaires, pour améliorer l’accès à des soins de santé abordables. Dans les pays développés et en développement, ces technologies sont de plus en plus utilisées pour fournir divers services de santé, que l’on appelle souvent la « cybersanté », ou la « santé mobile » lorsqu’ils dépendent de technologies mobiles.
Les activités relatives à la cybersanté et à la santé mobile ont été lancées à la fin des années 1990. Une étude de ces services qui a été menée par des chercheurs de l’International Centre for Diarrhoeal Disease Research du Bangladesh (ICDDR,B), avec le financement du CRDI, a permis de cibler plus de 50 interventions de ce genre. Cette liste d’interventions indique que le gouvernement du Bangladesh est le plus important bailleur de fonds pour les projets de cybersanté, suivi des organisations bilatérales, multilatérales et du secteur privé.
Un secteur chaotique
Le gouvernement a mis en place une infrastructure de cybersanté de base dans différentes parties du système de soins de santé. De plus, il a élaboré une ébauche de lignes directrices pour les normes en matière de cybersanté et un cadre d’interopérabilité pour réduire le chevauchement des efforts et faciliter le partage de renseignements entre les initiatives. Le Cabinet n’a pas encore adopté ces mesures.
Le gouvernement a déployé peu d’efforts pour coordonner ou réglementer l’élaboration des initiatives de cybersanté et de santé mobile par les intervenants non gouvernementaux. Il n’existe aucune norme concernant les types de services qu’une entreprise peut fournir, les qualifications des personnes qui fournissent des conseils, la propriété des entreprises, ou les politiques d’établissement des prix. Cela soulève des questions sur la façon dont les pauvres sont encouragés à utiliser les services ainsi que des questions quant à savoir si ces services peuvent répondre à leurs besoins sans augmenter leurs dépenses en matière de santé.
Dans le cadre de ce projet, l’ICDDR,B a constaté que peu de projets avaient établi un cadre de suivi et que moins d’un quart d’entre eux avaient entrepris une évaluation. La plupart des initiatives utilisaient un système d’information en matière de gestion de santé pour assurer le suivi de la mise en oeuvre, mais ces systèmes ne permettaient pas de partager efficacement les renseignements. Par ailleurs, les chercheurs ont constaté que très peu de personnes au Bangladesh avaient suivi une formation en matière de mise en oeuvre ou de gestion de la cybersanté.
Plus important encore, malgré les objectifs d’atteindre les pauvres et d’adopter une couverture santé universelle, peu de projets ont examiné les questions de l’équité en santé, de la responsabilisation ou de la gouvernance dans leur conception, leur mise en oeuvre ou leur évaluation.
Un cadre en 10 points pour l’équité et la responsabilisation
En s’appuyant sur ces renseignements, l’équipe a élaboré un cadre pour intégrer les considérations concernant l’équité, la responsabilisation et l’intégration des systèmes à la conception, à l’élaboration et à l’évaluation des projets en matière de cybersanté. Elle a déterminé dix critères pour examiner les projets: la vision stratégique, la participation, la transparence, la réactivité, l’équité, l’éthique, la gouvernance de l’information, la primauté de la loi, le rendement et la durabilité.
Une équipe composée de responsables des politiques à l’échelle nationale et internationale, de représentants du secteur privé, d’universitaires et de chercheurs, ainsi que de membres de l’industrie des télécommunications, s’est réunie pour discuter du cadre et le valider. Après avoir examiné cinq types de projets en matière de cybersanté, l’équipe a constaté qu’aucun d’entre eux ne comportait des normes juridiques et réglementaires. Par exemple, il n’y a aucune ligne directrice claire en matière d’éthique qui aborde les questions telles que la participation de praticiens de la santé non qualifiés aux téléconsultations ou la prescription de médicaments à distance sans voir le patient. De plus, il n’existe aucune loi ni aucun principe directeur servant à régir l’élaboration et la diffusion des messages texte concernant la santé. L’absence de normes a de profondes répercussions sur l’équité en santé, l’éthique et la responsabilisation.
Les chercheurs ont également constaté que la plupart des initiatives avaient été élaborées de manière isolée. Par conséquent, les données sur la santé et d’autres renseignements protégés n’ont pas été partagés entre les systèmes servant des populations semblables ou traitant des problèmes de santé semblables; il n’y avait aussi aucune ligne directrice concernant la gestion des données et des renseignements, comme la confidentialité des données.
Aider les projets à atteindre leurs objectifs
L’étude a aussi révélé une profonde inégalité en ce qui concerne l’utilisation des services existants. Même si les téléphones cellulaires sont répandus au Bangladesh, ceux-ci sont rarement utilisés pour rechercher des renseignements en matière de santé. Ce sont les adultes instruits et plus jeunes qui les utilisent à cette fin.
Ces préoccupations et le cadre ont été largement diffusés, y compris au moyen d’un cours portant sur « la cybersanté au service de la couverture santé universelle » à l’intention des fonctionnaires, des personnes responsables de la mise en oeuvre provenant du secteur privé, des établissements universitaires, des entreprises de télécommunication, et des instituts de recherche. Comme le concluent les chercheurs, les éléments appropriés sont mis en place au Bangladesh afin de tirer parti des TIC dans le but d’améliorer les soins de santé. Toutefois, l’application courante des TIC qui est imprévue et non réglementée entraîne une mauvaise utilisation des ressources, une plus grande fragmentation du système de santé, et une certaine désillusion au sein des décideurs, des fournisseurs de soins et des citoyens.
Le nouveau cadre aidera toute nouvelle initiative à réaliser ses objectifs. De plus, il assurera que le gouvernement ainsi que les personnes responsables de la mise en oeuvre de la cybersanté tiendront compte de l’équité et de la responsabilisation lors de la conception de nouveaux projets; il s’agit d’étapes importantes pour atteindre une couverture santé universelle.


